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HUMANITIES RESEARCH COUNCIE
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BRAZIL COLLECTION
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LE BRÉSIL
[ EN 1889 j
AVEC UNE CARTE DE L'EMPIRE EN CHROMOLITHOGRAPHIE
DES TABLEAUX STATISTIQUES, DES GRAPHIQUES
ET DES CARTES
OUVRAGE l'UBLTE PAR LES SOINS DU
SYNDICAT DU COMITÉ FRANCO-BRÉSILIEN
POUR L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE PARIS
Avec la Collaboration de nombreux écrivains du Brésil
SOUS LA. DIRECTION DE
M. F.-J. DE SANTA-ANNA NERY
PARIS
] LIBRAIRIE CHARLES DELAGRAVE
15, RUE SOUFFLOT, 15
i
LE BRÉSIL
EN 1889
COMPIEGNE
IMPRIMERIE HENRY LEFEBVRE
31, RUE SOLFER1NO, 31
LE BRÉSIL
EN 1S89
AVEC UNE CARTE DE L'EMPIRE EN CHROMOLITHOGRAPHIE
DES TABLEAUX STATISTIQUES, DES GRAPHIQUES
ET DES CARTES
OUVRAGE PUBLIE PAR LES SOINS DU
SYNDICAT DU COMITÉ FRANCO-BRÉSILIEN
POUR L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE PARIS
Avec la Collaboration de nombreux Écrivains du Brésil
SOUS L\. DIRECTION DE
M. F.-J. DE SAKTA-AMA KERY
PARIS
LIBRAIRIE CHARLES DELAGRAVE
15, RUE SOUFFLOT, 43
1889
Tous droits réserves
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in 2013 \
http://archive.org/details/lebrsilen188900sant
L'EMPIRE DU BRÉSIL
A L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889
Le projet de l'Exposition Brésilienne à Paris en 1889 a été,
dès son début, encouragé par S. M. l'Empereur du Brésil et
appuyé par l'opinion publique au Brésil.
L'idée première de la participation du Brésil à l'Exposition
Universelle de 1889, dans les conditions où elle a lieu, revient à
M. Amédée Prince. A son instigation, MM. Eduardo da Silva
Prado et F. J. de Santa Anna Nery firent appel aux Brésiliens
résidant à Paris, et M. E. Lourdelet, Président de la Chambre
syndicale des négociants-commissionnaires et E. Pector, prési-
dent de la Chambre syndicale des négociants-exportateurs, aux
Français en relations d'affaires avec le Brésil. De la réunion de
ces bonnes volontés et de ces amis sincères du Brésil et de la
France, naquit le Comité Franco-Brésilien, constitué à Paris le
14 mars 1888.
Ce Comité s'adressa aussitôt par dépêche à Rio-de-Janeiro, au
Président du Conseil des ministres, M. Joâo Alfredo Correa de
Oliveira, pour lui demander son appui, en même temps que M. le
vicomte de Cavalcanti, avant de partir pour le Brésil, se rendait
à Cannes et demandait à l'Empereur, au nom du Comité, son
haut patronage en faveur de l'Exposition Brésilienne. Une réponse
favorable du Président du Conseil ne se fit pas attendre, et Sa
Majesté daigna approuver et encourager les efforts du Comité.
M. le vicomte de Cavalcanti revint à Paris porteur d'une lettre,
adressée par Sa Majesté à M. Berger, Directeur général de l'Ex-
ploitation. Dans cette lettre autographe, l'Empereur faisait part
à M. Berger de son désir ce voir accorder un bon emplacement à
l'Exposition Brésilienne.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE PARIS 1889.
Jusqu'à ce moment, les Brésiliens et les Français qui portaient
un vif intérêt à la participation du Brésil à l'Exposition de 1889,
n'étaient pas certains devoir se réaliser leurs désirs.
En effet, au mois de septembre 1885, M. Antonio da Silva
Prado, ministre des Travaux publics au Brésil, avait déclaré au
Sénat que le Gouvernement se ferait représenter officiellement.
En mai 1887, M. Antonio da Silva Prado cessait de faire partie
du Cabinet brésilien, et le Gouvernement, en janvier 1888, décla-
rait au ministre de France à Rio-de-Janeiro, que l'Empire du
Brésil ne se ferait pas représenter à Paris. Le 10 mars 1888,
M. Antonio da Silva Prado revenait au pouvoir avec le nouveau
ministère. Cette circonstance, coïncidant avec les efforts faits à
Paris par le Comité franco-brésilien, semblait dès lors tourner à
l'avantage de l'Exposition Brésilienne.
M. le vicomte de Cavalcanti arriva à Rio-de-Janeiro au mois
d'avril et se mit aussitôt à l'œuvre, s'adressant aux producteurs,
faisant des voyages pour organiser des comités, pressant les
retardataires et décidant les hésitants.
D'accord avec M. le vicomte de Cavalcanti, le député Affonso
Celso proposa à la Chambre qu'une subvention d'environ
800.000 francs fût accordée au Comité franco-brésilien. Cette
proposition, combattue par quelques orateurs, fut défendue par
MM. Affonso Celso, Matta Machado, Carneiro da Cunha, Nabuco
et Penna, à la Chambre des députés, et par MM. Antonio da Silva
Prado et vicomte de Ouro-Preto, au Sénat, où elle fut approuvée.
En conséquence, le 18 juillet, fut publié le décret suivant:
Article premier. — Le Gouvernement est autorisé à dépenser
jusqu'à la somme de 300 contos de reis pour aider le Comité
franco-brésilien pour l'Exposition universelle de Paris et les
exposants brésiliens qui prendront part à la dite Exposition.
Art. 2. — Le Gouvernement fera les opérations de crédit
nécessaires pour cet objet.
Art. 3. — Toutes les dispositions contraires sont révoquées.
Antonio da Silva Prado, sénateur de l'Empire, membre du
conseil de Sa Majesté l'Empereur, ministre et secrétaire d'Etat,
de l'agriculture, du commerce et des travaux publics, est chargé
de l'exécution du présent décret.
Signé : Princeza Impérial Régente.
Signé : Antonio da Silva Prado.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE PARIS 1889.
La participation du Brésil à l'Exposition Universelle était dès
lors un fait accompli. A Rio-de-Janeiro, M. le vicomte de Caval-
canti avait obtenu un plein succès. A Paris, le Comité franco-
brésilien, continuant son œuvre, avait, sur un avis télégraphique
de M. le vicomte de Cavalcanti, constitué, en vingt-quatre heures,
par acte notarié, un syndicat de garantie, et son fondé de pouvoirs
à Rio-de-Janeiro, M. le vicomte de Figueiredo, signait avec le
Gouvernement brésilien un contrat en vertu duquel le syndicat
prenait à sa charge l'organisation de l'Exposition du Brésil au
Champ de Mars.
M. le vicomte de Cavalcanti organisa alors le Comité central
de Rio de-Janeiro. Ce comité mit un grand zèle et une patrio-
tique activité dans l'accomplissement de sa mission. Dans les
provinces les présidents et les particuliers réunirent leurs efforts
pour suivre l'exemple donné par la capitale de l'Empire. Des
commissions furent constituées ; quelques provinces leur accor-
dèrent des subsides spéciaux.
Le 11 décembre 1888, Sa Majesté l'Empereur ouvrait en
personne l'Exposition préparatoire à Rio-de-Janeiro et, répondant
à un discours de M. le vicomte de Cavalcanti, Sa Majesté exprima
son plaisir de constater dans cette Exposition les progrès de
l'industrie brésilienne.
Les hommes d'initiative qui ont eu foi dans cette entreprise
voient donc leurs efforts couronnés de succès. Tous les Brésiliens
venus à Paris pour visiter l'Exposition sont heureux et fiers de
voir que leur pays a pris une part si honorable à cette grande
lutte pacifique et en témoignent hautement leur vive satisfaction.
Le Brésil en i 889, dont la publication a été confiée au dévoue-
ment et aux soins éclairés de M. de Santa Anna Nery répondra
aux désirs du public désireux d'avoir des renseignements exacts
sur le Brésil.
M. de Santa Anna Nery a été très bien secondé par les collabo-
rateurs de cet ouvrage, MM. le baron de TefTé, membre corres-
pondant de l'Institut; H. Gorceix, le baron de Rio-Branco, le
baron de Itajubâ, Favilla Nunes, Mac-Dowell, L. Cruls, Morize,
R. de Oliveira, Eduardo Prado, Ladislao Netto, Ferreira de Araujo,
Leitao da Cunha, A. Rebouças et Alves Barbazo.
COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU BRÉSIL
A l'Exposition Universelle de 1889
Commissaire Général : Son Excellence M. le Vicomte de Cavalcanti,
sénateur, conseiller d'État.
Commissaires Généraux adjoints : M. E. Lourdelet, président de
la Chambre syndicale des Négociants-Commissionnaires de Paris ;
M. E. da Silva-Prado, avocat.
Secrétaire Général : M. Amédé Prince, vice-président de ia Chambre
syndicale des Négociants-Commissionnaires de Paris.
Commissaires : M. le Baron d'Albuquerque, ancien député ;
M. Carlos F. d'Almeida, négociant;
M. Eduardo Ferreira Cardozo, attaché à la Légation impériale du
Brésil ;
Son Excellence M. le Baron d'Estrella, chambellan de S. M.
l'Impératrice du Brésil ;
M. Uaymond-Benoist d'Etiveaud, négociant ;
M. le Vicomte de Figueiredo, président de la Banque Internationale
du Brésil ;
M. Adolpho Klingelhoefer, ancien négociant ;
M. C Pra, vice-président de la Chambre syndicale des Négociants-
Commissionnaires de Paris ;
M. D. Pector, président de la Chambre syndicale du commerce
d'exportation ;
M. F.-.I. de Santa-Anna Nery, directeur du journal V Amérique ;
M. R.-E. de Souza-Dantas, membre du Conseil de S. M. l'Empereur
du Brésil, ancien ministre d1État ;
M. Manoel-Augusto Teixeira, ingénieur.
COMMISSION DE PUBLICITÉ
Président : M. le Conseiller R.-E. de Souza-Dantas.
Secrétaire-Rapporteur : M. F.-J. de Santa-Anna Nery
Membres : M. le Baron d'Albuquerque ;
Son Excellence M. le Baron d'Estrella ;
M. E. da Silva-Prado.
AU LECTEUR
Pendant la dernière quinzaine du mois de
Novembre 1888, le Syndicat du Comité Franco-
Brésilien a bien voulu nous confier le soin d'éditer
les ouvrages destinés à faire mieux connaître le
Brésil actuel, à l'occasion de V Exposition Universelle
de 1889, à Paris. Moins de six mois nous séparaient
alors de la date marquée pour V inauguration de
cette grande fête internationale. Nous avons cru,
cependant, devoir accepter cette tâche aussi flatteuse
que diffiede. Nous n'aurions certainement pas pu la
mener à bonne fin si nous n avions pas trouvé en
M. F.-J. de Santa-Anna Nerg, l'écrivain brésilien
bien connu, un collaborateur d'un dévouement à toute
épreuve. C'est lui qui a réuni, en quelques mois,
malgré la distance qui nous sépare du Brésil, ce
groupe d'écrivains hors ligne qui nous a permis de
publier un livre absolument nouveau sur le Brésil
VIII AU LECTEUR.
actuel. C'est lui qui a composé quelques-unes des
monographies de ce livre, qui a revu tous les articles,
en ij ((joutant parfois des notes précieuses.
Chacun des chapitres de ce volume, écrit et
imprimé en quelques mois, a été traité par un spé-
cialiste, et, grâce à cette collaboration variée et
désintéressée, nous osons nous flatter d'avoir réussi
ce donner une idée assez exacte de la nouvelle
évolution qu'accomplit en ce moment le grand empire
de V Amérique du Sud.
L'ÉDITEUR.
INTRODUCTION
LE BRESIL ACTUEL
Par M. F.-J. DE SANTA-ANNA NERY
Les Expositions Universelles, que l'on a tant critiquées,
ont du moins l'avantage incontestable de permettre aux diffé-
rents États qui y prennent part d'établir une sorte de bilan
officiel pour la plupart des branches de leur production. Quelque
riche ou quelque pauvre que l'on soit, il est toujours utile de
connaître exactement le point de prospérité ou de décadence
où Ton se trouve. Pour cela, il suffit aux individus de mettre
en ligne de compte leur actif et leur passif. Il n'en va pas tout
à fait ainsi quand il s'agit des peuples. Afin d'apprécier avec
quelque précision leur état économique, il faut qu'ils le compa-
rent à celui de leurs voisins, car, dans la lutte internationale
du commerce et de l'industrie, tout n'est qu'affaire de relation
et de relations.
Les peuples ne sont plus, comme autrefois, des individua-
lités totalement indépendantes les unes des autres. Ils tendent
de plus en plus à composer un grand corps, un organisme
gigantesque, animé d'une vie pour ainsi dire isomorphe, sujet
à certaines commotions périodiques qui rébranlent, mais, en
même temps, participant, dans une large mesure, aux bienfaits
X LE BRÉSIL EN 18 89.
do la production universelle. Il y a communication des parties
au tout, et réaction du tout sur les parties, de sorte que l'étroite
solidarité économique de presque toutes les nations des deux
mondes constitue à la fois la raison de leur faiblesse et la
garantie de leur puissance.
Nous saisissons donc avec empressement l'occasion qui
nous est offerte de récapituler brièvement tout ce que le Brésil
a fait d'utile et de grand depuis quelques années, et nous ne
craignons pas de mettre en parallèle ses progrès avec ceux que
les autres nations du nouveau continent ont accomplis.
Il y a vingt-deux ans que l'on n'a vu le Brésil à Paris. Nous
voulons dire le Brésil tout entier, dans la variété et la mul-
tiplicité de ses produits. L'exhibition de ses cafés, qu'il a faite
au Palais de l'Industrie en janvier 1883, bien que réussie en
tout point et portant sur la culture la plus répandue de l'em-
pire, n'était qu'une Exposition partielle et ne pouvait donner
qu'une faible idée de la situation générale du pays.
En 1867, nous avons tenu avec un certain éclat notre place
d'exposants. En 1878, pour certaines raisons d'économie inté-
rieure, nous avons cru devoir nous abstenir. Cette année, si
nous ne nous présentons pas officiellement à Paris, du moins
y iigurons-nous en nombre et d'une manière satisfaisante.
C'est déjà beaucoup que la première nation latine du nou-
veau monde ait pu prendre son rang aux grandes assises
ouvertes en ce moment. Si elle a renoncé à un grand luxe d'éta-
lages et à une grande, profusion de décors dans son installation
du Champ de Mars, c'est qu'elle préfère Yêtre au imraîlre,
c'est qu'elle se contente de montrer modestement et sans
trompe-l'œil le chemin qu'elle a parcouru depuis l'Exposition
Universelle de 1867.
Le Brésil est venu à Paris, non pas pour en imposer aux
yeux, mais pour faire constater à la vieille Europe qu'il n'est
pas indigne, par ses progrès réalisés, d'entrer plus largement
encore dans le concert économique des grands États. Le Brésil
INTRODUCTION XI
est venu à Paris, non pas pour rechercher la vaine satisfaction
de récompenses honorifiques, mais pour nouer plus solidement
les liens qui rattachent à l'Europe, pour ouvrir de nouveaux
débouchés à ses matières premières, et surtout pour donner
confiance à tous ceux qui seraient prêts à le choisir pour leur
nouvelle patrie, à y porter leur travail ou à y faire fructifier leurs
capitaux.
Pour être Américains du Sud, nous n'en sommes pas moins
Américains, c'est-à-dire pratiques.
Mais par une coquetterie de nation libérale et latine le Bré-
sil n'a pas voulu se présenter à Paris, au moment du centenaire
delà Révolution française, sans lui apporter une preuve évidente
de son respect véritable pour les Droits de l'Homme et de ses
progrès dans la liberté, comme il l'avait déjà fait en 1867.
En effet, en 1867, le Brésil entrait à Paris en annonçant
qu'il ouvrait le grand fleuve de l'Amazone aux pavillons de
toutes les nations amies. En 1889, il y vient en montrant son
drapeau vert et or d'où a disparu la tache noire de l'esclavage.
Il y apporte une Bastille détruite, et l'affranchissement de plus
d'un million d'hommes. Il y apporte une Révolution faite d'hier,
et qui, elle, n'a fait verser que des larmes de reconnaissance.
En 1867, le Brésil, jeune encore, n'ayant pas même un
demi-siècle de vie autonome, ne donnait que des espérances :
il se présentait comme un État qui compte sur l'avenir pour
réaliser les longs espoirs et les vastes pensées. Ces espérances,
les réaliserait-il jamais? Ces promesses, les tiendrait-il un
jour ? Son avenir, de quoi serait-il fait? — Il vient aujourd'hui
apporter sa réponse.
En effet, depuis cette époque, si rapprochée de nous, cepen-
dant, il a conquis sa virilité; il a accompli tout ce qu'on atten-
dait de lui : et ce n'est pas sans une certaine fierté qu'il peut
exposer le fruit de ses efforts.
Le gros public ignorait alors presque entièrement le Brésil,
ou, du moins, il considérait comme une quantité des plus
XII
LE BRÉSIL EN 1889.
négligeables cet empire presque aussi vaste à lui seul que l'Eu-
rope Continentale. 11 circulait môme encore à notre endroit de
vieilles histoires qui nous reléguaient au rang de certains insu-
laires fort peu avancés en civilisation. Malgré de savants tra-
vaux publiés sur quelques-unes de nos régions et sur différentes
productions de nos contrées, nous demeurions aussi inconnus
que méconnus. Les livres des voyageurs, qui nous avaient
visités, restaient enfouis dans les bibliothèques, ou n'étaient
consultés que par un petit nombre de curieux. On faisait un
succès à certain pamphlétaire qui avait saisi et exhibé nos
ridicules avec autant d'ingratitude que d'esprit. On nous con-
fondait dédaigneusement avec les colonies. On ne connaissait
guère du Brésil que le Brésilien d'opérette, la fièvre jaune et les
serpents à sonnettes. Quant à son histoire, quant aux merveil-
leuses ressources qu'il renferme, on s'en préoccupait assez
peu. L'Amérique du Nord était tout et se recommandait à tous
les esprits. Quiconque aurait parlé d'émigrer au Brésil, eût été
pris pour un original ou pour un chimérique découvreur de
nouveaux mondes.
Les choses ont bien changé depuis. Nous avons été vulga-
risés. On s'est occupé de nous. Le Brésil a conquis l'attention.
Il a beaucoup fait parler de lui dans les journaux, dans les
ouvrages de toute sorte. Il a môme créé des sociétés d'études.
Grâce à toute cette publicité, grâce aussi aux Brésiliens qui
traversent la mer tous les ans pour venir en Europe, on sait
qui nous sommes, ce que nous valons et ce que nous voulons.
On sait que nous n'habitons pas aux antipodes, mais à quel-
ques jours de l'Europe, et qu'on peut nous venir voir sans qu'il
en coûte beaucoup et de la manière la plus confortable du
monde. Nous commençons, enfin, à être un peu plus connus
que tel petit pays des Balkans dont la presse européenne
décrit avec complaisance les révolutions tapageuses.
Ce progrès nous honore, car il est en grande partie notre
œuvre. C'est le Brésil qui a révélé le Brésil au monde. C'est
INTRODUCTION. XIII
lui qui s'est fait connaître en s'afiirmant partout. Il ne doit
guère sa nouvelle réputation qu'à lui-même.
Des régions, dont on parlait à peine il y a vingt ans, ont
grandi et ont pris leur place au soleil de la civilisation. Dans
le nord, l'Amazonie a surgi belle, séduisante, riche. Dans le
sud, San-Paulo a montré ce que peut le sang latin infusé dans
les veines d'un peuple du nouveau monde. De tous côtés, nos
provinces, animées d'une belle et noble émulation, ont déve-
loppé leurs ressources et se sont produites dans les luttes
économiques qui fortifient.
En 1867, nous l'avons dit, le grand fleuve de l'Amazone
était rendu libre et ouvert aux pavillons des nations amies.
A cette époque, les deux provinces baignées par cet Océan
d'eau douce, par cette mer intérieure, produisaient à peine
8 millions de kilogr. de caoutchouc. En ce moment, elles en
fournissent près de 16 millions de kilogs. En vingt-un ans la
production a été plus que quintuplée. Leurs revenus provin-
ciaux ont suivi la même progression : de un million de francs,
ils se sont élevés à 15 millions. Leur population a certainement
doublé. La province de Para a une exportation de 188 francs
par tête et par an; celle de l'Amazone en a une de 174 francs;
tandis que la République Argentine ira que 108 francs, et les
États-Unis de l'Amérique du Nord à peine 76 francs 60.
Qui connaissait, seulement de nom, la province de San-
Paulo, il y a un quart ce siècle ? Elle était perdue dans les infi-
niment petits. Ses revenus généraux et provinciaux attei-
gnaient à peine 5 millions : c'est le budget d'une petite ville de
France. Elle ne recevait pas d'immigrants. Son réseau de
chemins de fer sortait à peine des projets. San-Paulo n'existait
pas pour l'Europe. Hé bien ! ce coin de terre, situé dans le
Brésil méridional, fait aujourd'hui l'étonnement des écono-
mistes et leur prépare de nouvelles surprises. San-Paulo fournit
maintenant des revenus qui s'élèvent à la somme respectable de
32 millions de francs, et a presque accaparé l'immigration qui
XIV LE BRESIL EN 188 9.
se dirige vers le Brésil. Ses grandes cultures de café, son
climat et sou sol admirables, son initiative à la fois hardie et
pondérée lui ont attiré, l'année dernière, plus de cent mille
immigrants d'Europe. C'est la prospéritée assurée, car ce qui
manque le plus au Brésil, ce n'est pas la terre, ce sont les bras.
— La province de San-Paulo peut être avantageusement com-
parée à n'importe quel département français pour sa richesse,
ses exploitations rurales et son administration locale. Les voies
de transport y ont atteint un grand développement relatif, et
son réseau ferré, d'une étendue de près de 2.500 kilomètres,
a été construit, à l'exception d'une seule ligne, au moyen de
capitaux nationaux.
D'autres provinces que l'on connaissait à peine d'après les
cartes et dont on ignorait généralement les ressources — Gearâ,
Pernambuco, Bahia, Espirito-Santo, Minas-Geraes, Paranâ.
Rio-Grande-du-Sud, etc., — déploient une activité et une puis-
sance de travail qui n'ont pas été infécondes. Elles sont dans
le mouvement qui emporte le Brésil, par de nouvelles voies,
vers un but supérieur. Leur crédit s'affirme, tant à l'intérieur
qu'à l'extérieur, et il s'emploie à un usage reproductif, c'est-à-
dire au perfectionnement de leur outillage industriel.
Rien n'est laissé au hasard. Le génie de l'homme se prend
à tous les moyens de production et de circulation des richesses.
Ce sont des banques que l'on crée au profit des agriculteurs : ce
sont des crédits que Ton vote pour attirer et fixer l'immigration
européenne. Ici se construisent des fabriques et des usines des-
tinées à transformer sur place les matières premières innom-
brables qu'on envoyait autrefois en Europe et qui nous en reve-
naient pour être vendues dans le pays à des prix fort élevés.
Là, l'industrie locale nous rend de moins en moins tributaires
de l'Europe pour les objets manufacturés dont nous avons
besoin. Ailleurs, on défriche le sol et l'on essaie de nouvelles
cultures plus rémunératrices ou mieux appropriées aux néces-
sités locales ; on perfectionne ce qui est et l'on crée ce qui
INTRODUCTION. XV
manquait. Partoul règne et se déploie l'effort humain sur une
terre vierge et féconde.
On dirait que le géant de l'Amérique du Sud, assoupi pen-
dant si longtemps, se réveille enfin, animé du désir de tout
refaire à nouveau :jam novus nascitur or do.
Nous nous sommes aperçus que nous détenions un trésor,
et c'est à qui l'arrachera aux entrailles de notre terre.
Nos provinces accomplissent cette double évolution : de
l'état commercial, elles passent à l'état agricole et industriel
simultanément. Et, lorsque nous aurons de la sorte élargi notre
agriculture et développé notre industrie, notre commerce, qui,
jusqu'ici, ne reposait que sur des bases incomplètes, aura trouvé
ses véritables assises et acquerra une puissance considérable.
Si, maintenant, nous jetons un regard sur l'ensemble du
pays, nous sommes bien plus encore frappés de ses merveilleux
progrès, réalisés en moins d'un quart de siècle.
En 1867, la population du Brésil n'atteignait pas dix millions
d'habitants. Un sixième environ de cette population était com-
posé d'esclaves. — Le Brésil compte aujourd'hui quatorze
millions d'habitants au moins, et plus un seul esclave! Le mot
môme d'esclavage a disparu de notre pays, a été rayé de nos
lois. Il n'y a plus que des citoyens libres soumis aux mêmes
devoirs et jouissant des mêmes droits. Et, puisqu'il fut un
temps où l'on donnait une valeur vénale à des êtres créés, comme
nous, à l'image de Dieu, il faut dire ici que la libération de ce
million et demi d'hommes a coûté au Brésil trois milliards au
bas mot sans atteindre sa prospérité. Nous n'avons reculé
devant aucun sacrifice pour nous affranchir de cet héritage
douloureux de l'Europe, et nous avons arraché de nos épaules
cette tunique de Nessus, sans que le sang coulât, comme aux
États-Unis. Nous l'avons dépouillée au milieu des acclamations
d'un peuple qui fêtait son entrée définitive dans la civilisation,
et aux applaudissements du monde entier, qui semblait nous
être reconnaissant de tant d'audace.
XVI LE BRÉSIL EN 1889.
Cet acte de justice tardive ne saurait avoir pour le Brésil des
conséquences lâcheuses, comme nous essayons de le prouver
dans l'un des chapitres de ce livre. Cette transformation dans
la main-d'œuvre ne compromettra aucun des intérêts vitaux de
l'empire. Le travail libre, en remplaçant le travail servile, pro-
duira de meilleurs fruits. Il attirera vers nous le travailleur
européen. En effet, l'immigration a suivi une marche ascen-
dante à mesure que l'esclavage décroissait.
En 1867, il ne venait que 10.000 immigrants chez nous. —
En 1888, les deux seuls ports de Rio-de- Janeiro et de Santos en
ont reçu 132.000. Cette année-ci, le Brésil entier compte sur un
arrivage de plus de 150.000, et ce chiffre ira sans cesse en
croissant. Ces hôtes laborieux ne se contentent pas de nous
apporter le secours de leurs bras et de leur expérience ; ils
s'initient assez promptement à nos mœurs, et, séduits par
l'esprit libéral de nos lois, ils demandent assez souvent à entrer
dans la grande communion nationale. Nous recrutons des
citoyens dévoués, là ou nous n'espérions trouver que des colons
laborieux. C'est un double profit pour la patrie brésilienne.
De 1822, date de la proclamation de notre indépendance, jus-
qu'à 1867, soit en quarante-cinq ans à peine, 4.000 d'entre les
immigrants ont demandé des lettres de naturalisation. — De
1867 à mai 1888, soit en vingt ans, 6.395 d'entre eux sont
devenus Brésiliens. — De 1867 à 1883, la moyenne des natura-
lisations était de 88,8 par an. Elle est actuellement de 870
par an.
Il semble que, par une juste récompense, nous recevions
chaque jour le prix de notre généreuse action.
Si nous continuons à comparer l'état présent du Brésil avec
sa situation établie au moment de l'Exposition universelle de
L867, nous constatons dans tous les ordres de l'activité natio-
nate un progrès immense.
Ainsi, les recettes afférentes à l'État, aux provinces et aux
municipalités étaienl <l<i 233 millions de francs en 1867. — Elles
INTRODUCTION. XVII
B'êlèvent à rheuro actuelle à plus de 570 millions, et offrent une
plus-value de près de deux fois et demie.
Toutes les branches de l'administration ont contribué à ces
heureux résultats.
Les douanes, qui produisaient 200 millions en 18G7, four-
nissent aujourd'hui près de 300 millions de francs.
Les postes ont vu leur recette monter de 2 millions et demi
à 5 millions.
Les télégraphes, qui donnaient à peine 73.000 francs, rendent
aujourd'hui 6 millions.
En 1867, nous n'avions que 683 kilomètres de voies ferrées.
— Nous en avons maintenant près de 10 mille.
Alors, le Brésil était isolé du monde. — Aujourd'hui, des
fils terrestres et des câbles sous-marins le relient aux deux
Amériques, à l'Europe, au monde. Il peut correspondre avec
l'Univers.
Le téléphone a pénétré jusque dans F Amazonie, et les
tramways sillonnent les rues de toutes nos grandes villes.
Notre commerce et nos rapports de toute nature ont béné-
licié de tous ces progrès, de tous ces instruments de communi-
cation rapide.
Le commerce extérieur du Brésil était estimé, en 1867, à
900 millions. Il dépasse 1 milliard un quart.
Le développement de la navigation au long cours a été
parallèle à cet essor commercial.
En 1867, le nombre des navires au long cours et de grand
cabotage, entrés et sortis, était de 12.500, jaugeant ensemble
moins de ï millions de tonneaux. — En 1887, ce mouvement
maritime est représenté par 15.000 navires, jaugeant ensemble
10 millions de tonneaux, c'est-à-dire le triple.
Un autre grand agent commercial, la Banque de crédit et
d'escompte, s'est développé avec des capitaux considérables.
XVIII LE BRÉSIL EN 18 89.
Éd 1867, on comptait six banques à Rio-de-Janeiro et onze
dans les provinces. — Aujourd'hui, les deux seules places de
Jlio et de San-Paulo en ont autant que tout le Brésil d'alors.
Et partout on constate le môme progrès, incessant, sérieux,
profond, dans les arts, les lettres, les sciences, comme dans
l'agriculture, l'industrie et le commerce, -- dans la politique
môme et dans l'administration, comme dans l'économie sociale
et dans les connaissances humaines.
Le Brésil est en travail, et l'œuvre se poursuit sans bruit,
sans réclame. Il fuit les exagérations intéressées et se garde
des annonces mensongères. Il compte sur le temps et sur la
sagesse des hommes pour être apprécié comme il le mérite.
C'est à peine s'il nous a été permis d'enregistrer ici quelques
généralités sur ses progrès récents, et dresser l'inventaire de
ce qui a été fait dans ces dernières années. C'est à l'œuvre seu-
lement que l'on doit connaître l'ouvrier. Nous espérons, cepen-
dant, que de tout ce qu'on va lire il résultera la conviction pour
tous que le Brésil a beaucoup travaillé depuis vingt-cinq ans,
qu'il s'est élevé peu à peu, sans secousses violentes et aussi
sans orgueilleux transports de triomphe, et qu'il peut aspirer
à de hautes destinées. Ces destinées, il les atteindra sûrement
s'il persiste dans la même voie.
Nous avons fait beaucoup déjà; il nous reste encore plus â
faire. Il nous est impossible de nous arrêter sans compromettre
tout ce qui a été tenté jusqu'ici.
En avant donc \ Et pour le progrès !
Débarrassé de la plaie séculaire qui le rongeait, le Brésil
s'avance d'un pas ferme et décidé à la conquête de toutes les
nouveautés. Sans doute il porte encore au flanc les traces de la
vieille cicatrice noire ; mais, en disant à l'Europe qui lui avait
légué cette infirmité peut-ôtre nécessaire : Vide latus! il peut
INTRODUCTION. XIX
lui montrer du môme coup les remèdes qui l'ont guéri : la
liberté dans l'ordre, le travail dans la paix.
S'il ne lui est pas encore permis de monter au Capitole pour
rendre grâces aux dieux des grandes choses accomplies, il peut,
du moins, tout en se montrant modeste quand il se considère,
se dire lier quand il se compare !
CHAPITRE PREMIER
NOTIONS GÉNÉRALES
Situation, limites, superficie1. — Le Brésil est situé entre
5°10' nord et 33°45' sud, et, abstraction faite des îles de Fer-
nando-de-Noron.ha et de la Trindade, entre 8°19'26" est et
30°58':26" ouest, de Rio-de-Janeiro. Ses points extrêmes sont :
au Nord, la chaîne de montagnes ou serra de Roruima, aux
sources du Cotingo, affluent du Tacutu, par 5°10' nord et 17°35'
ouest de Rio-de-Janeiro; au Sud, la barre du Chuy, par 33°4&
sud et 10°:2i':27'' ouest; à l'Est, la pointe de Pedra, près
d'Olinda, par 8°0'57" sud et 8°19'16" est; à l'Ouest, les sources
du Javary, par 6°59W sud et 30°58'26" ouest de Rio-de-
Janeiro.
Ses limites sont : au sud-est, à Test et au nord-est, l'Océan
Atlantique ; au nord, les Guyanes française, néerlandaise et
anglaise, et le Venezuela; au nord-ouest, à l'ouest et au sud-
ouest, la Colombie, l'Equateur, le Pérou, la Bolivie, le Paraguay
et la République Argentine ; au sud, la République orientale
de l'Uruguay. Il a donc sur ses frontières tous les États et colo-
nies de l'Amérique du Sud, excepté le Chili.
Ses limites avec la république de l'Uruguay ont été définies
par les traités du 12 octobre 1851 (art. 3) et du 15 mai 1854
(art. 1er).
Avec la République Argentine, elles ont été stipulées par un
1. Nous nous sommes borné à résumer ici les notions données par
MM. J. Capistrano d'Abreu et A. do Valle-Cabral dans leur beau travail sur
la géographie de Wappaeus, qu'ils ont refondue dans la partie se rappor-
tant au Brésil.
2 LE BRÉSIL EN 18 89.
traité en date du 14 décembre 1857 (art. 1er). Mais ce traité n'a
pas été ratifié par la République, qui réclame comme limites les
rios Chapecô et Chopim. Les deux Etats sont en négociations
pour régler ces limites à l'amiable.
Avec le Paraguay, les limites ont été marquées définitive-
ment par le traité du 9 janvier 1872 (art. 1er).
Avec la Bolivie, les limites ont été tracées par le traité du
27 mars 1867 (art. 2).
Avec le Pérou, les limites ont été tracées en conformité avec
le traité du 23 octobre 1851 (art. 7).
Avec les États-Unis de Colombie, il n'y a pas de traité de
limites, celui du 25 juin 1853, proposé par le Brésil, n'ayant pas
été accepté par l'autre partie.
Avec le Venezuela, les limites ont été fixées par un traité en
date du 5 mai 1850 (art. 2).
Avec la Guyane française, l'article 107 du Congres de Vienne
(1815) et la Convention de Paris du 28 août 1817 ont établi la
limite à TOyapock entre 4° et 5° nord; l'Oyapock, jusqu'à sa
source, et, après, la chaîne de Tumucumaque sont les fron-
tières marquées sur la carte du Brésil de 1883. La France pro-
pose comme limite le canal de Carapaporis, qui sépare File de
Maracà des terres adjacentes au Cap Nord, depuis la branche
septentrionale de l'Araguary, si celui-ci n'a pas d'obstacles, et,
dans le cas où il serait obstrué, le premier cours d'eau en allant
vers le nord, lequel se jette, sous le nom de Manaye ou Carapa-
poris, dans le canal de ce nom, par 1°45' nord. En 1841, le terri-
toire contesté, connu sous le nom de Mapa ou Amapâ, a été neu-
tralisé, et en 1862 les deux pays échangèrent des déclarations
positives à ce sujet dans l'arrangement conclu entre eux pour le
jugement des criminels et signé à Paris le 28 juin 1802.
Avec la Guyane néerlandaise, il n'y a pas de traité non plus;
le Brésil place ses limites de ce côté sur la serra de Tumucu-
maque.
Avec la Guyane anglaise, pas de traité non plus. Le Brésil
fait passer ses frontières par les serras d'Essary, Acarahy et
Tumucumaque. Un échange dénotes (28 janvier et 29 août 1842)
a neutralisé le territoire limitrophe appelé Pirâra.
A cause des litiges <|iii existent au sujet de ces frontières, la
superficie du Brésil ne peut pas être calculée d'une manière très
exacte. On l'évalue à S. 337. 218 kilomètres carrés.
Sa plus grande étendue, d'après M. le professeur L.-J. Marlins-
NOTIONS GENERALES.
Penha, est do 4.280 kilomètres du nord au sud, entre la barre
duChuy et les sources du Cotingo; et de 4.353 kilomètres de
Test à l'ouest, entre la pointe de Pedra et les sources du
Javary.
Côtes, Caps et Baies. — La configuration horizontale du
Brésil présente la forme d'un triangle, dont le centre est ouvert
au commerce extérieur au moyen de quelques grands fleuves à
peine. Cependant, sa position géographique est privilégiée :
deux tiers de ses frontières sont formés par des côtes mari-
times, et celles-ci, quoique peu découpées, offrent, cependant,
un grand nombre de ports, qui seront signalés plus loin, au
chapitre II.
Du Cap d'Orange, sur la rive droite de l'Oyapock, jusqu'au
Cap du Nord, considéré comme la frontière nord-est de l'em-
bouchure de l'Amazone, la côte suit, pendant 190 milles, la di-
rection moyenne sud-sud-est.
Du Cap du Nord jusqua la pointe Tijoca s'étend, sur 180
milles, l'énorme embouchure de l'Amazone parsemée d'îles.
De la pointe Tijoca au Cap Gurupy, la côte se dirige, entre
est et sud, presque sans découpures. On y trouve, cependant,
la baie de Pria-Unga, où débouche le Gurupy, et celle de Caité,
où se déverse le cours de ce nom.
Du Cap Gurupy jusqu'au Morne Itacolumi, extrémité nord-
ouest de la baie de San-Marcos, la côte décrit une courbe vers le
sud-est, et on y remarque : l'anse de Tury-Assù, où débouche
le cours d'eau de ce nom, et les baies de Cabellos-da-Velha et de
Cuma.
A l*est du Morne Itacolumi s'ouvre la grande baie de San-Mar-
cos, qui baigne l'île de Maragnon et où débouche le rio Mearim.
Entre la côte orientale de l'île de Maragnon et le continent
s'ouvre la baie de San-José, plus petite et beaucoup moins sûre
que celle de San-Marcos ; le rio Itapicurû y débouche.
La baie de San-José est fermée à l'est par l'île de Santa-Anna,
séparée du continent par un canal étroit, mais navigable. A par-
tir de cette île, la côte se dirige vers est-sud-est, pendant 100
milles, jusqu'à la barre de la Tutoya, la plus occidentale des six.
bouches du Parnahyba. Elle est basse, stérile, et offre l'aspect de
draps étendus, d'où son nom de Lengôes (draps de lit). A peu
près au milieu débouche le rio Preguiças, assez profond à son
embouchure.
4 LK BRÉSIL EN 1889.
Entre la barre delà Tutoya et celle d'Iguarassû, la cote est
basse et inondée pendant la saison des pluies.
A Test de l'embouchure du Parnahyba, la côte s'étend dans
la direction moyenne de sud-est jusqu'à la pointe du Touro, sans
offrir aucune embouchure de cours d*cau remarquable. Le rio
Touro s'y déverse.
A partir de la pointe du Touro, la côte poursuit vers sud-sud-
est, pendant 23 milles, jusqu'au Gap San-Itoque. Entre celui-ci el
Olinda, on trouve deux ports remarquables : Natal, à l'embou-
chure de Rio-Grande-du-Nord, et Parahyba, à l'embouchure du
cours d'eau du même nom. Un banc de sable situé à 3 milles au-
dessous de la ville ferme l'accès du port de Natal aux grands
navires.
Dans cette partie de la côte, de môme que plus loin, vers le
sud, jusqu'à Bahia, s'étend un banc étroit de corail, qui commence
à se faire voir depuis Céarà ; tantôt, il se rapproche du littoral,
tantôt il s'en éloigne de 300 à 400 mètres et même davantage en
certains endroits. Sur quelques points le récif a une solution de
continuité et permet aux grands navires l'entrée dans la plupart
des ports et des cours d'eau de cette partie du littoral. Sur
d'autres points, le récif forme les ports eux-mêmes, comme à
Pernambuco et à Rio-Grande-du-Nord.
A partir d'Olinda, la côte suit vers le sud-ouest pendant
2 milles et demi jusqu'à la forteresse du Brum, située à l'entrée
du port di1 Pernambuco, le plus septentrional des beaux mouil-
lages de la côte orientale du Brésil. Grâce aux travaux exécutés
récemment à Pernambuco, l'entrée de ce port est accessible
même aux grands navires.
De Pernambuco jusqu'à la baie de la Toussain (Todos-os-San-
tos), la côte décrit quelques courbes et ne présente que deux
élévations : le cap de Santo-Agostinho et celui de Santo-Antonio.
Sur toute cette étendue le récif dont nous avons parlé se trouve
très J'approche de la côte, mais il livre de nombreux passages aux
ports, anses et embouchures du littoral. On n'y trouve qu'un seul
port quelque peu spacieux, celui de Maceiô, dans la baie de ce
nom.
Le rio San-Francisco, l'un des plus grands du Brésil, dé-
bouche dans ces parages. On y trouve aussi le rio Cotindiba, le
Yasa Barris ou Sergipe, le Real, elles lagunes du Nord, de Man-
guâba (reliée à la précédente par un canal étroit) et du Giquiâ.
Entre le cap de Sauto-Antonio et l'île d'itaparica, on trouve
NOTIONS GENERALES. 5
la belle baie de Todos-os-Santos, qui a de 3 à 4 milles de large à
son entrée et où débouchent plusieurs fleuves.
Entre Bahia (la baie) et Rio-de-Janeiro, la côte se divise en
trois régions bien distinctes.
La première s'étend entre 15° et 17° sud, dans la latitude des
rochers d'Itacolumi. Elle est assez haute, et on y trouve : le port
du Morne de San-Paulo, à l'embouchure du rio Una ; la baie du
Camamû, sûre, profonde, dans laquelle débouchent plusieurs
cours d'eau ; le rio des Contas, dont l'embouchure 'est fréquen-
tée par les marins de la côte ; la petite baie d'Ilhéos, où débouche
le rio Cachoeira ou des llhéos, dont le cours, sur une étendue de
2 lieues, est navigable pour les navires de 14 pieds de port;
Olivença ; Canavieiras, à l'embouchure du rio Pardo ou Patipe :
Belmoute, à l'embouchure du Jequitinhonha, accessible aux
petites barques ; Santa-Cruz, où Pedro Alvares-Cabral débarqua
le 24 avril 1500 ; Porto-Seguro, à l'embouchure du rio Buranhem ;
le cap Ioacema ou Insuacome, facile à reconnaître à cause de ses
blancs rochers, les premiers qui frappent les yeux du navigateur
qui vient du nord, ayant dans son voisinage, à 20 milles de dis-
tance vers ouest-sud-ouest, le mont Paschoal, qui se dresse à 536
mètres au-dessus du niveau de la mer, et qui fut le premier site
aperçu par Cabrai; la barre de Cramimuan, à l'embouchure du
petit cours d'eau de ce nom, remarquable à cause du voisinage
des Itacolumis. On donne ce nom à un groupe de récifs et de bancs
de corail, situés entre 16°49' et 16°57" sud, sur une étendue de
7 milles du nord au sud et de 4 milles de l'est à l'ouest, qui
restent à nu pendant la marée basse. En dehors de ce groupe de
récifs, il n'y a pas d'autres bancs de corail, si ce n'est sur 4 points
de cette région: entre Bahia et le Morne de San-Paulo; entre
Boipeba et Camamû ; en face d'Ilhéos, et entre Santa-Cruz et
Porto-Seguro. Ces récifs sont connus et ne présentent plus aucun
danger.
La deuxième division de la côte s'étend depuis les Itacolumis
jusqu'à Espirito-Santo, de 17° à 20° sud. Elle est très basse, excepté
sur une étendue de 5 à 6 milles entre le Prado et Comaxatiba. La
côte court du nord vers le sud jusqu'à la pointe de Baleia, où elle
penche vers sud-ouest; à Porto-Alegre elle revient à la direction
nord-sud, qu'elle garde jusqu'à l'embouchure du rio Dôce. Delà,
elle prend la direction sud-sud-ouest. — Les points les plus remar-
quables de cette section sont : la barre du Prado, à l'embouchure
du Jacurucû, entrée assez dangereuse :1a pointe de Baleia, la partie
6 LK BRÉSIL EN 1889.
la plus orientale de cette côte ; Caravellas, à l'embouchure du
cours d'eau de ce nom, accessible aux navires de fort tonnage ;
Porto-Alegre, à l'embouchure du Mucury; San-Matheus; la barre
du rio Dôce, à l'embouchure du cours d'eau de ce nom ; la barre
de Santa-Cruz ou d'Aldeia-Velha ; la barre d'Almeida, à l'embou-
chure du rio des Reis-Magos ; la baie d'Espirito-Santo, l'une des
meilleures entre Bahia et Hio-de-Janeiro, mais d'un accès peu
facile et dans laquelle ne peuvent pas pénétrer des navires dépla-
çant plus de 12 pieds d'eau.
D'Espirito-Santo à Rio-de-Janeiro la côte présente une série
de hautes montagnes, qui, d'abord, se montrent isolées ou
réunies en groupe, et, ensuite, à partir du rio Parahvba, sous
forme de chaînes ininterrompues, visibles à 15 ou 20 lieues. Le
lond va en diminuant graduellement à mesure que Ton se rap-
proche de la côte. La direction moyenne de la côte entre la baie
d'Espirito-Santo et le cap San-Thomé est S.-S.-O., en décrivant
une courbe concave peu prononcée. Du cap San-Thomé jusqu'au
cap Frio la direction change vers O.-S.-O., et du cap Frio jusqu'à
l'entrée de Rio-de-Janeiro elle court directement vers l'ouest.
Les points les plus remarquables de cette partie de la côte
sont : le golfe de Guarapari, où débouche le cours d'eau du même
nom, abrité par un groupe d'iles ; la baie de Benevente, entre la
pointe de ce nom au nord et File Franceza (Française) au sud ; l'île
Franceza, séparé du continent par un petit canal ; l'embouchure
de l'Itabapoâna; San-Joao-da-Barra, à l'embouchure du Parahyba;
le cap San-Thomé, entouré de lagunes, dont la plus grande est la
lagune Feia ; Imbityba ; Macahé, ayant à 5 milles de distance le
groupe des îles de Santa-Anna; la barre de San-Joâo, située sur
une belle baie, dont la partie nord s'appelle baie Formosa, et la
partie sud, baie de Santa-Anna ; le cap des Buzios, qui forme la
limite méridionale de la baie de Santa-Anna ; à l'ouest de ce cap
on trouve un excellent mouillage.
Entre le cap des Buzios et le cap Frio on trouve: la nouvelle
barre du cap Frio, à l'embouchure de la lagune d'Araruama, où
est située la ville de Gabo-Frio ; le cap Frio, extrémité escarpée
de File du même nom, dont le point le plus élevé se trouve à
394 mètres au-dessus du niveau de la mer. L'île, séparée du conti-
nent par un détroit de 150 à 200 mètres de largeur, offre aux
navires un mouillage profond à L'abri des tempêtes du Sud.
Du cap Frio jusqu'à l'entrée de Rio-de-Janeiro la côte se dirige
vers l'ouest, présentant, jusqu'à la pointe Negra (Noire), une
NOTIONS GENERALES. /
plage sablonneuse et stérile, qui sépare les lagunes intérieures de
l'Océan; entre La pointe Negra et celle d'Itaipû, on trouve le
petit groupe des îles de Marica.
L'entrée de lasplendide baie de Rio-de-Janeiro, dans laquelle
on trouve de nombreuses îles, dont la plus importante est File
Basa, n'a ni récifs ni banes. S'élargissant entre des murs graniti-
ques verticaux, elle offre une entrée libre aux plus grands navires,
et, même à marée basse, elle n'a jamais moins de 11 à 1°2 mètres
de profondeur. Tout de suite après la passe, qui n'a que 1 .500 mètres
de large, la baie s'étend considérablement à droite et à gauche,
tonnant de ce côté la baie de Botafogo, et, de l'autre, la baie de
Jurujuba. Au nord de la ville de Rio-de-Janeiro, située à gauche,
sur une élévation au nord de Botafogo, la baie prend des propor-
tions imposantes et forme un bassin ovale de 30 à 36 kilomètres
de long sur 18 à 24 de large, peuplé d'îles pittoresques, entouré de
montagnes, dont les plus hautes se trouvent à l'Ouest de la barre.
A partir de l'entrée de la baie de Rio-de-Janeiro, la côte suit
la même direction ouest, jusqu'au morne de Marambaya, Monta-
gneuse et escarpée jusqu'à la pointe de Guaratiba, elle présente
ensuite une plage sablonneuse, qui sépare les eaux de la baie de
Sepitiba de l'Océan.
Ensuite, elle décrit une courbe prononcée vers le sud-
ouest, en suivant les contours de File Grande et en terminant à la
pointe Cairoçu; puis, jusqu'au port de Santos, elle suit la
direction moyenne S.-S.-O.; de Santos jusqu'à la baie de San-
Francisco elle se dirige vers S. -0., en décrivant ainsi une autre
courbe, après laquelle elle court en ligne droite vers le sud,
jusqu'à l'île de Santa-Catharina.
Sur toute cette étendue, la côte est plus accidentée que partout
ailleurs au Brésil, et ses points les plus remarquables y sont: la
pointe de Guaratiba, ayant 800 pieds de haut, contrefort des
chaînes de montagnes qui entourent Rio-de-Janeiro ; l'île de
Marambaya, basse et couverte de palétuviers, mais dont l'extré-
mité occidentale forme une colline de 700 pieds de haut ; la baie
de Sepetiba ; l'île Grande, haute et triangulaire ; la baie d'Angra-
dos-Reis, assez grande, avec un excellent mouillage ; l'île de
San-Sebastiâo, avec un bon mouillage dans le canal qui la sépare
du continent ; la baie de Santos, port à l'abri de tous les vents,
excepté de ceux soufflant de sud-ouest; l'île d'Iguape, basse,
composée de dunes, devant laquelle s'étend l'étroite lagune de
Mar-Pequeno, dont la partie sud-ouest offre de bons mouillages;
8 LE BRESIL EN 18 8 9.
la baie de Paranaguâ, avant une superficie de 15 milles ; l'île de
Mol, située devanL la baie précédente, qu'elle abrite et dont elle
partage l'entrée en deux canaux ; le cap Joào-Dias, extrémité
élevée de l'île de San-Franciseo; l'île de Santa-Catharina, séparée
du continent par un bras de mer étroit ; le cap de Santa-Martha,
extrémité d'une chaîne de montagnes qui suit la cote à 10 lieues
de distance de la lagune sur laquelle est située la ville de Laguna.
Depuis le Cap de Santa-Martba jusqu'à la barre de Rio-
Grande, sur une étendue de 283 milles, la cote se dirige vers le
sud-ouest et est basse et uniforme.
Depuis Le 31° sud jusqu'à l'entrée de Rio-Grande, la côte affecte
la forme d'un isthme étroit, composé de dunes, appelées plage de
Pernambuco et plage de l'Estreito, qui séparent la lagune des
Patos (canards) de la mer. Cette lagune s'étend du nord-est au
Sud-Ouest; elle est navigable jusqu'à Porto-Alegre, et reçoit
plusieurs cours d'eau; aussi ses eaux sont-elles douces jusqu'au
sud de l'île des Marinheiros, dans le voisinage de San-José-do-
Norte et de Rio-Grande, situés l'un vis-à-vis de l'autre. La barre
de Rio-Grande, embouchure de l'unique canal qui conduit de la
mer à la lagune des Patos, a généralement 11 pieds d'eau, et
moins encore à proximité de la ville ; elle est entourée de sables
qui changent de position parfois.
Depuis l'embouchure du Rio-Grande jusqu'au rio Chuy, limite
du Rrésil avec la République orientale de l'Uruguay, la cote se
dirige vers le sud-ouest, sous le nom d'Albardào. On ne peut
guère l'approcher sans danger, à cause des bancs de sable. Elle
forme une zone couverte de dunes, presque inhabitée, entre
l'Océan et la lagune Mirim, lagune navigable qui communique
avec la nier, au moyen du rio Chuy, et avec la lagune des Patos,
au moyen du rio San-Gonçalo.
Iles et groupes d'iles. — Nous avons déjà signalé plusieurs
îles, et nous allons en signaler d'autres, tout en revenant sur
quelques-unes déjà citées précédemment.
L'Amazone possède des îles fort nombreuses. Elles sont de
deux sortes. Les unes se trouvent au milieu du fleuve dont elles
émergent; elles sont basses, planes, sans rochers ni récifs,
rarement marécageuses, couvertes d'une végétation épaisse spé-
ciale où dominent les embaubas (cecropia peltata) au tronc blanc.
D'autres sont des parties du continent, découpées et modifiées
par les eaux; elles ont l'aspect des terres adjacentes et attei-
NOTIONS GENERALES. 9
gncnt parfois de grandes dimensions. L'île de Paricatuba a
166 kilomètres carrés et est plus grande que la Principauté de
Liechtenstein. L'île de Tupinambarâna a 2.453 kilomètres cariés,
et est presque aussi grande que le grand-duché de Luxembourg
(2.587). L'île de Marajô a 5.328 kilomètres carrés et est incompa-
rablement plus grande que les Açorcs, Madère, lïéligoland, Malte
et Gibraltar renais. Cette île, quoique située dans la mer, est
entourée d'eau douce de tous les côtés, et elle sépare le rio Para
de l'Amazone. C'est de là que vient tout le bétail qui approvi-
sionne la ville de Para, port de premier ordre.
Parmi les autres îles dn Brésil, en remontant du nord vers le
sud, on peut citer : Pile de Maranhâo, qui a, à son extrémité
nord-ouest, la ville de San-Luiz-do-Maranhâo ; Itamaracâ, île
fertile, sur laquelle est bâti un fort ; Itaparica, où l'on a installé
une usine de houille; Governador, la plus grande de la baie de
Rio-de-Janeiro ; Villegaignon, dont le nom rappelle celui d'un
aventurier français qui s'y installa au xvic siècle ; Grande, possé-
dant des terres exceptionnellement fertiles ; des Porcos-Grande,
avec des terres propres pour la culture et un bon mouillage ; de
San-Sebastiào, presque aussi vaste et aussi fertile que la Grande;
de San-Francisco, à l'embouchure du San-Francisco-du-Sod,
ayant 18 milles sur 9 ; de Santa-Catharina, mesurant 30 milles
sur 10, assez élevée, sur laquelle est bâti le chef-lieu de la pro-
vince de ce nom.
Toute la zone de la côte comprise entre le Cap Frio et le Cap
de Santa-Martha est peuplée d'un assez grand nombre d'iles.
Outre celles que nous venons de citer, il y en a d'autres, moins
importantes ; elles se trouvent tantôt isolées, tantôt formant des
groupes plus ou moins considérables. Le plus remarquable de ces
groupes est celui de la baie d'Angra-dos-Reis, qu'on pourrait
appeler l'archipel d'Angra. Le sol de toutes ces îles se prête à des
cultures variées.
Nous avons encore l'archipel des Abrolhos ou de Santa-Bar-
bara, autrefois dangereux, mais bien connu des navigateurs de
nos jours. Il se compose de 5 îles et de plusieurs récifs, situés à
30 milles de la côte à peu près. Dans le voisinage, les poissons et
Les baleines abondent. L'île de Santa-Barbara, la plus grande et
lapins septentrionale des cinq, a 1.500 mètres sur 300, et possède
un phare. Les quatre autres sont : Redonda, Seriba, Suéste et
Guarita. Ces iles ont à proximité un grand banc de corail, appelé
parcel dos Abrolhos.
10 LE BRÉSIL EN 18 89.
L'autre archipel est celui de Fernando-de-Noronha, composé
de la grande île du même nom, de quelquesautresîleset de récifs»
Fernando-de-Noronha est à 75 lieues du Cap de San -Roque, et
sert de prison aux galériens. Au nord-est de cette île, on trouve
six autres petites îles, dont la plus considérable, Tîle Rata, d'une
lieue d'étendue, possède des dépôts de guano.
Entre ce groupe et le continent, il y a un banc de corail
dangereux, appelé Rocas.
On trouve finalement l'île de la Trindade avec les îlots adja-
cents de Martim-Vaz.
Aspect physique, Montagnes et Plateaux1. — La plus
grande partie du pays se compose d'un plateau de 300 à 1.000
mètres de hauteur, borné au nord et à l'ouest par les grandes
dépressions continentales de l'Amazone et du Paraguay, presque
unies au moyen de la vallée du Madeira et de son tributaire, le
Guaporé. Elle comprend également une partie du plateau de la
Guyane, la plus grande partie de la dépression de l'Amazone et
la partie supérieure de celle du Paraguay. Il faut encore ajouter
à ces quatre divisions une région maritime, qui occupe une
bande étroite entre l'Océan et le bord oriental du grand plateau
brésilien. Quoique on le représente généralement comme monta-
gneux, le plateau brésilien se compose en grande partie de
vastes plaines profondément creusées par les vallées de fleuves
nombreux. Les véritables montagnes — celles qui sont dues
au soulèvement du sol — se trouvent principalement à l'Est et
au centre, et on peut les considérer comme constituant deux
chaînes presque séparées par les hautes plaines du bassin du
San-Francisco et de celui du Paraguay.
La chaîne orientale ou maritime suit la côte de l'Atlantique à
une petite distance du littoral, depuis le voisinage du cap de
San-Roque, et se prolonge presque jusqu'aux limites méridionales
du pays.
La chaîne centrale ou Goyana occupe une partie du Sud de
Goyaz, une partie de la province de Minas-Geraes à l'ouest du
San-Francisco, et se joint à la chaîne orientale par une saillie
transversale qui s'étend vers l'ouest à travers le sud de Minas-
1. M. Orville A. Derby, directeur de la section de géologie nu Muséum
National de Etio-dc- Janeiro, nous a autorisé à puiser dans la notice qu'il a
rédigée pour le Brazil Geographico e Historico, de MM. Capistrano de Abreu
et Valle-Cabral.
NOTIONS CKNÉRALES. H
Geraes. Celle saillie transversale fait partie de la grande ligne
départage des eaux du continent, à laquelle on donne généra-
lement le non, de Serra das Vertente* ou Chaîne des Versants,
dénomination peu appropriée, car une partie considérable de la
liene de partage des eaux n'est pas précisément montagneuse.
' 1 es montagnes du système oriental forment une zone longue
et comparativement étroite, de 20 lieues environ dans sa plus
grande longueur dans les provinces au Sud de Rio-de-Jane.ro
ae l ou S lois davantage dans le Sud de Minas-Geraes, et de oO
;, 60 lieues à l'Est du rio San-Francisco.
Dans les provinces de Paranâ, San-Paulo, Bio-de- Janeiro,
Espirito-Santo, et dans le sud-est de Minas-Geraes, où cette
chaîne atteint son plus grand développement, il y a deux divi-
sions parallèles bien définies : la Serra do Mar et la Serra de la
Mantiqueira, qui s'étendent du sud-ouest vers nord-est. Leurs
points culminants sonl : les pics des Orgues (2.232 mètres), devant
la baie de Rio-de-Janeiro, dans la Serra-do-Mar ou chaîne mari-
time • etritatiaia (2.712 mètres), le plus élevé du Brésil, dans la
Serra de la Mantiqueira, à l'angle des trois provinces de Rio-de-
Janeiro, San-Paulo et Minas-Geraes.
Au Nord du parallèle de Rio-de-Janeiro, la ligne culminante
de la chaîne passe de la Serra de la Mantiqueira (qui continue
dans la direction du nord-est) à un embranchement qui, sous le
nom de Serra do Espinhaço (chaîne de l'épine dorsale), s ache-
mine vers le nord, le long de la rive orientale du bassin du San-
Francisco. Les points les plus élevés de celte chaîne sont: les
pics dïtacolumi (1.752 mètres) et Caràça (1.953 mètres) près
d'Ouro-Preto ; Piedade (1.783 mètres) près de Sabarâ ; et Itamhe
(1.823 mètres) dans la région de Diamantina. Les montagnes de
cetlo chaîne orientale deviennent plus basses au nord et au sud
des provinces citées plus haut, et au nord du San-Francisco elles
sont représentées par de petites chaînes et des sommets arrondis
isolés.
La chaîne centrale ou Goyana se compose au moins de deux
divisions distinctes: celle des chaînes de la Ganastra et delà
Matta-da-Corda, — qui s'étendent généralement vers le nord,
depuis les sources du San-Francisco jusqu'au bord méridional du
bassin de son grand affluent occidental, le Paraguay, - et celle
des montagnes du sud de Goyaz, qui s'étendent vers nord-est,
entre les sources des bassins du Tocantins-Araguaya et du
Paranâ. La première se détache de la saillie dorsale déjà citée
12 LE BRÉSIL EN 1889.
qui, partant de la Serra de la Mantiqueira, s'étend à travers le sud
de Minas-Geraes, et dont le point culminant est la Serra de la
Canastra, ou prend naissance le San-Francisco, et qui a L.282
mètres d'élévation. La seconde est moins connue scientifique-
ment. Ses points culminants sont les Monts-Pyrénées, près la ville
de Goyaz, avant de 2.310 à 2.932 mètres.
Les grandes plaines à couches horizontales ou presque hori-
zontales du plateau brésilien sont celles des bassins du Paranâ,
de l'Amazone, du San-Francisco et du Parnahyba.
La grande plaine du bassin de Paranâ — qu'on peut consi-
dérer comme comprenant également le bassin de l'Uruguay —
renferme la plus grande partie des provinces de Rio-Grande-du-
Sud, de Santa-Catharina et de San-Paulo, une partie du sud-ouest
de Minas-Geras et du Sud de Goya/ et la partie élevée de Matto-
Grosso. Son élévation maxima, le long de la rive orientale dans
les provinces de Paranâ et de San-Paulo, est de 1.000 mètres à
peu près, moyenne qui diminue un peu plus au sud et à l'ouest.
La grande plaine de l'Amazone renferme la plus grande partie
des provinces de Matto-Grosso et de Goyaz, une grande partie du
sud de Para et une partie relativement petite du sud de la pro-
vince de l'Amazone et l'ouest de Maragnon. Le Tocantins- Ara-
guaya, le Xingû, le Tapajoz et le bas Madeira avec son tributaire
le Guaporé descendent tous de ce plateau par une série de
rapides, à 100 ou 200 milles de l'Amazone. Sun bord méridional
est un escarpement de 800 à 1.000 mètres au-dessus du niveau
de la mer, en face de la dépression du Paraguay et du Guaporé ;
cet escarpement a pris le nom de Serra des Parecis.
La grande plaine du San-Francisco se trouve spécialement à
l'ouest de ce lleuve, dans la partie occidentale de Minas-Geraes
et de Bahia, et il est élevé de 800 mètres environ.
La grande plaine du Parnahyba occupe toute la province de
Piauby à peu près, une partie du sud de Maragnon et de l'ouest
de Géarâ, et forme peut-être un tout ininterrompu avec la grande
plaint; amazonienne le long de la ligne de partage des eaux entre
le Tocantins et le Parnahyba.
Toutes ces grandes plaines sont profondément découpées par
de nombreuses vallées de fleuves, de sorte que presque partout
elles offrent un aspect assez accidenté, et leurs sommets arrondis
et leurs escarpements, produits par la dénudation, sont géné-
ralement cités comme des montagnes et figurent sous cette forme
sur les cartes du pays.
NOTIONS GÉNÉRALES. 13
On ne connaît que d'une manière assez imparfaite encore la
partie brésilienne du plateau de la Guyane. Le long de la ligne
de partage des eaux entre les fleuves qui coulent vers la mer des
Antilles et l'Amazone, il y a des montagnes dont les points cul-
minants s'élèvenl à 2.000 mètres et même davantage, et les hau-
teurs se rapprochent assez près du fleuve en plusieurs endroits
entre l'embouchure du rio Negro et la mer. Cette région est bai-
gnée par le rio Negro et par son tributaire, le rio Branco, et par
un grand nombre d'autres rivières de moindre importance, parmi
lesquelles il faut citer le Jamundâ, le Trombetas, le Paru, le Jary
et l'Araguary.
La grande dépression de l'Amazone est relativement étroite
dans la partie inférieure du fleuve, au-dessous de l'embouchure
du rio Negro : dans cette partie, la largeur moyenne est de 100 à
200 milles. Dans la partie supérieure, entre le rio Negro, le
Madeira et les contreforts des Andes, elle s'élargit considéra-
blement et prend la forme d'un flacon florentin. En général, le
fleuve est bordé par de basses plaines d'alluvion, parfois assez
larges, sujettes à des inondations, où l'on trouve un grand
nombre de lacs peu profonds et de canaux latéraux du grand
fleuve et du cours inférieur de ses tributaires. Les terres les plus
élevées y sont : soit des plaines n'ayant pas plus de 300 mètres
d'élévation, formées par des dépôts particuliers à la dépression,
soit des contreforts ou des sommets arrondis et dénudés des
bords des grands plateaux orientaux sur les deux côtés ou du
plateau andin au commencement du bassin.
La partie brésilienne de la dépression du Paraguay se compose
de la partie supérieure des immenses plaines du bassin de ce
fleuve qui forment une grande partie de la République Argentine,
du Paraguay et de la Bolivie orientale. Ces plaines se trouvent à
quelques centaines de mètres au-dessous du niveau général des
terres du plateau qui les entourent et du niveau des nombreux
sommets arrondis et contreforts qui s'élèvent de leur sein. La
plupart du temps elles se trouvent très peu au-dessus du niveau
du Paraguay et de ses tributaires, qui les traversent, et, pendant la
saison des pluies, elles se transforment, en plus d'un endroit, en
immenses lagunes ou marécages.
La région atlantique se compose d'une bande de terres basses,
ayant généralement à peine quelques lieues de largeur, situées
entre la côte et le bord du plateau central. Au sud de Rio-de-
Janeiro, elle se compose de basses plaines sablonneuses, rem-
14 LE BRESIL EN 1889.
plies de lagunes, et do contreforts et sommets dénudés du pla-
teau. Au nord de Rio-de- Janeiro, on trouve, outre ces contreforts
et sommets arrondis, des mornes et des plaines d'une formation
particulière à cette ceinture de côte, s'élevantdelOO à 200 mètres.
Structure géologique et Minéraux. — La géologie de la
vaste aire du Brésil est relativement peu connue. Avant 1807, on
n'y avait pas rencontré des fossiles, et les investigations
d'Eschwege, Sellow, Martius, Pissis, d'Orbigny et autres étaient
exclusivement géognostiques. Quoique possédant une grande
valeur, l'identification et la classification de terrains qu'ils pré-
sentaient étaient fort incomplètes, car elles ne s'appuyaient pas
sur la paléontologie. La base d'une véritable division paléontolo
gique a été posée par les récentes investigations de Ilartt et de
ses collaborateurs. Il y a encore beaucoup à faire, mais on a
déjà obtenu une notion plus claire de la structure géologique du
pays.
La base du grand plateau brésilien se compose d'anciennes
roches métamorphiques, qui forment la presque totalité des
montagnes et se montrent isolées dans toutes les provinces, sur
presque tous les points où les plaines ont été profondément
dénudées.
Elles se divisent en deux grandes séries.
La plus ancienne, composée de roches hautement cristallines,
telles que granit, syénite, gneiss et micaschistes, Ilartt l'a
rapportée au système laurentien, opinion confirmée par la décou-
verte, en plusieurs endroits, de YFozoon canadense qui le carac-
térise.
La seconde série, moins parfaitement cristalline, se compose
de quartzites, de schistes, de minerais de fer et de calcaires, et
on peut la rapporter avec une certitude presque égale au système
huronien.
Le système laurentien se développe principalement dans les
régions de la Serra-do-Mar et de la Mantiqueira, dont il forme les
pics principaux. On le trouve également dans toutes les autres
montagnes, mais subordonné au système huronien ou aux forma-
tions plus modernes, partout où celles-ci se trouvent relevées en
forme de plis montagneux. Dans la Serra-do-Mar, les roches les
plus abondantes et caractéristiques sont les gneiss granitiques,
qui, en conséquence de l'abondance et de la grandeur des cris-
taux feldspathiques, présentent souvent un aspect porphyrique;
NOTIONS GÉNÉRALES. 15
et qui, à cause de leur stratification très indistincte, apparaissent
dans les magnifiques coupoles et aiguilles qui caractérisent la
partie la plus élevée de cette chaîne, le long de la côte de Rio-de-
Janeiro, San-Paulo et Paranâ. Une grande partie de ce gneiss est
granitifère. Dans la serra de la Mantiqueira, quoique les princi-
pales hauteurs soient formées de granit ou de gneiss granitoïde,
les roches prédominantes sont les gneiss schisteux et les micas-
chistes. Les marbres sont rares dans cette formation, mais il en
apparaît encore quelques couches légères qui persistent d'une
manière remarquable sur de longs espaces.
Le système laurentien du Brésil n'est pas remarquablement
riche en minerais d'une valeur économique, et sous ce rapport il
est bien inférieur à l'autre série. On y trouve des dépôts étendus
de minerais de fer, et dans sa partie supérieure l'or est distribué
peu abondamment. A Test de Minas-Geraes on rencontre en
abondance des pierres précieuses, et dans la môme région on
connaît de beaux dépôts de graphite.
Le système huronien est spécialement caractéristique des
régions de la Serra-do-Espinhaço, de la Ganestra, de la Matta-da-
Corda et des montagnes de Goyaz, où ses roches forment les
principales élévations de la surface. Il apparaît aussi, concurrem-
ment avec le système laurentien, dans la plaine montagneuse du
sud de Minas-Geraes, dans la partie méridionale de la Serra-do-
Mar et de la Mantiqueira, dans la partie accidentée de la vallée
du haut Paraguay, et généralement dans les vallées, partout où
les roches métamorphiques fondamentales sont mises à nu par
la dénudation.
Les roches prédominantes de cette série sont les schistes
hydromicacés et chloritiques, et les quartzites schisteux et mica-
cés, parfois flexibles, qui ont reçu le nom- d'itacolumite. Le mica
de cette série est remplacé souvent par le fer micacé, donnant
une roche particulière, appelé itabirite, laquelle avec la dispari-
tion du quartz, passe à des couches massives d'hémétite ou, plus
rarement, de magnétite. Ces couches de fer, d'une abondance et d'une
étendue extraordinaires, placent les régions huroniennes du Brésil
au nombre des plus riches du monde en minerais de fer. Les affleu-
rements de ces roches ferrugineuses donnent naissance à une
croûte de conglomérat de formation plus récente, composée de
masses de minerais de fer cimentées par du limonite, connu sous
le nom de tapanhoacanga, qui parfois couvre des aires de plu-
sieurs milles d'étendue. On trouve aussi, dans cette série, de
16 LE BRÉSIL EN 18 89.
Longues couches de marbre. Le caractère presque universelle-
ment schisteux dos strates huroniens, qui partout s'inclinent en
angles très élevés, communique une apparence particulière,
dentelée, aux montagnes dont ils forment les principales éléva-
lions et qui ainsi présentent un contraste remarquable avec les
coupoles et les aiguilles du système laurentien.
C'est dans cette série que se trouve le grand dépôt minéral du
Brésil. L'abondance du fer de première qualité y est extraordi-
naire. Presque tout l'or extrait à Minas-Geraes, San-Paulo.
Paranâ, Goyaz, Matto-Grosso et Bahia a été extrait de mines
appartenant à cette série ou principalement d'alluvions qui en
dérivent. Le tapanhoacanga y a été travaillé longuement, car
Vitabirite dont il se compose est parfois extraordinairement riche
en or, qui se montre en lignes irrégulières d'un mélange parti-
culier de fer et d'oxyde de manganèse, appelé jacutingua par les
mineurs, formation spéciale, à ce qu'il semble, aux terrains auri-
fères brésiliens.
Dans les autres roches de cette série, l'or se montre dans des
veines de quartz accompagné de sulfures de fer, d'arsenic, et
aussi, mais plus rarement, de cuivre, de bismuth, de plomb et
d'antimoine. Quelques-unes de ces veines pyritifères sont extra-
ordinaires par la taille et par la constance. Les mines de topaze
d'Ouro-Preto sont situées dans des veines de lithomarge et de
quartz, qui traversent les schistes de cette série.
Depuis longtemps on soupçonnait qu'il y avait connexité
entre les roches huroniennes et les alluvions diamantifères de
Minas-Geraes, de Goyaz, de Matto-Grosso et de Bahia. De récentes
investigations de Derby et Gorceix ont prouvé définitivement
que près de Diamantina les diamants apparaissent dans des
veines associées au schiste huronien et semblables à celles qui
contiennent des topazes près d'Ouro-Porto. Il est probable que,
dans tout le Brésil, ils ont eu la môme origine, et que les casca-
Ihos dont ils ont tous été tirés exclusivement, à une seule excep-
tion près, sont dérivés directement soit de ces roches soit de
formations ultérieures constituées par les détritus de ces mêmes
roches.
La Serra do Espinhaço, dans une partie de son étendue à
travers le Nord de Minas-Garaes et le centre de Bahia, est
revêtue d'un grand linceul de grès, qui parfois devient du con-
glomérat et présente, dans ses parties les moins grossières, une
grande ressemblance avec Vitacolumite du système huronien T
NOTIONS GENERALES. 17
avec lequel on l'a confondu généralement. Ses plis sont simples
et il s'étend sur les arêtes des strates huroniens et laurentiens.
Comme ou n'y a pas encore rencontré des fossiles, son horizon
géologique est douteux; mais on peut le rapporter avec quelque
certitude au silurien. Très probablement il faut rapporter à la
même série une partie des grès de la ligne de partage des eaux
du San-Francisco-Tocantins, et peut-être ceux du versant de
l'Amazone et du Paraguay.
L'extrémité méridionale de la Mantiqueira, au sud de San-
Paulo et à Paranâ, et quelques-unes des montagnes du bord du
plateau continental, àl'estdela serra do Espùihaeo, dans le nord
de Bahia et de Se'rgipe, présentent encore une formation ou des
formations consistant en grès, schistes argileux et calcaires,
plus modernes probablement que le huronien, et, par consé-
quent, probablement silurien.
La grande plaine du bassin du Paranâ se compose, en grande
partie, de couches horizontales ou presque horizontales de grès
et de schiste argileux et calcaire, dont une partie considérable,
pour ne pas dire le tout, appartient aux époques devoniennes et
carbonifères. Jusqu'à présent on n'a pas déterminé d'une ma-
nière définitive la distribution et les limites de ces deux forma-
tions. On sait, d'après les fossiles, que la formatinn devonienne
occupe une aire étendue dans les campas généraux ou grandes
prairies du Paranâ. Les strates carbonifères couvrent une région
très vaste plus à l'ouest, dans la môme province, au sud et au
centre de San-Paulo, à Santa-Catharina et à Rio-Grande-du-Sud.
Les deux formations se rencontrent probablemedt à l'Ouest de
Minas-Geraeset à Matto-Grosso. On a trouvé de la houille dans
toutes les provinces depuis San-Paulo jusqu'à Rio-Grande-du-
Sud, et dans cette dernière province il y a déjà des mines de
charbon de terre en exploitation. Les couches de ces deux for-
mations sont traversées par de nombreuses et immenses digues
de diorite, qui produisent par décomposition un terrain rouge
foncé, appelé terra rôxa (terre violette), célèbre par sa fertilité.
A l'ouest des zones devonienne et carbonifère, une aire très
vaste du bassin du Paranâ est couverte d'un long linceul de
grès associé à de nombreux dykes et nappes de trapp amygda-
loïde, très semblable par l'aspect et par les minéraux qu'il con-
tient aux roches de l'Europe et de l'Amérique du Nord de l'âge
triassique, auquel cette formation est attribuée provisoirement.
"Cette formation couvre le bord oriental du plateau h Santa-
18 LE 15KÉSIL EN 1880.
Catharina, cl elle forme de vastes plaines à l'ouest des province*
de Eiio-Grande-du-Sud, de Paranâ cl de San-Paulo. La forma-
lion amygdaloïde présente presque partout de belles améthystes
et des agates, qui sont exportées en grande quantité des pro-
vinces méridionales du Brésil.
La plaine amazonique du plateau se compose, la plupart du
temps, comme celle du bassin du Paranâ, de grès et de schistes
argileux adossés à des roches métamorphiques qui apparaissent
dans les vallées des fleuves et rivières. On ne connaît pas l'âge
géologique de ces strates, car on n'a pas encore rencontré des
fossiles dans cette région. D'Orbigny a rapporté à l'âge carbo-
nifère les couches adjacentes à la barre du Guaporé, apparem-
ment parce qu'elles ressemblent aux couches carbonifères de la
Bolivie orientale où Ton a rencontré des fossiles. Aussi bien la
formation devonienne que la formation carbonifère se trouvent
représentées le long des rives amazoniques du plateau. 11 est
très probable que ces couches s'étendent à travers le plateau et
constituent en partie la plaine dont nous nous occupons. La ressem-
blance apparente des plaines de F Amazone et du Paranâ favo-
rise cette manière de voir. D'un autre côté, on peut supposer
que les strates de l'âge secondaire des bassins du Parnahyba et
du San-Francisco s'étendent à travers la ligne de partage des
eaux du Tocantins et forment une partie de la zone amazo-
nique.
Outre les formations déjà citées comme formant les mon-
tagnes des deux côtés du San-Francisco, on en a reconnu deux
et peut-être trois dans son bassin.
La première et la pins ancienne de ces formations se com-
pose de grès dur et bleuâtre, de schiste argileux, en partie altéré
en ardoise et en calcaire, qui, d'après les indications des quel-
ques fossiles qu'on y a rencontrés, appartiennent à l'époque
silurienne et devonienne. Ces couches sont troublées et pré-
sentent des plis simples. Cette circonstance a ramené bien sou-
vent le calcaire à la superficie ; de là est venue l'idée qu'il est la
roche prédominante dans la série, idée peu exacte, car, si l'on
tient compte de l'épaisseur, il y a d'autres roches plus impor-
tantes. Ces strates forment do hautes saillies dorsales sur les
deux côtés de la vallée qui s'étend parallèlement aux montagnes
huroniennes; mais elles ne forment pas, à ce qu'il semble, les
hauteurs culminantes de la Ligne de partage des eaux. On ren-
contre des formations semblables et peut-être identiques dans
NOTIONS GÉNÉRALES. 19
la vallée du Tocamtins et an centre de Bahia, à Test de la serra
doEspinhaço. Dans Le calcaire de cette série abondent les grottes
salitreuses, qui ont fourni à Lund des restes importants de mam-
mifère- de l'âge quaternaire. Sur plusieurs points on y trouve de
la galène argentifère.
L a seconde formation se compose de strates horizontaux de
grès et de schiste argileux, qui composent de vastes étendues à
l'ouest de Minas-Geraes et de Bahia. 11 n'y a pas encore de
fossiles qui permettent d'en déterminer l'âge géologique. Quel-
ques auteurs la rapportent à l'époque secondaire, d'autres a
fâge tertiaire ; mais il est probable qu'elle correspond égale-
ment à la formation carbonifère ou devonienne du bassin du
Paranâ.
Dans la partie inférieure de la haute vallée, dans les provinces
de Pernambuco, Bahia et Alagôas, on voit des grès et des schistes
argileux, dans lesquels on a rencontré des fossiles crétacés qui
apparemment correspondent à la formation du bassin du Par-
nahyba. Ils peuvent appartenir à la même formation que les
couches quelque peu semblables de la partie supérieure de la
vallée ; mais il y a des raisons de croire qu'ils s'en distinguent
en réalité. Dans toute cette région le sol est imprégné de sel, et il
est probable que des couches salifères entrent dans cette formation.
Le bassin du Parnahyba est presque exclusivement occupé par
une grande formation de grès, dans laquelle on trouve des nodules
calcaires qui contiennent de beaux échantillons de poissons fos-
siles de Page crétacé. La même formation se retrouve également
dans la province de Géarâ, à quelque distance des limites du
bassin.
La formation tertiaire est représentée sur divers points du
plateau, comme, par exemple, dans les vallées du haut Parahyba
et du haut Tiété à San-Paulo, et sur divers points entre les mon-
tagnes de Minas-Geraes, par de petits bassius de dépôts d'eau
douce, qui parfois contiennent des lignites. Des dépôts sembla-
bles se retrouvent probablement sur d'autres points dans les
vallées des fleuves; mais, dans le grand plateau continental, on
ne connaît d'une manière positive aucune formation tertiaire
d'origine marine.
L'époque quaternaire est représentée par des dépôts fluviaux
et lacustres, et par une couche terreuse à fleur du sol, qui couvre
une grande partie du plateau et résulte de la dénudation
subaérienne.
20 LE BRÉSIL EN 1889.
L'existence de véritables dépôts glaciaires dans le; pays n'est
pas prouvée. Cependant, quelques géologues rapportent à l'action
des glaciers certains dépôts artificiels dont l'origine est encore
problématique.
Le peu que l'on sait sur la partie brésilienne du plateau de la
Guyane fait penser que, quant à la structure géologique, il ne
diffère pas beaucoup, probablement, du plateau brésilien. Les
roches fondamentales sont laurehtiennes et huroniennes, et. les
montagnes les plus élevées sont couvertes d'un grand drap de
grés d'âge inconnu, qui peut être comparé peut-être à celui de la
chaîne d'Espinhaço. Le long du bord méridional du plateau les
couches de la dépression amazonique s'étendent sur les roches
cristallines. Mais on ne sait pas encore jusqu'où elles s'étendent
dans les terres plus élevées du plateau.
Dans la dépression amazonique, les formations silurienne
supérieure, devonienne et carbonifère — chacune avec ses fos-
siles caractéristiques, très-abondants et variés dans les deux
dernières — se retrouvent dans la partie étroite de la vallée qui
demeure au-dessous de la barre du rio Negro. Elles se composent
de grès et de schiste argileux, auxquels s'ajoute le calcaire dans
la formation carbonifère. Une partie du schiste argileux silurien
est aluminifère. Les digues de diorite sont nombreuses et
considérables.
Les couches de ces trois formations sont un peu troublées et
présentent en général une inclinaison suave de chaque côté vers
la ligne centrale de la vallée.
Couvrant ces formations plus anciennes, on trouve des cou-
ches horizontales de grès mou et d'argile brillante, diversement
colorés, formant des mornes aplatis de 300 mètres d'élévation à
peu près, qui semblent appartenir à l'époque tertiaire. Les
plaines basses adjacentes à l'embouchure sont probablement des
formations plus modernes de la même époque.
Dans la région du haut Amazone on voit apparaître la forma-
tion crétacée avec des reptiles fossiles caractéristiques dans le
Purûs ; et des dépôts tertiaires avec des lignites et beaucoup de
mollusques fossiles du type des mollusques d'eau salée occupent
une aire considérable le long de l'Amazone, des deux côtés de la
frontière péruvienne.
Les vastes aires de terres basses de la dépression amazonique
sont formées par des dépôts de l'époque quaternaire et peut-être
des dernières époques tertiaires; elles s'élèvent à peine à quel-
NOTIONS GÉNÉRALES. 21
ques mètres au dessus du niveau du fleuve et sont sujettes à des
inondai ions en grande partie.
La dépression du Paraguay est occupée par des sommets
dégradés des différentes formations du plateau et parla grande
formation des pampas, célèbres par leurs gigantesques mammi-
fères fossiles. Cette formation est de l'époque tertiaire et de
l'époque quaternaire ; mais il est probable qu'on rencontrera des
formations plus anciennes à proximité des limites du bassin.
Les traits géologiques de la région du littoral sont (outre les
récentes plaines sablonneuses, les lagunes et les sommets dont
nous venons de parler) une série de roches crétacées, qui se
montrent sous forme de bassins isolés dans les provinces de
Bahia vers le nord, et une série tertiaire qui apparaît le long de
presque toute la cote, depuis les environs de Rio-de-Janeiro
jusqu'à l'embouchure de l'Amazone.
La formation crétacée des îles et des bords de la baie de
Todos-os-Santos consiste en dépôts d'eau douce, en grès et en
schiste argileux, contenant d'abondants fossiles de reptiles et de
poissons. Les couches sont légèrement soulevées et se dressent
en mornes de 30 à 40 mètres au dessus du niveau de la mer.
Dans les provinces de Sergipe, Alagôas, Pernambuco, Para-
hyba et Para, où cette formation a été reconnue, les couches
sont d'origine marine; elles sont légèrement soulevées aussi et
ont peu d'élévation au dessus du niveau de la mer. La partie la
plus intéressante de cette série est un calcaire sablonneux conte-
nant une faune variée et abondante, surtout en mollusques. On
ignore encore le rapport qu'il y a entre cette série du littoral et
les couches crétacées du plateau qui se trouvent à un niveau plus
élevé.
La formation tertiaire s'étend horizontalement et forme des
plaines qui s'élèvent à une hauteur de 100 mètres environ. Les
bords de ces plaines présentent du côté de la mer de longues
lignes de talus de sable et d'argile brillamment colorés, qui
constituent un trait bien caractéristique de la côte septentrionale
du pays.
Il n'y a point de volcans au Brésil. Dans la partie continentale
on ne trouve même pas de vestiges de volcans éteints. La petite
ile montagneuse de Fernando-de-Noronha est le seul point
connu du territoire brésilien ayant une origine volcanique.
CHAPITRE II
HYDROGRAPHIE
Par M. le Baron de TEFFÉ
Aucun pays au monde ne possède un système hydrographique
aussi complet et aussi développé que le Brésil. Sur une su-
perficie de 8.337.218 kilomètres carrés, comprenant 39 de-
grés d'étendue en latitude (depuis la Serra Paracaïma par
5°, 10'N., jusqu'à l'embouchure du Chuy par 33°,46'S.) et 39 1/2
degrés en longitude sur le même parallèle de 7° au sud de
Féquateur (depuis la côte de Parahyba jusqu'aux sources du
Javary), l'empire du Brésil compte un nombre .très considérable,
on pourrait même dire extraordinaire, de fleuves, de rivières, de
lacs et de lagunes navigables.
Eu première ligne, parmi ses fleuves, il faut citer le colossal
Amazone. Dans son cours de 5.400 kilomètres, il baigne des terres
brésiliennes sur ses deux bords, depuis le village de Tabatinga,
sur la frontière du Pérou, jusqu'à l'Océan Atlantique, sur une
étendue de 3.800 kilomètres, soit plus des deux tiers de son
parcours.
Parmi les lagunes, la plus remarquable est celle des Patos
(Canards), également navigable, mesurant environ 200 kilomè-
tres de long sur 60 kilomètres de large, et située à l'extrémité
sud de l'empire.
1. Contre-amiral de la marine impériale, directeur du Bureau Hydrogra-
phique de Bio-do-Janeiro, membre correspondant de l'Institut de France
Académie des Sciences) et de l'Académie des Sciences de Madrid, chambel-
lan de S. M. l'Impératrice du Brésil, etc.
24 LE BRÉSIL EN 18 89.
L'hydrographie brésilienne est encore inconnue des géogra-
phes en grande partie; le parcours des affluents et des confluents
des principales artères mesure des milliers de kilomètres, et Leur
nombre est si grand* que cette ignorance s'explique tout natu-
rellement.
L'Amazone compte un très grand nombre d'affluents. Au
nombre des principaux on peut citer, pour le bord septentrional
du fleuve, les suivants : l'içâ, le Japurâ, le rio Negro, ayant
chacun plus de 1.000 kilomètres de cours; le Trombetas et le
Paru, en ayant plus de 500; le Jary, PAnamarapucû, le Jatapû, et
le légendaire Jamunda ou Nhamundâ, qui s'unit au Trombetas à
peu de distance de l'Amazone. Sur le même bord gauche, des
centaines d'autres rivières se jettent dans le Fleuve-Océan
jusqu'auprès du cap du Nord, où débouche l'Araguary dont on
connaît les terribles porôrôcas.
Sur la rive droite ou méridionale, en partant de la frontière
péruvienne, on trouve d'autres affluents remarquables par le
volume de leurs eaux, tels que le Javary, le Jutahy, le Juruâ, le
Tefle, le Coary, le Puriïs, le Madcira, le Tapajoz, le Xingû, et le
ïoeantins, qui communique avec ce bassin. Tous ils ont un
parcours de 1.500 à 3.000 kilomètres, et presque tous sont navi-
gables à la vapeur, et sont déjà sillonnés par des lignes régu-
lières de bateaux à vapeur.
A l'embouchure même du fleuve gigantesque, on trouve Pile
de Marajô, mesurant environ 300 kilomètres de long sur 220 de
large, possédant des cours d'eau navigables sur une étendue de
plus de 100 kilomètres, comme l'Arary, par exemple, qui prend
sa source dans le lac de ce nom.
Sur la rive méridionale de l'Amazone, on trouve encore plus
de 30 rivières ayant un cours de 100 à 500 kilomètres, sans parler
des longs et innombrables sous-aifluents qui se rencontrent sur
les deux rives.
Un grand nombre de fleuves se jettent dans l'Atlantique. Les
principaux en commençant par le Nord, sont : le Gurupy, le
Tury-Assû, le Pindaré, le Méarim, l'Itapicurû (dans la baie de
San-Marcos et dans celle de San-José), le Parnahyba (dont les
sources coulent do la même chaîne de montagnes qui, par le
versant occidental, envoie ses eaux alimenter le Tocantins),
PAcaraû, le Jaguaribc, le Mossorô, i'Assû, le Parahyba-du-Nord,
le Capiberibe, l'Ipojûca, le Formoso, le Mundahu, le grand San-
Francisco (dont le cours est de 3.000 kilomètres environ), leYasa-
HYDROGRAPHIE. 25
Barris, l'Itapicurû-du-Sud, le Paraguassû, le rio des Contas, le
Jequitinhonha, le Mucury, le San-Matheus, le Dôce, le Parahyba-
du-Siul, l'Iguâpe, le San-Francisco-du-Sud (qui serait plutôt un
bras de mer), L'Itajahy, le Tijucas, le Tubarâo (à l'intérieur de la
barre de Laguna), l'Araranguà, le Mampitûba, et enfin le petit
fleuve Chuy, qui sépare le Brésil de la République Orientale de
l'Uruguay.
Dans la lagune des Patos débouchent le Jaeuhy, le Gahy, le
Camaquam et le rio des Sinos. Dans la lagune Mirim se jette le
Jaguarao, et, dans le canal de San-Gonçalo, le Piratiny.
Au nord de l'Amazone, il faut encore citer l'Oyapock, et le
grand rio Branco, affluent du rio Negro, qui court entièrement
sur le territoire brésilien ; et, au sud, il faut relever une partie
navigable de l'Aquiri (bras du Purûs), le Guaporé (bras principal
du Madeira), le Juruena, TArinos et le San-Manoel (qui forment
le rio ïapajoz), le rio des Mortes (qui grossit l'Araguaya, principal
bras du Tocantins).
Dans les versants occidentaux de la chaîne générale (Serra
Gérai), naissent également des fleuves de premier ordre qui arro-
sent et fertilisent l'intérieur du Brésil, et qui, après un long
parcours, vont jeter leurs eaux dans l'Océan par le rio de la
Plata. Ainsi, l'Uruguay prend sa source dans la province de
Santa-Catharina; l'Iguassû, dans celle de Paranâ; le Paranâ,
dans celle de Minas-Geraes. Il est formé par le Paranahyba, grossi
parles eaux du rio des Velhas, du Corumbà, du rio des Bois, du
rio Grande, du Tieté, du Pardo, du Paranâpanema, de Fïvahy, et,
enfin, par l'Iguassû, qui, à son confluent, forme la frontière du
Brésil avec la République Argentine.
Finalement, le Paraguay prend naissance dans la Serra du
Pary; du versant septentrional de cette chaîne coulent les eaux
qui forment l'Arinos, principal bras du Tapajoz, qui lui-même se
jette dans l'Amazone.
Les amateurs de géographie doivent étudier avec attention
l'intéressante région qui forme la province de Matto-Grosso. C'est
là le véritable cœur du Brésil. C'est de là que sortent les grandes
artères qui portent la vie aux points les plus extrêmes de ce
grand corps. En effet, près de Yilla-Bella, les sources du Guaporé,
bras principal du Madeira, sont à peine éloignées de quelques
centaines de mètres des ruisseaux Aguapehy et Estiva, qui se
jettent dans le Jaurû, bras considérable du Paraguay. Au moyen
d'un petit canal, que les Portugais ont tenté d'établir au siècle
20 LE BRÉSIL BU 18 89.
dernier, de petites barques à fond plat pourraient passer de l'un
à lauliv. el effectueraient ainsi Te plus étonnant des voyages, en
allant de L'embouchure de I&Plata à L'embouchure de l'Amazone
par L'intérieur des terres !
De même le Cuyabâ, bras important du Paraguay, naît sur le
versanl méridional de cette même Serra Azul, sur le versant sep-
tentrional de laquelle se forment le Paranàtiuga et d'autres
sources du rio San-Manoel, bras considérable du ïapajoz. La
Serra de la Chapada sépare encore d'autres bras orientaux de ce
même rio Cuyabâ de la source la plus importante du rio des
Mortes, bras considérable de l'Âraguaya.
La. province de Matto-Grosso est donc la région où se trouve
la ligne de partage des eaux qui s'acheminent vers les deux
grands bassins de l'Amazone et de la Plata.
Les lacs sont fort nombreux. La province de l'Amazone seule
en compte une infinité. Mais là comme ailleurs beaucoup de ces
lacs sont peu connus, et les cartes ne font mention que d'un petit
nombre d'entre eux. En partant du Nord, on peut citer les sui-
vants :
Amazonas. — Les lacs d'El-Rei, d'Amapâ, d'Urubûquâra,
Taperibatûba, Saracâ, Matary, Macuary, Manacapurû. Cudajaz,
Trocary, Gupeia, lagune Amanâ, Marahâ et Marihé, tous au nord
die l'Amazone. Au sud, on trouve les lacs : Andirâ, Hyapuâ, Aba-
iuiis, Larv, Paratary, Autaz, Maraquiry, Canuman, Jacaré,Maués,
Macary, Andirâ, Uaicurapâ, le lac Grande, la lagune de l'Ouro.
Para. — Dans l'île de Marajo, les lacs Arary, Aruan, Mon-
dango et d'autres moins importants.
Màragnon. — La lagune Burigiatiba, du Yianna, Jacaré-Assû,
Taveira, de Ïres-Pontas, de la Matta, du Capim, de Jussâra et de
la Morte.
Piauhy. — Lagune de Parnaguâ, du Matto, Itans, Mujû,
lagune Dourada, lagune de Pimenteiras.
Rio-Grande-du-Nbrd*. — Lagunes Piatô, Ponta-Grande, Groa-
bvras et Papary.
PcriKimlniro. — Lagune de Yilla-Bella.
Alaijôns. — Lagune Manguâba, Mundabû, Jequiâ, Escura,
Timbô, Jacaracica, Taboleiro, Auuaxiuma, Pacas, lagune Gom-
prida, Boassica, Coqu(>iro, lgi'eja, Azeda.
HYDROGRAPHIE.
27
Bahia. — Lagune de la Cachoeira.
Espirito-Santo. — Lagune Juparanan, Jacunem, du Boquei-
râo, (TAguiar, du Chôro-d'Agua, du Pâo-Dôce, du Pâo-Gigante.
Rio-de-Janeiro. — Lagune Araruâma, Saquarema, Cururu-
pina, Maricâ, Piabanha; Jésus, Paulista, Carapcbûs, Jurupatiba,
lagune de Cima, Imboacica, Jacuné, lagune Fcia, Jacarépaguâ,
Marapondy, Rodrigo-de-Freitas.
Rio-Grande-rdu-Sud. — Lagune des Patos, Mirim, Mangucira,
Mostardas, San-Simao, de la Réserva, des Quadros, et un grand
nombre d'autres qui vont se relier à la lagune de Santa-Martha,
du Camaclio, de la Laguna, dans la province de Santa-Catharina.
Matto-Grosso. — Lagunes d'Uberâba, Jauy, Gahyba, sur la
frontière de la Bolivie, Câceres, Bahia-Negra et Mandioré.
Cette courte notice resterait par trop incomplète si je ne disais
pas quelques mots de la partie du Brésil baignée par l'Océan. .La
côte maritime de L'empire a un développement de G. 600 kilo-
mètres, depuis LOyapock jusqu'au Chuy; elle offre à la naviga-
tion plusieurs ports excellents, un grand nombre de mouillages
et la plus belle et la plus vaste baie du inonde, celle de Rio-de-
Janeiro.
Parmi les ports qui reçoivent des navires de plus de G mètres
de tirant d'eau, citons :
Para. — Le port de Belém, dans la baie de Guajarà.
Maragnon. — Les ports de l'Eira, Alcantara, et île du Medo,
dans la baie de San-Marcos.
Céard. — Les ports de Fortaleza, Mucuripe, Parâ-Curû, Jeri-
quaquâra et Retiro-Grande.
Rw-Grande-du-Nord. — Les ports de Bahia-Formosa et Piti-
tinga.
Parahyba-du-Nord. — Ceux de Pitimbû et de la baie de la
Traiçâo.
Pernambuco. — Ceux de Tamandaré, Lamarâo et de File de
Fernando-de-Noronha.
Alagôas. — Celui de Maceiô.
Bahia. — Ceux de San-Salvador , Morro-de-San-Paulo ,
Cimamû, Ilhéos, Santa-Cruz, Cabralia, Joacema, Abrélhos.
28 LE BRÉSIL EN 1S8 9.
Rio-de- Janeiro. — La baie de Guanabâra, celle de Vile Grande,
les anses de Cabo-Frio, Buzios, Imbetiba, l'ancrage des iles de
Santa-Anna.
San-Paulo. — Ceux de San Los, San-Sebastiào, île des Porcos,
île du Bom-Abrigo.
Paranâ. — Les baies de Paranaguâ et Antonina.
Santa-Catharina. — La baie du Norte, Ratones, Caieira,
Ganchos, Bombas, Itapacorôy.
Pour les navires moins importants et pour la navigation de
cabotage, le nombre des ports et abris est encore plus considé-
rable. Je n'en citerai que les principaux :
Para. — Les baies et anses de Caïté, Burunanga, Toquem-
boque, Imburaby et Guaperôba; la baie de Maracanâ, formée par
File de la Praia-Grande, est bien abritée.
Maragnon. — Dans le delta du rio Parnahyba on trouve les
barres du Meio, du Cajû, du Carrapato ou Carnaûba et de la
Tutoya, les trois premières pour des navires d'un faible tonnage,
et la dernière, offrant un port bien abrité, pour les navires de
plus de 4 mètres de tirant. La barre du rio Guarapirâ reçoit des na-
vires de 4 mètres 1/2. Les barres de PreguiçasetduLago donnent
accès aux petits yachts. La baie du Pria, où débouche le rio Mairy,
est parsemée de bancs au milieu desquels naviguent les caboteurs.
La baie de San-José est presque complètement obstruée. Dans le
voisinage du port d'Alcantara, il y a plusieurs ancrages abrités.
Piauhy. — Cette province n'a que 10 milles de cote dans le
delta du Parnahyba ; malgré cela, elle a deux ports. Celui de
l'Amarraçào est formée par Tune des six bouches du Parnahyba,
qui la sépare de la province de Céarâ ; il peut recevoir des barques
de 3 mètres 1/4 jusqu'au port de ce nom, à deux milles de la
barre. Celui des Canarias a environ 3 mètres de profondeur, mais
à l'intérieur de la barre il y a de G mètres à 7 mètres 1/2.
Céarâ. — La barre de Jaguaribe (Aracaty), dont le canal est
changeant à cause du mouvement des sables, a 4 mètres d'eau
aux marées basses ordinaires ; les bateaux à vapeur des compa-
gnies de Pernambuco et Maragnon y font escale. La barre du
Choro* est accessible aux petits navires. Le port de la Lagoinha
est peu spacieux, mais il offre un bon mouillage. L'anse du Mun-
dahù est un port d'escale pour les bateaux à vapeur de la côte,
HYDROGRAPHIE. 20
et, malgré ses lianes et ses récifs, il a deux ancrages surs pour
les navires de 3 mètres. Les anses de Pcrnambuquinho et de
l'Aracaty-Assû sont de simples ouvertures situées à l'intérieur
d'un récif, niais elles ont un excellent fond de vase de 10 à 12
mètres de profondeur. Les caboteurs pénètrent dans les barres
de l'Acarahû, Marisco et Presidio, malgré les écueils. Le meilleur
porl de la province et le pins abrité est celui de Camocim, ayant
4 mètres de profondeur. Les barres du Comorupim, Comoropim-
Baixo et ïimonha donnent accès aux petits navires.
Rio-Grande-du-Nord. ■ — La barre du chef-lieu de la province
est d'un accès difficile pour les grands navires ; mais, à l'endroit
le plusbas du canal, qui se trouve entre les bouées, il y a toujours
2 mètres 60 d'eau à la marée basse, et tout le reste du canal n'a
pas moins de -4 mètres. L'entrée serait facile n'étaient les détours
rapides et étroits. Le cap de San-lloque, Mara-Cajahû et la baie
du Touro ont assez d'eau pour les navires moyens, car la sonde
trouve toujours de 5 à G mètres de profondeur. La barre du
Mossoro est fréquentée par les bateaux à vapeur cùtiers, qui vont
mouiller dans un port où l'ancre prend bien et qui a 7 mètres
de profondeur.
Parahyba-du-Nord. ■ — Le port de Cabedello reçoit des navires
de i mètres 60 ; mais ceux-ci ne peuvent remonter le fleuve jus-
qu'en face du chef-lieu de la province que pendant la marée
haute. Le port de Mamanguâpe, à l'embouchure du Parahyba,
reçoit des navires cô tiers.
Pernambuco. — Le port du rio Formoso est excellent et a un
fond suffisant pour les grands navires, mais la barre en est fort
étroite, elle n'est guère qu'une solution de continuité du récif qui
longe la côte, de sorte que ce port n'est accessible qu'aux petits
navires. La barre du Serinhaém n'est assez profonde que pour les
petits caboteurs. Le port des Gallinhas et lerioSuapese trouvent
dans les mêmes conditions. L'anse de Guaybû, célèbre pour sa
forteresse, est un ancrage sûr pour les navires de haut port. Le
port du Uecife ou Mosqueiro a 5 mètres 1/2 de profondeur. C'est
une des meryeilles de la nature : à 200 mètres de la rive et dans
une direction parallèle se prolonge en ligne droite, sur une éten-
due d'une lieue, un récif en forme de muraille, élevée aujourd'hui
par la main de l'homme, mais qui, avant ces travaux, défendait
tout naturellement le port contre la fureur des vagues de
l'océan. La barre du Pào-Amarello est fréquentée par des na-
30 LE BRÉSIL EN 18 8 9.
vires n'ayant pas besoin de plus de 3 mètres d'eau. L'ancrage
d'Itamaracà est excellent et a 5 mètres de profondeur. La petite-
barre du Gerimunha donne accès aux navires qui ont besoin de
3 mètres de tirant d'eau. Le port de Goyanna a 4 mètres de pro-
fondeur. Celui de Pitimbû ou des Français est spacieux, mais
son lit est mauvais pour l'ancre, quoiqu'il ait de 8 à 10 mètres
de profondeur dans la barre.
Alagôas. — La barre de Camaragipe reçoit des navires de
5 mètres de tirant.
Sergipc. — La barre du rio Real donne entrée aux petits na-
vires. Celle du Vasa-Barris n'a que 4 mètres à marée haute et est
d'un accès difficile ; mais le fleuve est navigable, jusqu'à 20milles
de son embouchure, par de petits navires. Celle d'Aracajû, dans
le rio Gotindiba ou Cotinguiba., n'a que 2 mètres 1/2 d'eau, et,
comme elle est formée de bancs, on n'y peut pénétrer qu'avec
un bon pilote. Le rio Japurâtuba a une barre peu profonde qui
n'admet que de petits caboteurs. Le rio San-Francisco, l'un des
plus considérables du Brésil, prend sa source près d'Ouro-Preto,
dans la province de Minas-Geraes, traverse les provinces de
Bahia et Pernambuco, et, à 230 kilomètres de la mer, sépare les
provinces de Sergipe et d'Alagôas en formant leur limite jusqu'à
la côte, ^a barre a 4 mètres 1/2 à marée haute.
Bahia. — La barre du rio Caravellas a 5 mètres 1/2 à marée
haute : à l'intérieur, elle a de 9 à 10 mètres sur un lit de vase.
Alcobâça et Prado sont deux ports pour les caboteurs qui n'ont
pas besoin de plus de 2 mètres de tirant. Le port de Como-
xatiba est formé par le récif qui longe la côte et il offre un bon
ancrage de 5 à G mètres de profondeur pour une douzaine de
navires ; cependant, la barre est tellement étroite qu'elle n'ad-
met que des navires d'un faible tonnage.
La barre de Cramimuan a 2m,2 de profondeur. Le port de
Joacema est abrité, peut recevoir de grands navires et a 8 mètres
de profondeur. La barre duFrade est dangereuse, mais le fleuve est
navigable sur une grande étendue pour les caboteurs. Le port de
Porto-Scguro est abrité contre les vents du Nord-Est, mais il est
complètement ouvert à ceux du Sud et du Sud-Est. Les baies de
Santa-Cruz et Cabralia constituent de magnifiques ancrages ; le
fond est de vase et a de 13 à 14 mètres de profondeur dans la
première et de 7 à 8 mètres dans la seconde de ces baies. Le port
de Belmonte, à l'embouchure du fleuve de ce nom ou Jequitin-
II Y DROGUAI* II IE. 31
honha, n'offre que 2m,30 aox navires, à la marée haute. La barre
de Ganavieiras a de Am,(\ à An\\) de profondeur, à marée haute,
dans le canal du milieu; la navigation côtière fréquente beaucoup
ce port. Olivenca et Comaûratuba n'ont que 2m,5 de profondeur.
Dans le rio des Contas, le canal d'entrée n'a que 4m,o d'eau à
marée haute, mais à l'intérieur de la barre, vis-à-vis le village,
le fond a de 10 à 12 mètres. Les bassins formés par les rios Aratû
et Real près de leur embouchure ont 2m,5 d'eau.
Espirîto-SantQ. — Les cours d'eau appelés Camaquam, Itapé-
mirim et Piûma sont accessibles, à leurs embouchures, aux
navires d'un faible tonnage. Le port de Guarapary est l'un des
meilleurs de cette côte, et il peut recevoir des navires ayant
besoin de 5 mètres d'eau. A Benevente on ne trouve que lm,50
d'eau. Le port de Victoria, bien abrité, admet des navires de
6 mètres. Les rios Dôce, San-Matheus, Mucury et Villa-Nova-
d'Almeida ne sont accessibles qu'aux petites barques.
Rin-de- Janeiro. — Angra-dos-Reis a 5 mètres d'eau; Mangara-
tiba, Paraty, Jerumerim, Mambucaba en ont 3 mètres. La baie de
Sepetiba a 20 milles de long sur 6 de large ; sa profondeur varie
de 2m,20 à 3 mètres, mais l'entrée n'a parfois que lm,80 d'eau. La
barre de Cabo-Frio, qui est la môme que celle de la grande lagune
Araruâma, a 5 mètres d'eau, mais l'entrée de la barre offre quelque
difficulté. La barre de San-Joâo a 4 mètres d'eau à marée haute.
Le port du rio des Ostras, à l'embouchure du cours d'eau de ce
nom, est bien abrité, et a 4 mètres d'eau. Celui d'Imbetiba est
très fréquenté, il est profond, mais se trouve exposé aux vents de
N.-N.-E. jusqu'à E.-E.-E., malgré son brise-lames. Celui de Macahé
a une passe très étroite, au milieu de bancs et de récifs, et il
n'est accessible qu'aux caboteurs qui n'ont pas besoin de plus de
2m,80 à 3 mètres d'eau. A San-Joâo-da-Barra, à l'embouchure du
Parahyba, il y a un ancrage très fréquenté par les caboteurs, car
ce port dessert la ville de Campos, l'une des plus commerçantes
de la province. A l'époque des plus hautes marées, ce port n'a
pas plus de 2m,50 à 3 mètres d'eau.
San-Paulo. — Le port des Palmas, dans l'île des Porcos, est
une excellente baie, abritée contre les vents; il a 7m,30 de profon-
deur et un lit de vase. L'ile du Bom-Abrigo est un mouillage de
8 à 0 mètres de fond. La baie de Cananéa a 3 mètres d'eau. Iguape
donne accès, par la barre de l'Icapâra, à des navires qui ne dépla-
cent pas plus de 2 mètres d'eau.
32 LE BRÉSIL EN 1889.
Paranâ. — A Paranagué des navires déplaçant jusqu'à
6 mètres d'eau peuvent pénétrer jusqu'à Antonina, à l'extré-
mité occidentale d'une longue et belle baie, où il y a un ancrage
de (') ;'i 6m,50 de profondeur.
Santa-Catharina. — Les anses do Garopaba et Imbituba ont
3m,50 d'eau et sont abritées contre l«is vents. Laguna est un port
commerçant qui n'a que de 21",--*) à 2m,50 de profondeur. Le port
de Desterro est un excellent ancrage et les naviges ayant besoin
de moins de 4 mètres d'eau peuvent y entrer. Pinheiro, Pantano-
do-Sul et Lagoinha sont des anses ayant .'Jm,50 d'eau. Porto-Bello
est une anse de 4 mètres de profondeur. Caixa-d'Aço, véritable
merveille de beauté et de sécurité, est un mouillage de 5 mètres
de profondeur. Le port de San-Francisco-do-Sul est bon et
sûr, mais sa barre n'a que2m,50 d*eau. Les navires qui ont besoin
de pilote s'abritent bors de la barre, près des iles de la Graça.
Gambriû est une anse assez vaste qui a 2m,50 d'eau. Itajahy est
un cours d'eau navigable et sa barre est fréquentée par les paque-
bots de la côte.
Bio-Grande-du-Sud. — La barre de ce port commerçant n'a
que 3m,70 d'eau à l'époque des marées ordinaires, mais le service
de pilotage qu'on y trouve est le plus parfait de toute la côte du
Brésil.
32 bis.
ESQUISSE DE LA CARTE GÉOLOGIQUE DU BRÉSIL
ORGANISÉE PAR ORVILLE A. DERBY
''Extraite du tl Brazil Geographipo e Ilistorico ")
CvCH Terrain Arcl
Laurent i en.
) Huronien.
{ Silurien.
— Palaeozoïque ) Devonien
( Car boni 1ère
— Carbonifère.
Terrain Triassique (?)
— Crétacé.
— Tertiaire et Quaternaire.
32 ter.
ESQUISSE DE LA CARTE PHYSIQUE BU BRÉSIL
Organisée par Orville A. Derby (Extraite du " Brazil Geographico e Historico ")
PROVINCES
XV Paranâ.
XVI Santa Catharina.
XVII Rio Grande do Sul
XVIII Minas Geracs.
XIX Goyaz.
XX Matto Grosso,
I
Ama/.onas.
VIII
Pernambuco.
il
Par;».
IX
Alagoas.
J 11
Maranhào.
X
Sergipe.
IV
Piauhy.
XI
Bahia.
V
XII
Espirito Santo
VI
Rio Grande do Norte.
XIII
Rio de Janeiro
VII
Paraln lia.
XIV
S. i'aulo.
FLEUVES ET RIVIERES
A Amazonas.
c Xingû.
k Branco.
B Paraguay.
d Tapajoz.
1 Jequitinbonha
C Parai îî.
e Madeira
m Doce.
D Uruguay.
i' Guaporc
n Parahyba.
E S. Francisco.
g Punis,
b Juruâ.
o Rio Grande.
F Parnahvba.
p Tieté.
a Tocantins.
i Javary
q Paranapenema
b Araguaya
j Negro.
r Iguassù.
rr^g Elévation de 0 à 300 mètres,
lliUlUJ — — 0 à 1000 »
— — plusdelOOO »
HYDROGRAPHIE.
TABLE DE LA DIFFÉRENCE DE NIVEAU
33
A L ÉPOQUE DES SYZIGIES DANS LES PRINCIPAUX PORTS DE LA COTE DU BRESIL,
Organisée par le Bureau Hydrographique
PROVINCES
Marauhùo
Piauhj
Cear.'i .
Rio Grande do Norte,
Par;
Pernarabuco
Alagôas .
Bahia..]
Espirito-Santo .
Rio de Janeiro
Sanla Galbarina
M IMS
ES PORTS
Rio Grande do Sul.
Belem
Salinas
Caïté
Gurupj
S. Lui/.
Illia de Sanla Anna
Preguiças
Tutoya
Amarraçâo
(Iranja ,
Acaraluï
Portaleza ,
Aracaty
Mossorô
Cabo de S. Roque
Natal (port)
Natal (barre) ,
Parahyba (port)
Parahjba (barre)
Itamaracu
Recife
Tamandarc
Barra Grande
Maceiô (Jaraguû)
S. Salvador
Aralû
Paraguassù
Ilaparica
Rio Una
Gamamû
Rio de Coulas
Ilhéos
Canavieiras
Sanla Cruz, Cabralia
Porto Seguro
Joacema
Caravellas
Victoria
Macabc
Buzios
Cabo-Fro (ville)
Rio de Janeiro
Sepetiba
Paraty
Enseada l'aimas (ilha Grande
S. Sebastiâo (ilha)
Qbatuba
Santos
S. Francisco do Sul
Cambriû
Itapacoroy
Desterro ,
Rio Grande do Sul (barre). .
ÉTABLISSEMENT
DU POllI
121
i.OO m.
7
30
7
00
(i
30
7
00
G
00
5
45
5
00
4
30
5
30
5
00
5
30
4
45
5
00
4
00
5
00
4
30
5
30
5
00
5
00
4
30
4
00
4
30
5
00
4
2o
5
0G
5
20
5
15
4
00
4
00
4
00
4" 00
00
40
45
30
35
00
2 50
2 30
3 00
2 58
2 00
1 45
1 45
3 00
4 00
3 05
2 10
2 00
2 30
2 30
Irréeulier
Différence de niveau
entre la marée basse
et la plus liante marée
lm98
2 07
97
G2
94
95
32
(J8
G4
97
98
Gt
05
31
65
3L
31
65
98
65
98
98
30
30
30
30
30
30
80
00
00
^0
60
70
85
60
30
05
38
50
00
01
80
50
70
65
30
20
50
20
20
80
0 60
CHAPITRE III
CLIMATOLOGIE
Par M. HENRI MORIZE1
Un empire aussi vaste que le Brésil, qui s'étend sur la plus
grande partie du continent sud américain, depuis 5°10' de lati-
tude nord jusqu'à 33°45' sud, doit présenter nécessairement
une grande variété de climats différents. Par suite de sa posi-
tion dans l'hémisphère austral, la disposition des saisons s'y
trouve entièrement renversée, et, bien que la succession de ces
divisions de l'année n'y soit guère tranchée le plus souvent, on y
a conservé, cependant, l'usage des termes : printemps, été,
automne, hiver; seulement, le printemps correspond à l'automne
de l'Europe et vice versa.
Jusqu'à présent les observations suivies qui, seules, peuvent
donner une idée exacte des éléments météorologiques qui carac-
térisent une contrée, y ont été peu nombreuses relativement. On
peut, cependant, en les combinant avec celles qui ont été exé-
cutées par les voyageurs qui, depuis longtemps déjà, ont
sillonné le Brésil, diviser le Brésil entier en trois grandes zones :
la zone tropicale, la zone sous-tropicale et la zone tempérée
douce.
La première zone, que nous appelons tropicale, torride ou
équatoriale, comprend toute la partie du Brésil dont la tempé-
rature moyenne s'élève au-dessus de 25°. La ligne qui limite cette
zone, c'est-à-dire l'isotherme de 25°, passe au sud de Pernam-
i. Astronome à l'Observatoire Impérial de Rio-de-Janeiro. M. L. Cruls
directeur de cet Observatoire, a revu tout ce travail, fait sous sa direction.
36 LE BRÉSIL EN 1889.
buco, peut-être par Alagôas ou Sergipe, coupe une parlie de
Goyaz, et descend dans Matto-Grosso, au-dessous de Guyabâ. Les
provinces de Pernambueo, Parahyba-du-Nord, Rio-Grande-du-
Nord, Céarâ, Piauhy, Maranhâo, Para et Amazonas sont donc
entièrement situées sous cette zone.
La deuxième zone, que nous appelons sous-tropicale ou chaude,
s'étend entre l'isotherme de 25° et celui de 20°. Cet isotherme
passe au sud de la province de San-Paulo, coupe celle de Paranâ,
en séparant entièrement les provinces de Santa-Catharina et
Rio-Grande-du-Sud, ainsi que la plus grande partie de celle de
Paranâ et une partie de la province de San-Paulo.
La troisième zone, que nous appelons tempérée douce, s'étend
à travers tout le Sud et comprend les provinces de Paranâ,
Santa-Catharina, Rio-Grande-du-Sud, ainsi qu'une fraction de
San-Paulo. La température moyenne y oscille entre 15 et 20
degrés.
1. — La zone tropicale peut se subdiviser, suivant M. Draenert,
professeur à l'École agricole de Bahia, qui a spécialement étudié
la distribution pluviométrique au Brésil, en trois parties dis-
tinctes, suivant l'époque de pluies : 1° le Haut-Amazone ; c2° l'in-
térieur de toutes les provinces de Maraiihao, Para, Matto-Grosso,
Piauhy (et môme Bahia et Minas-Geraes) ; 3° la région littorale
de Para, Maranhâo, Piauhy, Céarâ, Rio-Grande-du-Nord et Para-
hyba-du-Nord.
1° Dans la région du Haut-Amazone, Tannée météorologique
peut se diviser en deux époques : l'une des grandes pluies, et
l'autre des petites pluies, qui toutes deux produisent une crue
des eaux du fleuve. La grande crue commence à la fin de février
et va jusqu'en juin ; la petite crue commence à la mi-octobre et
se termine vers le commencement de janvier. Le niveau des
eaux du lleuve varie considérablement, et la différence de
niveau peut atteindre ï\ mètres entre l'étiage inférieur qui
se présente en septembre, et l'étiage supérieur qui se produit
d'avril à mai. Entre ces deux crues sont intercalées deux périodes
de sécheresse, une grande et une petite, qui se produisent : la
première, de juillet à la mi-octobre, et la dernière de janvier à
février. A la fin de la grande crue, il se produit une chute de
température qui ne dure que quelques jours et qui est fréquem-
ment favorisée par le vent du sud. L'abaissement de tempéra-
ture est tel que l'on prétend que beaucoup de poissons du rio
TefTé en meurent tous les ans. M. J. Pinkas, qui a longtemps
CLIMATOLOGIE. 37
séjourné dans ces régions comme ingénieur en chef du chemin de
fer projeté du Madeira à Mamoré, y a fait quelques observations
Intéressantes.
La température moyenne du Haut-Madeira serait de 26° cen-
tigrades, soit 2° au-dessous de la température de l'équateur,
suivant Humholdt. La température la plus élevée a été de 39°5,
ce qui est relativement faible. Toutefois, la sensation de chaleur
est toujours très forte, à cause du degré hygrométrique de l'air
qui est très élevé, L'hygromètre oscille constamment entre 80
et 100, et la condensation nocturne, qui se produit immédiatement
après le coucher du soleil, est si forte, que les explorateurs, qui
dormaient sous d'épaisses tentes, trouvaient le matin tous leurs
vêtements mouillés, et la couverture de la tente ruisselante
d'eau, comme si une forte pluie eût tombé pendant la nuit.
Cette humidité, des plus préjudiciables à la santé, se comprend
quand on voit une hauteur de 2 mètres d'eau tomber entre les
mois de novembre et de mai. Dans cette partie de l'Amazone, le
vent dominant est celui de sud-ouest, fréquemment entrecoupé
de calmes. Suivant M. Pinkas, le refroidissement, dont nous
avons parlé plus haut, se produit indifféremment pendant les
mois de mars, d'avril et de mai. La cause en serait dans réchauf-
fement rapide de la colonne d'air qui couvre ces régions et qui,
s'élevant dans les parties plus hautes de l'atmosphère, produi-
rait un puissant appel qui serait comblé par la brusque arrivée
de l'air glacé qui entoure les hauts sommets des Andes. Par cette
explication, on conçoit que ce phénomène, auquel on a donne
le nom de « friagem », ne peut se produire que par une journée
calme et chaude. L'arrivée de ce courant se produit toujours
peu d'heures après le passage du soleil au méridien, et est inva-
riablement précédée par une température très élevée, une satu-
ration hygrométrique presque complète de l'air et une dépres-
sion barométrique de 5 à G millimètres.
2° Ces brusques changements de température se produisent
dans toute la zone tropicale continentale. C'est ainsi que nous
les retrouvons dans la deuxième subdivision de M. Draenert, qui
comprend l'intérieur de toutes les provinces du Nord. Dans ces
contrées, qui sont caractérisées par de fortes pluies de printemps
et d'été, il est très fréquent de voir des sauts de plus de 20° se
produire en quelques heures. Le docteur J. Severiano da
Fonseca, médecin militaire, qui a longtemps séjourné dans la
province de Matto-Grosso, a rapporté dans un ouvrage intitulé
38 LE BRESIL EN 1889.
Viagem no rcdor do Brazil, les résultats de ses observations dans
ces provinces.
Les vents généraux y soufflent du nord-ouest et du sud-est.
Les premiers sont chauds et humides, tandis que les derniers
sont toujours très froids. Ces deux vents se succèdent souvent
avec rapidité, ce qui amène de brusques chutes thermométri-
ques. 11 arrive souvent aussi, pendant l'été, que le vent de la
pampa qui souffle du sud-ouest amène de véritables tempêtes
accompagnées elles-mêmes de forts abaissements de tempéra-
ture. Suivant le général Hermès da Fonseca, la température
moyenne annuelle de Cuyabd a été, en 1870, de 25°", et de 26°7
en 1877; la température la plus basse observée en 1876 a été de
de 7°5, et s'est produite le 18 août. Suivant le docteur Joâo
Severiano da Fonseca, la température au point du jour est de
4° à G0 au-dessous de celle de midi, et elle continue à croître
jusqu'à 4 ou o heures de l'après-midi, pour retomber ensuite.
Les explorateurs allemands, les frères Von den Steinen, qui ont
parcouru la province pendant ces dernières années, ont laissé à
Cuyabâ, entre les mains du major Americo de Vasconcellos,
d'excellents instruments météorologiques avec lesquels celui-ci
a commencé à faire des observations suivies qui ne peuvent
manquer d'être d'une grande utilité. Nous ne possédons encore
que deux mois, août et septembre de l'année 1888, mais
ces deux mois sont très instructifs. Pendant le mois d'août,
nous ne notons qu'un jour de pluie, car c'est à cette
époque que finit la saison sèche ; les vents dominants soufflent
alors du nord, nord-ouest et nord-est. Quant ils soufflent fai-
blement, ou bien quand ils sont substitués par des calmes, la
température monte aisément, comme le ï27 août, par exemple,
à 39°8. Si, par contre, les vents du sud sont un peu forts, comme
le 17, le thermomètre tombe à 10°. Si le vent saute brusquement
du sud au nord, on peut avoir une variation subite de tempéra-
ture de plus de 20°. C'est ce qui est arrivé le 15, où le thermo-
mètre a marqué le matin 1G°, et est monté dans l'après-midi
jusqu'à 30", soit une variation de 23°. La température moyenne,
à 7 heures du matin, a été, pour le mois d'août, de 21°i, et à
4 heures de l'après-midi de 35°. L'oscillation moyenne de la tem-
pérature pendant la journée a donc été de près de 11°. Le mois
suivant (septembre), la saison pluvieuse est commencée ; on note
déjà 10 jours de pluie ; la température est encore élevée, et, à la
date du 1er septembre, nous notons il0 centigrades, ce qui du reste
CLIMATOLOGIE. 39
est le maximum du mois. La température moyenne à 7 heures
du matin est devenue 25°1, et à 4 heures 33°1 ; si la chaleur au
matin a augmenté, par contre elle a diminué le soir, puisque
l'oscillation n'est plus que de 8°.
En somme, ces observations et celles de M. le docteur
J. Severiano da Fonseca permettent de dire qu'à Cuyabâ, et pro-
bablement aussi dans le reste de la province, la température est
toujours élevée, moins toutefois pendant les périodes de fria-
gem, mais que pendant la saison sèche, si les journées sont
chaudes, les nuits et les premières heures de la matinée jouissent
d'une fraîcheur relative.
Quoique les tremblements de terre n'y soient pas fréquents, on
peut cependant mentionner ceux qui eurent lieu le 24 septembre
1749, et qui fut précédé d'une forte rumeur comparable à un
orage souterrain, celui du 18 septembre 1832, et ceux du
1er octobre 1860 et du 26 juin 1876.
Corumbd (180S5' latitude sud), qui est une des villes les plus
importantes de la province, possède un climat à peu près sem-
blable à celui de Cuyabâ, et les brusques variations de tempéra-
ture y sont aussi fréquentes, ainsi qu'à Bescalvado, qui se trouve
par 16°45' sud et où, le 21 octobre 1875, le thermomètre étant
à 39°9, survint tout à coup un orage du sud-ouest, accompagné
de grêle, phénomène rare dans ces latitudes, qui fit baissera tel
point la température, qu'à 8 heures du soir le thermomètre
n'accusait que 15°5 ; il avait donc baissé de près de 25° en peu
d'heures.
Il existe dans la province de Matto-Grosso des régions sèches,
sur les plateaux élevés, où la température est naturellement plus
tempérée, et il n'est même pas très rare d'y voir des gelées au
mois de juillet.
3° Les différences entre les températures moyennes des mois
de l'année diminuent à mesure qu'on se rapproche du littoral,
qui constitue la troisième subdivision de la zone tropicale, en adop-
tant la méthode de M. Draenert. Cette région est caractérisée par
des pluies qui dominent en été et en automne, et, en général, sur-
tout pendant le mois d'avril. Les mois les plus chauds sont ceux
d'été, mais la différence avec ceux d'hiver n'est pas très accentuée.
A Vizeu, par 1° 12' sud, dans la province de Para, on a29°l à 9 heures
du matin en décembre, qui est le mois le plus chaud, tandis
qu'on a 26° 5 en juillet, mois le plus frais. A San-Lniz-de-Ma-
ranhtïo, par 2°31' sud, dont nous possédons deux années d'obser-
40 LE BRESIL EN 1889.
vations, les mois les plus chauds sont décembre et février, avec
28°,6 et le mois le plus frais juillet, avec 27°, 4. La première de
ces deux stations compte, pendant les années 1887 et 1888, 71
jours de pluie assez irrégulièrement distribués, mais dont le
maximum est tombé en février-mars. Le vent dominant a été le
sud-est pendant toute l'année. San-Luiz-de-Maranhâo possède un
climat très pluvieux. La hauteur annuelle d'eau précipitée monte,
suivant les observations de M. Fabio de Moraes-Rego, ingénieur
de la commission hydraulique, à 2m 455, repartis sur 86 jours,
soit approximativement 1 jour de pluie pour 3 de temps sec. 11
pleut surtout en avril et principalement en mars, qui accuse lm040
d'eau en 21 jours; par contre, les mois d'octobre, de novembre
et décembre sont d'une sécheresse presque absolue. La tempé-
rature moyenne annuelle est de 27°, -4. Les températures absolues
observées ont été 33°, 8 et 21°, 1 et ont eu lieu toutes deux en
septembre, ce qui est assez extraordinaire. La température des
différents mois varie fort peu, et l'on ne peut guère signaler de
mois plus chaud ou plus frais, car les petites différences qui
existent se distribuent inégalement sur toute l'année. Les mois
les plus humides sont naturellement ceux de mars et d'avril ; et
l'état hygrométrique de l'air y arrive à 87°. Le vent dominant est
uniformément l'est-nord-est pour tous les mois de l'année.
Therezina, capitale de la province de Piauby par 5°,G' de
latitude sud, appartient à la même zone et à la même subdivision.
La température annuelle, prise à 9 heures du matin, y est de
2G°,8. Les mois les plus chauds sont ceux de la fin de la saison
sèche, c'est-à-dire septembre et décembre, dont la température
est en moyenne de 28°, 5; le mois le plus frais, qui est mai, avec
26°, 1, est le dernier de la saison pluvieuse. Comme on le voit,
l'amplitude delà variation annuelle est inférieure à 2°,4. Pendant
la saison sèche, le vent dominant souffle du sud, sud-est et est,
et, pendant la période pluvieuse du nord. On compte, pour toute
l'année, 05 jours de pluie, et la hauteur maximum, 14%, est
tombée eu avril. Les orages sont fréquents, 20 en moyenne par
an, distribués entre les mois de septembre à mai.
M. Benjamin Franklin, ingénieur chargé de l'étude du rio
Parnahyba, a fait exécuter, pendant l'année 1883, des observa-
tions météorologiques sur différents points voisins de la ville
d1 Amarante (lat. 0° 13' sud, long. lm28s W de Rio). La température
moyenne a été de 27°, 13, le maximum 35°,.'), et le minimum 18°, 0.
La variation de température d'un mois à l'autre y est très faible,
CLIMATOLOGIE. 41
et, par une singulière anomalie, les mois de juin, juillet et août
(mois d'hiver), ont moine une moyenne sensiblement plus élevée
que celle des mois de décembre et de janvier (été).
Pendant les mois de juin, juillet et août, que dans la localité
on dénominë mois d'été, il tombe très peu d'eau, et, dans Tannée
citée, on n'en a pas même recueilli une goutte; le même fait s'est
reproduit en 1882 et 1884. Le niveau du fleuve suit les variations
de la pluie, avec un léger retard, et arrive par conséquent à son
niveau le plus bas au mois de septembre.
La Province de Cèarâ, située à Test de celle de Piauhy, parti-
cipe de son climat. Sur le littoral, comme du reste dans les autres
localités de la région équatoriale maritime, les températures
mensuelles ne diffèrent que faiblement. Suivant un certain
nombre d'années d'observations recueillies par M. Pompeu,
la température annuelle de Fortaleza, par 3°, 44' de lat.
la capitale de la province, est de 26°,6 ; la température minimum
moyenne 23°, 1, et la température maximum 30°, 4. A mesure que
l'on pénètre davantage dans l'intérieur, l'amplitude de la varia-
tion augmente. A Icô (6°, 13' de lat. sud) la moyenne des maxima
est 35°, 2, celle des minima 26°,6 et la moyenne diurne 30°,8.
Dans la petite ville de Qalxeramoblm, située dans une région
plus élevée, la moyenne devient 29°,27 et oscille entre 24°, 85 et
33°,58. A Crato (6°, 50' de lat. sud), la moyenne annuelle est de
27%95, et son oscillation est de 8°,85. La région montagneuse est
naturellement plus fraîche, et, suivant M. Pompeu, la température
dans les montagnes d'ibiapaba, Baturité et Maranguape varie
entre 14° et 24°.
La division de l'année en deux saisons : l'une sèche, l'autre
pluvieuse, est encore plus accentuée dans la province de Céarâ
que dans les provinces adjacentes. La saison sèche s'écoule
souvent sans qu'il tombe une goutte d'eau (Pompeu, Chorogra-
phia da Provincia do Cearâ), et malheureusement il arrive quel-
quefois que cette sécheresse se prolonge pendant la saison qui
devrait être pluvieuse1, amenant ainsi de grands malheurs. La
saison sèche commence en juillet et se prolonge souvent jusqu'en
février. La saison humide prédomine pendant le reste de l'année,
mais surtout pendant les mois de mars, avril et mai.
Suivant 28 années d'observations pluviométriques faites à
Fortaleza, de 1849 à 1876, la hauteur moyenne d'eau précipitée a
1. C'est ce qui a lieu en ce moment (décembre 1888).
42 LE BRÉSIL EN 1889.
été de lm50, la plus forte de 2m45Û, et la plus faible de 0"\S5(). La
quintité recueillie pendant la saison humide (de janvier à juin)
est en moyenne de lm340, distribuée sur 84 jours, et pendant la
saison sèche (juillet à décembre) 140 millimètres pour 23 jours.
La plus forte pluie dont on ait souvenance est tombée le 20 mars
1870; elle produisit 250 millimètres.
Pendant toute la période de sécheresse, les prairies qui servent
de pâturage aux immenses troupeaux qui sont encore aujourd'hui
nue des principales richesses de la province, sont entièrement
desséchées et brûlées par le soleil. Tout le bétail, dont Fétat de
maigreur et de faiblesse inspire la pitié, se retire alors dans les
parties boisées, et vit tant bien que mal de feuilles à demi sèches
jusqu'au retour de la saison pluvieuse. A ce moment, de vastes
espaces, qui paraissaient stériles et calcinés, se couvrent en quel-
ques semaines d'une luxuriante végétation ; les cultures de café
et de canne à sucre, qui semblaient perdues, repoussent avec une
vigueur inconnue dans les autres contrées et, en peu de temps,
grâce à l'alimentation abondante qu'il retrouve, le bétail rede-
vient gras et vigoureux. Mais il arrive assez souvent, par
malheur, que la saison pluvieuse, au lieu de succéder à la séche-
resse, se fasse attendre en vain pendant toute une année ou
même pendant plusieurs années. C'est alors la famine, avec son
cortège d'horreurs, qui s'abat sur cette malheureuse province.
Le bétail meurt en masse, les communications sont interrompues
et d'immenses caravanes de fugitifs se dirigent vers le littoral,
en marquant leur route par les cadavres des malheureux morts
de misère, de faim et de soif.
La première sécheresse dont l'histoire ait conservé la trace
est celle de 1710-1711; vinrent ensuite celles de 1723-1727, 1734-
173G, 1714-1745, 1777-1778, et surtout celle de 1790-1793. Il
parait que l'année de 1792 se passa sans qu'il tombât une seule
goutte d'eau; aussi la mortalité devint-elle effrayante. Le capi-
taine-général de Pernambuco informa la Couronne de Portugal
que plus d'un tiers de la population avait succombé. Ce fléau a
continué et continue dans le siècle courant avec une certaine
régularité; les principales sécheresses ont eu lieu de 1808 à 1809,
1816 à 1817, 182 i à 1825, 1844 à 1815 et finalement de 1877 à
1879. On peut reconnaître à la simple vue que, sauf la seconde,
toutes ces époques correspondent à celles du siècle passé. Au mo-
ment même ou j'écris ces notes (décembre 1888) la saison est exces-
sivement sèche, et la misère est déjà grande; peut-être est-ce le
CLIMATOLOGIE.
43
commencement d'une sécheresse qui correspondrait à celle qui
a été désastreuse, de 1790 à L7931-
Bien que, par sa température élevée, la province de Pernam-
huru soif située dans la zone tropicale, son climat sert de transition
entre cette zone et la zone sous-tropicale; et, comme au point de
vue des pluies, elle se place à côté du littoral de Bahia, Alagôas
etSergipe, c'est avec elle que nous l'étudierons.
Par sa température plus élevée et par sa plus grande accen-
tuation des saisons, la zone sous-équatoriale se rapproche du
climat des régions les plus chaudes de l'Europe et de celles du
nord de l'Afrique.
IL — La zone sous-tropicale peut se subdiviser au point de vue
du régime des pluies en deux parties distinctes :
1° A la première, qui comprend les provinces d' Alagôas, Sergipe
et le littoral de celle de Bahia, nous ajouterons la province de
Pernambuco.
Cette partie reçoit de la pluie toute Tannée et, par cela, se
distingue déjà des régions de latitude moins haute; mais la plus
grande partie de cette pluie tombe pendant les mois de juin,
juillet, août. Toutefois, on note à Bahia une légère recrudes-
cence, due aux orages, pendant les mois d'octobre et novembre.
Nous possédons pour la province de Pernambuco les observa-
tions de trois stations, une sur le littoral, et deux dans l'intérieur,
dont les résultats ont été recueillis et publiés par le professeur
Draenert dans le Meteorologische Zeitschrift. Ces trois stations
sont: Recife2, Victoria et Colonia-Isabel.
Recife (8n4' de latitude sud) est un port de mer, et est très-
connu, comme étant la capitale de la province de Pernambuco.
Son altitude est de 3 mètres et sa température moyenne 2G°2. Le
mois le plus chaud est février, avec une température moyenne
de 28°0 ; le mois le plus frais est juillet avec 23°5. Comme on le
voit, l'amplitude de la variation de la température mensuelle est
très faible, ce qui provient de l'action régulatrice de l'Océan, qui
tend à rendre les climats plus stables. La température maximum
absolue est 37°3 et le minimum absolu 16°3, donnant une ampli-
1. « Les sécheresses sont périodiques; celles qui sont de plus grande
« phase viennent de 100 en 100 ans, et de 20 en 20 ans, sans compter les
« petites sécheresses. » .
( Considérantes rjeraes sobre as provincias do Ceard, etc., por Ahpio L.
Pcreira da Silva — Kio-de-Janeiro 1885).
2. Désigné plus généralement, dans les ouvrages en langue française
sous le nom de Pernambuco ou Fernambouc.
44 LE BRÉSIL EN 18 89.
tu de extrême de 21°. Pendant la saison des pluies, le vent qui
prédomine est celui du sud, qui passe à Test en octobre, au
nord-est en novembre et décembre, et revient au sud, en passant
par Ni sud-est, aux mois de mars et avril. La pluie recueillie en
mn\ cune par année est 2 mètres 08 : le mois le plus humide,
juin, donne 0 mètre 580, et le mois le moins pluvieux, décembre,
51 millimètres 08.
Victoria, par 8°9' de latitude sud, dans la même province, pré-
sente une moyenne de 25°1 de température annuelle, déduite de
sept années d'observations. Le mois le plus chaud est toujours
celui de février, dont la moyenne accuse 20"7. Le mois le plus
froid est juillet, dont la moyenne est 23°. Le maximum et le mi-
nimum absolus sont respectivement 39 0 et 11°6, dont la diffé-
rence est 27°4. Pendant la saison pluvieuse, le vent dominant est
celui du sud-est, et celui d'est pour le reste de Tannée. La hauteur
d'eau annuelle est 1 mètre 05. Le mois pendant lequel la pluie
est le plus intense est celui de juillet, qui produit 0 mètre 170
d'eau.
Les observations effectuées dans la Colonie- Isabelle, apparte-
nant à la même province, pendant 6 années et demie, accusent
une température moyenne de 23°7 à peine, ce qui est dû à son
élévation au-dessus du niveau de la mer (230 mètres). Le mois le
plus chaud est mars et celui où la température est la plus fraîche
c'est août. La température la plus élevée qu'on y ait observée
est 35°5 et s'est produite pendant le mois de janvier ; le minimum
absolu estll°6; l'amplitude extrême de la variation de tempéra-
ture estdonc 23°9. Les vents qui prédominent sont ceux du sud
pendant la saison des pluies, et ceux du nord-est pendant le
reste de l'année. La hauteur de pluie annuelle est de 1 mètre 037.
Le mois le plus pluvieux est mai avec 0 mètre 193, et le plus sec,
octobre, avec 0 mètre 109.
Suivant les observations faites à Bah/'a, par 12°58' de latitude
sud, pendant les années 1883-1888, par le conseiller Rozendo A.
Guimarâes, professeur à la faculté de médecine, la pression baro-
métrique moyenne annuelle, prise à 64 mètres d'altitude, est de
755 millimètres 22, et réduite au niveau de la mer 760 milli-
mètres 83. La température annuelle est de 26°01. Le maximum
et le minimum extrêmes, 31°5et21°0, sont notablement peu éloi-
gnés. Les mois de plus forte chaleur sont ceux de décembre,
janvier, février et mars, dont la température moyenne diffère peu
et se maintient au-dessous de 28°. Les mois les plus frais sont
CLIMATOLOGIE. -15
juin, juillet, août, pendant lesquels la température moyenne est
de 24° à peu près. On compte par an li°2 jours de pluie et 1°2
d'orage. La hauteur d'eau annuelle est de 2 mètres 163 1. La
pluie est fréquente, surtout pendant les mois de mars, avril,
mai, juin, et ensuite pendant ceux d'octobre et de novembre.
Le mois le plus sec est février avec 6 jours et demi de pluie et
une hauteur de 83 millimètres. Pendant les mois d'avril à sep-
tembre, le vent oscille autour du sud-est et pendant le reste de
l'année autour du nord-est.
San-Bento-das-Lages, dans la province de Bahia, siège d'une
Ecole d'Agriculture où M. Draenert a été professeur pendant
longtemps, et où il a fait des observations suivies, est situé par
12°37' sud. La moyenne de 10 années y donne comme tem-
pérature annuelle 2i°8. L'oscillation est assez faible : on a
±2°i pour juillet et 26°7 pour février, mois de températures
extrêmes. L'humidité relative de l'air est en moyenne de 74
et la nébulosité 4.4. Le vent dominant pendant la saison plu-
vieuse souffle du sud et pendant le reste de l'année du sud-
est. On compte par an 46 jours d'orage et 2053 millimètres
de pluie, dont la majeure partie tombe pendant les mois d'avril à
juillet.
2° Le sud de la province de Bahia, les provinces d'Espirito-
Santo, de Rio-de-Janeiro, et une partie du littoral de San-Paulo,
ainsi que la partie orientale de Minas, constituent le reste de la
zone sous-tropicale. Cette subdivision est caractérisée par le fait
que les pluies y prédominent surtout pendant l'automne et l'été,
c'est-à-dire de décembre à avril.
On n'a pas d'observations suffisantes sur la province iïFspiriio-
Santo, mais tout porte a croire que sa température moyenne
oscille autour de 24°.
La série la plus complète d'observations qui existe au Brésil,
est celle de Rio-de-Janeiro. Les premières remontent à 1781 et
ont été faites par le père jésuite Sanches-Dorta, astronome dis-
tingué, qui a longtemps séjourné au Brésil. Après bien des inter-
ruptions au commencement de ce siècle, on a recommencé, avec
la fondation de l'Observatoire impérial, à prendre régulièrement
note des observations journalières qui forment aujourd'hui une
série de 37 ans. D'après toutes ces observations, la moyenne de
la température prise à l'ombre, au sommet de la colline du Cas-
\ . Suivant le Professeur Draenert, 2^395. — moyenne de 5 années.
46 LE BRÉSIL EN 1889.
tello, à 66 mètres d'altitude, est de 23°5. La chaleur est à son
maximum pendant les deux mois de janvier et février, dont la
température moyenne est de 26°6 ; à partir de cette époque, elle
baisse jusqu'en juillet, où elle arrive à 20°8. La température
annuelle la plus élevée a été observée en 18G8 et a donné 2i°8r
tandis que Tannée la plus fraîche a été 1882 avec 22°1.
La température maximum absolue à Rio-de-Janeiro est 37°5
et a été notée le 25 novembre 1883. Elle est considérablement plus
faible que celle de Paris qui est de 40°0 (en 1720 et 1765). La
température la plus basse à Rio-de-Janeiro est 10°2 (notée le
1er septembre 1882). Pendant la saison chaude, la température
s'élève graduellement depuis le lever du soleil jusqu'au moment
où la brise de la mer du sud-sud-est commence à souffler, c'est-
à-dire entre midi et deux heures. Ace moment, il n'est pas rare de
voir le thermomètre baisser brusquement de -4° ou 0°. Si, par
hasard, en raison de perturbations atmosphériques, la brise ne
souffle pas, la température continue à monter jusqu'à plus de 30°;
c'est pendant ces jours-là qu'on observe les températures les
plus hautes, dont la sensation est encore augmentée par le calme
de l'atmosphère. Heureusement les orages sont très fréquents pen-
dant les mois chauds et viennent rafraîchir l'atmosphère em-
brasée pendant les dernières heures delà journée.
Les vents dominants sont ceux du sud-sud-est, et du nord-
nord-ouest. Le sud-sud-est commence à souffler, comme brise de
mer, entre onze heures et une ou deux heures, suivant la saison,
jusqu'après le coucher du soleil, et est d'autant plus intense que le
soleil est plus proche de sa plus grande excursion australe. Après
la tombée de la nuit, survient habituellement une période de
calme, fréquemment entrecoupée de brises folles, qui durent pen-
dant un temps excessivement variable. Après ce moment, sur-
vient le vent de terre qui dure jusqu'au matin, mais avec une
intensité beaucoup moindre que celle de la brise de la mer.
Quand le soleil repasse dans l'émisphère boréal, les vents du
sud-est et du sud-sud-est deviennent moins forts et moins fré-
quents, tandis que le vent du nord-nord-ouest se renforce et se
prolonge parfois jusqu'autour de onze heures ou midi. La quantité
de pluie qui tombe annuellement à Rio est de 1123 millimètres,
dont la plus grande portion se manifeste pendant les mois de
novembre à avril.
On note 104 jours de pluie et 29 d'orages par an ; les mois
pendant lesquels ces derniers se font le plus sentir sont surtout
CLIMATOLOGIE. 47
ceux de janvier et de février. Les orages de l'été viennent du
nord-ouest-ouest ou sud-ouest et sont toujours précédés d'une
baisse barométrique sensible. Les pluies qui viennent du sud-est
sont accompagnées de vent frais et fort de la même direction ;
elles durent quelquefois plusieurs jours et sont signalées par une
hausse barométrique qui dure aussi longtemps que la perturba-
tion. Les pluies du sud-est sont plus fréquentes pendant la
saison sèche que pendant le reste de l'année, tandis que le con-
traire se produit pour les orages de l'ouest, qui durent générale-
ment peu, mais se répètent fréquemment pendant les mois de
décembre à mars. La grêle est très-rare ; on l'a toutefois notée
trois ou quatre fois pendant ces dix dernières années ; la plus
mémorable chute eut lieu en 1886.
ASanta-Cruz, par 30' de longitude ouest de Rio etpar22°55' de
latitude sud, il existe, depuis près de deux années, un annexe
de l'observatoire, situé à une altitude de 37 mètres. La tempé-
rature moyenne a été, pendant l'année 1887 1, de 22°24, avec un
maximum absolu de 36°6 et un minimum de 10°2. Le mois le
plus chaud fut décembre, et le plus frais juillet. Le nombre de
jours de pluies a été de 116, qui ont produit 1682 millimètres
d'eau.
Les vents y sont assez variables, et, bien que la localité soit
située non loin de la mer, et qu'il n'y ait pas d'obstacles à la cir-
culation des vents, les brises diurnes périodiques ne s'y font pas
sentir, bien qu'elles se manifestent d'une façon très sensible à
plus de 200 kilomètres dans les terres, sur les hauts plateaux qui
avoisinentla ville de Sorocaba, dans la province de San-Paulo.
Xoca-Friburgo, dans la province de Rio-de-Janeiro, ancienne
colonie suisse, située sur les contreforts de la chaîne de Macahé,
par 22°19' de latitude sud, et à 2 minutes de longitude à l'est de
Rio, jouit, malgré sa faible latitude, d'un climat excellent, grâce à
son altitude de 876 mètres. Suivant M. Engert, à qui l'on doit
4 années d'observations, la température annuelle moyenne est
de 17°2 à peine. Pendant le mois de janvier, le plus chaud de
l'année, la température moyenne ne dépasse pas 20°3 et le maxi-
mum habituel 24°2. Pendant les mois de juillet et d'août, la tem-
pérature moyenne tombe à 14° et le minimum habituel à 9°4. Les
températures extrêmes observées sont 29°0 et 1°0. La pluie se fait
\. Pendant cette même année 1887, on compta, à Rio-de-Janeiro, 145 jours
de pluie, qui produisirent 131omm6 d'eau.
4S LE BRÉSIL EN 18 89.
sentir surtout d'octobre à mars ; sa hauteur pour l'année est de
13J i millimètres. Le mois le plus pluvieux est celui de janvier, et
le plus sec celui d'août.
La ville de Queluz, dans la province de Minas-Geraes, nous
offre un climat analogue. Placée à 1.000 mètres au-dessus du
niveau de la mer, sa température moyenne est, malgré sa latitude
de 20°40', inférieure à 20°. Le mois le plus chaud est encore
janvier, avec 22°8, et le plus frais juillet avec 15°8. Le maximum
absolu est 32°4 et le minimum 1°0 ; l'amplitude de la variation
est déjà considérable. La quantité annuelle de pluie est 1461
millimètres qui tombent, pour la plus grande partie, d'octobre
jusqu'en mars.
Lagoa-Santa, (19°40' de latitude), notable parle séjour qu'y a
fait le célèbre naturaliste Lund, est située un peu au nord-est
de Ouro-Preto, capitale de la province ; on y a observé une
température moyenne de 20°5.
La Compagnie anglaise qui exploite les mines d'or de Morro-
Velko, situées à 13 kilomètres au sud de Sabarâ3 possède une
série de 25 années d'observations pluviométriques. La moyenne
annuelle est de 1G37 millimètres, et la quantité annuelle la plus
forte, qui correspond à l'année 1858, 2200 millimètres.
La petite ville d' Uberaba, située dans l'ouest de Minas à une
altitude de 750 mètres par 19°33' de latitude sud, nous offre un
vrai climat continental. Suivant le père Germain d'Annecy, prêtre
français qui y a longtemps séjourné, la température moyenne y
est de 21° et le minimum de 2°5 au-dessous de zéro. Cette basse
température a été confirmée par les observations faites par le
naturaliste Martius qui déclare qu'il n'est pas très rare de voir
tomber de la neige dans ces contrées qui sont pourtant situées à
peine sous le 20° parallèle ; et par celles du Dr Julius Hann qui,
dans sa Climatologie, rapporte que dans quelques endroits situés
entre Barbacena (21°13'de latitude) et Ouro-Preto, un abaissement
extraordinaire se fit sentir en juin 1870. On nota une tempéra-
ture de — 3°5 qui dura cinq à six jours, et qui à Barbacena (1000
mètres d'altitude) descendit jusqu'à — 0°. Le même auteur
rapporte aussi que, le 19 juin 1843, il y eut une forte chute de
neige à Ouro-Preto par 20°28' de latitude sud.
Sur la Serra de Caldas, à une hauteur de 1.270 mètres, entre
les provinces de Minas-Geraes et de San-Paulo, il existe une
station appelée Cascata, dont la latitude est de 21°53'. Pendant
l'année 1884 on y a observé une température de 40°0 au mois de
CLIMATOLOGIE. 49
janvier, et jusqu'à 0°0 en juin ; l'amplitude de la variation est
énorme, eu égard à la latitude, et est due à la position d<> la
localité loin de la mer. La température moyenne est à peu près
de 18°0 et coincide sensiblement avec la température du mois
d'avril. La hauteur d'eau annuelle est de 1 mètre 50.
Toute la région voisine participe à peu près du même climat.
A Ribeirâo-Preto,pa,v 21010' et i°32' ouest de Rioetune altitude de
520 mètres, la température moyenne est de 20°. Il gèle quelque-
fois pendant les mois de juin et de juillet.
La petite ville de Casa-Branca fait exception à la modération
de ces températures moyennes. Bien que son altitude soit de
710 mètres et sa latitude de 21°47, sa température moyenne est
de 23° et oscille entre 9° et 36°.
La ville de San-Paulo, à 730 mètres d'altitude, capitale de
la province du même nom, est située sur le plateau qui s'étend
sur le côté intérieur de la Serra do Mar. Par la position de cette
chaîne, et parla direction du vent de mer, le versant extérieur
est extrêmement pluvieux. C'est ainsi qu'en haut, à Alto da Serra,
on recueille 3577 millimètres ; et à Cubatào, en bas, 3613 milli-
mètres de pluie annuelle ; tandis qu'à San-Paulo, qui se trouve
entièrement au delà de la chaine, sur un plateau où les vents
arrivent à demi desséchés, on trouve, suivant M. Joyner, 1500 mil-
limètres. Suivant le même observateur, la température moyenne
annuelle oscillerait peu autour de 17°0. La température maximum
habituelle est de 31°8 et le maximum absolu 33°1. Il gèle souvent
pendant les mois de juin et de juillet ; mais la température la
plus basse ne s'éloigne guère de 0°. La température minimum
absolue, observée par M. Joyner, est seulement — 1°0.
Pendant les mois d'octobre à décembre, le vent de mer du
sud-est domine ; de janvier à mars, c'est le vent de terre, le
nord-nord-ouest ; et pendant le reste de l'année le nord-est et le
sud-est. La nébulosité y est assez forte 7.2, ainsi que le nombre
des jours de pluie 147, et des jours d'orages 68.
Le climat de San-Paulo, ainsi que celui des hauts plateaux de la
province du même nom et de celles de Rio et de Minas-Geraes,
sert de transition entre celui de la zone sous-tropicale et celui de
la zone tempérée douce. Par suite de l'altitude, la température
s'abaisse considérablement, et, par ce fait, ce climat s'éloigne de
celui de la zone sous-tropicale, mais il s'en rapproche par la pé-
riodicité dans la distribution de la pluie.
III. — Le sud delà province de San-Paulo et les provinces de
4
50 LE BRÉSIL EN 18 89.
Paranâ, Santa-Catharina et Rio-Grande-du-Sud constituent la
troisième grande division du Brésil. Ce climat est un, des plus beaux
qui soient au monde. La température y est 1res douce, et la moyenne
s'y conserve toujours au-dessous de .20°. Les froids peu intenses
qui se produisent pendant le mois de juillet sont aussi favorables
à la saule dos Européens qu'au développement de toutes les
cultures de l'Ancien Monde. Aussi ces provinces ont-elles été,
avec celle de San-Paulo, presque exclusivement choisies par les
émigrants européens.
La saison des pluies diffère beaucoup de celle des autres
régions de l'empire ; bien que les observations qu'on possède
n'embrassent pas une période suffisante pour faire connaître
avec certitude les époques annuelles des pluies, on peut affirmer
qu'elles dominent pendant l'automne ou l'hiver, dans la majeure
partie de cette zone. Du reste, à mesure que l'on s'éloigne de
l'équateur, la transition entre la saison sèche et la saison hu-
mide devient moins distincte, tandis que l'amplitude de la varia-
tion de température, pendant les différents mois, augmente cons-
tamment.
D'après 4 années d'observations faites à Joinville (26°17' lati-
tude sud) dans le sud du littoral de la province de Santa-
Catharina, la saison des pluies comprendrait le printemps et
l'été, tout comme dans la zone continentale, à Cu}rabâ par
exemple. Deux années d'observations ont fourni comme quan-
tité de pluie annuelle 228 centimètres, ce qui paraît trop consi-
dérable.
Sur les hauts plateaux, à Lages (27° 43' latitude sud et
987 mètres d'altitude), les pluies se produisent en hiver, ainsi
qu'il semble résulter de la courte description que le docteur
Avé-Lallemant nous a laissée de ce climat pendant le mois de
juin : « En m'éveillant le matin (à Lages) les carreaux des fenêtres
étaient recouverts de glace, les étangs étaient gelés et les
champs couverts de givre. » — Les orages se manifestent même
pendant cette période de froid : « En m'éveillant le matin, écrit
encore M. Avé-Lallemant, le tonnerre se faisait entendre avec des
roulements prolongés au-dessus des eu -'iMos, et une pluie fine
tombait d'un ciel gris et monotone. »
Suivant le même auteur, la grande chute de neige qui se
produisit dans le municipe de Lages, du 2G au 30 juillet 1858,
coûta la vie à plus de 30.000 tètes de bétail. Quand il traversa la
Serra-do-Mar, au mois d'août, depuis Joinville jusqu'aux campos
CLIMATOLOGIE
51
de Paranâ, il ne se pas3a pas un seul jour sans orage on pluie,
et surtout pendant la nuit.
A Coritiba (25027' de latitude sud et 900 mètres d'altitude)
ainsi que sur les hauts plateaux de Paranâ, il neige fréquemment
pendant l'hiver. Suivant Schultz, les pluies dominent en hiver
dans toute la province de Rio-Grande-du-Sud, au sud de luSerra-
do-Espigaô ;2T'-V de latitude). Mais des pluies fréquentes et pro-
longées commencent souvent en mai (automne) et produisent des
crues. Le vent du sad-ouest, qu'on dénomine minuano, amène fré-
quemment des pluies occasionnelles, avec baisse de tempéra-
ture.
A Palmeira (27°45' sud et 580 mètres d'altitude), il tomba
pendant le mois d'août 1879 de 5 à 6 centimètres de neige ; en
même temps il y en eut 10 centimètres à Passo-Fundo (28°28' sud)
et jusqu'à l'énorme quantité de 80 centimètres à Vaccaria (28033').
Plus au sud, à San-Leopoldo et à Santa-Cruz, il neige quelquefois
à 100 mètres d'altitude. Dans la ville de Rio-Grande, il en est
tombé, pendant la nuit du 9 au 10 août 1885, une épaisseur de
7 centimètres, ainsi que 12 centimètres à Bagé, et 22 centimètres
à Cassimbinhas. La grêle est, paraît-il, assez fréquente, surtout
pendant l'été.
La quantité annuelle de pluie qui tombe à Bio-Grande (32°6'
de latitude sud), ville de cette province, est assez faible. Les
observations de M. Loppo Netto, ingénieur du port, donnent
911mm,6, dont le maximum se produit nettement pendant les
mois d'automne, d'hiver et de printemps. Pendant les mois
d'été, il en tombe fort peu, 177 millimètres; tandis que les
autres saisons donnent : automne, 230 millimètres; hiver,
269 millimètres et printemps 235 millimètres. Les nombres de
jours de pluie de chaque mois diffèrent peu, ce qui indique que
les pluies d'été sont passagères, au lieu que celles d'hiver durent
souvent plusieurs jours.
La période de 1877 à 1885 a fourni une température moyenne
annuelle de 18°8, avec un maximum absolu de 32°4, arrivé pen-
dant le mois de janvier 1884, et un minimum de + 1°0, en juin
1885. Les vents qui soufflent dans cette localité sont extrêmement
variables, et viennent de toutes les directions ; on peut toutefois
noter une certaine prépondérance des vents d'est-nord-est,
-est et sud-ouest.
Les quelques données climatologiques que l'on possède sur
les autres stations de la région tempérée douce du Brésil, ont et
52 LE BRÉSIL EN 1889.
recueillies dans l'ouvrage du docteur Lange Sud-Brasilien, dont
nous les extrayerons.
La ville de Coritiba, capitale de la province de Parana, est
située par 25°27' de latitude sud et une altitude de 900 mètres.
Des observations faites par M. Keller lui attribuent une tempé-
rature moyenne de 19°92, avec des extrêmes de — 4°4 et 37°8.
kJoinville, par 26°19', le docteur 0. Dorfell a trouvé 20°G et
une oscillation comprise entre 4°0 et 33°0.
La colonie allemande de Nova-Petropolis, située dans la pro-
vince de Santa-Catharina, a une température de 19°1, avec des
températures extrêmes de 2G°8 en décembre, et o°9 en juin. '
Le docteur Blumenau, fondateur de la colonie qui porte son
nom (26°55' sud), y a fait des observations pendant de nombreuses
années. La température moyenne est relativement élevée. Les
températures extrêmes habituelles sont 31°0 et 8°0. On compte
par an 113 jours de pluie et 41 jours d'orages. La pluie tombe
d'une façon irrégulière à peu près pendant toute Tannée, au
lieu que les orages sont localisés, surtout pendant les mois de
novembre à mars.
Les observations faites par M. Beschoren à Passo-Fundo
(28°28' sud et altitude 628 mètres) pendant l'année 1881, donnent
une température de 17°1, avec des extrêmes de 34°4 et 0°0.
Le village de Taquâra, au confluent du rio Santa-Maria et du
rio des Sinos, présente, suivant M. Lange, une température
moyenne de 18°7, ainsi distribuée : été, 23°7 ; automne, 19°4 ;
hiver, 14°1 ; printemps, 17°8, avec 113 jours de pluie distribués
à fort peu près également sur toute Tannée.
Sunla-Cruz. par 29°451 sud, donne une température annuelle
de 19°2 avec 30° comme maximum et 0° comme température
minimum absolue. On y compte 115 jours de pluie contre Ï203 de
beau temps.
La ville de Pelotas est une localité importante de la province
de Rio-Grande ; elle est située à 31046' de latitude sud. La tem-
pérature moyenne est de 17°2. Le mois le plus chaud est janvier
avec 24°4 et le plus frais juin. La température la plus basse
observée pendant ce mois est — 0°5 et pendant le mois de juillet
-+- 0°2. La température la plus élevée, 37°5, est arrivée au mois
de janvier. On compte 33 jours d'orages et 83 de pluie. Le
régime des vents est très variable, et on ne saurait guère y noter
de vent périodique.
CLIMATOLOGIE. 53
Vents dominants sur les côtes du Brésil. — Les vents
alises de l'Atlantique Sud paraissent se mouvoir en spirale di-
vergente autour d'un centre qui se mouvrait lui-même dans le
triangle formé par les îles de Sainte-Hélène, Tristan-da-Cunha,
et Trinidade, suivant la saison de Tannée.
Ce centre est formé par une aire de haute pression, d'où les
vents divergent en exécutant une révolution, en sens opposé à
celui de la rotation des tempêtes, sous la même latitude, c'est-
à-dire en tournant dans le sens contraire des aiguilles d'une
montre.
Au mois de janvier, ce centre se trouve à peu près à moitié
chemin entre Tristan-da-Cunha et Sainte-Hélène ; et les vents
qui soufflent au nord de sa position vont jusqu'à l'équateur avec
la direction sud-est. A mesure que l'on s'approche du Brésil,
cette direction change peu à peu, en passant par l'est autour de
Bahia, par le nord-est près de Rio, et par le nord à la latitude
de l'estuaire du Rio de la Plata. On dénomine ces vents: alises
du sud-est et du nord-est, suivant la direction d'où ils vien-
nent, et qui ne varie que peu durant toute l'année. Pendant les
mois de forte chaleur, les alises du sud-est s'arrêtent à l'équa-
teur, mais pendant les mois de juin, juillet, août, septembre,
ils pénètrent dans l'hémisphère nord jusqu'au delà du 10e pa-
rallèle.
Pendant cette saison, le centre de haute pression, qui leur
donne naissance, s'est déplacé du côté du Brésil et se trouve
alors à peu près à mi-distance entre Trinidade et Tristan-da-
Cunha.
A Rio-de-Janeiro, on note, comme nous l'avons vu, deux
vents dominants : le sud-sud-est pendant l'été, et le nord-
nord-ouest pendant l'hiver ; tandis que, au large et sous la même
latitude, le vent vient de l'est. La raison de cette apparente
divergence provient de ce qu'à Rio, la brise journalière pério-
dique est très-puissante, et que le vent qu'on y observe est la
résultante de cette brise et de l'alise du large. La brise de mer
qui souffle tous les jours, mais dont l'intensité varie fortement
avec la déclinaison du soleil, devrait venir normalement à la
direction de la côte, c'est-à-dire du sud ; mais comme l'alise
souffle du nord-nord-est, il en provient un vent qui souffle sui-
vant la résultante géométrique des deux composantes; cette
direction peut varier elle-même suivant l'intensité des deux
vents primordiaux.
54 LE BRÉSIL EN 1889.
Quand, après le coucher du soleil, la brise de terre se lève,
comme sa direction est presque opposé à celle de l'alise, il en
résulte des calmes ou des vents qui peuvent prendre une direc-
tion très oblique relativement à celle des composantes ; et,
comme celles-ci sont à peu près opposées, la résultante doit en
être très faible, comme le démontre l'observation journalière qui
donne des vitesses de 10 à 12 mètres par seconde pour le sud-
sud-cst, contre 2 ou 3 mètres pour le vent de terre.
Les orages sont fréquents sur la côte du Brésil et sont accom-
pagnés d'un grand développement d'électricité. Heureusement
ils sont à peu près inoffensifs, et les vrais cyclones y sont aussi
rares qu'ils sont communs à la latitude correspondante de l'hé-
misphère nord.
Toutefois il existe dans le sud des vents dangereux, qui sont
bien connus sous le nom de pamperos, et qui ont été décrits
depuis longtemps par l'amiral Fitzroy. Ces vents, qui, comme
leur nom l'indique, viennent des Pampas ou plaines des districts
delà Plata, qui ont des milliers de kilomètres carrés, sont pré-
cédés par de fortes chaleurs, par des vents modérés et variables,
par des éclairs et quelquefois par l'arrivée de bandes d'insectes.
Des nuages se massent dans le sud-ouest, et deviennent chaque
fois plus denses, en même temps que le tonnerre se t'ait continuel-
lement entendre au loin. Le vent souffle alors avec furie du
sud-ouest, et dure ainsi quelquefois pendant plusieurs jours.
Un autre genre de vent qui est plus rare, mais aussi plus
dangereux, c'estle sud-est qui souffle quelquefois en tempête et
jette alors les navires à la cote qui, dans cette région, n'offre que
peu de ports et encore ces ports sont-ils d'accès difficile.
Gomme conclusion, on peut dire que le Brésil présente à
l'Européen : une zone chaude qui ne lui est pas très propice; une
seconde zone, où, avec une hygiène bien entendue, il peut facile-
ment s'adapter; et une treizième zone où il n'a besoin d'au-
cune acclimatation, car il y trouve le plus beau et le plus sain
des climats.
Cette dernière partie comprend toute la zone tempérée douce,
ainsi que les hauts plateaux de San-Paulo, de Minas-Geraes et de
Rio-dc-Janciro.
CLIMATOLOGIE. 55
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-do-Maranh
San Lui
Fortaleza
Quixeramobim
Amarante
Recife
Colonia da Victoria. . . .
Colonia Isabel
Sào Bento das Lages. .
Babia
Queluz di1 Minas
Ribeirùo Preto
Casa-Branca
Cascata
Nova-Friburgo
Rio-de-Janeiro
Santa-Cruz
Sâo-Paulo
Colonia Nova-Petropolis
Coriliba
Colonia Blumenau
S. Antonio-da-Palmeira
Passo-Fundo
Taquara
Santa Cruz
Pelotas
Rio Graude do Sul. . . .
3
161
229
30
ci
»
520
710
1270
876
06
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AUTORITES
Moraes Rego.
Pompeu.
Pompeu.
B.Franklin.
Met. Zeits*.
Met. /.(-Us.
Met. Zcils.
Ilozendo Gui marées
i)1 H. de Almeida
Observations
du
chemin de fer.
C. Engert.
Observatoire
Impérial
Met. Zeits.
Dr Lange.
!)>■ Lange.
I)1 Lange.
Met. /cits.
D' Lange.
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IK L. Netto.
1. Abréviation de Meteorologische Zeitsclirift.
CLIMATOLOGIE.
DISTRIBUTION DE LA PLUIE AU BRÉSIL
SUIVANT LE PROFESSEUR M. F. DRAENERT
57
PLUIES D'ÉTÉ ET D'AUTOMNE
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Latitude S
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18.2
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150.2
171.2
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251.8
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100.2
974.6
2503.0
3576.7
1504.1
340.5
287.4
135.9
210.8
919.0
724.3
365.3
404.4
1280.4
956.4
620.5
719.1
810.7
292.7
135.0
255.1
PLUIE DE PRINTEMPS ET D'ÉTÉ
PLUE EN MILLIMETRES
Latitude
Longitude W de Greenwich
Altitude
Années d'observations
Décembre
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Février
Mars
Avril
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Juin
Juillet
Août
Septembre
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19 33
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19 58
43 33
1090 m.
2
20 15
13 55
833 m.
1
211.3
308.3
321.3
390.0
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369.6
604.3
537.7
232.9
222.9
277.1
142.3
109.3
31.3
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0.0
0.0
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137.3
172.0
53
121
231
93.2
169.7
673.5
125.3
108.7
112.3
1560.8
1637
2939.3
1303.5
840.9
282.9
68.0
369.0
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280
39
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1511.6
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109.4
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346.3
Queluz.
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t 339.1
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22.3
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109.0
87.5
101.0
1453.1
913.9
154.9
3C0.5
58 LE BRÉSIL EN 1880.
DISTRIBUTION DE LA PLUIE AU BRÉSIL
SUIVANT LE PROFESSEUR If. F. DRAENERT
PLUIES D'ÉTÉ ET D'AUTOMNE
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Latitude S
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(Cearâ).
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307
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41
PLUIES D'AUTOMNE ET D'HIVER
PLUIE EN MILLIMÈTRES
LatitudeS
Longitude W de Greenwich
Altitude
Années d'observations
Décembre
Janvier
Février
Mars
Avril
Mai
Juin
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Septembre
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Printemps
Pernambuco
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135.2
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100.3
200.2
2391.8
268.3
KH5.6
709.6
402.3
CLIMATOLOGIE.
59
HAUTEUR ANNUELLE DE PLUIE
EN PLUSIEURS POINTS DU BRÉSIL, SUIVANT M. F. DRAENERT,
LOCALITES
Serra de Cubatào, à San-Paul
Pernambuco
Gongo-Soco Minas)
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Sâc Bento das Liages
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NOMBRE
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25
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1400
1
1300
1
TEMPÉRATURES MOYENNES
DE PLUSIEURS POINTS DU BRÉSIL, SUIVANT M. F. DRAENERT.
LOCALITES
Para
Manaos
Sanlo Antonio (Rio Madeira)
Santa Anna do Sobradinhoo (Rio S. Francisco)
Sâo Lento das Lages
Gongo Soco
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Lagoa Santa
Palmeira
Santa Cruz
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TEMPÉRATURE
ANNUELLE
NOMBRE
d'années
27.0
26.1
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26.8
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10
1
3
8
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3
1
CHAPITRE IV
MINÉRALOGIE
Par M. HENRI GORCEIX
Le Brésil, depuis le dix-septième siècle, a toujours été connu
comme l'un des pays producteurs des deux matières les plus pré-
cieuses : l'or et le diamant. Pendant près de deux siècles, il n'a
pas cessé d'en exporter des quantités considérables. La découverte
de l'or coïncide presque avec celle du pays, et c'est à la recherche
de ce métal qu'on doit l'exploration d'une grande partie de ce
vaste empire par des aventuriers qui ont parcouru bien des
régions encore aujourd'hui incomplètement connues, et dont les
richesses, à peine entrevues par eux et indiquées dans leurs
routiers, sont passées à l'état de légendes. Mais si les mines d'or
et de diamants, auxquelles cette partie du Nouveau Monde doit
sa réputation de richesse, sont jusqu'à présent les seules qui
aient donné lieu à de grandes exploitations, il en est, comme celles
du fer, dont l'importance est peut-être plus grande encore pour
le pays, et d'autres dont la découverte s'effectue tous les jours
à mesure que le sol est mieux connu.
Les substances minérales dont on connaît au Brésil, avec cer-
titude, des gisements exploitables ou exploités, sont : le diamant,
l'or, le fer, le cuivre, le manganèse, le plomb argentifère ; les
pierres précieuses colorées : améthystes, topazes, cymophanes,
béryls, grenats, tourmalines, quartz et agate; le mica; les pierres
1. Directeur de l'École des Mines d'Ouro-Preto, Chevalier de la Légion
d'honneur, ancien élève de l'École Normale Supérieure de Paris, agrégé de
l'Université de France, lauréat de l'Institut de Franee.
G2 LE BRÉSIL EN 1889.
ollaires, les marbres, L'amiante ; les combustibles minéraux, le
schiste bitumineux, le graphite, le salpêtre.
Seuls l'or, le diamant, les pierres colorées, le quartz, l'agate
et le mica donnent lieu à un commerce d'exportation.
Je ne m'occuperai avec détails que des mines en exploitation.
Toutefois, avant de jeter un coup d'œil rapide sur les ressources
que le sol du Brésil offre à l'industrie extractive et à la métallurgie,
je tiens à rappeler en quelques lignes les grands traits de l'oro-
graphie et de la géologie du Brésil, tels qu'ils ont été fixés par
le savant géologue Derby dans deux petites cartes, l'une hypso-
métrique, l'autre géologique, qui accompagnent les notices
publiées par lui sur ce sujet clans le Traité de Géographie de
Wappaeus, et qui sont reproduites ici.
Le vaste plateau qui constitue la plus grande partie du pays
est séparé de la côte par une grande chaîne de montagnes qui
s'en écarte plus ou moins au nord et au sud. Ce plateau peut
bien même être divisé en une série de plaines élevées, séparées
par de profondes dépressions de peu de longueur. Sur la cote,
depuis le cap San-Roque jusqu'à la province de Rio-Grande-du-
Sud et pénétrant longuement dans l'intérieur, domine une puis-
sante formation de roches sans fossiles appartenant à la série la
plus ancienne de terrains géologiques: gneiss granitiques, micas-
chistes, amphibolitoschistes et tout un groupe de roches méta-
morphiques, schistes micacés, quartz micacés, chistes chlori-
teux, argileux, itabirites. — Ces derniers, formés essentiellement
de quartz et d'oligiste, se transforment souvent, par la disparition
presque complète du premier de ces minéraux, en puissantes
couches de minerais de fer d'une grande pureté. On y rencontre
fréquemment des couches de calcaire cristallin, fournissant ou
de la pierre à chaux d'excellente qualité ou des marbres blancs
et de couleurs variées, très propres à l'ornementation, et de
nombreux dykes de roches éruptives, diabases, porphyrites
augitiques, diorites, foyaites, phonolithes, etc. Les gneiss, micas-
chistes, amphibolitoschistes, formant la division inférieure, cor-
respondraient au laurentien des géologues américains ; les
quartz micacés (itacoloumites). schistes chloriteux, micacés, ita-
birites, au huronien des mêmes géologues. Ces terrains forment
une grande partie du sol des provinces de Bahia, Espirito-Santo,
Rio-de-Janeiro, Goyaz, San-Paulo, Paranâ, Santa-Catharina, Rio-
Grande-du-Sud, et se retrouvent certainement dans toutes les
autres.
MINÉRALOGIE. 63
Les terrains palœozoïques fossilifères, dont la découverte est
surtout due aux travaux des géologues Hartt, Derby et des
membres de l'expédition scientifique d'Agassiz, forment une
série de bassins, dont l'étude est à peine commencée, dans les
provinces de l'Amazone, Para, San-Paulo, Paranâ, Santa-Catha-
rina, Rio-Grande-du-Sud; ils s'étendent probablement dans celles
de Minas-Geraes, Goyaz, Matto-Grosso.
Les terrains silurien, devonien et carbonifère y sont repré-
sentés. Le carbonifère marin a fourni de très nombreux fossiles
dans les provinces de l'Amazone, de Para et de Paranâ; c'est à
cet horizon géologique qu'appartiennent les dépôts de combus-
tible découverts à San-Paulo, à Santa-Catharina et Rio-Grande-
du-Sud.
Comme les terrains plus anciens, ils sont traversés par de
nombreux dykes de roches éruptives, diabases, porphyrites,
mélaphyres, dont la composition produit, comme dans la pro-
vince de San-Paulo, des terres à café d'une fertilité extraordi-
naire.
Les terrains secondaires sont connus dans les provinces du
nord : Amazone, Piauby, Céarâ, Rio-Grande-du-Nord, Pemam-
buco, Sergipe, Alagôas, Bahia, où les dépôts crétacés sont sou-
vent très fossilifères.
Aux dépôts tertiaires appartient une longue bande de terrain
au centre de la vallée où coule l'Amazone ; on les retrouve for-
mant des plateaux le long de la côte et de petits bassins lacustres
dans l'intérieur du pays. Dans le bassin de l'Amazone, ces terrains
contiennent des couches de lignite, combustible que Ton re-
trouve dans le tertiaire le long de la côte et dans la province de
Minas-Geraes.
Les formations quaternaires sont représentées par de nom-
breux bassins en général de peu d'étendue, auxquels appar-
tiennent les placers diamantifères, et par les dépôts des grottes
calcaires remarquables parla forme de mammifères éteints qu'ils
ont fournis et les terres salpêtrières qu'ils contiennent. Au point
de vue industrielils tirent un grand intérêt d'une couche de conglo-
mérat ferrugineux, connu vulgairement sous le nom de « canga »,
formée aux dépens des itabirites et qui, à Minas-Geraes, et pro-
bablement dans d'autres provinces, couvre comme d'un man-
teau de minerai de fer le haut des vallées et le flanc des mon-
tagnes.
G4 le B ri': si l EN 1 889.
I. Mines d'or. — C'est à la plus ancienne série de ces ter-
rains et particulièrement à leur division supérieure qu'appar-
tiennent presque tous les gisements d'or et de fer du Brésil, et,
si le diamant est exploité dans des graviers de formation rela-
tivement récente, c'est aussi dans ces couches d'âge si ancien
que se trouve son gîte primitif. Il n'est guère de province de
L'Empire où l'or n'ait été exploité, et on peut citer comme ayant
des mines encore en activité ou abandonnées depuis peu, celles
de Minas-Geracs, Rio-Grande-du-Sud, Goyaz, Bahia, Matto-
Grosso, Paranâ, San-Paulo et Maranhâo. Parmi les six pre-
mières, qui fournissent chaque année une certaine quantité de
ce métal précieux, Minas-Geraes occupe toujours le premier
rang, et il serait impossible, malgré la décadence relative de
l'industrie extractive, de citer toutes Les mines ou placers encore
exploités par des Compagnies, des particuliers ou de simples
orpailleurs dans cette province, où deux siècles de travaux sont
loin d'avoir épuisé la richesse du sol.
Comme l'a déjà fait remarquer d'Eschwège, tous les gise-
ments aurifères de quelque importance se groupent autour des
trois grandes chaînes méridiennes qui forment comme l'ossature
du pays. La chaîne de la Mantiqucira, se prolongeant dans la
province de San-Paulo, et dont se détacherait la chaîne d'Espi-
nhaço, qui traverse du nord au sud la province de Minas-Geraes,
pénètre dans celle de Bahia et va se perdre dans la province de
Pernambuco. En second lieu, la grande ride qui sépare les eaux
du San-Francisco de celles de la Plata, servant de limites entre
Minas-Geraes et Goyaz, se continue dans la province de Piauhy
et se termine à Céarâ. A la troisième, qui accompagne la rive
gauche de l'Araguayet du Paraguay, appartiendrait la chaîne des
Paricis dans la province de Matto-Grosso.
C'est principalement dans la chaîne d'Espinhaço que ce grou-
pement des mines d'or autour d'une ligne méridienne paraît
bien régulier ; de la ville de Barbacena jusqu'à celle de Jaco-
bina, dans la province de Bahia, sur une longueur de plus de
1.200 kilomètres, ces gisements occupent à l'est et à l'ouest du
méridien de Rio-de- Janeiro une étroite bande de terrain. Leur
altitude varie de 700 à 1.200 mètres, et de cette situation on peut
conclure à la salubrité du climat des régions où ils sont placés,
salubrité que l'expérience a confirmée depuis longtemps.
Ces mines d'or appartiennent à deux grands groupes : gise-
ments d'alluvions, liions. Ce sont naturellement les premiers
MINERALOGIE. 65
qui ont d'abord attire l'attention des chercheurs d'or, et pen-
dant plus d'un siècle ils ont fourni tout For exporté par le
Brésil. Ils sont situés ou sur les plateaux ou dans les fonds des
vallées, dans le lit et sur les rives des cours d'eau, dont en géné-
ral il ne s'éloignent pas beaucoup. La plupart d'entre eux sont
de formation récente, mais un certain nombre appartient
certainement à l'époque quaternaire. Souvent à fleur de terre,
ils sont fréquemment, comme à Minas-Geraes, Bahia, Matto-
Grosso, recouverts d'une couche d'argile d'épaisseur variable.
Leur exploitation facile a attiré partout l'attention des orpail-
leurs, et il n'en est guère où on ne retrouve aujourd'hui des in-
dices d'anciens travaux; mais, comme les travailleurs ne possé-
daient que des moyens très primitifs, il en est bien peu qui aient
été complètement épuisés. Aujourd'hui encore, sauf dans la pro-
vince de Paranâ dans le rio Tibagy, à Minas-Geraes dans le
rio des Mortes, ces dépôts ne sont exploités que par de simples
orpailleurs. Pourtant, depuis quelques années ils semblent avoir
repris une certaine faveur, et des études et des tentatives ont
été faites pour l'établissement de lavages au moyen du système
hydraulique californien.
Quant à leur richesse et à leur étendue, elles sont très diffi-
ciles à fixer, la première étant très variable dans un gisement, et
la seconde étant encore plus incertaine par suite de leur dissémina-
tion dans un grand nombre de provinces et des lavages partiels
fort irrégulièrement poursuivis par les orpailleurs du siècle der-
nier. Je citerai les données suivantes pour les quatre provinces
de Matto-Grosso, San-Paulo, Minas-Geraes, Bahia.
A Matto-Grosso, dans le bassin du rio Cabaçal, au milieu de
la région connue sous le nom de « Campos dos Indios Gobexis »,
d'après un ingénieur chargé de faire un rapport pour l'obtention
d'une concession, il existe un gisement d'alluvion encore vierge,
reposant sur les gneiss, couvrant une superficie de 50 kilomètres
carrés, ayant une épaisseur moyenne de 1 m. 03, et dont la
richesse, d'après le même ingénieur, serait de 23 gr. 2 d'or par
tonne. Dans la môme province, le bassin du Cayapô contiendrait
de vastes dépôts d'alluvions aurifères qui ont donné lieu à une
immence concession.
A San-Paulo, un ingénieur des mines de l'école d'Ouro-Preto,
M. Gonzaga de Campos, a étudié, dans le municipe d'Apiahy,
avec beaucoup de soin, des gisements de cette nature reposant
sur le granit et le micaschiste, gisements en partie déjà exploités
5
GG LE BRÉSIL EN 18S9.
et dont la richesse moyenne, sur laquelle on peut baser une en-
tre prise, serait de 2 gr. 36" d'or par mètre cube, chiffre encore
deux fois supérieur à celui que donnent., terme moyen, les allu-
vions de Californie. Il signale dans la même région des points où
la teneur en or atteint et dépasse souvent 4 grammes d'or par
tonne.
Dans la province de Minas-Geraes, près de la ville de.Cam-
panha, l'ingénieur des mines Tavares, de l'école d'Ouro-Preto,
après une étude faite sur le gisement aurifère dit du « Barro
Alto », fixe à 10 gr. par mètre cube la richesse des alluvions de
ce dernier, dont une grande partie est encore inexploitée. Dans
la môme région, sur les bords du rio Verde, des dépôts d'allu-
vion, dont la concession a été demandée, contiendraient, d'après
l'ingénieur des mines Von Sperling, de l'école d'Ouro-Preto, de
1 à 3 gr. 6 c. d'or par mètre cube.
Dans la province de Bahia, une série de bassins d'alluvions
aurifères occupe une vaste superficie au milieu de la chaîne de
montagnes d'Assurua, dont la direction nord-sud est la même
que celle d'Espinhaço. Ces alluvions, où depuis longtemps sont
établis des lavages d'orpailleurs, ont donné lieu à une tentative
d'exploitation sur une grande échelle. D'après les études préli-
minaires, l'épaisseur de ces dépôts, formés par des graviers avec
gros blocs de quartz, varie de 0,25 à 1 m. Ils sont en général
couverts d'une couche d'argile de 0m. 20 à 5 m. d'épaisseur ; leur
superficie attendrait 50 k. carrés; leur richesse, très variable, est
comprise entre les limites de 0 gr. 47 c. à 21 gr. par tonne. En
1887, dans un seul placer de ces bassins, les orpailleurs lavant
simplement les graviers à la batêa ont tiré 50 kil. d'or.
Les travaux des orpailleurs sont très irréguliers et intermit-
tents. Un grand nombre d'entre eux sont à la fois chercheurs
d'or et cultivateurs, et ne consacrent au lavage qu'un partie de
leur temps. Leur nombre abeaucoup diminué, et, à Minas-Geraes,
il ne doit guère dépasser 3.000, en y comprenant les chercheurs
de diamants qui retirent en même temps de l'or des lavages des
graviers diamantifères. Comme importance viennent ensuite les
provinces de Bahia, ltio-Grande-du-Sud, Paranâ et Matto-Grosso.
A Minas-Geraes, les municipes où se trouve encore un certain
nombre d'orpailleurs sont ceux de Ouro-Preto, Marianna, Ponte-
Nova, Santa-Barbara, Caêté, Sabarâ, Itabira, Conceiçâo, Serro,
Diamantina, Minas-Novas, Gram-Mogol, Pitanguy, Paracatés,
San-Joâo-del-ltcy. Ceux de Diamantina, Gram-Mogol, Minas-Novas
MINÉRALOGIE. 67
en possèdent le plus grand nombre. A Bahia, on les rencontre
dans ceux de Chique-Chique, Rio-das-Contas, Jacobma; et, aRio-
Grande-du-Sud, dans le municipe de Caçapava.
En général, l'or d'alluvion an Brésil est en grains fins, for-
mant souvent une véritable poudre ; les pépites volumineuses
sont très-rares ; les plus considérables viennent des dépôts de
sable exploités il y a quelques années dans la province de
Maranhào, des mines d'Assuruâ dans la province de Bahia, et,
dans la province de Minas-Geraes, des gisements deMinas-Novas.
Les beaux cristaux sont surtout abondants à Goyaz, et dans les
alluvions des environs de la ville de Serro (Minas-Geraes). Le
titre de For d'alluvion est en général très-élevé : il ne descend
pas au dessous de 20 cent, au 833, et, quelquefois, comme dans
les dépots des environs du village d'Antonio-Pereira (municipe
d'Ouro-Preto), il atteint 24 k. au 1.000. Dans les sables qui pro-
viennent de la décomposition des itabirites, il est fréquemment
allié au palladium.
Les gisements d'or autres que les placers ne sont exploites
d une manière suivie que dans les provinces de Minas-Geraes,
Rio-Grande-du-Sud et Bahia. Cette dernière ne compte à l'heure
qu'il est qu'une seule mine en activité, celle de Jacobina. Dans la
province de Rio-Grande-du-Sud, il existe un certain nombre de
filons de quartz aurifère exploités par des entreprises locales.
C'est donc encore la province de Minas-Geraes qui occupe ici le
premier rang, et c'est surtout d'elle que je m'occuperai.
Au point de vue de leur nature, ces gisements se groupent
autour de trois types: 1° filons de quartz avec minerais sulfurés
rares; 2° filons de pyrites aurifères; 3° couches d'itabirites
aurifères.
Les filons de quartz contenant de l'or sont excessivement
nombreux à Minas-Geraes comme dans beaucoup d'autre provin-
ces ; ce sont eux qui, après les alluvions, ont d'abord attiré
l'attention des anciens mineurs. L'or y est en général visible à
l'œil nu, facile à distinguer et à séparer par un broyage et un
simple lavage dans la batêa. Leur puissance s'élève rarement au-
dessus de 2 mètres, descend même à quelques centimètres. L'or
y est irrégulièrement disséminé, et quelquefois il y forme de véri-
tables nids, fournissant, comme cela est arrivé pour un filon de
quartz encore exploité dans la ville d'Ouro-Preto, plus de 1 kil.
d'or pour moins d'un mètre cube de roche. Le dénombrement
complet de ces filons est impossible à faire, même à Minas-
68 LE BRÉSIL EN 1889.
Geraes. On en compte cinq importants, autrefois exploités, dans
la ville d'Ouro-Preto. Il n'y a pas pour ainsi dire de paroisse dans
le plateau central de Minas qui n'en compte que quelques-uns; je
citerai les localités d'Antonio-Pereira, Forquim, Cata-Preta, Cata-
Branca, Roça-Grande, Caêté. A cette catégorie de liions se ratta-
chent des gisements plus complexes, comme ceux de Sumidouro
(municipe de Marianna), de Gatas-Altas, de Noruega, où l'or est
disséminé dans de petites veines de quartz friable, formant un
lilon composé au milieu de schistes argileux, qui eux-mêmes se
chargent d'or, et d'autres plus difficile à définir où la roche
quartzeuse ou schisteuse s'imprègne d'or très fin et forme une
série de grains de chapelet d'une grande richesse.
Les filons aurifères pyriteux sont les plus importants ; ce sont
eux qui fournissent la plus grande partie de l'or produit au
Brésil. Leur puissance peut atteindre, comme dans la mine de
Morro-Velho, plus de 10 mètres ; leur extension en direction est
très considérable. Ils constituent ou de vrais filons coupant les
strates de schistes ou de quartzites, ou des couches intercalées
dans ces mêmes roches. Les minerais qui forment la gangue de
l'or sont essentiellement pyriteux: pyrites arsenicales, pyrites
martiales avec proportions variables de quartz en petits grains.
Ils sont accompagnés de minéraux plus rares : comme pyrite
magnétique, dont la mine de Morro-Velho fournit de très beaux
cristaux et qui se retrouve dans les mines de Gaêté et de Passa-
gem ; Tourmalines (mine de Passagem, d'Antonio-Perreira Cata-
Preta); de pyrite cuivreux, galène, stibine, albitc, caliste, sidérose,
jozéite, etc. La teneur en or du minerai est en général peu
élevée. La moyenne de la mine de Morro-Velho, par exemple,
pour une période de 20 années d'exploitation, est de 18 grammes
par tonne, ce qui représente à peu près les trois quarts de la
teneur réelle. Dans certains cas, cette richesse augmente considé-
rablement. La Compagnie « The-Ouro-Preto gold mines » expose
des pyrites arsenicales donnant près de 200 grammes à la tonne ;
celle de « St-John del ltey », un bloc de pyrite de même nature
rendant 82 grammes à l'essai. Mais, d'un autre côté, cette teneur
est généralement constante et à une profondeur verticale de
G00 mètres. La mine de Morro-Yelho rendait encore, en 1886,
17 grammes par tonne, lorsque à une profondeur de moins de
100 mètres cette teneur était à peu près la même ou même infé-
rieure.
Les couches oVItabirilcs aurifères forment un gisement spécial
MINÉRALOGIE. 69
et particulier au Brésil. Ces roches, comme nous l'avons déjà dit,
sont formées de fer oligiste et de quartz avec proportions variables
d'oxyde de manganèse et souvent un peu de lithomarge. Elles
occupent en général la partie supérieure des terrains archéens
de Miuas-Geraes. Leur structure est en général schisteuse, leur
consistance peu considérable, et fréquemment au milieu d'elles
apparaissent d'énormes couches friables de même nature, dési-
gnées sous le nom de Jacoutinga, et qui souvent contiennent de
l'or. Ce métal en général y est disséminé irrégulièrement, mais il
forme souvent de véritables lignes de plusieurs centimètres de
grosseur apparaissant au milieu de la roche noire comme des
cordons jaunes. Ces gisements sont alors d'une richesse extraor-
dinaire, comme on peut le voir par les échantillons exposés par
la Compagnie « Dom-Pedro-North-del-Rey » qui exploite la mine
de Maquiné (municipe de Marianna), dont quelques-uns fournis-
sent à l'essai plus de 81 kilogrammes par tonne. Cette même
exploitation a extrait, en 1868, 103 tonnes de minerai qui ont
donné 124 kilogrammes d'or. La roche étant très friable, l'or en
général en petites écailles ou en pépite de grosseur notable, la
séparation est facile et peu coûteuse. Les plus célèbres de ces
mines sont celles de : Gongo-Socco (municipe de Caêté) dont les
travaux, commencés en 1826, interrompus en 1856, avaient pro-
duitpour 1.118. 195 livres sterlingd'or; de Cocaes(dansle municipe
de Santa-Barbara) dont on peut voir des échantillons exposés ;
de Pitanguy, Agua-Quente (dans le même municipe) ; Taquaril
(dans celui de Sabarâ), qui toutes ont produit des quantités
considérables d'or. L'or des itabirites est souvent allié au palla-
dium ; les orpailleurs, qui aujourd'hui lavent les sables des
petits cours d'eau aux environs de Gongo-Socco, en extraient de
couleur noirâtre qui contient jusqu'à 12 p. 100 de palladium.
Six Compagnies étrangères poursuivent des exploitations d'or
à Minas ; cinq ont leur siège à Londres, la sixième à Paris. Ce
sont:
« St-John del Rey gold mines, limited », siège à Londres,
capital social 253.000 livres sterling, ou environ. 6.388.000 fr.
« Santa-Barbara Gold mine, limited », siège à
Londres, capital social 60.000 livres, ou 1.515. 000
« Pitanguy », siège à Londres, capital social
25.000 livres, ou 031 . 000
A reporter 8.534.000 fr.
70 LE BRÉSIL EN 18 89.
Report 8.534.000 fr.
Dom Pedro North del Itey », siège à Lon-
dres, capital social 125.000 livres, ou 3.19G.000
« The Ouro-Preto Gold mines, limited», siège
à Londres, capital social 800.000 livres, ou 10.100.000
« Compagnie des mines d'Or de Faria», siège
à Paris, capital social 1 .800.000
Soit la somme totale de 23.590.000 fr.
engagée dans les exploitations d'or de Minas. Ce chiffre serait
bien plus considérable si on y ajoutait celui des capitaux de
Compagnies possédant encore des mines dans la province, mais
dont les travaux sont arrêtés depuis plusieurs années.
La Compagnie de St-Jolm del Rey exploite depuis 1835 un
filon de pyrites arsenicales au lieu dit Morro-Velho, près du bourg
de Congonhas, à 12 kilomètres au sud de la ville de Sabarâ. La
partie riche du filon forme une espèce de colonne inclinée de 45°
sur l'horizon; sa puissance moyenne peut être évaluée à 8 mètres
sur une extension de plus de 100 mètres. Les travaux ont été
poursuivis depuis 1835 et à peine interrompus en 1867 par un
incendie, et en 1886 par un éboulement qui les a fait provisoi-
rement suspendre, lorsqu'ils atteignaient une profondeur de plus
de 600 mètres, jusqu'à l'achèvement de nouveaux puits. De 1835
à 1887, la quantité d'or fourni par cette mine atteint en nombre
rond près de 50.000 kilogrammes. En estimant à 2.800 francs le
prix du kilogramme d'or au titre de 19 à 20 on trouve 140.000.000
de francs pour la valeur de l'or produit par la mine pendant ce
laps de temps. A ce chiffre il faudrait ajouter celui de l'or extrait
de 1725 à 1835, presque un siècle, temps pendant lequel la mine
a été exploitée par des particuliers. La production la plus élevée
correspond à l'année 1875; elle a été de 2.170 kilogrammes,
chaque tonne de minerai produisant 34 gr. 7 d'or. La moyenne
de vingt années, de 1855 à 1875, a donné 18 gr. d'or par tonne; en
1886, cette moyenne pour 10 mois de l'année a été de 16 gr. 5.
La teneur réelle doit être environ de un quart supérieure à ce
chiffre par suite des pertes qui se produisent dans la préparation
mécanique. La richesse de certaines parties du filon est beaucoup
plus considérable, comme on peut le voir, dans le bloc de pyrites
arsenicales qui donne à l'essai 82 gr. d'or. L'importance de cette
exploitation est considérable; en pleine activité elle occupe plus
MINÉRALOGIE.
71
de 1.200 ouvriers de toute qualité, et extrait en moyenne près de
150 tonnes de minerai par jour; elle peut être considérée actuel-
lement comme le type des grandes mines d'or de l'Amérique
autant par la puissance du filon que par l'ensemble des procèdes
qui mit été adoptés pour l'extraction de l'or.
Depuis huit ans, la même Compagnie exploite à 13 kilomètres
de la ville de Sabarâ un autre gisement de pyrites aurifères au
village de Cuyabâ. Les couches de minerai sont très puissantes,
mais leur teneur en or est bien moindre que celle de Morro-Velho.
Du 1er mars 1887 au 27 février 1888, la mine a produit 87 kilo-
grammes d'or. L'or extrait ne dépasse pas une moyenne de
5 gr 5 par tonne, mais de même que dans les autres mines, on
pe^ut rencontrer des parties plus riches, comme celles exposées
par l'Ecole des Mines provenant de cette localité et donnant à
l'essai il gr. d'or par tonne.
La mine de Panj appartient à la Compagnie de « Santa-Barbara
Gold Mine»; elle est située près du village de San-Francisco,
dans le municipe de Santa-Barbara, à 12 kilomètres environ de
cette ville. La gangue de l'or est, comme à Morro-Velho, la pyrite
arsenicale, à laquelle il faut joindre les grenats, l'amphibole et
quelques autres minéraux. Le filon dirigé nord-sud est nettement
intercalé au milieu des schistes micacés et amphibolifères qui en
forment le toit et le mur, et dont il suit les ondulations; c'est un
filon-couche dont l'inclinaison vers l'ouest varie de 30° à 40°.
Comme à Morro-Velho, le minerai est broyé dans des bocards,
dont le sabot en fer est fabriqué dans les petites forges du pays.
La préparation mécanique laite sur des tables inclinées est
complétée par l'amalgamation dans des tonneaux. La Compagnie
a commencé ses travaux en 1862, et la mine a produit jusqu'à
ce jour 2.038 kilogrammes d'or. Actuellement la Compagnie
emploie trois cents personnes, mineurs ou ouvriers de la surface.
En 1887, la quantité d'or extrait s'est élevée à 196 kilogrammes,
la teneur moyenne a été de 11 grammes par tonne; mais, comme
les pertes sont plus considérables qu'à Morro-Velho, j'estime à
environ 18 grammes d'or par tonne la teneur réelle du minerai.
La Compagnie The Ouro-Preto gold Mme a commencé ses
travaux en 1884 dans les quatre mines de Passagem, Raposos,
Espirito-Santo et Borges. Aujourd'hui ses efforts se sont concen-
trés sur le gisement de Passagem, situé dans le village du môme
nom, sur la route d'Ouro-Preto à Marianna, à 7 kilomètres de
la première de ces villes. Le filon appartient à la môme catégorie
72 LE BRESIL EN 1889.
qus celui de Pary; il est intercalé au milieu de schistes micacés
qui forment le muret des itabiritesau toit; sa direction est nord-
est, sud-ouest; son inclination vers le sud-est est en moyenne de 20°,
sa puissance est variable comme on peut le voir sur les sections
de la mine exposées par la Compagnie, mais elle atteint souvent
plus de 5 mètres. La gangue de l'or est encore le quartz, la pyrite
arsenicale accompagnée de pyrite martiale, la pyrite magnétique,
le bismuth, les grenats, la galène, etc. La Compagnie emploie plus
de 500 ouvriers. Le minerai est broyé sous 56 bocards ordinaires
et 20 du système californien. L'amalgamation présente le fait
particulier de fournir une quantité notable de bismuth qui passe
à l'état d'amalgame liquide avec une proportion notable d'or. Au
mois de novembre 1888 la quantité de minerai traité a été de
1.930 tonnes, qui ont fourni 21.268 grammes d'or, 12 grammes
environ par tonne, et plusieurs kilogrammes de bismuth. Comme
on peut le voir par les beaux échantillons de pyrites arsenicales
à grains fins exposés par la Compagnie, cette teneur, dans
certaines parties du filon, est beaucoup plus considérable. Le
titre de l'or est un des plus élevés de la province de Minas, il ne
descend pas au-dessous de 23 karats au 958. En 1887, la mine
a fourni 270 kilogrammes d'or; cette production va augmentant
chaque jour par suite du développement des travaux. A Raposos,
les travaux sont beaucoup moins importants ; le gisement consiste
en une série de colonnes riches placées dans des couches de
schistes, relevées vers Test; la production journalière y est d'en-
viron 65 grammes d'or.
La mine de Faria appartient à la Compagnie des Mines d'Or
de Faria, dont les travaux préliminaires, commencés depuis un
peu plus d'un an, ne tarderont pas à être terminés. Le filon auri-
fère, dont l'exploitation est entreprise, est situé dans le municipe
de Sabarâ, à quelques kilomètres de distance de celui de Morro-
Velho. La gangue de Tory est constituée par des pyrites de fer qui
ont été exploitées jusqu'à une petite profondeur par les anciens
propriétaires, qui à l'aide de procédé très imparfaits retiraient
24 grammes d'or par tonne. L'exploitation d'or de Faria qui, dans
peu de temps, entrera comme facteur dans la production de For à
Minas, est déjà remarquable par son installation, où se trouve
une application, unique au Brésil et peut-être dans l'Amérique
du Sud, du transport au moyen de l'électricité de la force néces-
saire aux principes d'épuisement et à l'extration du minerai.
Le gisement de Maquiné appartient au type déjà indiqué des
MINÉRALOGIE. 73
itabirites friables, où l'or est placé au milieu de ces roches à fer
oligiste. La mine est située à 3 kilomètres de la ville de
Marianna, à 15 kilomètres de celle d'Ouro-Preto; elle appartient
à la Compagnie « Dom Pedro Northdel Rey» qui l'exploite depuis
1865. Depuis cette époque jusqu'à Tannée 1868 elle a produit
2.427 kilogrammes d'or, et aurait payé cent pour cent du capital
employé dans l'exploitation. Après plusieurs années, les travaux
on été arrêtés par les eaux, à une profondeur relativement peu
considérable, où le minerai conservait encore une grande richesse.
On peut se faire une idée de sa richesse par la « Jacoutinga »,
exposée par la Compagnie, où il est facile de séparer à la main
des pépites d'or. Les couches superficielles, par de simples
lavages à la batêa, ont produit, encore en 1888, 3 à 4 kilogrammes
d'or par mois.
Les mines de Jacoutinga aurifère sont à peine représentées
aujourd'hui par celles de Maquiné, de Pitanguy et d'Itabira-de-
Matto-Dentro ; cette dernière, exploitée par de simples travail-
leurs, a produit encore, en 1888, 40 kilogrammes d'or.
Le nombre de celles qui ont été abandonnées, soit à cause de
l'invasion des galeries par les eaux, soit à cause de l'irrégularité
de la teneur en or, qui disparait presque complètement à certains
moments, est considérable ; je citerai celles de Cocaes, Taquaril,
Agua-Quente et la plus célèbre de toutes, celle de Gongo-Socco.
A ces grandes Compagnies, qui forment comme l'aristocratie
des mineurs du Brésil, il faut joindre à Minas-Geraes une série
de petites exploitations, appartenant à des particuliers et dont le
nombre s'élève actuellement à 24. Chacune d'elles a un petit
moulin à or de 4 à 10 bocards ; quelques-unes comptent seule-
ment deux ou trois travailleurs, dont fait presque toujours partie
le propriétaire ; d'autres en ont de 15 à 20. En général elles sont
établies sur des filons de quartz d'où l'or est plus facile à extraire
par de simples lavages à la batêa, après que les sables ont été
enrichis sur des tables inclinées ou dans des canaux par un
système qui au siècle dernier était généralement employé au
Brésil. C'est un phénomène curieux même à observer à Minas-
Geraes que de voir avec quelle facilité des gens ayant quelques
économies n'hésitent pas à les hasarder dans une exploitation
d'or, espérant presque toujours arriver plus tard à vendre leur
mine à une Compagnie pouvant disposer de ressources plus
74 LE BRÉSIL EN 18 89.
considérables. Dans cette province on ouvre une galerie, on
creuse an puits, on installe une pompe avec la môme facilité
qu'ailleurs on défriche an champ. Les plus intéressantes de ces
exploitations (et qui se sont fait représenter à l'Exposition par
de beaux échantillons) sont celles groupées autour de la ville de
Gaêté, San-Luiz-do-Encanto, Carrapatos, Serro, et plusieurs autres
qui n'ont pas envoyé de minerai; celles de Tillage, deSumidouro
et de Barri (dans le municipe de Santa-Barbara) et celle de Cata-
Preta, une des plus anciennes du pays, car sa découverte daterait
de 1690.
La mine de San-Luiz-do-Encanto, appartenant à M. Luîz
A.ugusto de Figueiredo, consiste en un filon irrégulier de quartz
où l'or est accompagné de pyrites diverses, de galène et de
stibure. Celle de Carrapatos se trouve dans les mêmes conditions;
mais il existe aussi une couche de quartzite, avec pyrites mar-
tiales aurifères. Les exploitations du Sumidouro sont établies sur
un filon composé, formé de petites veines de quartz granuleux
avec limonite, oxyde de manganèse cobalteux et rarement des py-
rites martiales. Les schistes en contact contiennent aussi de for.
Le filon, dont la direction est nord-sud, a une extension de plu-
sieurs lieues, et depuis plus d'un siècle il est exploité à ciel ouvert
en divers points. Les mines du village de Barra appartiennent à la
famille Penna. Dans celle dite de Barra, l'or se rencontre dans un
filon de limonite provenant certainement de la décomposition de
pyrites et offrant un intérêt particulier. Des échantillons de ce
chapeau de filon rendent 15 gr. d'or à la tonne, teneur qui s'élève
à 45 gr. pour des concrétions ferrugineuses. Ce filon est accom-
pagné de quartzite sableux, de sables ocreux, de limonite et
hématite concrétionnés, dont on peut voir des échantillons rendant
jusqu'à 260 gr. d'or par tonne. La mine de San-Bento se trouve
dans les mêmes conditions, et son propriétaire, M. Domingos
Penna, expose des sables ocreux contenant de 30 à 75 gr. d'or
par tonne. Ces mines ont été exploitées à ciel ouvert dès le com-
mencement du siècle; aujourd'hui les propriétaires ont ouvert
des galeries et occupent en moyenne quinze ouvriers par jour.
De 1700 a 1820, d'Eschwege estime à 1.404.965 livres troy ou
531.403 kilogrammes l'or produit par Minas-Geraes, ce qui donne
une moyenne annuelle de 4.450 kilogrammes. De 1820 à 18G0, la
production de cette province, d'après Henwood, aurai! été de
MINÉRALOGIE. 75
171.000 livres troy ou 63.825 kilogrammes, en moyenne par an
1.535 kilogrammes. De 1800 à ISSS, j'évalue à G0. 000 kilogrammes
cette production, ch iflVe qui n'est certainement pas exagéré, vu que
pendant cette période la mine de Morro-Velho a été en pleine
activité, ainsi que celles de Morro-Santa-Anna, Taquaril, Morro-
San-Vicente, Roça-Grande, [tabira; la moyenne de la production
annuelle aurait été alors de 2.142 kilogrammes. Donc, en résumé,
d'après les calculs qui offrent le plus de garanties, la province de
Minas a elle seule, de 1700 à 1888, aurait produit 658.228 kilo-
grammes d'or, soit, en estimant à 2.800 francs le kilogramme d'or,
une somme de plus de 1 milliard 813 millions de francs! Et les
mines sont loin d'être épuisées. Quelques-unes même sont à peine
effleurées! Castelnau, dans le récit de son expédition dans
l'Amérique du Sud, évalue cette production à un chiffre beaucoup
plus élevé qui atteindrait en 1849 près de 5 milliards de francs !
A ce chiffre il faudrait joindre l'or produit parles autres provinces
— Bahia, Maranhâo, San-Paulo, Paranâ, Rio-Grande-du-Sud,
Goyaz et Matto-Grosso — qui, d'après le même auteur, atteindrait
la valeur de 500 millions ! Ce dernier chiffre ne me paraît pas
exagéré, car Goyaz et Matto-Grosso ont été pendant longtemps des
centres de production très actifs. La statistique est d'ailleurs
d'autant plus difficile à faire qu'une partie de l'or extrait par les
orpailleurs reste dans le pays, où il est transformé en bijoux ou
même gardé à l'état de poudre, et à Minas-Geraes, dans bien des
familles, il existe de ces petits trésors conservés avec soin !
A Goyaz, près de Meia-Ponte, une Compagnie formée dans le
pays, au capital de 700 contos de réis, environ 2 millions, exploite
un dépôt superficiel aurifère provenant de la décomposition des
roches sous jacentes.
A Rio-Grande-du-Sud, plusieurs concessions ont été accordées
dans les municipes de Caçapâva et de Bagé, et quelques particu-
lier- exploitent des filons de quartz compacte avec pyrites
martiales.
Dans la province de Bahia, près de Jacobina, une Compagnie
au capital de 700.000 francs a commencé des travaux d'ex-
ploitation sur un gisement d'une roche fournissant des sables
quart/eux ([ni donnent à Tessai 116 gr. d'or par tonne au titre
de 21 k. 5.
II. Mines de diamants.— L'existence des diamants dans les
terrains aurifères du nord de la province de Minas-Geraes a été
7G LE BRÉSIL EN 1889.
connue avec certitude en 1789. Depuis cette époque jusqu'à nos
joins cette province n'a jamais cessé de fournir chaque année des
quantités notables de cette pierre précieuse. Cette production a
notablement diminué pendant ces dernières années, surtout
depuis 1870, par suite de la baisse considérable des prix produite
par La quantité de diamants que les mines du Cap de Bonne-
Espérance versent tous les ans dans le commerce. Ce n'est qu'à
la qualité supérieure des brillants du Brésil, à leur éclat, à leur
pureté que leur valeur a pu se maintenir à un taux qui a sauvé
d'une ruine complète les exploitations du pays.
Aujourd'hui, malgré ces conditions défavorables, dans tous
les bassins diamantifères du Brésil on trouve encore des tra-
vailleurs, dont les découvertes journalières montrent que ces
gisements ne sont pas épuisés. Ils sont situés dans les provinces
de Minas-Geraes, Bahia, Paranâ, Goyaz, Matto-Grosso et San-
Paulo. Dans d'autres provinces l'existence de cette pierre pré-
cieuse a été signalée, mais je ne m'occuperai que des gisements
ayant quelque importance et dont la situation est bien connue.
C'est encore, comme pour l'or, la province de Minas-Geraes
qui est la plus riche. Dans cette province comme dans les autres
le diamant est exploité dans des dépôts aV allumons quaternaires. On
ne connaît encore que deux gisements faisant exception à cette
règle, que jusqu'à ces dernières années on considérait comme
générale. Dans la province de Minas-Geraes les gisements les plus
importants sont ceux de Cocaes, à dix lieues au nord de la ville
d'Ouro-Preto; de Diamantina, le plus important de tous, qui
comprend une bande de terrain de plus de 200 kilomètres de
longueur, sur quelques lieues de largeur appartenant aux bassins
du Jequitinhonha, du Rio-Dôce et du San-Francisco, depuis la
vallée de Conceiçào jusqu'au Jequitahy ; de Gram-Mogol, dans le
bassin du Jequitinhonha ; de l'Abaeté affluent du San-Francisco;
de Bagagem, dans celui du Paranà.
Dans la province de Bahia, les terrains diamantifères couvrent
de vastes surfaces dans le municipe de Rio-das-Contas, compris
dans le bassin du Paraguassû, autour des villes de Lençoes et de
Sincoral ; c'est même sous cette dénomination que sont connus
les gisements. Dans le bassin du Rio-Pardo, près de son embou-
chure, il yaà peine deux ans, ont été découverts d'autres placers
diamantifères qui portent le nom de Canavieiras.
A Paranâ, les graviers diamantifères du rio Tibagy sont
exploités par une Compagnie.
M I N E R A L 0 G IB.
ats se présentent partout avec les mêmes carac-
- ,s oit sur leurs rives, soit sur des
plateaux traversés petits cours d'eau presque à sec pen-
dant Pété, soit même au milieu des g - - - montagnes.
Qs sont formés d'un lit de cailloux, Cascalho, des mineurs,
uns le lit des rivières el recouverts d'une couche de
sables plus ou moins argileux, à angles à peine usés, « gour-
goulho dans les montagnes et sur quelques plateaux, et alors à
fleur de terre. Les éléments de ces graviers appartiennent à un
grand nombre de minéraux dont près de 40 espèces ont été déter-
minées par moi et dont on peut voir une collection exposée par
les Mines d'Ouro-Preto.
- minéraux forment comme les satellites des diamants: les
plus fréquents et les plus abondants sont les oxydes de titane.
rutile [Agulhas des mineurs), anatase (Siricoria , rutile pseumor-
phose de L'Anatas tourmalines roulées
/ tes), alumine hydratée avec acide phosphorique et terres
- de la famille du cérium F tas), oxydes de fer, hématite,
- neril, cabocl .jtc.
A. ces es - .aunes il faut joindre des minéraux consi-
- jusqu'à présent comme très rares, la xénotime, la monazite.
].' - en grains, en paillettes dans tous les gisements
diamantifères et suffit quelques fois à payer les frais d'une exploi-
tation ; le platine, moins fréquent,, se trouve surtout dans les
- les environs de la ville du Serro.
Dans le gisement de San-Joâo-da-Chapada, à 30 kilomètres à
l'ouest de la ville de Diamantina, le diamant se trouve en place et
iploité au milieu de schistes altérés, souvent transformés en
s de liverses couleurs, dont l'Ecole des Mines d'Ouro-Preto
a au- - élection. Ces schistes, souvent imprégnés
de petits cristaux octaè'driques de martite, sont traversés par des
veines de quartz avec oxyde de titane, comme ceux où se trouvent
placés - gisements de topazes des environs d'Ouro-Preto, et ils
appartiennent au même horizon géologique. Auprès de la ville de
Grau. . le diamant se trouve dans des quartzites micacés ou
lumites passant à des poudingues, où les galets de quartz se
fondent dans une roche de même nature que la précédente.
La recherche du diamant est partout précédée de celle du
gravier qui annonce sa présence, et la découverte d'un gise-
ment non encore exploité d'un de ces dépôts d'alluvions est tou-
jours suivie de celle de cette pierre précieuse. Dans le Jequiti-
78 LE BRÉSIL EN 18 89.
nhonha quelques mètres cubes de graviers accumulés dans des
marmites de géants creusées dans le lit de la rivière ont souvent
fourni pour plus d'un million de francs de diamants. Les travaux
sont faits, soit par des ouvriers isolés, orpailleurs du diamant,
connus sous le nom de Garimpeiros, ou par des associations for-
me, s dans le pays. Les premiers ne peuvent travailler que dans
les lits des petits cours d'eau, sur les rives des rivières ou dans
les dépôts superficiels des plateaux. Les autres entreprennent
souvent des travaux considérables pour dessécher le lit de cours
d'eau exigeant l'installation de pompes d'épuisement, la cons-
truction de barrages importants. Dans tous les cas, le gravier
découvert est lavé par des procédés très simples, ou, après un
simple débourbage, le diamant est séparé dans des toeasplus pro-
fondes que celles qui servent à l'extraction de l'or. Le bassin de
Diamantina est le seul où subsistent encore les exploitations en
grand, et leur nombre a beaucoup diminué; partout ailleurs on
ne rencontre plus que des travailleurs isolés. Les centres les plus
productifs sont ceux du Serro, de Diamantina, qui se subdivisent
en un grand nombre de petits districts, comme ceux de Curra-
linho, Gaêté-Mirim, Jequitahy, etc., de Terra Branca, de Gram-
Mogol, de Sincoral et de Canavieiras, ces deux derniers dans la
province de Bahia.
En général les diamants du Brésil sont bien cristallisés, inco-
lores, les pierres colorées sont rares, et de belle eau. Le Boort
et le Carbonado ou diamant noir sont beaucoup plus rares.
Ce dernier vient surtout des gisements de Bahia, mais on le
rencontre aussi fréquemment dans le district de Terra-Branca,
province de Minas-Geraes. Le Brésil n'a guère fourni de gros
diamants, et parmi les parangons on ne peut citer avec certi-
tude que l'Etoile du Sud, découverte en 1853 dans le district de
Bagagem, pesant brut 254 karats 5 et après la taille 125 karats 5,
et le diamant de M. Dresden, découvert dans la même localité
en 1857, pesant 117 karats 5 et après la taille 7G3 karats 5. Tous
deux appartiennent aujourd'hui à un prince de l'Inde, et ont été
achetés, le premier deux millions de francs, le second un million
de francs. Les petits diamants connus sous le nom de « vitriers »
sont assez fréquents.
Il y a quelques années le Brésil exportait tous ses diamants à
l'état brut; aujourd'hui une partie est taillée dans le pays. Dans
le municipe de Diamantina on compte 19 tailleries occupant
146 ouvriers, taillant 460 karats de diamants par mois au prix
MINÉRALOGIE. 79
de 5.000 réis le karat ou environ 1 \ francs. Dans la ville de Serro,
il existe une taillerie et dans celle de Jequitahy deux. Une partie
s diamants est montée dans le pays, l'autre est exportée.
Je n'ai «les données exactes sur la production des diamants
que pour la province Minas-Geraes :
Le district de Diamantina a
produit en 1S87 3.481 grammes de diamants.
Celui du Serro 717 — —
1).' Gram-Mogol 537 — —
De Jequitahy 788 — —
J'estime à 150 grammes
ceux des antres localités, ce qui
donne pour la production de
Minas-Geraes en 1887. . . . 5.673 grammes de diamants.
Comme les diamants sont encore exploités à Bahia, dans les
districts de Sincoral, Lençoes, Bom-Jesus, près de Franca ; dans
la province de San-Paulo, à Rio-Claro : à Dois-Irmâos, dans
celle de Goyaz; à Matto-Grosso, dans un grand nombre de cours
d'eau, je ne crois pas être au-dessous de la vérité en évaluant à
8 kilogrammes la production totale du Brésil. Le prix moyen
dans le pays est de 500 francs par octave du poids de 3 gr. 589,
et par conséquent leur vente peut avoir produit un peu plus d'un
million de francs. J'ai déjà, dans un travail publié sur ce sujet,
évalué à deux tonnes et demie la production de cette pierre
précieuse, jusqu'en 1830. Comme on le voit, ce chiffre peut
encore être considéré comme représentant presque exactement
la part totale du Brésil dans le commerce du diamant.
III. Mines de fer. — La richesse du Brésil en minerais de
si telle que dans certaines parties de la province de Minas-
Geraes, des minerais de première qualité sont employés aux
usages les plus vulgaires : pavage des rues, construction des
murs de séparation de propriétés, etc. 1 C'est encore cette province,
comme pour l'or et le diamant, qui occupe le premier rang ;
parmi les privilégiées, viennent ensuite celles de San-Paulo,
Santa-Catharina, Matto-Grosso, Goyaz, Espirito-Santo, Bahia ; et
il n'en est aucune, je crois, où l'on ne trouverait quelque gise-
ment exploitable pouvant servir à la fabrication du fer.
A Minas-Geraes, les minerais de fer ne forment ni filons ni
amas profondément enfouis dans le sol, mais bien d'énormes
80 LE BRÉSIL EN 18 89.
couches, souvent superficielles, ou dos montagnes de centaines
de mètres de hauteur 1 Ils appartiennent à deux classes bien
distinctes: celle des itabirites et celle des conglomérats ferru-
gineux ou Canga. Les premières roches forment, en général,
comme il a été indiqué à propos de For, le terme supérieur des
terrains archéens de Minas. Lorsqu'elles se présentent avec leurs
caractères typiques, elles sont formées de zones parallèles, souvent
ondulées, plissées, d'oligiste écailleux et de quartz. Parmi les
échantillons exposés par la Compagnie Dom Pedro-d'el-Rey on
en voit qui donnent une idée exacte de cette structure. Comme
minéraux accessoires, les oxydes de manganèse, la martite, la
magnétite, la lithomarge y sont fréquents. Je n'y ai jamais ren-
contré de sulfures. Leur consistance est en général assez friable,
la structure schisteuse fréquente, mais souvent la roche se
réduit à une masse sableuse. Le quartz venant à disparaître
complètement, elles passent à des roches uniquement formées
de fer oligiste, de magnétite et d'oxyde de manganèse, qui repré-
sentent les plus beaux minerais de fer que l'industrie puisse
désirer. Dans ce dernier cas, ce sont ou des couches d'oligiste
schisteux, ou des amas d'hématite compacte, ou des masses
sableuses d'oligiste et de pyrolusite. Tous ces différents types
sont représentés par les échantillons qu'expose l'Ecole des Mines
d'Ouro-Preto. Rarement couvertes par des couches de schistes
argileux, elles sont presque toujours à fleur de terre, et, fréquem-
ment, comme à Gandarela, à GO kilomètres au nord d'Ouro-
Preto, on y trouve intercalées de puissantes assises de calcaire
cristallin. Elles ont été soumises à de profondes érosions, et les
gisements puissants qu'elles forment encore ne représentent
qu'une faible partie de l'extension qu'elles avaient à une autre
époque géologique. Leurs débris entraînés par les eaux sur les
flancs des montagnes, où se sont arrêtés les plus gros fragments,
dans le fonds des vallées, puis cimentés par des actions secon-
daires, ont formé la deuxième série des minerais de Minas-
Gcraes, représentée par le conglomérat ferrugineux, connu sous
le nom de Canga, qui donne aux régions où il domine un aspect
particulier rappelant celui de champs de laves noires solidi-
fiées ! Ce conglomérat atteint souvent 2 à 3 mètres d'épaisseur,
il contient les mêmes minéraux que les itabirites d'où il procède,
aurifère dans certains cas, si riche en magnétite que presque
partout il rend impossible dans le pays l'usage de la boussole.
Il est impossible d'évaluer même approximativement l'impor-
MINERALOGIE. 81
tance totale de ces minerais. Ils couvrent les flancs des monta-
gnes, presque sans interruption, sur plus de 200 kilomètres de
longueur. Autour d'Ouro-Preto tous les mornes en sont formés.
Les montagnes de Cocaes, le pic d'Itabira-do-Campo, d'Itabira-
de-Matto-Dentro, d'Itambé, de Morro-Gaspar-Soares et bien
d'autres en sont entièrement constitués. Sur les bords du Piri-
cicaba, affluent du Rio-Dôce, dans lesmunicipes de Bomfîm, de
Piumhy, de FAbacté et dans d'autres encore, le sol en est couvert,
alimentant une végétation spéciale, caractérisée par le cinchonna
ferruginea. Autour d'Ouro-Preto, dans un rayon de 10 kilomètres,
j'évalue à plus de quarante millions de mètres cubes la masse
des itabirites et des conglomérats qui couvrent le sol, et, à plus
de 100 millions de tonnes, la quantité de fer qu'elle peut
fournir !
Comme qualité, les analyses suivantes montrent la valeur des
échantillons exposés par l'École des Mines d'Ouro-Preto :
1° Hématite compacte de Gandarela :
Sesquioxyde de fer 99.209 correspondant à 69.666
Sesquioxyde de magnésie 0.013 de fer.
Chaux trace.
Magnésie »
Quartz et silice 0.240
Acide phosphorique 0.005 correspondant à 0.0022
Soufre 0.000 de phosphore 0/0.
Eau 0.455
99.924
2° Oligiste granuleux de Cacunda , près Itabira-de-Matto-
Dentro :
Sesquioxyde de fer 99.801 correspondant à 69.86
Sesquioxyde de magnésie 0.007 de fer.
Chaux trace.
Silice 0.140
Acide phosphorique 0.003 correspondant à 0.0024
Soufre 0.000 de phosphore 0/0.
£au 0.000
99.933
6
82 LK BRÉSIL EN 1880.
o° Itabirite en poudre de Gandarela :
Magnétite 83.83 correspondant à G8. 3 0/0
Sesquioxyde de ffer .'{1.7:2 de fer.
Bioxyde de magnésie 0.7-4
Quartz et silice 1.13
Alumine 1.02
Ct. aux 0.14
Soufre 0.00
Perte par calcination 1.41
99. 99
Dans ces minerais, les proportions de manganèse sont souvent
plus considérables; dans l'échantillon exposé, elles dépassent 90/0,
et, dans le gisement d'où il provient, la pyrolusite forme de
petites veines et souvent des amas.
4° Conglomérat ferrugineux (Canga) de Gandarda :
Sesquioxyde de fer 91 .49 correspondant
Bioxyde de manganèse 0.27 à 64.04 0/0 de fer.
Quartz et silice 4.78
Alumine 0.74
Chaux 0.25
.Magnésie traces.
Acide phosphorique »
Soufre 0.00
Perte par calcination 2.02
100.15
Les conglomérats, si abondants dans la province de Minas et
dont le traitement au haut fourneau est facile, offrent une compo-
sition un peu variable: l'acide phosphorique s'y présente souvent
en quantité plus notable, mais presque partout la teneur en fer
ne descend pas au-dessous de 60 0/0.
Ces minerais sont à peine utilisés, encore aujourd'hui, dans
un certain nombre de petites forges, disséminées dans la pro-
vince des Minas et jalonnant les gisements d'itabirite. Le fer y
est préparé par la méthode directe, soit dans des fours italiens,
variante du procédé catalan, soit dans de petits fourneaux à cuve
MINERALOGIE. 83
femdinhos), méthode qui parait spéciale à la province des Minas.
Le combustible employé est le charbon de bois préparé dans des
fosses et dont le prix de revient varie de 23 à 30 francs la tonne.
Le minerai employé est le fer oligiste pur, provenant des itabi-
rites en poudre, Lavés dans un petit canal ou simplement pris
dans le cours du petit ruisseau le plus voisin. La valeur du mi-
nerai est si minime qu'elle n'entre pas en compte dans le prix
du fer préparé. L'air est fourni au fourneau par une trompe ins-
tallée sur une chute d'eau qu'on trouve facilement dans le massif
montagneux de la province, et qui sert en même temps de force
motrice. J'estime à cent le nombre de ces petites forges dont le
plus grand nombre forment cinq, groupes : i° celui du Gualaxo,
à l'est d'Ouro-Preto; 2° de Gandarela au nord ; de San-Miguel-de-
Piricicaba ; 4° d'Itabira-de-Matto-Dentro ; 5° de Conceiçâo-do-
Serro.On en trouve encore quelques-unes plus au nord et à l'ouest.
Ces forges produisent à peu près 3,000 tonnes de fer par an,
fer qui est transformé sur place en instruments de travail, faux,
houes, pelles, fleurets démines, sabots de bocards, clous, fers à
mulets et à chevaux. La qualité des produits se ressent des pro-
cédés primitifs employés, mais le minerai est de si bonne qualité
que souvent d'habiles ouvriers obtiennent soit du fer nerveux
très doux, comme celui exposé par la forge de Gandarela, soit un
acier assez dur pour être employé à la fabrication des fleurets de
mines.
Les prix varient d'une zone à une autre ; on peut prendre
comme moyenne de vente, à la forge, du fer en verge plate
132 mille réis par tonne, ou, au change actuel de 350 réis par
franc, 377 francs, ce qui donne pour la valeur du fer brut fabriqué
à Minas un peu plus de un million de francs, chiffre qu'il faut cer-
certainement plus que doubler pour avoir celui des objets fabri-
qués.
Ces chiffres sont bien faibles si on les compare aux besoins
d'une province comptant plus de trois millions d'habitants, et où
l'agriculture et l'industrie minière prennent tous les jours de
nouveaux développements et surtout à l'énorme richesse en mi-
nerais de fer qu'elle possède. Cet état de choses va se modifier
avec l'établissement de voies de communications rapides et éco-
nomiques. Déjà une Compagnie organisée dans le pays a com-
mencé la construction d'un haut fourneau et d'une mine métal-
lurgique près du bourg d'Itabira-do-Campo.
A San-Paulo, on retrouve en certains points les itabirites avec
84 LE BRÉSIL EN 1889.
leurs caractères ordinaires ; mais, en outre, il y existe des amas
considérables de magnétite pure en relation avec des diorites et
des porphyrites augitiques, gisements analogues aux célèbres
mines deTaberg en Norwège. Un de ces gisements est exploité à
[panéma, près delà ville de Sorocaba, pour les besoins de l'usine
à fer d'Ipanema qui appartient au gouvernement. Cette usine,
dont les produits sont exposés, possède deux hauts fourneaux en
travail qui ont produit, en 1887, 790 tonnes de fonte. Le minerai
extrait du gisement de magnétite voisin de l'usine contient
67,6 0/0 de fer. Dans la môme province, sur les bords du Jacou-
piranguinha, affluent du rio Iguape, en partie navigable pour des
bateaux de fort tonnage, existent des gisements encore plus con-
sidérables du même minerai en relation avec des couches d'un
calcaire imprégné en plusieurs points de cristaux d'apatite. Une
Compagnie a commencé la construction de deux hauts fourneaux
pour l'utilisation de ce minerai et l'exploitation des forêts vierges
qui couvrent encore la région.
A Santa-Catharina, près du bord de la mer, non loin d'un port
accessible à tous les navires, des amas d'hématite, manganési-
fères passent quelquefois à de véritables minerais de manganèse.
Ces minerais, qui forment des montagnes entières, contiennent,
terme moyen, 30 pour 100 de manganèse et 25 à 30 pour 100 de
fer. L'extraction et le transport de ce minerai du morne Cariguaba
est si facile que le concessionnaire de la mine estime de 3 à 5 francs
le prix de revient d'une tonne rendue à bord.
Il est impossible, je le répète, de citer tous les autres gise-
ments de minerai de fer, même les plus importants, des provinces
de Rio-Grande-du-Sud, Matto-Grosso, Espirito-Santo, Goyaz.
Dans cette dernière province, comme à Minas, les itabirites
forment des amas puissants et le conglomérat ferrugineux {canga)
couvre le sol sur bien des lieues carrées, comme aux environs de
Corumbà.
IV. Manganèse. — Les minerais de manganèse, sauf ceux
de la province de Santa-Catharina, n'ont jamais donné lieu à des
études spéciales. A Minas-Geraes, ils sont intimement mélangés
aux minerais de fer, et sont un des éléments constituant les
titabirates où, comme à la mine d'or de Taquaril, ils atteignent
des proportions comparables à celles du fer. A Gandarela, ils
forment des veines de pyrolusites au milieu de la roche aréneuse
et souvent même des amas. Les eaux ravinant ces roches laissent
MINÉRALOGIE. 85
disséminés sur le sol des blocs de ces minéraux, dont on peut,
comme à Gandarela, comme à Antonio-Pereira, à 12 kilomètres
est d'Ouro-Preto, recueillir de grandes quantités sans difficultés.
Le titre commercial de ces minerais, dont on peut se faire une
idée d'après les échantillons exposes par l'Ecole des Mines
d'Ouro-Preto, dépasse souvent 80. En bon nombre d'autres points,
comme aux environs de Queluz, d'Ouro-Preto, de Diamantina, on
trouve, au milieu des schistes micacés et des schistes argileux, des
petits filons et des rognons de sécrétions de manganite et de prilo-
méiane. Dans les mêmes régions, dans les bas-fonds, il s'est
formé des dépots considérables de manganite analogues aux
minerais de fer des marais.
A'. Mines de cuivre. — En de nombreux points de diverses
provinces du Brésil, des indices de l'existence de minerai de
cuivre ont été depuis longtemps signalés. Dans la province de
Rio-Grande-du-Sud, près de la ville de Caçapâva, au milieu de
roches diorites et métaphyriques, des gisements de calchosine
avec covelline ont donné lieu à quelques recherches, ainsi que
dans la province de Matto-Grosso, dans le bassin du Jaourou. A
Minas-Geraes, la calchopyrite est fréquemment mélangée aux
pyrites aurifères, mais en petites proportions. On en trouve dans
quelques filons de quartz ou aux affleurements. Sa présence est
indiquée par des tâches vertes de malachite, comme près de la
ville de Sete-Lagôas. Dans la province de Céarâ, un gisement
important vient d'être concédé par le gouvernement au lieu dit
Buhira dans le municipe de Viçosa, et a commencé à donner lieu
à des travaux d'exploitation. Le filon, de 0m,50 de puissance aux
affleurements, est placé au milieu de schistes superposés à des
roches gneissiques. La gangue est siliceuse ; le minerai, au
moins jusqu'à la profondeur des quelques mètres atteints par les
premiers travaux de recherche, est formé de cuivre natif et de
cuprites donnant à l'essai 40 pour 100 de cuivre.
VI. Mines de plomb. — Peu nombreux aussi sont les gisements
bien connus des minerais de plomb. Dans la province de Rio-
Grande-du-Sud, dans le district aurifère de Lavras-de-Santo-
Antonio, on rencontre de nombreux filons de quartz, contenant
fréquemment des mouchetures de galène qui quelquefois y forme
de petits amas. Dans la province de San-Paulo, je citerai les gise-
ments de galène argentifère d'Iporanga, qui ont donné lieu, à
86 LB BRÉSIL EN 1889.
quelques recherches, de cérusite et de galène argentifère dans le
même municipe. Dans celui d'Apiahy, l'ingénieur des mines
Go ozaga de Campo s a découvert des blocs d'une brèche feldspa-
thiqne avec galène donnant 5O0 gr. d'argent par 100 kilogrammes
de plomb d'oeuvre. Dans la province de Minas-Geraes, la galène
comme la calehopyrite se trouve dans presque tous les gisements
aurifères; elle prend une certaine importance, comme on peut le
voir par les échantillons exposés, dans les filons de quartz avec
or visible des environs de la ville de Gaèté et plus particulière-
ment dans la mine de M. Luiz-Augusto de Figueiredo. Au milieu
du filon composé aurifère de Sumidouro, non loin de la ville de
Marianna, au lieu dit Yarado, affleure un filon de quartz conte-
nant de la galène quelquefois avec or, donnant à Fessai, en
moyenne, pour 100 kilogrammes de plomb d'oeuvre, 50 gr. d'or
pur et 111 gr. d'argent. Dans le bassin diamantifère de Diaman-
tina, dans la propriété de l'abbé Manoel Alves, on trouve un gros
filon de quartz compacte, vertical, avec mouchetures de galène et
or visible à gros grains.
Un gisement beaucoup plus considérable et qui a donné lieu
à des travaux: de recherches importants, poursuivis à diverses
reprises depuis le commencement du siècle, est celui de l'Abaété.
Il est situé dans le municipe de ce nom, au milieu d'une vaste
propriété appartenant à l'Etat, à 700 kilomètres au nord-ouest
d'Ouro-Preto. Cette mine, connue depuis 1877, a été étudiée avec
soin par l'ingénieur des mines de l'Ecole d'Ouro-Preto, Oliveira,
qui en a fait l'objet d'un travail publié dans les Annales de
V Ecole des Mines d'Ouro-Preto. Les deux filons de galène sont
dirigés N. 25° S. 25° E. ; leur inclinaison est de 50° sur l'hori-
zon ; leur puissance est, à la petite profondeur atteinte, peu
considérable. La gangue est calcaire ; la galène en gros cristaux.
Le minerai donne 50 à 60 p. 100 de plomb contenant de 150 à
200 grammes d'argent pour 100 kilogrammes de plomb d'eeuvre.
VII. Bismuth et Antimoine. — On ne connaît pas encore
de gisements proprement dits de bismuth et d'antimoine, mais
leurs minerais sont fréquents, dans les gisements aurifères
de Minas-Geraes. Dans un filon de quartz avec or, près du
village de Forquim, a 45 kilomètres à l'est de la ville d'Ouro-
Preto, on trouve le bismuth combiné au soufre et au sélénium, for-
mant l'espèce minéralogique si rare, la jozéite. Dans la mine
d'or de Passagem, il est assez abondant pour donner lieu à un
MINÉRALOGIE. 87
production de .v>0 à 00 kilogrammes par an, tirés de l'amalgame
liquide qui sert à la séparation de l'or. Dans le filon de quartz
aurifère de la mine de Cata-ÏJranca, aujourd'hui inexploitée, la
bîsmuthine était abondante. La stibine se présente sous les
mêmes conditions, el encore plus fréquemment dans les mines de
Morro-San-Yironte et de Gaété.
VI II. Gisements de combustibles. — Jusqu'à présent les
dépôts de combustibles minéraux connus sont bien loin d'être
en rapport avec les richesses si considérables de minerai de fer
que présente le pays. Pourtant le terrain carbonifère est aujour-
d'hui bien repéré dans les provinces de Para, de l'Amazone, de
San-Paulo, de Paranâ, de Santa-Catharina et de Rio-Grande-du-
Sud.
Dans les deux provinces de Para et de l'Amazone, les terrains
appartenant à cet horizon géologique sont d'origine marine, et
leur faune a une grande analogie avec celle du carbonifère des
États-Unis de l'Amérique du Nord. Il n'y a clone aucune raison
de croire à l'impossibilité de rencontrer, comme dans ces pays,
au milieu de leurs couches, des dépôts de combustibles. Les
quelques sondages faits sans méthode jusqu'à présent ont à
peine effleuré les couches supérieures, et de leur non-réussite on
ne peut logiquement tirer aucune conclusion négative.
Dans la province de San-Paulo, dans le municipe de Tatuhy,
où il existe quelques affleurements de charbon de terre, un son-
dage beaucoup pins important a fait reconnaître l'existence de
quelques minces lits de combustible, et indiqué l'utilité pratique
de travaux analogues dans cette province, où d'autres affleure-
ments de même nature ont été signalés.
A Santa-Catharina, près de la rivière Tnbarao, existe un
bassin de combustible minéral ou charbon bitumineux de bonne
qualité, dont la concession a été donnée. Dans le bassin du Rio
Ararangua, plus au sud, dans la même province, se montrent
des affleurements de combustible analogue au précédent et qui
ont aussi déterminé une concession donnée à une entreprise par-
ticulière.
La province de Rio-Grande-du-Sud paraît jusqu'à présent la
mieux dotée sous ce rapport. Le charbon de terre s'y rencontre
dans une série de petits bassins lacustres, dont l'âge, d'après
les géologues, serait carbonifère, encaissé au milieu de roches
cristallines : granits et porphyres. Les couches de combustible
88 LE BRÉSIL EN 1889.
alternent avec des lits d'argile et de schistes. Los bassins bien
connus sont ceux de San-Sépé, municipe de Caçapâva ; de Can-
diote et Jaguarào, municipe de Bagé ; de San-Joâo d'Herval,
municipe de Piratiny, et enfin de Arroio-dos-Ratos, municipe
de Porto-Alegre. Le bassin de Candiota, où le charbon affleure
en divers points sur les bords du petit cours d'eau de même nom
et sur ceux du Jaguarâo-Chico, est traversé par le chemin de fer
de Pelotas à Bagé; il a été rapporté par Agassiz et Carruthers au
carbonifère. Carruthers y a découvert une série de plantes
fossiles appartenant aux genres flemingites, odoniopteris, Nœgcr-
rathia, calamités, etc. Le charbon a une densité de i.24 à 1.80
et forme 60 à G3 pour 100 de coke. Ce bassin, bien que considé-
rable, n'a pas encore donné lieu à une exploitation régulière.
Seul le gisement de Arroio-dos-Ratos est depuis plusieurs
années exploité par une Compagnie, qui fournit du combustible
aux machines fixes des mines des villes environnantes et aux
petits vapeurs qui font la navigation des cours d'eau et des
lagunes Patos et Mirim de la province et au chemin de fer de
l'État. La Compagnie a creusé plusieurs galeries et, outre le
charbon, vend des agglomérés.
IX. Substances diverses. — A côté de ces mines d'une
importance plus ou moins considérable, il existe dans le pays un
grand nombre de gisements de substances utilisables dans l'in-
dustrie. Je citerai, sans entrer dans de grands détails sur leurs
gisements, le marbre, la pierre ollaire, l'amiante, l'ocre, les
schistes bitumineux, les argiles plastiques, le kaolin, le gra-
phite, la plombagine, la pierre à chaux, les granits, porphyres
et autres pierres de construction, le salpêtre, puis le quartz, le
mica, les agates et les pierres précieuses colorées.
Marbres, — Les calcaires cristallins appartenant aux terrains
archéens ou paléozoïques sont fréquemment en grains assez
fins pour pouvoir bien prendre le poli et fournissent des marbres
d'ornementation. A Rio-Grande-du-Sud et à San-Paulo, il existe
des établissements préparant en grand ces marbres du pays.
A .Minas, ils sont très abondants; on les trouve à Car an dah y,
Antonio-Pereira, Gandarela, etc. L'Lcole des Mines a exposé des
marbres de ces deux localités, qui ont déjà été employés en
grand pour l'ornementation d'églises. Les marbres de Gandarela
sont très durs, de couleur variant du blanc au rouge, avec
moucheture d'hématite. Ils résistent très bien aux agents atmos-
MINÉRALOGIE. 89
phériques, particularité qui doit les rendre précieux dans un
pays où les marbres importés d'Europe ne tardent pas, dans
les constructions exposées à la pluie, à. s'altérer et à perdre leur
poli.
Pierres ollaires. — La pierre ollairc est utilisée dans le pays
pour la fabrication d'ustensiles de cuisine, de cuves, de bassins,
de tubes de conduite d'eau. Il en existe à Minas un grand nombre
de variétés, dont quelques-unes, homogènes, prennent un beau poli
et se prêtent à l'ornementation et à la sculpture, usages auxquels
elles ont été employées dans un grand nombre d'églises de la
province. On trouve de véritables carrières de cette pierre à
Barbacena, Ouro-Branco, autour d'Ouro-Preto, de San-Caetano,
Santa-Luzia, Catas-Altas, Santa-Barbara , Conceiçâo-do-Serro,
Serro, etc. Les quelques échantillons exposés par l'Ecole des
Mines représentent les divers types de cette pierre, dont la
composition minéralogique et les propriétés physiques sont très
variables.
Amiante. — Les gisements importants de cette substance,
d'ailleurs très fréquente au milieu des schistes micacés et chlori-
teux de Minas, sont au nombre de deux. A 4 kiloaiètres d'Ouro-
Preto. au lieu dit Taquaral, se montre une couche de cette subs-
tance intercalée entre les itabiritas et les schistes inférieurs.
L'échantillon exposé montre sa nature soyeuse. Une variété
fibreuse blanche forme une couche exploitable près du bourg de
Roças-Novas, municipe de Caeté, au-dessus de roches gneissiques.
Ocre. — L'ocre est fréquente dans les provinces de Minas et de
Santa-Catharina. On l'utilise dans la première de ces provinces,
pour les peintures à bon marché des murs des maisons. A Ouro-
Preto, on l'extrait près de la ville même, où elle se vend au
détail environ 30 centimes le litre, d'une couche placée entre
les itabirites et les schistes.
Deux échantillons, l'un jaune, l'autre passant à la sanguine,
aussi abondante que l'ocre, sont exposés par l'Ecole des Mines.
Le quartz, les agates, le mica, les pierres précieuses colorées,
améthystes, topazes, béryls et aigues-marines, cymophanes,
grenats, tourmalines, donnent lieu à un commerce d'exportation.
Quartz. — Les quartz bien purs, propres à la fabrication
des lentilles, des instruments d'optique, des verres de lunette,
proviennent presque tous de la Serra-dos-Cristaes, province de
Goyaz, à peu de distance de sa limite avec celle de Minas-Geraes.
90 LE BRËSII l'.N 18 89.
Les cristaux de quartz se trouvent à fleur de terre, en général
recouverts d'une couche terreuse, d'oxyde de fer au milieu d'ar-
gile .m d'un tuf arônacé provenant de la décomposition des roches
granitiques sous-jacentes. Il est recueilli par les gens du pays,
vendu sur place, et transporté à Bio-de-Janeiro. Le minéral, si
abondanl dans La province do Minas-Geraes, ne se présente que
rarement dans un état physique qui permette de l'utiliser. Dans
le Rio-Dôce, près de la ville de Pessanha, il existe dansées
conditions un gisement qui a fourni un échantillon exposé.
Agates. — Les Agates viennent de la province de Rio-Grande-
du-Sud, où le gisement exploité se trouve près de la ville de
Santa-Anna-do-Livramcnto, sur les frontières de l'Uruguay.
Mica. — Le mica, en grandes lamelles incolores, jaunes ou
noirâtres, vient de la province de Goya/, ou il se trouve près du
chef-lieu de la province et près de la ville de Meia-Ponte. Dans le
pays, il est utilisé, comme en Russie, pour garnir les fenêtres
et remplacer les verres à vitre.
Topazes. — Les topazes jaunes ou roses sont encore exploitées
dans les environs d'Ouro-Preto dans la carrière de Boa-Vista que
traverse le chemin de fer de Dom-Pedro II. Leurs gisements for-
ment deux filons au milieu des schistes micacés, jalonnés par les
anciennes exploitations de Serramenha, Boa-Yista, José-Correia,
Capao-Fundâo et Morro-de-Caxambû, où cette pierre est
accompagnée de l'euclase. La très grande dépréciation qu'ont
subie sur le marché les pierres colorées a fait abandonner presque
complètement ces exploitations qui peuvent encore en fournir
de grandes quantités.
Améthystes. — Les améthystes sont exploitées dans trois
carrières à peu de distance des limites des provinces de Bahia et
de Minas-Geraes. Le centre du commerce de ces pierres sont les
villes de Gram-Mogol, Minas-Novas et Arassuahy. C'est autour de
cette dernière ville que se trouvent, dans les graviers des cours
d'eau et, en place, dans des filons de quartz, au milieu des roches
granitiques, les cymophanes, béryls, andalousites, dichroiques,
tourmalines, grenats.
Cymophanes. — Les cymophanes en fragments roulés, d'un
beau jaune clair c! de qualité supérieure, proviennent d'un petit
cours d'eau affluent du Jequitinhonha, le Piauhy ; elles sont
accompagnées d'un Ires grand nombre de tréphanes.
Tourmaline. — La tourmaline noire est l'un des minéraux les
plus abondants de la province de Minas, où il forme quelquefois
MINÉRALOGIE. 91
de véritables liions. Colles de couleur claire bien transparentes
ne se trouvent guère que dans le bassin moyen du Jequitinhonha,
souvent en énormes cristaux au milieu de filons de quartz. On
les exploite autour des villes d'Arrassuahy, de Santo-Antonio-de-
Salinas, dans des graviers où elles sont accompagnées de béryls
et de grenats. Le centre du commerce de ces pierres est la ville de
Rahia, niais une partie est utilisée dans le pays pour la fabrica-
tion des bijoux.
Salprftrs. — Le salpêtre est depuis très longtemps exploité
dans les grottes calcaires du plateau du San-Francisco et du rio
des Velhas, dans la province de Minas-Geraes, et dans celles des
provinces de Goyaz et de Bahia. Les terres salpétrées, en général
très riches, sont traitées sur place même, et le salpêtre est vendu
à, environ un franc le kilogramme pour la fabrication de la
poudre de chasse et des feux d'artifice. La présence de l'azotate
dans les régions à élevage de Minas-Geraes est un fait important
pour l'agriculture. Les eaux qui lavent ces terres se réunissent
dans les bas-fonds, où elles forment des mares que fréquentent
les bêtes à cornes. La nitrifîcation dans ces climats chauds, au
milieu de terres riches en alcalis ou en chaux, se fait avec une
puissance extraordinaire, et le salpêtre peut ensuite être trans-
porté par les eaux d'infiltration dans des grottes au milieu de
roches quartzeuses, où il forme des amas, des filons même,
comme dans celle découverte près de Diamantina il y a quelques
jours, et qui a fourni déjà plus de 40 tonnes d'azotate pur cris-
tallin, dont des échantillons sont exposés.
Graphite. — Le graphite mélangé à l'argile forme fréquemment
à Minas-Geraes des couches qui pourront fournir, comme à Ita-
bira-de-Matto-Dentro de la plombagine de bonne qualité. Dans
le bassin inférieur du Jequitinhonha existe un filon de graphite
de 0 m. 50 à 1 m. de puissance au milieu des roches granitiques.
Ce gisement fournit des échantillons contenant 83 p. 100 de
carbone et pouvant servir à la fabrication des crayons.
Nombreux sont donc les gisements métallifères et de subs-
tances utilisables dans l'industrie, déjà connus au Brésil. Bien
plus nombreux doivent être ceux que le sol renferme, dans cet
immense pays où une bien petite parcelle du sous-sol a été
étudiée et qui offre un si vaste champ de recherches dans des
régions vierges de toute exploitation !
Lois et règlements sur les mines. — Il me semble utile de
92 LE BRÉSIL EN 1889.
c pléter cette notice sur les gisements métallifères du Brésil en
faisanl connaître brièvement les lois et les règlements Bur la
propriété des mines. Ce sujet a *'* l *> traité dans un bravai] dû au
savant jurisconsulte M. le docteur Antonio II. de Souza-Bandeira.
lui premier lieu, depuis La loi de 1867, les étrangers peuvent
acquérir et exploiter des mines au Brésil dans les mêmes condi-
tions que les nationaux. Les compagnies anonymes, dont Je
siège social se trouve hors du pays, n'ont pour fonctionner au
Brésil qu'à obtenir du gouvernement une permission qui exige
fort peu de formalités et à accréditer un agent responsable, rési-
dant dans le pays, auprès du .Ministère de L'Agriculture, du Com-
merce et des Travaux publies. Bien que le Brésil ne possède pas
de loi codiliée sur les mines, et que la matière soit encore régie
par d'anciennes lois portugaises et par des décrets et des arrêtés
postérieurs à la proclamation de L'indépendance, il ressort des
actes du gouvernement que la propriété des mines est distincte
de celle de la superficie. Les gisements de pierres de construc-
tion et d'ornementation, des substances employés dans l'indus-
trie et l'agriculture, marbres, pierre à chaux, marnes, argiles,
amiante, quartz, mica, tourbe, pierres précieuses autres que le
diamant font exception, et leur propriété suit celle du sol ; le
propriétaire peut en disposer à son gré en se soumettant simple-
ment aux règlements municipaux qui peuvent exister sur la
matière. La propriété de tous les autres gisements peut s'acquérir:
1° par achat, héritage ou donation d'anciens concessionnaires,
ou dates minérales accordées par le gouvernement portugais
avant l'indépendance ou depuis cette indépendance par décret
du gouvernement, ou bien par simple décision de fonctionnaires
spéciaux, nommés par les présidents de province, mais qui
n'existent de fait que dans la province de Miuas-Geraes, et qui
portent le nom « de gardes généraux substituts des mines »;
2° par concession obtenue directement du gouvernement central
ou des mêmes gardes-mines, dont les attributions et les carac-
tères sont entièrement différents des fonctionnaires qui portent ce
nom en France.
Les concessions faites par les gardes-mines pour un temps
indéterminé, peuvent s'étendre sur un certain nombre d'unités
de superficie [dates minérales) suivant la demande des in-
téressés. Une date vaut GS hectares b\070 centiares. Leur obten-
tion n'est précédée que d'une simple demande faite au garde-mine
du district qui, à l'aide de professionnels, marque les limites de la
MINÉRALOGIE. 93
concession. Les concessions accordées par le gouvernement sont
précédées d'un permis de recherche accordé par décret sur
demande adressée au ministère de l'agriculture en indiquant le
municipe où ces recherchés doivent être effectuées. Ce permis
donne le droit de faire pendant un an, délai souvent prorogé, des
recherches dans le municipe indiqué, sur une superficie de cent
hectares dont le concessionnaire peut lui-même choisir l'empla-
cement, à condition de ne pas empiéter sur une permission anté-
rieure à la sienne et d'indemniser les propriétaires de la super-
ficie des pertes et dommages que peuvent leur causeries travaux.
Un même individu peut obtenir plusieurs permissions analogues,
pourvu que chacune d'elles soit située dans un municipe diffé-
rent.
La concession définitive est donnée par décret impérial sur la
présentation des plans avec sections du gisement découvert,
d'une carte indiquant la composition géologique des terrains
environnants, d'échantillons des minerais découverts et d'un
rapport sur la puissance, la nature du gisement. Ces documents
sont soumis à l'examen de personnes compétentes, choisies par
le ministre. La concession est faite pour un temps indéfini et crée,
pour celui qui Ta obtenue, une propriété soumise aux mômes lois
que celles de toute autre espèce, sauf les clauses qui peuvent être
indiquées dans l'acte de concession.
D'après la loi du 26 septembre 1867 le gouvernement indique
que le concessionnaire aura à payer à l'Etat un droit fixe de 5 réis
(un peu plus de 1 centime au pair; par 4m,84 de superficie de la
concession, et une redevance proportionnelle de 2 p. 100 sur le
produit net de la mine. Mais comme cette loi n'a pas encore pu
être exécutée, car le règlement qui doit l'accompagner n'a pas été
élaboré, il résulte de décisions prises par le ministre des finances
que les concessionnaires n'ont à payer à l'Etat que le minime
droit fixe annuel de 2.000 réis (un peu moins de 6 francs au pair)
pour chaque date minérale de 68 hectares 6.070 centiares con
formément à la loi budgétaire de 1868 !
Aucune redevance n'est fixée en faveur du propriétaire de la
surface, qui n'a droit qu'aux indemnités qui peuvent lui être
allouées pour compenser les pertes et dommages que lui causent
l#s travaux d'exploitation.
Les gisements de diamants sont soumis à une législation
■spéciale, où il est clairement et nettement établi qu'ils font
partie du domaine de l'État. Leur concession, véritable fermage, se
M LE BRÉSIL EN 18 89.
fait par adjudication publique, et il est en outre accordé aux
simples laveurs de gra> iers (garimpeiros) une autorisation qui leur
permet et leur donne le droit de lavage dans les terrai» aea
concédés. La concession est faite pour un délai de 1 an à 10 ans,
ei moyennant un droit minimum de 2 réis (un peu plus de 1/2
centime par mètre carré ; siles terrains n'ont jamais été exploités,
le droil est encore abaissé ; si les terrains ont été le siège d'an-
ciennes exploitations, l'unité de superficie porte le nom de lot et
sa valeur varie de 29.040 mètres carrés à 48-4. 000 mètres. Un seul
individu ne peut pas obtenir la concession de plus de deux lots.
Les Compagnies, organisées en vue d'exploiter le lit des rivières
et les gisements dont la situation rend les travaux plus difficiles,
peuvent obtenir des concessions plus étendues dans les conditions
précédentes, et dont la superficie maxima soit de 43. 5G0. 000 mètres;
la durée de la concession dans ce cas est élevée à 15 ans.
I /administration spéciale des terrains diamantifères relève du
ministère des finances.
ECOLE DES MINES D'OURO-PRETO
SON ORGANISATION, SON ENSEIGNEMENT.
Dès 1832, l'idée de l'organisation de renseignement pratique de
la minéralogie et de la géologie avait été adoptée parle gouverne-
ment du Brésil, de même que la création d'une école pour l'ensei-
gnement de la métallurgie, l'exploitation des mines et la do-
cimasie avait été décrétée.
Le siège de cette école devait être la capitale de la province
de Minas-Geraes, Villa-Rica, aujourd'hui Ouro-Preto.
Cette institution faisait partie du plan général d'organisation
(1 ■ l'enseignement supérieur qui, dès les premiers jours de l'in-
dépendance, avait été l'objet de la sollicitude du gouvernement
sollicitude d'autant plus nécessaire que jamais la Métropole
n'avait eu souci des besoins intellectuels de la plus riche de ses
colonies. Obligés d'abord de faire face à des nécessités plus
urgentes pour le pays, les divers ministères qui se succédèrent
n'eurent pas l'occasion d'exécuter cette partie du programme.
MINÉRALOGIE. 95
Il appartenait à M. le conseiller Joào-Alfrcdo Correa de Oliveira,
alors ministre de l'Empire (intérieur, instruction publique et
cultes et aujourd'hui président du conseil des ministres, qui a
donné tant de preuves de son dévouement à la cause de l'instruc-
tion publique, de reprendre ce projet et de le faire exécuter.
En 1874, un professeur de l'Université de France appelé au
Brésil pour organiser renseignement delà minéralogie et de la
géologie, fut chargé par lui de choisir dans la province de Minas-
Geraes la localité qui convenait le mieux à rétablissement d'une
Ecole de mines et d'organiser les programmes et le règlement de
cette institution.
En 1875, le travail étant terminé, l'École des mines d'Ouro-
Preto put commencer ses travaux le 18 novembre 187G, sous le
ministère de M. le conseiller José Bento da Cunha e Figueiredo,
aujourd'hui vicomte de Bom-Conselho.
La durée des cours, la nature et la distribution des matières
de l'enseignement ont été successivement modifiées par divers
décrets, ayant pour but de mettre l'organisation de l'Ecole des
mines en rapport avec les besoins du pays et l'état de l'instruc-
tion secondaire.
En 1884, l'Assemblée provinciale de Minas-Geraes vota une
subvention annuelle de 30 contos de réis (près de 90.000 francs
au change actuel) qui devait se joindre au budget ordinaire, à
condition que de nouvelles chaires seraient crées de manière à
permettre aux élèves qui en sortiraient de pouvoir exercer les
fonctions d'ingénieur des mines et d'ingénieur civil.
Ces conditions furent acceptées par le gouvernement général,
et, par décret du 27 juin 1885, l'Ecole fut soumise au règlement
qui la régit aujourd'hui.
Son but, comme le déclare l'article premier de ce règlement,
est de former des ingénieurs pour l'exploitation des mines, pour
les établissements métallurgiques, et en général pour tous les
services auxquels correspond son enseignement.
Le régime est l'externat et les élèves sont obligés d'assister à
toutes les leçons, de prendre part à tous les travaux pratiques
dont le nombre est fixé chaque année par la. réunion des profes-
seurs.
L'enseignement est complètement gratuit, aucune rétribution
n'est exigée des élèves pour les travaux de laboratoire.
Il leur est fourni le papier à dessin dont ils peuvent avoir
besoin, et non seulement ils peuvent consulter les livres à la
96 LE BRÉSIL EN 18 89.
bibliothèque, mais aussi, moyennant un reçu, en emprunter un
certain nombre.
En nuire, chaque année, le budget de l'Ecole comprend un
chapitre destiné à venir en aide aux jeunes gens pauvres qui se
recommandent par leur travail et leurs progrès, et qui sans ce
secours ne pourraient pas continuer leurs études.
L'enseignement est divisé en deux parties distinctes: le cours
-encrai et le cours supérieur.
Chacun de ces cours dure trois années, et chaque année
scolaire comprend dix mois de travaux, dont le dernier est
consacré aux examens de fin d'année.
Les travaux de laboratoire, les excursions scientifiques peu-
vent avoir lieu les dimanches et les jours considérés comme
fériés.
Cours général. — Dans le cours général, les élèves acquièrent
l'instruction scientifique nécessaire pour pouvoir suivre avec
facilité renseignement technique du cours supérieur.
Les élèves ne sont admis en première année que sur la pré-
sentation de certificats, prouvant qu'ils ont subi avec succès les
examens de portugais, français, anglais ou allemand, histoire
et géographie, devant des com'missions chargées de faire passer
ces examens préparatoires, examens qui peuvent aussi être passés
à l'Ecole, où des commissions de professeurs sont nommées à cet
effet par le directeur.
Les deux premières années de ce cours correspondent à ren-
seignement secondaire scientifique des lycées de France. Leur
création a été rendue nécessaire par les difficultés que rencon-
traient les candidats à l'Ecole pour acquérir les connaissances des
sciences physiques et naturelles exigées par le règlement, et dont
l'enseignement, dans beaucoup de provinces, ne fait pas encore
partie des programmes de l'instruction secondaire. Cette dispo-
sition, qui certainement complique l'organisation de l'Ecole, a
pourtant un grand avantage, celui de donner à son enseignement
une homogénéité complète. Presque tous les professeurs de l'Ecole
en sont d'anciens élèves. Ils sont pénétrés des mêmes idées,
suivent les mêmes méthodes, de sorte que le résultat est le même
que si le même professeur accompagnait les élèves pendant toute
la durée de leur séjour à l'Ecole.
Tous les programmes, depuis les plus élémentaires jusqu'à
ceux des cours les plus spéciaux, sont discutés en commun et
forment un tout, dont les parties se complètent mutuellement.
MINÉRALOGIE. 97
Les programmes de troisième année sont à peu près ceux de
l'enseignement des cours préparatoires aux écoles supérieures
de même nature des autres pays.
En première année, l'enseignement comprend: l'arithmétique,
la géométrie, la trigonométrie et l'algèbre élémentaire, les pre-
miers principes de physique et de chimie, le dessin d'imitation.
La deuxième année: les compléments de l'algèbre, le calcul
des dérivées, la géométrie analytique à deux et à trois dimen-
sions, la fin de la trigonométrie rectiligne, la cosmographie et
l'arpentage; la ligne droite et le plan, en géométrie descriptive ;
la chimie des métalloïdes, la chaleur, l'électricité et le ma-
gnétisme, en physique ; la zoologie, le dessin d'imitation.
La troisième année : le calcul différentiel et intégral, la méca-
nique rationnelle, la trigonométrie sphérique ; les plans tangents
et l'intersection des surfaces, en géométrie descriptive; la chimie
des métaux et des matières organiques ; en physique, le son et la
lumière; la botanique, le dessin d'imitation.
Un certain nombre de leçons sont, en outre, consacrées à la
révision des parties les plus importantes du cours de deuxième
année.
Les leçons sont accompagnées de nombreux exercices prati-
ques de problèmes à résoudre, d'épurés à dessiner, et les élèves
sont soumis à de fréquentes interrogations ; en première année,
une composition sur des sujets mathématiques est faite réguliè-
rement chaque semaine sous les yeux du professeur.
En seconde et en troisième année, les élèves sont exercés aux
manipulations de chimie, de physique, de zoologie et de bota-
nique.
Examens de passage. — Les élèves ne peuvent passer d'une
année à une autre qu'à la condition d'avoir remis tous les travaux
graphiques, exercices, levés de plans dont ils ont été chargés, et
de subir avec succès les examens de passage qui ont lieu à la fin
de chaque année scolaire; ces examens portent sur toutes les
matières de l'enseignement de l'année, et les élèves ne peuvent
les subir que si la moyenne des notes de l'année atteint le
chiffre 8.
Cours supérieurs. — L'admission aux cours supérieurs se fait
par concours, pour lequel il n'existe aucune limite d'âge inférieure
ou supérieure.
Admissions. — Ace concours peuvent se présenter, sans distinc-
tion de nationalité, non seulement les élèves qui ont terminé
7
LE BRÉSIL EH 1889.
avec SUccès les trois années du cours général, mais aussi tous
les candidats, de quelque école qu'ils proviennent, qui prouvent
qu'ils possèdenl une instruction analogue à celle donnée dans
ces trois années.
Le nombre des admissions peul être fixé par le ministre de
l'Empire. Le concours porte sur les matières de renseignement
du cours généra] et a lieu, en juin, devant une commission
nommée par le directeur de l'école et dont les membres doivent
être pris parmi les professeurs. Les épreuves sont écrites et
orales.
Enseignement des trois années du cours supérieur. — L'ensei-
gnement des cours supérieurs comprend :
Première année : Minéralogie, docimasie, leçons de physique
et de chimie industrielle, première partie de l'exploitation des
mines, métallurgie générale et du 1er, stéréotomie, charpente,
ombres el plans cotés, mécanique appliquée aux machines à
vapeur, thermodynamie hydraulique. Travaux pratiques : épures,
analyses de substances minérales, déterminatives de minéraux.
Deuxième année: Première partie de la géologie, phéno-
mènes actuels, pétrographie, fin de l'exploitation des mines.
Métallurgie : petits métaux, mécanique appliquée à la résistance
des matériaux, étude des matériaux de construction, technologie
des petites professions, architecture, topographie superficielle et
souterraine, tracé d'une route. Travaux pratiques : Détermination
de poches, levés de plans, excursions géologiques, visite de
mines et d'établissements métallurgiques.
Troisième année : Seconde partie de la géologie, description
des terrains et des principaux fossiles qui les caractérisent,
chemins de fer, routes, ponts et viaducs, compléments de méca-
nique appliquée aux courants d'eau, canaux et ports, hydrau-
Lique agricole, Leçons sur la législation des mines, économie
politique, droit administratif et statistique. Travaux pratiques:
détermination de fossiles, dessins, rédactions de projets sur la
métallurgie, L'exploitation des mines, la mécanique appliquée
ei 1rs chemins de fer, excursions géologiques, visites d'usines
et de travaux.
Les élevés sont obligés de remettre dans un délai d'un mois
des rapports sur les études qu'ils ont faites pendant les excur-
sions scientifiques, qui ont lieu sous la direction des professeurs,
durant les jours de congé de Tannée et les vacances qui séparent
Les travaux scolaires.
MINÉRALOGIE. 00
Les conditions de passage d'une année à une autre sont les
mêmes que pour le cours général. A la fin de la troisième année,
roux qui ont satisfait à toutes les conditions du règlement obtien-
nent un diplôme signé parle ministre de l'Empire et le directeur
de l'École. L'État ne garantit aucun emploi aux ingénieurs
pourvus de ce diplôme, et comme l'industrie extractive et la
métallurgie sont encore, saut dans la province de Minas-Geraes,
fort peu développées, ils éprouvent, malgré leur instruction
scientifique déjà bien reconnue, des difficultés à se placer dans
des entreprises de leur spécialité.
L'enseignement est donné par douze professeurs: six pour
chacun des cours supérieur et général, aidés de trois répétiteurs-
préparateurs et d'un professeur de dessin. Ces professeurs sont
nommés par décret impérial après concours; ils jouissent de
toutes les prérogatives et garanties accordées aux magistrats des
Cours supérieures.
Administration. — L'administration se compose simplement
d'un directeur à la fois professeur, et d'un secrétaire chargé en
même temps de la bibliothèque.
Il n'existe ni surveillants, ni agent comptable, et la nécessité
ne s'en est jamais fait sentir.
Les professeurs indiquent eux-mêmes, sur leurs livres de
leçons, le nom des élèves absents et les notes obtenues par les
élèves.
Les collections pour l'enseignement sont les suivantes :
Minéralogie : 790 échantillons représentant les principaux
types de minéraux, bien cristallisés, classés dans Tordre suivi
pour les leçons; 105 échantillons des minerais des métaux usuels,
modèles en bois, tableaux de cristallographie.
Collection des minéraux et roches des provinces de Minas-
Gereas, Rio-Grande-du-Sud, San-Paulo et des gisements aurifères
et diamantifères du Brésil, en tout 633 échantillons. Géologie :
686 échantillons des fossiles caractéristiques des terrains, 116 des
terrains du Brésil, 400 roches types, en tout 2.730 échantillons
bien déterminés, 1.000 plaques taillées dans ces roches pour les
études pétrographiques.
Métallurgie et exploitation des mines. — Le cours de métallurgie
et d'exploitation des mines est doté d'une série de modèles des
principaux appareils et des fours employés pour l'extraction des
minerais etlapréparation des métaux, et d'une série de 100 échantil-
lons de matières premières, produits secondaires et combustibles.
100 i.i: BRÉSIL EN 1889.
Ceux de mécanique appliquée, de construction, d'architecture,
de géométrie descriptive el de stéréotomie, disposent de collec-
tions analogues. Pour ces derniers, le nombre des modèles esl
assez considérable, et la collection esl la même que celle adoptée
en France pour L'enseignement secondaire et supérieur.
Le cabinet de physique est aussi complet que l'exige rensei-
gnement el renferme plus de 300 appareils cl instrument- prove-
nant des meilleurs fabricants de Paris.
Les Laboratoires de chimie sont munis de tous les réactifs,
ustensiles, balances de précision, nécessaires aux travaux «les
élevés et des professeurs. Les locaux où ils sonl établis seront à
la fin de l'année remplacés par des constructions spéciales en
voie d'exécution, comprenant une salle pour la chimie générale
où pourront travailler simultanémenl vingl élèves, un Laboratoire
«le docimasie avec une salle spécialement destinée aux profes-
seurs, et cabinet de balances de précision. Le gaz qui sert pour
les appareils de chauffage et d'éclairage est fabriqué dans l'éta-
blissement même à l'aide de graines oléagineuses de coton et de
ricin.
La bibliothèque, ouverte tous les jours aux élèves,. compte 265
ouvrages en rapport avec les diverses branches d'enseignement
de L'École. Ils sont pour la plupart écrits en français, langue que
tous les élèves entendent et qu'un très grand nombre parle.
Elle reçoit 36 publications scientifiques périodiques : 6" en por-
tugais , 20 en français, / en espagnol, 4 en anglais et 2 en
italien.
Annales de V Ecole des Mi ans. Recherches, minéralogiques et
géologiques. — L'École des Mines d'Ouro-Preto ne se considère
omme simple établissement d'instruction technique, mais
aussi comme un foyer de propagande pour les études de minera -
logie e1 de géologie.
Ces études au Brésil jusqu'à ces vingt dernières années se
limitaient à des voyages rapides d'exploration où la plus grande
part appartenait aux étrangers.
Ce n'est guère qu'au commencement de ce siècle même que
ces voyages devinrent possibles et prirent un caractère scienti-
fique.
L'Anglais Mawe, dans ses relations de voyage, donne des
indications exactes sur les mines d'or, de diamants, les gisements
de pierres précieuses el de salpêtre.
Avant lui, en 1792, le patriarche de l'Indépendance du Brésil,
MINÉRALOGIE. 101
Bouifacio de Aadrada, savant auquel on doit la découverte d'es-
pèces minérales comme le triphane, si abondant dans le bassin
moyen du Joquitinhonha, avait étudié les mêmes gisements.
Les voyages de Spix et Martius, si importants au point de vue
botanique, apportaient aussi leur contribution aux études géolo-
giques auxquelles fournissent encore quelques renseignements
les œuvres, si justement populaires au Brésil, d'Auguste de Saint-
Hilaire.
Les deux livres du baron d'Eschwège, Pluto Brasiliensis et
Geognostisches Gemalde von Brasilien, contiennent le résultat
d'observations et d'études géologiques, poursuivies au Brésil
pendant vingt ans.
Malgré quelques interprétations fausses, quelques erreurs de
classification de terrains, erreurs provenant surtout de l'état peu
avancé de la géologie à l'époque où l'auteur rédigeait son
ouvrage, le travail d'Eschwège n'en reste pas moins le plus
important et le plus intéressant qui ait été écrit sur le Brésil, et
c'est encore un des plus utiles à consulter. La province de Minas-
Geraes y occupe la première place. Quelques notes du naturaliste
Glaussen sont aussi à citer, et fournissent des renseignements
intéressants sur les gisements de minéraux rares qu'il a fait con-
naître en Europe. A la même époque, Selow recueillait dans la
province de Rio-Grande-du-Sud une collection de roches cristal-
lines et éruptives qui furent étudiées par Weiss et forment
la matière d'un Mémoire publié dans les comptes rendus de l'Aca-
démie des Sciences de Tienne.
En 1843, Pissis publia deux Mémoires importants, accompa-
gnés de cartes géologiques, sur les provinces de Minas-Geraes et
San-Paulo, dont celui qui a rapport aux soulèvements des mon-
tagnes du Brésil obtint l'honneur d'être inséré dans les Mémoires
des Savantslétrangers , de l'Académie des Sciences de France.
Les terrains diamantifères ont donné lieu à une série de tra-
vaux de minéralogie et de géologie dus à Helmreichen, Heuser et
Claraz ; l'étude des minéraux qui accompagnent le diamant a des
Mémoires de MM. Damour et des Cloiseaux qui ont servi de bases
à tous les travaux ultérieurs sur ces sujets.
La Paléontologie du Brésil n'a donné lieu, pendant la première
moitié de ce siècle, qu'à un seul travail, mais celui-là, magistral,
du savant de Lagôa-Santa, de Lund, sur la faune quaternaire des
grottes calcaires des plateaux du San-Francisco et du rio das
Velhas.
102 LE BRÉSIL i:n 18 89.
Les mines d'or ont plu* fréquemment attiré l'attention des
voyageurs, el on trouve but elles des données utiles «la us les récits
des \ de Spix ei de Martius, Saint-Hilaire, prince de Neu-
wied, Gardner. Castelnau, Burton, \ve Lallemand, Von Tschudi
et d'autres encore. L'histoire de ces mines a été résumée avec
beaucoup de soin dans l'ouvrage d'Hennewood, publié en 1871
mais où il n'est guère question que de la province de Minas-
Geraes.
A ce même ordre d'études se rattachent quelques notices
comme celle de l'ingénieur Bural sur les gisements de l'or dans
les itabirites friables, el celles publiées par M. Vendeborn sur les
mines de Montes Aureos de la province de Maranhào, de Natha-
niel Plant sur Les dépôts de combustible minéral de Rio-Grande-
du-Sud.
C'est L'expédition Thayer, dirigée par A.gassiz, qui ouvrit la
nouvelle ère des travaux géologiques au Brésil.
La plus grande part dans les travaux géologiques de la com-
mission revient à llarlt, qui, après avoir visité avec soin les cites
du Brésil, de Bahia à Rio-de- Janeiro, a parcouru plus de
1.000 kilomètres à pied dans l'intérieur, pénétrant de Bahia
jusqu'au centre de Minas-Geraes.
Hartt dans sa Géologie du Brésil, publiée à Boston en 1870, a
résumé tous les travaux, se rapportant à ce sujet, et indiqué les
découvertes de l'expédition d'Agassiz, à laquelle on doit les pre-
mières idées nettes et exactes sur l'horizon géologique des terrains
palœozoïques de Paré et de l'Amazone et des dépots secondaires
des provinces du nord, de Bahia à Para, découvertes auxquelles
sont associés les noms de naturalistes brésiliens.
C'est à la suite de celle expédition que fut créé le service
général, aujourd'hui supprimé, de la carte géologique du Brésil
pour l,i directioD duquel Hartt était naturellement indiqué.
Les quelques années que ce si regretté savant a passées à
La tête de ce service ont été signalées par des travaux remar-
quables de paléontologie et degéologie et parla formation de col-
lections dont l'étude se continue encore. Ces travaux auxquels,
drs Le début, se trouve associé son élève et ami le géologue Derby,
ont été déjà en partie publiés dans les Annales du Muséum de Itlo-
de- Janeiro.
C'est a M. Derby qu'appartenait de recueillir L'héritage scien-
tifique de Hartt, donl il continue aujourd'hui, si utilement pour
Je pays et la science, les travaux dans la direction du service de
MINÉRALOGIE. 103
lacarte géologique de San-Paulo, créé et subventionné par le
gouvernement de cet Le province. Les roches de San-Paulo et
de Rio-de-Janeiro on! déjà donné lieu à bien des études des
plus intéressantes publiées par ce savant, études où il a fait
connaître tout une série de roches éruptives dont on soup-
çonnait à peine l'existence dans ces régions : Fozaïtes, Diabases,
Métaphyres, Phonolites, etc. Si à ces travaux on joint les obser-
vations île M. Liais, du Dr Couto. on aura une idée à pe
près complète des naturalistes qui ne sont occupés spécia-
lemenl d'études minéralogiques et géologiques au Brésil jus-
qu'en L874.
Or combien petit est le nombre des travailleurs, surtout
si on le compare à l'immensité des champs de recherches
qu'offre un territoire aussi vaste que celui du Brésil, où des
provinces entières, comme celles de Matto-Grosso etGoyaz, sont à
peu près complètement inexplorées! Combien incomplètes même
sont nos connaissances géologiques de la province de Minas-
Geraes où pourtant, depuis 1792, il y a près d'un siècle, le grand
patriote Bonifacio d'Andrada a inauguré les recherches minéra-
logiques! Placée au milieu des montagnes de cette province, à
i.160 mètres au-dessus du niveau de la mer, entourée de mines
en exploitation, au milieu de gisements de minéraux précieux et
rares qui lui forment comme un musée naturel, l'École des Mines
d'Ouro-Preto devait naturellement se mettre à la tête des travaux
géologiques et minéralogiques dont la connaissance du sol est la
conséquence, connaissance qui touche à tant d'intérêts dans la
société.
Dès le début, les gisements de topazes qui entourent Ouro-
Preto et les roches qui en constituent le sol ont attiré l'attention
du directeur de cette Ecole, et ont donné lieu à une série de
travaux publiés dans les comptes rendus des Sociétés scientifi-
ques de France.
Puis sont venues les études des terrains diamantifères, des
dépôts tertiaires d'eau douce du plateau supérieur de Minas, des
terrains métamorphiques et des roches éruptives si fréquentes
dans la province, et des minéraux peu connus, découverts dans
les graviers contenant le diamant.
A ces travaux se sont joints ceux des professeurs de l'École,
des ingénieurs qui en sont sortis et dont deux sont associés,
sous la direction de M. Derby, au service de la carte géologique de
la province de San-Paulo.
104 LE BRÉSIL EN 1889.
L'École a pu alors créer une publication spéciale : Annaesda
I '/ de Minas de Ouro-Preto, dont quatre numéros ont déjà paru.
Malheureusement, absorbés par un enseignement journalier
pendanl dix mois «1»' L'année, directeur et professeurs ae peuvenl
consacrer a ces études qu'un temps très Limité, et la publication
entreprise n'a pas encore pris la régularité qu'elle aura bientôt, on
L'espère. Les nombreuses collections de roches de la province
recueillies à l'École, les documents déjà publiés permettent dès à
présent de commencer L'ébauche de la carte géologique, ébauche
qui doit être précédée de travaux topographiques. L'assemblée
provinciale «le Minas-Geraes a même voie L'année dernière L'exé-
cution de ces travaux.
A sa mission officielle de former des ingénieurs des mines,
l'Ecole des Mines d'Ouro-Preto a donc joint celle d'étudier la
richesse du pays el spécialement celle de la province de Minas-
Geraes, d'en faire connaître le sol et de propager les méthodes
d'études et de recherches telles qu' elles sonl appliquées en Europe
dans les pays qui marchent à la tète du progrès scientifique. Elle a
écrit en tête de ses annales les paroles qui résument l'espril qui
guide son enseignement et lui servent de devise : Cum mente et
malleo.
Mais tous les efforts de celui qui a organisé l'École auraient
été vains si, des le début, dans la mission qu'il avait à remplir, il
n'eût rencontré protection, aide et secours auprès de Sa Majesté
I Empereur Dom Pedro II, qui n'a jamais cessé d'encourager ses
travaux.
L'histoire de l'École des Mines d'Ouro-Preto, que j'ai essayé
de résumer, est d'ailleurs celle de tout ce qui touche au dévelop-
pement matériel et inoral du pays, développement qui a toujours
été l'unique souci du Prince qui préside aux destinées du Brésil,
mais nul autre établissement d'enseignement supérieur ne doit
autant à Sa Majesté l'Empereur.
CHAPITRE V
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRÉSIL.
Par M. le Baron de RIO-BRANCO1
Découverte du Brésil. — Le 9 mars 1500, une escadre
portugaise, destinée aux Indes, quittait Lisbonne sous le comman-
dement de Pedro Alvares Cabrai. Des navigateurs déjà connus,
comme Barthélémy Dias et Nicolas Goelho, commandaient en
sous-ordre. Les instructions, rédigées par Vasco da Gama,
portaient que l'escadre, après avoir dépassé l'île de Santiago
(archipel du cap Vert), devait cingler constamment vers le sud
tant qu'elle aurait le vent en poupe; dans les embardées, elle
devait prendre la direction sud-ouest, courant bâbord amure la
bordée du large, lorsque le vent serait contraire, jusqu'à la latitude
du cap de Bonne-Espérance ; il faudrait alors gouverner droit à
l'est. Yasco da Gama voulait ainsi écarter l'escadre de Cabrai des
calmes de la côte de Guinée, et lui donner l'onde des vents alises
et du courant équatorial. Mais, d'autre part, il est fort probable
qu'il avait la certitude de l'existence d'une terre dans la direc-
tion du Brésil, car se trouvant lui-même, le 22 août 1497, fort
près du Penedo de Sâo Pedro, il avait vu des oiseaux, dit son
Routier, « qui, le soir, se sont dirigés vivement vers le sud-sud-
ouest comme des oiseaux qui s'en vont vers une terre. »
Le 21 avril, Cabrai rencontra des herbes marines, et le 22 il
aperçut une montagne. Il donna à celle-ci le nom de Mont
Paschoal et au pays celui de Terre de la Vraie Croix (Terra da
1. Membre du conseil de S. M. l'Empereur, Membre deTInstitut Historique
et Géographique du Brésil.
106 LE BRÉSIL EN 1889.
Vera Cruz . ainsi qu'il esl rapporté dans La lettre de Caminha, da
I ■ mai, adressée au roi Dom Emmanuel. Le ~2'-\, L'escadre jetail
L'ancre à une demi-lieue de la côte, en face de la ri\ ière Cahy, et,
Le 25, dans une baie qui fut nommée Porto-Seguro, mais qui pril
|(. m mu de baie de Sauta Gruz dès qu'une ville de ee nom y fut
fondée au wr siècle.
Cabrai reprit la mer le 2 mai, continuant son voyage après
avoir expédié la caravelle du capitaine André Gonçalves pour por-
ter à Lisbonne la nouvelle de la découverte, (ionçalves longea la
côte, probablement jusqu'à Pernambuco ou Parahyba.
Avant Cabrai, un Espagnol, compagnon de Colomb, Yicente
Yaùe/. Pin/on, avait découvert tout le Littoral nord du Brésil,
depuis le cap qu'il nomma de Santa-Maria «le Consolacion (26 jan-
vier L500 , — nom changé par les Portugais, dès l'année suivante,
contre celui de cap Saint-Augustin, — jusqu'au capdeSao Vicente,
aujourd'hui cap d'Orange. Pinzon découvrit Les bouches de L'Ama-
zone Mai- Dolce) et longea la cote jusqu'au golfe de Paria. La
même année, un autre Espagnol, Diego de Lepe, abordait au cap
Saint-Augustin, reconnaissait la côte jusqu'à la rivière San Juliau
(peut-être le Rio de Coulas1), et retournait vers le nord, en sui-
vant La route déjà parcourue par Pinzon.
Le nom de Vera Cruz, donné au pays par Cabrai, fut remplacé
par celui de Terra de Santa Cruz dans la notification faite aux
souverains catholiques par le roi Dom Emmanuel, datée de
Cintra, I'1 25 juillet L50I ; mais la contrée ne tarda pas à être dési-
gnée sous le nom de Brazil (Brésil), nom déjà employé dans le
commerce et qui fut donné alors à un bois de teinture rouge
[ibird pitang, des indiens), qu'on trouva en abondance dans cette
pailie de L'Amérique. La nouvelle terre est déjà nommée Brésil
dans La relation d'Ëmpoli qui accompagna Albuqerque et Pacheco
au Indes (1503), ainsi que dans une plaquette de La Bibliothèque
de Dresde (Presil, Presillig Landtj, dont la date parait être loOG, et
dan- h' Routier du navire portugais le Bretoa, allant au cap Frio
en L5I I.
lue bulle du Pape Alexandre VI (4 mai 1493) avait fait le
partage des contrées a découvrir entre les Portugais et les Espa-
gnols, en divisant le monde par un méridien qui passait à 100
1. « San Giano, c'est-à-dire rivière de Saint-Julien » (chapitre x de la
Description de l'Amérique qui l'ail suite a l'Histoire de /</ Navigation de Jean 11.
Van Linschotbn, el carte du même auteur j la première édition de cet oui rage,
en hollandais, est de lf.nl).
ESQUISSE DE i/lIISTOIRE DU BRÉSIL. 107
lieues à l'ouest du cap Vert. Toutes les terres qui se trouveraient
à l'ouest de ce méridien étaient attribuées à l'Espagne, celles à
l'orient au Portugal. Mais l'année suivante, ces deux puissances
modifièrent, par le traité de Tordesillas (7 juin 1494), la ligne de
démarcation, en la reportant à 370 lieues à l'ouest des îles du
cap Vert. Le Pape Jules II approuva cet arrangement par une
bulle du 24 janvier 1506.
Premières explorations. — De 1501 à 1502 et de 1503 à 1504,
il y eut deux expéditions portugaises, dont Amerigo Vespucci
fit partie. La première, sous le commandement d'André Gonçalves,
reconnut la côte entre le cap Saint-Roch etCananéa, poussant en-
suite vers le sud-est, jusqu'à une terre qu'on croit être la Géorgie
du sud. La seconde, sous les ordres de Gonçalo Coelho, visita les
mêmes côtes, de Bahiaverslesud. A l'île de Fernando de Noronha
le chef de cette seconde expédition et Vespucci s'étaient séparés ;
ils ne purent se rejoindre. Deux petits forts furent construits :
Tun par Vespucci au cap Frio, d'où il entreprit un voyage à l'inté-
rieur des terres jusqu'à quarante lieues de la côte; l'autre par
Coelho à Rio-de-Janeiro, baie découverte par André Gonçalves et
Vespucci le 1er janvier 1502. Mais ces établissements furent
bientôt détruits par les Indiens Tamoyos [Tamoi, les aïeux), qui
occupaient le territoire compris entre le cap Frio et la partie
orientale du Sâo-Paulo. Vespucci était de retour à Lisbonne au
mois de septembre 1504. On ignore la date de la rentrée de
Coelho1. Une des lettres d'Amerigo Vespucci, publiée en 1504,
traduite et plusieurs fois réimprimée à cette époque, est le pre-
mier document qui ait fait connaître à l'Europe les merveilles de
la nature du Brésil : « e se nel mondo », disait-il, « è alcun
paradiso terrestro, senza dubio dee esser non molto lontano da
questi luoghi».
1. Varmiagen prétend que ce capitaine a séjourné longtemps dans
la baie de Rio-de-Janeiro, et cela parce que sur une carte du Ptolémée
de 1513 on trouve à cet endroit deux mots que Majolo, au xvie siècle,
avait las — pinaculo detentio, — et qu'il a las — pina chullo detetio — et inter-
prétés — gonc. choelho detetio (detentio). — Cette interprétation est aujour-
d'hui généralement acceptée au Brésil, d'après un mauvais fac simile
publié dans les Nouvelles recherches sur Amerigo Vespucci. Dans deux
exemplaires du Ptolémée de 1513, que nous avons examinés, les mots en
question sont très lisibles : portogallo detetio. — Le premier (Portugal)
s'explique de lui-même; le second est évidemment le mot detectio, décou-
verte, très en usage dans les portulans et les géographies de l'époque (terra
détecta, etc). On trouve fréquemment, dans les anciennes gravures sur bois,
des mots mal orthographiés et des lettres qui manquent.
108 LE BRÉSIL EN 18 89.
D'autres expéditions portugaises sur lesquelles les détails
manquent furenl envoyées au Brésil. En 1503, Fernando de Noro-
iilia découvril nie < j u ï porte son nom. La même année, ou peu
après, Jofto Coelho reconnaissait La côte au nord du cap Saint-
Ftoch. En 1504, un Français de Honfleur, Paulmier de Gonneville,
abordail surtrois points de la côte déjà visitée par Gonçalves,
Vespucci el Gonçalo Coelho. En 1505, une expédition portugaise,
dont le chef paraît avoir été Dom Nuno Manoel (avec Joâo de
Lisboa el Vasco Gallego), parcourut la côte méridionale, découvrit
le Rio de la Plata ei poussa jusqu'à La baie de San Matiasen Pata-
gonie. Vers 1512 ou 1513, Affonso Ribeiro, dans une nouvelle
exploration de la côte nord du Brésil, fut tué par les Indiens.
Presque toutes les escadres portugaises se rendant aux Indes
commencèrenl. depuis 1506, à relâcher au Brésil, qui fut visité
cette même année par Albuquerque et Tristam da Cunha.
En L508, Solis et IMnzon, les premiers explorateurs espagnols
des mers du Sud, Longèrent les côtes du Brésil ; puis : eu lôll),
Solis ; en L519, Magellan (Fernào de Magalhâes), qui séjourna
quatorze jours dans Laradede Rio-de-Janeiro ; en K>20, Diogo
Garcia et Sébastien Caboto.
Le Portugal déporta dans cette contrée, dès l'expédition de
1501, quelques criminels, parmi lesquels un bachelier, qui se fixa
à Cananéa, et dont le nom Duarte Pères nous a été transmis
par Bui Diaz de Guzman. Vers la même époque, d'autres Portu-
gais s'établirent au Brésil. Les plus connus sont : Francisco
Ghaves et Aleixo Garcia, sur la côte de Cananéa, le premier dès
1502, comme Pères; Diogo Alvares, qui, échappé d'un naufrage
dans l'île d'Itaparica (1510), épousa la princesse indienne Para-
guassû, et devint, sous le nom de Caraniurû, un chef puissant
parmi les indiens de Bahia ; Joào Bamalho, qui se fixa vers 1512
à Piratininga, sur les plateaux de Paranapiacaba, où il eut de
nombreux enfants de son union avec la Pille du chef indien
Tibfriçâ ; et Antonio Rodrigues, qui s'unit à une fille du chef
Caâhobf, et s'établit près de larivière de Gerybatiba (littoral de
Sao-Paulo). Presque tous, ils ont rendu de grands services au
Portugal lors des premiers essais de colonisation.
Aleixo Garcia, avec, trois autres Portugais et une armée d'In-
diens (!•'>-<>, franchit le Paranâ, s'adjoignit un grand nombre de
Guaranys du Paraguay, el continua sa marche jusqu'aux fron-
tières de l'empire «les Incas. Il traversa la cordillère de Mizque,
s'empara de plusieurs villes, arrivant jusqu'aux environs de
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRÉSIL. 100
Tarabueo (Bolivie), et retourna au Paraguay avec un grand butin
et des objets en argent et en or. Mais, avant envoyé à Cananéa
ou à Piratininga la nouvelle de la découverte de ces richesses, il
fut assassiné par les Guaranys1.
En 1526, le Portugal envoya une escadre, sous les ordres de
Christovam Jacques, chargée de donner la chasse aux navires
français qui, depuis 150 i, trafiquaient avec les Indiens.
Jacques établit une factorerie à Pernambuco, visita les prin-
cipaux ports jusqu'à la Plata, brûlantles navires qu'il rencontrait,
et eut un combat dans le Paraguassû (1527) avec trois navires
bretons dont il s'empara. La factorerie de Pernambuco fut prise
et saccagée (déc. 1530) par un galion français2. Williams Iiawkins,
de Plymouth, qui vint en 1530, est le premier Anglais qui ait abordé
au Brésil3.
Commencement de la colonisation. — En 1531, Martim Af-
fonso de Souza, ayant reçu les pouvoirs nécessaires pour occuper
le pays, arriva avec une escadre et quatre cents colons, s'empara
de trois navires français qui se trouvaient sur la côte de Pernam-
buco, visita Bahia, stationna trois mois dans la baie de Rio-de-
Janeiro, puis, ayant perdu le navire qu'il montait, devant l'em-
bouchure du Chuy, il envoya à la Plata son frère Pero Lopes de
Souza, et retourna avec l'escadre vers le nord. Il fonda alors la
colonie de Sâo-Vicente (22 janvier 1532), dans File que les Indiens
nommaient Guirâpiran ou Uirâpiran 4, nomma le vieux Ramalho
« grand gardien de la campagne », et établit une partie de ses
colons dans le village indien qu'il dirigeait clans le Guapituba, à
l'endroit nommé Borda do Campo, sur le plateau au nord de la
chaîne de Paranapiacaba. Cette colonie fut désignée plus tard
sous le nom de Santo-André. De Cananéa, Martim AfTonso de
1. Rui Diaz de Guzman, La Argentina, Liv. T, chap. v. L'auteur, qui a
connu au Paraguay un fils d'Aleixo Garcia, a achevé cette histoire en 1612.
Voir aussi, sur Garcia, les ch. 50, 55 et 57 des Comentarios de Alvar Nunez
(Cabeza de Vaca), Valladolid, 1555.
2. Cette factorerie était sous la direction de Diogo Dias, feitor (gérant).
Gaffarbl {Histoire du Brésil Français, p. 96) se trompe en disant que c'était
un fort commandé par Duarte Coelho, lequel n'est arrivé au Brésil que cinq ans
après.
3. C'est vers cette année qu'il faudrait mettre un prétendu blocus du Tagc
par Ango. Cette fable a été déjà jugée par plusieurs écrivains français. Voir
Ferd. Denis, Le Génie de la navigation (Paris, 1847), et Guérin, Histoire Maritime
de France, t. II.
4. Morpion, selon Thevet ; Urbioneme, Orbionem, ou Orpiomma, selon
Stade ; Warapisumama, selon Purciias.
110 i.i: BH ÈSII EN 1 s^9-
Souza ;i\;iii expédié dans L'intérieur, à la recherche de l'or, une
petite troupe qui, après avoir franchi le Paranâ, fut repoussée par
Guaranys, el détruite, pendant sa retraite, dans l'Iguassû1.
Lopes «If Souza, qui a écrit le journal desmi voyage maritime,
explora l«" ni" de la Plata, l'Uruguay <v( l<' Paranâ, arriva a Sao
Vicente <■! fut expédié en Europe. Chemin faisant, il captura deux
navires français à Pernambuco, et prit un fort construit dans File
d'Itamaracà par Jean du Péret, capitaine d'un navire appartenant
au baron de Saint-Blancard, généra] des galères françaises de la
Méditerranée. Il laissa une garnison dans ce fort.
De 1532 ;i 1535, le pays, dont les côtes seulement avaient été
explorées, fut divisé, par des lignes parallèles à l'équateur, en
quinze sections formanl douze capitaineries héréditaires, de G00
à 12.000 lieues carrées, dont le roi Jean III lit donation à plusieurs
nobles portugais qui devaient y établir <\<'> colonies. Martini
Afionso de Souza fut un des donataires et devint (1532) seigneur
de la capitainerie de Sâo-Vicente (aujourd'hui Sao-Paulo). 11
quitta If Brésil en I.");'»:; el se rendit célèbre dans les guerres des
Indes; niais, quoique absent, il s'occupa toujours de son iief
brésilien, envoyant des colons à Sào-Yicente et y faisant importer
de l'île de Madère la canne à sucre, introduite à la même époque à
Pernambuco par Duarte Coelho.
Quelques-uns des donataires ne réussirent pas à coloniser leurs
domaines. Pero Lopes de Souza, par ses représentants, fonda la
colonie de Santo~A»i<i,o dunslile de G uaimbé (littoral de Sào-Paulo),
et un autre établissement dans l'île d!Itamaracà (1532). Yasco Fer-
nandes Coutinbo fonda Espirito-Santo (1535), aujourd'hui Villa
Velha, et Duarte de Lemos commença, en 1540, dans cette capi-
tainerie, un établissement qui devint, à partir de 1558, la ville
de Victoria; Pero do Campo Tourinho créa la ville de Porto-
Seguro (1530), quelques lieues au sud de la baie où Cabrai
.ivait séjourné, ainsi que la ville de Santa-Cruz, sur la baie de
Cabrai (l'ancien Porto-Seguro) et une autre colonie, celle de
Santo-Amaro, détruite en 1564 par les Indiens. Figueiredo Correa
envoya des colons qui furent les fondateurs de la ville d'Ilhéos;
Duarte Coelho fonda les villes tYOlinda (1535) et d'Iguarassâ. Deux
autres colonies avaient été établies, Tune à Bahia (1530) par
Pereira Coutinho. l'autre sur les rives du Parahyba du Sud (15 in.
1. La Argentine», «le lî. Diaz de <ii /mvn: Comentarios de À. N. Cabeza m Vaca :
et Diario <hi. Navegaç&o de Pero Lopes de Souza.
ESQUISSE DE l/lIISTOIRE DU BRÉSIL. 111
par Pero de Gôcs da Silveira; niais elles furent bientôt évacuées,
les colons ne pouvanl résister aux attaques des Indiens. D'autres
capitaineries furent créées postérieurement (Itaparica, 155G,
lleconcavo, 1566, etc.); mais peu à peu, les rois du Portugal
recouvrèrent tous ces fiefs par héritage, par achat ou autrement.
Les dernières capitaineries qui se trouvaient encore sous le
régime féodal furent rachetées par la couronne au xvnr3 siècle,
du temps de Dom José 1er et Pombal.
En L540, l'Espagnol François Orellana, venant du Pérou,
descendit le premier l'Amazone, dont les bouches seulement
avaient été reconnues. En 1541, l'expédition espagnole d'Alvar
Nufiez Cabeza de Yaca débarqua en face de l'île Ste-Catherine
(alors ile dos Patos), marcha vers l'intérieur et arriva l'année
suivante à l'Assomption du Paraguay.
En 1549, un gouverneur général, Thomé de Souza, fut envoyé
au Brésil, et fonda, la même année, la ville de Sâo Salvador de
Bahia, qui fut sa résidence et, pendant plus de deux siècles, la
capitale du Brésil. Elle fut érigée en évêché en 1551. Le premier
évoque du Brésil, Sardinha, fut tué par des Indiens anthropo-
phages (1556), de même que plusieurs prêtres, sur la rive gauche
du Sâo Miguel (Alagùas). Les jésuites étaient arrivés au Brésil en
1549 avec Thomé de Souza. Ils entreprirent de catéchiser les Indiens
et de les grouper sous leur autorité exclusive. Parmi eux se sont
distingués les Pères Joseph de Anchieta, qui envoya les premiers
jésuites au Paraguay, et Emmanuel da Nobrega, surnommés les
apôtres du Brésil. En 1554 le Père Emmanuel de Paiva créa
une maison dans le village indien de Piratininga, qui prit le
nom de Sâo-Paulo. Peu à peu les habitants de l'ancienne colonie
de Santo-André, dirigée par Jean Ramalho, l'abandonnèrent pour
aller se fixer à Sâo-Paulo, et Santo-André resta désert. En 1560,
Sâo Paulo, ayant été élevé au rang de ville, eut une municipalité.
Dès 1539 un gentilhomme portugais, Braz Cubas, avait créé
dans la capitainerie de Sâo-Vicente une colonie dont la popula-
tion a grandi et qui est devenue la ville de Sanlos, établie en
1545. Les habitants de cette capitainerie étaient appelés Vicen-
tistas, mais la ville de Sâo-Paulo, dont les habitants étaient
nommés Paulistas, devenant prépondérante, tous les natifs de
cette partie du Brésil commencèrent à être désignés sous ce
dernier nom. Le siège du gouvernement de cette capitainerie
fut transféré de Sâo-Vicente à Sâo-Paulo en 1683 seulement. La
population se composait de blancs, Portugais, ou d'origine
112 LE BB BS1 L EN 1880.
portugaise, d'Indiens civilisés et de métis nés de pères euro-
péens el de mères indiennes. Ces derniers étaient surnommés
mamelucos, nom dérive de manlu/mcu lils do femme indienne,
selon Aimeida Nogueira] et ^'wim célèbre dans l'Amérique du
Sud pendanl le wirci le xvnie siècle. Les jésuites et les historiens
du Paraguay el de la Plata, ont répandu alors plusieurs fables au
sujel d»1 fori^inc <1<>s Paulistas et surtoul des mnmelucos de S&o-
Paulo, qu'ils croyaient descendants d'Italiens, de Français et de
Hollandais.
Des esclav.es nègres commencèrent à être introduits dans le
nord du Brésil, à Pernambuco el à Bahia, peu de temps après
la fondation de ces colonies.
Les Français à Rio-de-Janeiro. Fondation de Rio. — Les
marins français continuèrent à fréquenter les côtes du Brésil
après rétablissement des premières colonies portugaises, qui
étaient encore en petit nombre et trop séparées les unes des
autres. C'était entre le cap Saint-Koch et le Parahyba-du-Nord,
nommé alors Sào-Domingos, sur le littoral de Alagoas, de
Sergipe, et de Rio de Janeiro qu'ils venaient faire le commerce
avec les Indiens. Sur la côte de Rio ils avaient pour alliés les
Tamoyos, dont les flotilles ont souvent attaqué les navires portu-
gais et intercepté les communications entre les colonies de Sâo-
Vicente et Santo-Amaro et le nord du Brésil. Cunhambebe, le
« grand et puissant roi Quoniambek », dont le portrait a été
publié par ïhevet dans deux de ses ouvrages (Vies des hommes
illustres et ChosmograplueJ, était un chef Tamoyo. Son village
fortifié, nommé Arirab, se trouvait sur la rivière Arirô (rivière
des Vases dans la carte de Thevet), à Angrados Reis1.
En 1550 Pero de Gôes livra un combat, sans résultat, à un
1. Ce Cunhambebe, dont parlent Thevet et JIans Stade (ce dernier fut
son prisonnier .n'est pas certainement l'indien du môme nom dont il est ques-
tiondans une des lettres d'Anchieta. Le Cunhambebe d'Anchieta est probable-
ment un (ils de l'autre. Le vieux Cunhambebe avait dans son village 6 canons
pris sur deux caravelles portugaises, et gardait comme trophée l'habille ut
complet et la croix de chevalier du Christ d'un gentilhomme portugais, Ruy
Pinto, de SSo-Vicente, tué dans un combat naval (1549), où six petits navires
portugais furent pris. C'est Thevel qui parle de cette victoire de Cunhambebe,
sans toutefois donner le nom de Ruy Pinto, seul chevalier du Christ existant
alors dans la capitainerie de Sâo-Vicente, et mort en effet à cette époque.
Cf. Gaspab i>\ Madré de Deos, Memorias de Scfo-Vicente, 54 et 55, et Histoire de
Thevet, de deux voyages par lui faits aux Inde* australes et occidentales^
chapitre De la bée des Roys et de Beau-repaire (Manuscrit de la Bibliothèque
nationale de Paris, fonds français, 15.454 .
ESQUISSE DE L HISTOIRE DU BRESIL. 113
navire français près de Macahé1. La même année, Henri II de
France et Catherine de Médicis assistaient à Rouen à une fête
brésilienne où figuraient cinquante Indiens Tobajaras.
En 1555, un chevalier de Malte, déjà connu par ses exploits et
par ses écrits-, Nicolas Durand de Villegaignon, obtint la protec-
tion d'Henri II et de l'amiral de Goligny pour fonder une colonie
au Brésil, et vint s'établir à File de Serigype située dans la baie de
Rio-de- Janeiro. Il donna au pays le nom de France antarctique et
éleva dans File un fort qu'il nomma Goligny. Ses exigences
religieuses suscitèrent des difficultés qui nuisirent à rétablisse-
ment composé de catholiques et de calvinistes. En 1559, il laissa
à la tète de la colonie son neveu Bois le Comte, pour venir en Eu-
rope demander des renforts et soutenir de longues controverses
religieuses avec Calvin et ses adeptes. Quelques mois après, le
gouverneur général du Brésil, Mem de Sa, arrivait à Rio avec
une escadre et s'emparait du fort Coligny (16 mars 1560), qu'il
rasa, sans toutefois occuper le pays3. L'île fut désignée depuis
£ette époque sous le nom de Villegaignon4.
1. Au mois d'août 1550, et non pas le 15 avril 1551, au cap Frio, comme l'ont
cru Varnhagen et Gaffarel. Le combat n'a duré qu'une journée.
2. Yillegaignon, né à Provins en 1510, mort àBeauvaisen 1571, était neveu
de Villiers de l'Isle Adam, grand maître de l'Ordre de Malte. « C'était un des
hommes de son siècle le mieux fait, l'esprit orné de rares connaissances, et
d'une valeur révérée même par les plus braves capitaines de son temps » (Ver-
tot, Hist, des Chev. de Malte, ITI, 251). Il avait été grièvement blessé à l'expé-
dition d'Alger, sous les ordres de l'empereur Charles-Quint ; avait commandé
des escadres sur la cote d'Angleterre, conduit Marie Stuart en France (1518)
malgré les croiseurs anglais, et s'était illustré dans les guerres de Malte. Lors de
son départ pour le Brésil il avait déjàpublié deux livres : Caroli V imper atoris
e.rpeditio in Africain ad Argieram (Paris, 1542) et De bello Melitensi ad Carolum
Cœsarem et ejus eventit Gallis imposito comment arius (Paris, 1553.) A consul-
ter : Relation de l'expédition de Charles-Quint contre Alger, par Villegaignon,
publiée en 1874 par H. de Gramont, avec notice biographique.
3. 11 n'y avait dans le fort que 114 Français et quelques centaines d'Indiens,
selon Mem de Sa, mais le nombre de ces derniers était certainement exagéré,
car l'île n'est pas grande. Après le bombardement du fort par l'escadre, com-
posée de 11 navires, Mem de Sa ordonna (15 mars) le débarquement de 260
hommes, dont 120 Portugais et Brésiliens et 140 Indiens. Il n'y a pas eu de
capitulation comme l'ont dit Thevet, La Popellinière, l'historien brésilien
Varnhagen et plusieurs autres écrivains. La lettre de Mem de Sa, sur la
prise du fort, a été publiée par plusieurs chroniqueurs avec un change-
ment de phrase : ao tempo em que negociei. C'est ao tempo em que cheguei
qu'on doit lire. Voir les Carias do Brazil do Padre Manoel da Nobrega
(Rio, 1886 : notes de Valle Cabral, p. 172-75) et première partie, chap. LV1II
de Gabriel Soares. Le père Nobrega s'y trouvait présent. Deux écrivains
français, André Thevet, qui visita deux fois le Brésil à cette époque, et Jean
de Lery, arrivé à Rio en 1557, ont raconté cette tentative d'établissement
français.
4. On peut voir cette île dans le Panorama de Rio-de- Janeiro, que le
8
111
LE BRÉSIL EN 1889,
En L961, quatre navires français, an Mitre L'année suivante,
,u,1.ui repousses à Kspirito-Sanl.. par Belcnior d'Aeevedo.
En [56^ ans alliance ou confédération générale des tribus des
ramoyos de Rio-de-Janeiro menaça tes établissements portugais
(1(\ ia capitainierie de Sao-Vicente. La ville do Sâo-Pauk) repoaasa
,11H. attaque des sauvages,que les Français restés à Rio-de-Janeiro
excitaient contre 1rs Portugais. Los pères Anchieta et Nobrega,
se rendant seuls au campement des Tamoyos, parvinrent a4é-
sarmerles principaux chefs ; puis, Estacio de Sa, arrivé de Lis-
bonne avec quelques navires, réunit les volontaires de Bahia,
d'Espirito-Santo, de Sâo-Vicente et de Sao-Paulo, pénétra dans la
baie de Rio-de4aneiro (1565) et y établit, prés du Pain-de-Sucre,
un camp retranché auquel il donna le nom de ville de Saint-Sé-
bastien. Les années 1565 et 1586 se passèrent en combats avec
les Tamoyos et les Français. L'année suivante, Le gouverneurgé-
néral du Brésil, Mem de Sa, arriva avec des renforts, ei les deux
retranchements que L'ennemi occupait, L'un à LTruçumiri (plage du
Flamengo, faubourg de Rio), L'autre à Paranapueuhy (île do Gever-
Qador furent enlevés (20 janvier 1567). Estacio de Sa mourut d'une
blessure reçue devant Uruçumiri.
Mem do Sa lit démolir Le retranchement et les cabanes oons-
s près du Pain-de-Sucre pour établir la ville de Saint-Sébas-
tien de Rio-de-Janeiro sur une colline nommée Morne do Castello
après la construction du château de Saint-Sebastien1. En 1568,
peintre brésilien Victor Meirelles expose actuellement à Paris Du temps de
Villegaignou il y avait on rocher à chacune des deux extrémités de 1 île
i V Gaffarel, dans son Histoire du Brésil français, p. 350-51, m.,
de Jean Bolès, un êrudit français, qui aurait été exécuté à Rio comme lien -
.,„,„„ 567: «...Mem de Sa livra à leurs rancunes (il est questton des Jé-
ultes L'infortuné Bolès, qui fut jugé pour la forme, ron.lan.n, et aussitôt
exécuté Cet acte barbare d'intolérance marque les premiers jours de la nou-
velle capitale. » - Ce fut un chroniqueur jésuite, Simao de \ ^onobllos, qui,
erôyant faire L'éloge de Mem de Sa e1 du père Anchieta, parla de .cette >exécu-
Sondans deux ouvrages qu'il publia en 1663et en 1672.SelonSimao deVascon-
Sos Anchieta aurait assisté à l'exécution. Heureusement «MPomiM
trouve cette tache dans la vie du père Anchieta, car U a parlé lui^êmed
Boules, dans son Information du Brésil écrite en 1,S, 1) après lui Boni. s
envoyé à Bahia, de Bahia à Lisbonne (1562 et du Portugal aux Indes: il n est plu
Sué au bre.il (Voir ce document page il. des Informants /'/-/-- <;
Ittoricos do padre Josar* de Anchieta, B.J, L584-1586 pubhés à Rio eu 1886
Par MM. Capistrano de Arreu et Valle Cabral). Le baron de Ram iz tom.
?i vil Ze partie, de la Rev. de Vint. H est. du Brésil) a trouvé a la b.bl. ua-
donalè de Rio deix exemplaires d'une brochure pubUée eu 1566 à Lisbonne,
en%ortugaïs%ar cet érudit dont le nom et les titres étaient : Jean Comtha
^neurdl Bollès, gentil} fi çais, docteur en Sorbonne^ - outre 1 lnfor;
motion d'ANCHiETA et la communication citée, du baron de Ramu, il > a
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRESIL. 115
quatre navires français entrèrent dans la rade de Rio et essayèrent
de s'emparer du village de Sào-Lourenço, en face de la ville, occupé
par le chef indien Ararigboia, allié des Portugais. Ils furent re-
poussés. La même année (8 juin), Salvador Correa, gouverneur
de Rio, et Ararigboia prirent à l'abordage au cap Frio un navire
français1, dont l'artillerie fut placée dans le petit fort de Guia, cons-
truit alors sur la pointe orientale de l'entrée de Rio, où se trouve
aujourd'hui la forteresse de Santa-Cruz. En 1570 (15 juillet) le
corsaire français Jacques Sore, seigneur de Flocques, s'empara,
près des Canaries, du navire portugais le Santiago, qui conduisait
au Brésil trente-neuf jésuites, parmi lesquels le père Ignacio de
Azevedo. Sore, qui était hugenot, força ces religieux à se jetter
eux-mêmes à la mer2. L'année suivante Jean Capdeville prit au
même endroit, après un combat opiniâtre (13-14 sept.) un autre
navire qui transportait à Bahia le gouverneur portugais et douze
jésuites. Les prisonniers furent massacrés. En 1576, Salema, gou-
verneur de Rio, fit une guerre d'extermination aux Tamoyos et
s'empara d'un fort construit au cap Frio par des marins français.
Commencement de la domination espagnole. Hostilités des
Français, Anglais et Hollandais. — En 1580 le roi d'Espagne
Philippe II, devenu roi du Portugal, fut acclamé dans toutes les
provinces portugaises. L'union des deux couronnes attira sur
le Brésil les attaques des ennemis de l'Espagne. Des navires fran-
çais envoyés pour soutenir, contre Philippe II, les droits d'Antoine,
prieur de Crato (quatre navires en 1580., trois en 1581), furent
repoussés à Rio par Salvador Correa. Sur les côtes de Rio Grand e-
du-Nordet deParahyba, les hostilités entre Français et Portugais
continuèrent jusqu'en 1607. Onze navires français en 1579, cinq
en 158 L, furent brûlés dans le Parahyba. En 1584, l'amiral espa-
gnol Flores Valdez et les Portugais de Pernambuco s'emparèrent
d'un ouvrage fortifié que les Français avaient élevé sur le
Parahyba de concert avec les Indiens, et détruisirent sept na-
vires français. Un fort portugais y fut établi, mais abandonné
cette question ud mémoire très savant de C. Mendes (TAlmeida, publié dans
la Rev. de l'Inst.Hist. du Brésil, t. XLII, 2e partie.
1. Des volontaires de Sâo-Vicente (à S. Paulo) étaient venus pour cette
expédition sous le commandement d'un colon, Heliodore Eoban, qui fut tué
dans le combat. Il était fils du poète et historien allemand connu sous le
nom d'Helius Eobanus Hessus.
2. Barbosa Machado. Mem. de D. Sebastiào, P. III, 1. le, chap. 2, pag. 239.
La date donnée par Jarric (1555) n'est pas exacte.
116 LE BRÉSIL EN 18 80.
l'année suivante. Un autre fort fut construit en 1586 sous Le nom
de Cabedello, à L'entrée de cette rivière.
En L583, L'Anglais Edward Fenton, qui fut plus tard un des
vainqueurs de VInvencible Armada, pénétra dans Le port de San-
id-, qu'il quitta après an combat contre des navires espagnols
de passage; en K>S7 Withrington ravagea les environs de Bahia,
el deux navires français (capitaines Pois de Mill et Goribault)
furenl pris dans le Sergipe ; en l.V.H Thomas Gavendish saccagea
Santos, et, en L592, échoua dans nue attaque contre Espirito-
Santo. En 1595 des Français débarqués de dix navires furent
repoussés à llhéos, et les corsaires James Lancaster, Anglais.
et Le Noyer, Français, prirent Recife et y firent un grand
butin. En L596 le fort de Cabedello, dans le Parahyba, repoussa
une attaque des Français, débarqués de treize navires. A ce
moment sept autres navires français se trouvaient à l'ancre
devant le Rio-Grande-du-Nord, trafiquant avec les sauvages. En
1599 un navire du Havre, capitaine Jacques Potcl, fut pris au
cap Frio par Martini de Sa1. La même année Olivier van Noort,
après avoir essayé en vain de pénétrer dans Rio, poursuivit avec
son escadre un voyage autour du monde ; en 1604, van Carden,
commandant d'une autre escadre hollandaise, repoussé à Bahia,
butina dans le port; en 1615, Joris van Spilbergen en fit autant
dans le port de Santos. Vers 1623, le commandant Dirck van
lluyter fut fait prisonnier par Martini de Sa, gouverneur de Rio
et vice-amiral de la mer du Sud.
En 1585, les colonies portugaises du Brésil avaient une
population d'environ 57.000 habitants, dont 25.000 blancs (250 à
ltamaracâ, 8.000 à Pcrnambuco, 12.000 à Bahia, 750 dans cha-
cune des capitaineries d'Ilhéos, Porto-Seguro, Espirito-Santo et
Rio-de-Janeiro, 1.500 dans celle de Sâo Vicente), 18.500 Indiens
civilisés (2.000 à Pernambuco, 8.000 à Bahia, 4.500 à Espirito-
Santo, 3.000 à Rio, 1.000 dans la capitainerie de Sâo-Vicente) et
14.000 esclaves africains (10.000 à Pernambuco, 3 à 4. 000 à Bahia,
100 à Rio-de-Janeiro)2.
i. La Bibliothèque Nationale de Paris possède deux cartes de 1579, par
Jacques Vaudeclay, de Dieppe, l'une représentant la côte du Brésil entre
L'Amazone et le Rio-Real, L'autre les environs de Rio-de-Jaueiro (Vrai Pour-
traict de Geneure el du cap de Frie). On peut aussi voir à la Bibliothèque
Nationale de Paris (Lf. "), la « Remonstrance très humble en forme d'aver-
tissement, que font au roy et à nosseigneurs de son conseil les capitaines <le la
manne. <te France. » Ces! une publication du commencement du xvmc siècle.
2. Anchibta dans ['Information de 1585 donne les chiffres de la population
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRÉSIL. 117
A Rio, le premier contrat pour l'importation d'Africains avait
été passé en 1583 entre le gouverneur Sa et un nommé Gutierres
Yalerio. Dans la capitainerie de Sao-Vicentc (Sao-Paulo), on
employait des esclaves indiens.
Eu L560, Braz Cubas, en 1590 Affonso Sardinha, avaient décou-
vert des mines d'or à Sao-Paulo. Déjà, l'an 1600, elles étaient en
exploitation. En 1590 la ville et le fort de Sâo-Christovâo furent
fondés dans le Sergipe, par Ghristovâo de Barros,sur la rive droite
du Cotindiba. Vers la même époque, la ville de Cachoeira fut fon-
dée sur le Paraguassû (Bahia), et celle de Natal (1597) dans le
Rio-Grande-du-Nord. En 1608, un gouvernement général fut créé
pour la partie méridionale du Brésil, comprenant Espirito-Santo,
Rio et Sao-Vicente (Sao-Paulo). Rio-de-Janeiro en fut la capitale.
En 1617. ce gouvernement fut supprimé et Bahia redevint la
seule capitale du Brésil. En 1610, les Portugais fondèrent leur
premier établissement au Cearâ.
Les Français à Maranhao. — Un gentilhomme de la Touraine,
Charles des Vaux, qui avait été laissé en 1594 au milieu des
sauvages du Brésil par le capitaine Jacques Riffault, rentra en
France vers 1605, et proposa à Henri IV de faire occuper le
Maranhao, lui assurant que les Indiens étaient désireux de rece-
voir les Français. Henri IV confia à Daniel de la Touche, seigneur
de La Ravardière, qui venait de faire une exploration des côtes
de la Guyane1, la mission d'aller avec Des Vaux s'assurer
des dispositions des sauvages. Lorsqu'ils retournèrent en
France, Henri IV était mort. La Compagnie qui devait se
charger des frais de l'expédition ne put être organisée qu'en
1612, avec l'appui de la famille des Razilli. Un grand nombre de
gentilshommes s'enrôlèrent. La Ravardière, François de Razilli,
seigneur des Aumels, et Nicolas de Harlay-de-Sancy, baron de
La Molle et de Gros Bois, furent nommés « lieutenants-généraux
du roi aux Indes-Occidentales et terres du Brésil » par la régente
Marie de Médicis, qui leur accorda en même temps ses étendards
et sa devise. Quelques centaines de volontaires partirent de
Cancale sur trois navires, et arrivés à l'île de Maranhao (6 août
1612), y bâtirent le village de Saint-Louis et quatre forts. Le
de quelques capitaineries. Pour les autres il ne donne que le nombre des
feux visinhos). Nous avons compté cinq personnes par feu.
1. En 1604, avec Jean Moquet. La Ravardière amena en France le chef
indien Iapoco, de la Guyane.
118 LE BRÉSIL BM 1889.
nom de France équinoxiale fut donné au pays. Mais bientôt La
nouvelle de L'occupation française étant connue des Portug
ceux ci commencèrenl [1613] par établir an fort, qui était un poste
d'observation, à Jericoacara Cearé . L'année suivante Jérôme
d'Albuquerque, qui avait construil ce fort, fut investi du comman-
demenl de L'expédition organisée à Pernambuco pour reprendre
le Maranliào. ALbuquerque, qui était un Brésilien né de mère
indienne1, avait en sous-ordre le Portugais Diogo de Campos
Moreno, qui fut le chroniqueur de cette campagne2. Arrivé au
Maranliào, il débarqua (26 octobre H*>lï dans la baie de Saint-
Joseph sur Le continent, à l'endroit nommé Cuaxenduba (aujour-
d'hui Villa Velha ou Arguas Boas). Un retranchement fut aussitôt
construit, et, quelques jours après, les Français commencèrent les
hostilités en s'emparant de trois navires portugais ; mais le 19 no-
vembre ils subirent un échec et de grain le- pertes dan- un débar-
quement à Guaxenduba3. Une suspension d'armes fui signée
27 novembre après échange d'une correspondance chevaleresque
entre La Ravardière et Albuquerque4. Deux envoyés, l'un Fran-
1. Né à Olinda on 1548, mort en 1618. 11 était fils de Jérôme d'Albuquer-
que, beau-frère de Duarte Coelho, seigneur de Pernambuco.
2. Jornada do Maranhïïo, dans le t. I des Noticias para a hist. das naçoes
ultramarinas, publiées par L'Académie Royale de Lisbonne, et dans le t. II des
Memorias para a hist do Maranh&ù, de ('.. BIendes de Ai.mkida [Rio, 1874). A
consulter sur ces événements Claude d'AsBEvnxE, Histoire de la mission en
l'isle de Maragnan Paris, 1614); Yves d'EvREUx, Voyage dans le nord du Brésil
(édition F. Dénis, Paris, 1864); De Lastre, Histoire véritable de ce qui s'est
passé de nouveau entre les François et les Portugois en l'isle de Maragnan
publiée sans nom d'auteur à Paris, 1615); Behredo, Annaes historicos do
MaranhSo, Lisbonne, 174'.).
:i. Les Français débarqués à Guaxenduba (180 Français, 1.500 Indiens)
étaient commandés par De Pezieux, gentilhomme catholique, cousin de
Marguerite de Montmorency, princesse de Condé. 11 avait sous ses ordres Du
Prat et le capitaine de vaisseau Claude de llazilli, seigneur de Launay (plus
tard vice-amiral e1 gouverneur général du Canada). La marée basse dc
permit pas à La Ravardière de débarquer lui-même avec une colonne qui
devail attaquer, par l'autre Qanc, le retranchement des Brésiliens. Parmi les
noms des gentilshommes tués, on trouve ceux de De Pezieux, de Chabannes
cousis de la Ravardière . de Rochefort, de Logeville, de Saint-Gilles, de La
Haye, de Saint-Vincent, d'Ambreville, et de la Roche du Puy. — Les troupes
de Jeronymo d'Albuquerque au combal dc Guaxenduba se composaient de 300
soldats blancs ou métis el de 200 Indiens.
4. Une lettre de La Ravardière du 23 novembre commençait ainsi: — « La
clémence du grand capitaine d'Albuquerque, qui fut vice-roi de Sa Majesté
Dom Emmanuel aux Indes Orientales, se montre en vous par la courtoisie
que vous témoignez à mes soldats français, el par le soin que vous avea eu
de donner une Bépulture aux morts, parmi Lesquels il en est un que j'aimais
comme un frère, car il étail brave el de bonne maison. Je loue Dieu. el si
nous nous rencontrons de nouveau les armes à la main, j'espère qu'il prendra
ESQUISSE DE i/uiSTOIRE DU BRÉSIL. 119
pus el l'autre Portugais, partirent pour l'Europe, mais l'année
suivante juillet) des renforts arrivèrent à Albuquerque, et celui-
ci annonça à La Kayardtère i|ii'il venait de recevoir en même
temps L'ordre de rompre la tréte. Oiudques mois après, une
troisième expédition partie de Pernambuco sous le commande-
mont d'Alexandre de Moura arrivait, et La Ravardière, abandonné
de son gouvernement, capitula (2 novembre). Quatre cents Fran-
çais retournèrent en Europe, un grand nombre restèrent à
Maranhào. La ville, devenue portugaise, conserva le nom de Saint-
Louis de Maranhào.
Occupation de l'Amazone. Division du Brésil en deux gou-
vernements. — Alexandre de Moura expédia de Maranhào
(25 décembre 1615) Francisco Caldeira pour aller occuper l'Ama-
zone, où déjà les Hollandais du commandant Nicolas Oudaen
possédaient les forts de Nassau et d'Orange, sur la rive gauche
du Xingû. Caldeira fonda (1616) le fort de Belem du Para, et
la même année les Hollandais construisirent un troisième fort
à Gurupâ. Les hostilités commencèrent avec la prise d'un navire
hollandais par Pedro Teixeira (1616). Les Indiens, alliés des
Hollandais, ayant mis en danger l'établissement de Para, il fallut
d'abord les vaincre ou s'en faire des alliés. De 1620 à 1621 quelques
centaines d'Anglais s'établirent dans la Guyane brésilienne. Le
fort de Gurupâ fut pris en 1623 par Bento Maciel Parente,
ceux du Xingû en 1625, par Teixeira, qui en 1629 s'empara du
fort anglais de Taurege dans l'île Tocujûs. En 1631 (1er mars) le
fort Philippe, anglais, situé dans cette même île, tomba entre
les mains de Jacome de Noronha. L'année suivante (9 juillet) le
dernier fort des Anglais, celui de Cumaû, dont le gouverneur
était Roger Frey, fut pris par Coelho de Carvalho (François
d'Albuquerque).
En 1624, le Brésil fut partagé en deux grands gouvernements,
dits États : au Nord, Y État du Maranhào, capitale Saint-Louis de
Maranhào, comprenait le Para, le Maranhào et le Cearâ (ce dernier
territoire fut annexé au gouvernement de Pernambuco en 1629,
selon Araripe, en 1663, selon Varnhagen); ausudl\£W du Brésil,
sous sa protection ma juste cause... » — De Lastre, qui était uu jeune chirur-
gien parisien, fut envoyé au campement brésilien pour panser les blessés
des deux partis : — « Jamais, dit-il, je n'ai vu de si honnêtes gens, et si entiers
comme ils sont ; mais ils avaient bien besoin de moi. M. de La Ravardière
les a bien obligés de préférer leurs blessés aux siens, mais la France ne sera
jamais sans courtoisie. »
120 LE BRÉSIL EN 1889.
capitale Bahia, B'étendait depuis le Rio-Grande-du-Nord (depuis
le Cearé en 1629 ou 1663), jusqu'à Sainte-Catherine, comprenant
les gouvernements de Pernambuco, de Bahia etdeRio-de-Janeiro,
qui occupaient le territoire de seize provinces actuelles.
En L633, Richelieu formaune Compagnie française, qui n'a pu
réussir, pour L'exploitation des terres du Cap de Nord, dans les
limites du Maroni et de l'Oyapock. On désignait souvent à cette
époque, la Guyane, sous le nom de cap de Nord1. Ce territoire
appartenait à l'Espagne, et Philippe IV l'incorpora en partie au
Brésil en créant la capitainerie hn-sHicnnc du Cap de Nord (14 juin
1637), dont la rivière Oyapock ou Vincent Pinçon fut la limite
septentrionale. Bento Maciel Parente, donataire de la nouvelle
capitainerie, et gouverneur du Maranlifio, lit construire en 1638
le fort de Desterro à l'embouchure du Qacarapy, dans la Guyane
brésilienne. Une expédition, partie de Para sous le comman-
dement de Pedro Teixeira, explora, par ordre du gouvernement
de Madrid, le cours de l'Amazone jusqu'au Pérou (1037-39).
Invasions Néerlandaises. Guerre de trente ans au Brésil.
— En 1024, une flotte hollandaise2, sous le commandement de
l'amiral Willekens, s'empara de Bahia, capitale du Brésil (10 mai).
Les habitants de la ville et des environs ne tardèrent pas à y
assiéger les vainqueurs, et des renforts arrivèrent de Pernam-
buco et de Rio-de-Janeiro. Ce siège fut dirigé d'abord par l'évê-
que Dom Marcos Teixeira, puis, successivement, par Marinho
d'Eça et Dom Francisco de Moura, natif de Pernambuco. Deux
gouverneurs de la place, Van Dorth et Albert Schot, son succes-
seur, furent surpris et tués, dans les environs de la ville, par
le capitaine Padilha, Brésilien. Une grande expédition hispano-
portugaise, sous la conduite de Dom Fadrique de Tolède3, reprit
l'année suivante Bahia (30 avril), et retourna en Europe après
cette victoire. Deux mois auparavant (12-14 mars 1025), la petite
ville de Victoria (Espirito-Santo), défendue par le jeune Salvador
Correa de Sa, de Rio, avait repoussé l'amiral Pietlleyn, le même
qui, en 1027 (1er mars), essaya, dans une attaque infructueuse,
i. Caktano da Silva, VOyapock et l'Amazone : Question brésilienne et
française, ± volumes in-8°, Paris, 1SG1. Ce livre est un monument d'érudition.
2. 26 navires, 509 canons, .'{.300 hommes.
3. 56 voiles, 946 canons, 3.200 matelots, 7.^)00 soldats. — Un tableau de
Castello, au Musée de .Madrid, représente le débarquement de Dom Fadrique
à Bahia.
ESQUISSE DE L'iIlSTOIRE DU BRÉSIL. 12t
de s'emparer de Bahia, défendue par Diogo de Oliveira. Padilha
fut tué dans le combat de Pitanga contre Piet Jlcyn (12 juin).
La capture de la flotte dite ^Argent, en 1628, par Piet
Heyn, encouragea la Compagnie hollandaise des Indes Occi-
dentales. Une seconde expédition1, sous les ordres de l'amiral
Lonck et du colonel Waerdenburch, fut envoyée contre le Brésil.
Du 16 février au 2 mars 1630, elle s'empara d'Olinda et de
Réeife. Les Brésiliens, commandés par le général Mathias d'Al-
buquerque, commancèrent alors contre les envahisseurs une
lutte qui dura vingt-quatre ans. Plusieurs chefs brésiliens, nés
dans le pays, parmi lesquels Louis Barbalho, Yidal de Negreiros,
l'Indien Camarâo et le nègre Henri Dias2, acquirent une juste
renommée dans cette guerre.
Quoique ayant reçu des renforts, les Hollandais se trouvaient
encore réduits en 1631 aux villes d'Olinda et de Réeife. Cette
année, à la nouvelle de l'arrivée de quelques troupes que trans-
portait l'escadre de Dom Antoine de Oquendo, ils brûlèrent
Olindaetse concentrèrent à Réeife. Pourtant les renforts destinés
à Pernambuco ne dépassaient pas le chiffre de sept cents Portu-
gais, Espagnols et Napolitains commandés par Sanfelice, comte
de Bagnoli3. Une bataille navale sans résultat décisif fut livrée
près des Abrolhos (12 septembre), entre Oquendo et Pater, qui
périt dans le combat.
Mathias d'Albuquerque avait établi entre les rivières Beberibe
et Capiberibe le camp retranché nommé Arraial do Bom Jésus, et
des postes fortifiés aux environs de Réeife. De 1630 à 1632, les
Hollandais furent repoussés dans plusieurs attaques qu'ils tentè-
rent, notamment contre le fort de Cabedello (Parahyba), défendu
par Mattos Cardoso (1631), et contre le cap Saint-Augustin,
défendu par Maciel Parente (1632.) Cependant cette dernière
année (20 avril), la désertion de Calabar, natif de Porto-Calvo,
1. 61 navires, 7.300 hommes.
2. Dans le journal de la première partie de cette guerre (Memorias
Diarias) publié par Duarte d'Albuquerque, seigneur de Pernambuco, on lit
le passage suivant à la date du 14 mai 1633 : — « Ce que fit alors un nègre
nommé Henri Dias montre bien les difficultés de notre situation. Estimant
que nous avions besoin de sa personne, il vint se présenter au général, qui
l'accepta pour servir avec d'autres hommes de couleur. » — Heuri Dias est
devenu peu après colonel d'un régiment composé de nègres. Son nom arriva
même à Paris à cette époque ; on le trouvera dans un numéro extraordinaire
de la Gazette de France, du 3 juillet 1648 (n° 97), dans l'article: « Défaite des
Hollandois au Brésil par les Portugais. »
3. En dialect napolitain, ce nom est prononcé Bagnolo.
122 LE BRÉSII i\ 1889.
mulâtre très brave, el ayant une grande connaissance do théâtre
des opérations, changea la situation des deux partis. Guidés par
lui, les Hollandais commencèrent par le sac et l'incendie
d'Iguarassû 1632 , et ils s'agrandirent par la prise de ftio-
Formoso, malgré la résistance héroïque de Pedro d'Albuquerque
ci de ses soldats, par la conquête de l'île d'Itamaraca, du Rio-
Grande-du-Nord 1633 , du r»>H du PontaJ (cap Saint-Augustin) et
• le Parahyba 1634). Au camp retranché de l'Arraial ils avaient été
repoussés deux fois eu ni:;:; ; mais en 1635, après un siège de trois
mois, dirigé par Arciszewski, la garnison capitula, réduite parla
famine ((> juin). La même année l'amiral Lichthardt s'était emparé
de Barra-Grande el «le Porto-Calvo (mars), dans l'Alagoas, et le
2 juillet, après cinq mois de siège, von Schkoppe faisait capituler
le fort de Nazareth. Ces revers forcèrent Mathias d'Àlbuquerque à
abandonner Pernambuco età faire retraite sur l'Alagoas. Quelques
milliers de familles le suivirent, préférant l'émigration à la domi-
nation étrangère. Albuquerque reprit Porto-Calvo (19 juillet), et
Calabar, tombé entre ses mains, y fut exécuté. La retraite se
continua vers le sud, et quelques renforts étant arrivés avec un
nouveau général, Rojas y Borja, celui-ci reprit l'offensive, mais
il fut lue à la bataille de Malta Hedonda (18 janvier 1636),
gagnée par Arciszewski. Camarâo couvrit la retraite des vaincus,
et Bagnoli, le nouveau général en cbef, réussit à se maintenir
pendant quelque temps dans l'Alagoas, et à inquiéter l'ennemi
par des incursions sur son territoire. C'est alors que la Hollande
envoya à Pernambuco, avec de nouvelles troupes, le prince Jean
Maurice, comte de Nassau-Singen, nommé gouverneur général
du Brésil hollandais. xMaurice remporta la victoire de Comendai-
tuba (18 février 1637) sur l'avant-garde de Bagnoli commandée
par Almiron, s'empara de Porto-Calvo, et poussa sa marche triom-
phante jusqu'au Sao-Francisco. La même année l'amiral Lich-
thardt fut repoussé dans un débarquement à Ilhéos (27 juin),
Garstman prit d'assaut le fort de Cearâ, et von Schkoppe ravagea
Sergipe et força Bagnoli à battre en retraite sur Bahia.
.Maurice de Nassau essaya alors de s'emparer de la ville de
Bahia (1638), mais il échoua dans deux assauts, et dut se rem-
barquer, après quarante jours d'investissement, ayant subi des
pertes très grandes. Bagnoli, qui avait dirigé la défense, fut créé
prince par Philippe II.
Maurice fonda, dans l'île d'Antonio Yaz, liauritistadt,
qui est aujourd'hui, sous le nom de Santo-Antonio, ww des
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRÉSIL. 123
trois quartiers de la ville de Récife ; il attira au Brésil les
naturalistes Piso et Maregraf, le cosmographe Ruiters, le mathé-
maticien Cralitz, le savant Herckmann, le poète Plante, les
peintres Franz Post et A. van den Eckhoute, l'architecte P. Post ;
il créa un observatoire, proclama la liberté des cultes (quelques
restrictions furent faites peu après sur Tordre de la métropole)
et obtint des États généraux la liberté du commerce, le monopole
de la compagnie des Indes occidentales restant limité à l'impor-
tation des esclaves et à l'exportation des bois de teinture (1G38).
En 1639, le comte da Torre, arriva à Bahia comme gouverneur
général du Brésil, amenant une flotte et des troupes dont le nom-
bre avait été réduit de moitié par suite d'une épidémie pendant
le séjour des navires en Afrique. Ayant reçu des renforts de Rio-
de-.laneiro et de Sâo-Paulo, il fit voile pour débarquer l'armée
près de Récife, mais les courants et le mauvais temps amenèrent
la flotte jusqu'au cap Saint-Roch, suivie par les Hollandais qui
l'attaquèrent quatre fois sans succès (13, 14, 15 et 17 janvier 1640).
La rupture entre le comte da Torre et l'amiral espagnol Yega
Bazan, priva le premier de l'appui de cette flotte. Une partie de
l'armée débarqua dans le port de Touro (7 février) sous la con-
duite de Louis Barbalho, l'autre retourna à Bahia, avec le comte
da Torre et le prince de Bagnoli1, sur les transports qui restaient,
et qui auraient pu être capturés, les navires de guerre espagnols
et portugais ayant continué leur route vers le golfe du Mexique.
Dans cette marche de trois cents lieues jusqu'à Bahia, Barbalho
réussit à traverser tout le territoire occupé par les Hollandais.
Il commença par faire prisonnier, dans un combat sur le Potengy,
le gouverneur de Rio Grande, Garstman ; puis, il prit d'assaut
Goyana (28 février), et remporta de nouvelles victoires à Salgado
(Alagoas, rive droite du Parahyba) et à Unhaû (Nhuanhû dans
la carte de Barlœus), où deux combats furent livrés2.
Du 29 avril au 30 mai, les plantations et les fermes des envi-
1. Quelques historiens ont prétendu que le prince de Bagnoli avait quitté
alors le Brésil. Il y est mort, à Bahia, le 26 août 1640, et, selon Pacte de
décès, il a été enterré dans l'église du Couvent des Carmes. On trouve ce ren-
seignement au § 407 de YHistoria Milita? do Brazil, ouvrage inédit de Miralles,
qui l'a achevée en 1762 à Bahia.
2. Les rapports de L. Barbarlho, du comte da Torre et de son successeur
n'ont pas été découverts jusqu'ici. C'est grâce à des documents espagnols et
hollandais inédits, et à des lettres de Bahia interceptées par les Hollandais,
qu'il a été possible de donner ici quelques renseignements nouveaux et de
rectifier certains faits et certaines dates.
121 LE BRÉSIL EN 18 89.
rons de Bahia furent ravagées par l'amiral Lichthardt. Le 21 juin,
Le marquis de Montalvâo, premier vice-roi nommé pour le Brésil,
arrivail à Bahia. Louis Barbalho envoyé au Rio Real, y défit
L'ennemi I août), et, après une lutte très meurtrière, réussit à
s'emparer du forl principal des Hollandais (10 septembre). Les
habitants de Victoria et Villa Velha dans l'Espirito-Santo, re-
poussèrent une attaque du colonel Koen [29-30 octobre).
l'en après, la nouvelle de la révolution du Portugal contre la
domination espagnole arrivait à Bahia (15 février 1641) et se
répandait dans tout le Brésil. Le duc de Bragance, acclamé roi
du Portugal, sous le nom de Jean IV, était aussitôt reconnu dans
les capitaineries du Brésil non occupées par les Hollandais, et dans
toutes les colonies portugaises. Un ambassadeur de Jean IV
fut reçu à la Haye, et le 13 février les Etats généraux ordonnèrent
que désormais les Portugais seraient traités en amis. Le 12 juin
un traité fut signé à la Haye stipulant un armistice de dix ans
entre la République et le Portugal et une alliance offensive et
défensive contre l'Espagne. Mais Maurice avait profité du moment
pour occuper le Sergipe jusqu'au Rio-lleal (avril 1641), pour
envoyer l'amiral Jol s'emparer de Saint- Paul de Loanda et de
l'île de Saint-Thomé, en Afrique, et pour faire la conquête de
Maranhâo (25 novembre), sous prétexte que le traité n'avait pas
encore été ratifié par le Portugal.
L'année suivante, les habitants du Maranhâo, dirigés par
Muniz Barreiros et Teixeira de Mello, se soulevèrent, et réussirent
à chasser les Hollandais en 1644. Presque en même temps les
Indiens s'emparaient du fort de Cearâ qu'ils détruisirent, mais
bientôt les Hollandais y établirent un nouveau fort.
Le déclin du pouvoir hollandais au Brésil commençait ainsi au
moment où les provinces brésiliennes conquises se voyaient
abandonnées de la métropole. En 1644, Maurice de Nassau
retournait en Europe.
Le 23 mai L645, Fernandes Vieira, Antoine Cavalcanti et plu-
sieurs autres des plus riches habitants de Pcrnambuco, encouragés
secrètement par le gouverneur général du Brésil portugais,
Antoine Telles daSilva, signèrent rengagement de provoquer une
insurrection pour « libérer leur patrie ». La révolution éclata le
13 juin, et les régiments de l'ancienne armée de Pernambuco,
commandés par Vidal, Camarâo et Henri Dias, se rallièrent peu
après aux insurgés. Fernandes Vieira gagna la bataille de
Tabocas (3 août), et, réuni à Vidal, força le commandant en chef
ESQUISSE DE L'iIISTOIRE DU BRESIL. 125
hollandais Hous à mettre bas les armes au combat de Casa-
Forte (7 août). Pour venger ces revers, Lircthardt détruisit à
Tamandaré (9 septembre) une petite escadre partie de Bahia
sous le commandement de Serrao de Paiva. Les Brésiliens
s'emparèrent des forts de Serinhaem (3 août), Porto Galvo
(17 septembre), Pencdo (17 septembre), Sergipe et de la
ville d'Olinda qui avait été rebâtie du temps de Maurice; mais
ils furent repoussés à Itamaracâ (23 septembre). Dans les ter-
ritoires de Parahyba et Rio-Grande ils remportèrent les vic-
toires de Inhobim (11 septembre) et de Cunhaû (23 novembre),
puis celle de Guajû (26 janvier 1646), gagnée par Camarâo.
C'est en 1646 (24 avril) qu'a eu lieu la belle défense de Tijuco-
papo par Agostinho Nunes. La même année, Vidal et Vieira bat-
taient l'ennemi dans l'île d'Itamaracâ, qu'ils durent cependant
évacuer à la nouvelle de l'arrivée de grands renforts conduits
par l'amiral Banckert1 et le général Sigemundt von Schkoppe.
Celui-ci subit un échec dans son attaque contre la ville d'Olinda
(5 août). Vers la fin de l'année, les Hollandais occupèrent de nou-
veau Penedo et l'embouchure du Sâo-Francisco, mais une de
leurs divisions ayant été détruite près de ce fleuve, à Urambû,
(31 décembre) par François Rebello, ils évacuèrent ces parages.
En 1647, Schkoppe menaça la capitale du Brésil en se fortifiant
dans file d'Itaparica. Rebello envoyé contre lui fut repoussé
et tué (10 août). Le 15 décembre, Schhoppe se rembarquait
à la hâte, et sept jours après la flotte du comte de Villa-
Pouca, nommé gouverneur général du Brésil, arrivait à Bahia,
amenant quelques troupes. De leur côté, les Hollandais recevaient
de grands renforts conduits par l'amiral De With, et le général
Schkoppe se décidait à sortir pour attaquer l'armée assiégeante,
commandée alors par le général Barreto de Menezes. La bataille
eut lieu le 19 avril 1648 sur les collines de Guararapes, et la vic-
toire de Barreto fut complète. Peu après, dans un combat naval
devant Bahia, entre De With et une partie de l'escadre de l'amiral
Louis da Silva Telles, le commandant du galion partugais le
Rozario, Pedro Carneiro, fut abordé par deux vaisseaux ennemis.
1. Yarnhagen l'appelle Baucher. Il s'est trompé en lisant le nom ainsi
orthographié et transformé dans l'ouvrage de Moreau, à qui l'erreur n'est pas
imputable, car Moreau a connu personnellement Banckert. C'est à une mau-
vaise interprétation du manuscrit à l'imprimerie qu'on doit attribuer cette
faute. L'amiral en question était Joost van Trappen, dit Banckert, déjà
célèbre, surtout après les batailles des Dunes (1639) entre Tromp et Oquendo.
12G LE BRÉSIL El 188t.
Voyanl mue La résistance devenait impossible, il mil Le feu à La
Sainte-Barbe, et sauta, entraînant dans sa perte les deux oarires
hollandais '.
\ ,,,. expédition organisée à Elio - de - Janeiro [»ar L'amiral
Salvador Correa de Sa, natif de cette ville, s'empara des forts de
Loanda, et repril Angola aux Hollandais 1648 .
Le i!) février 1649, L'armée hollandaise ('prouva des pertes
plus considérables que L'année précédente dans nue nouvelle
bataille gagnée par Barreto à Oitiseiro sur les mêmes collines de
Guararapes. Le siège de Mauritzstadt el de Récife, commencé en
1645, dura encore cinq années, les Hollandais se trouvant maîtres
de La mer. Enfin nue escadre portugaise sous Le commandemenl
de Jacques de Hagalhaes, arriva pour bloquer le port, et Barreto
commença L'assaut des forts extérieurs dont il s'empara. Le
général Schkoppe capitula 26 janvier 1654) cl toutes les for-
teresses qu'occupaient encore au Brésil Les Hollandais furenl
remises au roi de Portugal.
La conquête de l'intérieur au XVIe et XVIIe siècles. Guerres
des Paulistas. Découverte des mines d'or. — De 1573 à 1578,
peu, lui! Le gouvernement de Brito e Almeida, plusieurs expédi-
tions pénétrèrent dans L'intérieur des terres. Sébastien Tourinho,
qui déjà était arrivé à Minas-Geraes par le Rio-Dôce, partit de
Porto-Seguro (1573) jusqu'aux montagnes des Orgues (Rio-de-
Janeiro), puis, prenant la direction nord-ouest, il traversa le
terri Ici ri' de Minas-Geraes et descendit le Jequitinhonha. Dias
Adorno pénétra jusqu'à .Minas parla rivière de Caravellas. Bas-
liào Àlvares, de Porto-Seguro, Gabriel Soares de Sousa, de
Bahia l'auteur du Tratado descriptivo do Brazil em 1587),
Domingos Martins Câo, d'Espirito-Santo, avant 1598, Marcos de
Aseredo Coutinho, vers la même époque, dirigèrent des expé-
ditions au Sào-Francisco et à Minas. Martim de Sa, de Rio-de-
Janeiro, dépassa La chaîne de Mantiqueira vers 1592. Mais les
expéditions parties de Sâo-Paulo furent plus aombreuses.
Du temps de La domination espagnole (1580-1640), les Pau-
listas, qui ont été Les pionniers du Brésil au centre et au sud de
1. Rapporl du L9 décembre L648 du général Schkoppe. Le aom «lu com-
mandant du Rosario, qu'un historien moderne de cette guerre a r<
,j(. Qe pag connaître, se trouve dans le Portugal Restaurado, d'EmcEnu, H, 25fi
(édit. de 1751 ,et dans L'ouvrage de Sauta Teresa, II, 133. Pedro Carneù
chevalier de Malte, de même qu'nn officier qui se trouvait à son boni, et qui
périt, comme ton! l'équipage: Alphonse de Norouha, deuxième fils du comte Je
Liuhares.
ESQUISSE HE I. HISTOIRE DU BRESIL. 127
l'Empire, s'avancèrent très loin dans L'intérieur dos terres, à la
recherche do l'or et faisant la chassa aux Indiens, qu'ils rédui-
saient en esclavage pour approvisionner les plantations delà
côte. Attaqués par les sauvages, ils se bornèrent d'abord à la
défensive, puis ils prirent la résolution de se débarrasser de
leurs ennemis, La première guerre offensive des Paulistas, di-
rigée par Jeronymo Leitâo, fut faite contre les Tupininquins de
l'Anhemby, aujourd'hui Tiété, qui comptaient, selon les jésuites
espagnols, trois cents villages et 30.000 combattants. Ces villages
turent presque tous détruits et un grand nombre d'Indiens ré-
duits en esclavage. La guerre dura six ans. De 159^ à 1599, sous
la conduite dWffonso Sardinha, puis, de Jorge Correa et Joào do
Prado, ils firent une seconde guerre d'extermination, celle-ci
contre les sauvages de la rivière Jeticay, aujourd'hui Rio-Grande,
qui. avec le Paranahyba, forme le Paranà. Déjà dans les pre-
mières années du xvir3 siècle (1601-1602), comme le montre le
Routier de Glimmer, les Paulistas arrivaient à Sabarâ dans
l'intérieur de Minas-Geraes. Une troisième grande expédition,
qui parait avoir été dirigée par Nicolas Barreto, Manoel
Preto et plusieurs autres habitants de Sâo-Paulo, poussa
plus au nord (1602) et ravagea pendant cinq ans les villages et
campements indiens du Paraupaba, c'est-à-dire du Haut- Ara -
guaya. On prétend qu'en 1592 Sébastien Marinho était arrivé à
Goyaz.
En 1606, les Paulistas ne pouvaient mettre sur pied, pour
ces expéditions, que 1.800 hommes, dont 300 blancs et 1.500
Indiens, presque tous munis d'armes à feu et protégés dans les
combats par une cuirasse en cuir ouaté1. Ils augmentèrent leur
nombre en s'adjoignant des aventuriers de Rio-de-Janeiro et
d'Espirito-Santo et les Indiens prisonniers. Manoel Preto2 avait à
1. «.... Todos muy bien araiaclos con escopetas, vestidos de escupiles,
que son al modo de dalmaticas, estofodas de algodon, con que vestido el
soldado de pies à cabeça, pelea con seguridad de las saetas ; à son de caxa,
vandera tendida, y orden militai*... » (Montoya, Conquista E spiritual, § 75,
page 92 . — Au commencement de notre siècle, les soldats de Sâo-Paulo,
employés contre les Indiens sauvages, conservaient encore ce costume. Le
peintre Debret les a représentés dans son Voyage Pittoresque au Brésil
(Tome I, planche 21 : « Sauvages civilisés, soldats indiens de Mogy-das-Cruzes
combattant des Botocudos ».)
2. Ce Manoel Preto était Portugais. Nous lisons dans un ouvrage récent
qu'il était surnommé à Sào-Paulo « le héros de la Guayra ». C'est par
erreur qu'on lui donne ce nom, car il était probablement mort au moment
de la conquête de la province de Guayra. Les jésuites parlent d'un nommé
128 M- BRÉSIL EN 1889.
lui seul L.000 combattants indiens dans ses terres d'Expectaç&o,
près de Sâo-Paulo. On donnait ;i ces expéditions à L'intérieur le
nom de Bandeira [drapeau , et aux individus qui les compo-
saient celui de bandeirantes.
Vers L620, Les expéditions de Sao-Paulo commencèrent à se
porter contre Les sauvages qui habitaient les côtes méridionales
du Brésil. Plusieurs milliers d'Indiens Patos furent amenés à
Sâo-Vicente et à Rio-de- Janeiro. En L627, les Paulistas furent
attaqués par le cacique Tayaobâ, allié des jésuites espagnols.
L'année suivante, pour se venger de cette agression, les Paulistas
ravagèrent les frontières de la province «le Guayra. Les Espagnols
et les jésuites du Paraguay donnaient ce nom au territoire compris
mitre Le Paranapanema, L'Itararé, L'Iguassûet la rive gauche du
Paranâ. On y voyait en 1 630 deux petites villes habitées par des
Espagnols : CiudadReal, sur Le Pequiry, prèsde son embouchure
dans le Paranâ, et Villa-Rica, sur l'Ivahy, ainsi que plusieurs
villages d'Indiens soumis aux jésuites du Paraguay. Loreto et
Santo-Ignacio, sur la rive gauche du Paranapema, fondées en
1610, el aient les plus anciennes et les plus importantes de ces
missions. Les autres étaient de création récente : Angeles, for-
mée avec les Indiens du chef Tayaobâ (1628) et San-Thomé (1628 ,
sur le Curumbatahy; Conception de los Gualachos (1628), près
des sources de cette rivière ; San-Pablo (1627; et Santo-Antonio
(1628), sur la rive droite de l'Ivahy; San-José (1624), et San-
Xavier (1623), sur deux affluents de la rive gauche du Tibagy ;
Encarnacion {1625), Jésus Maria (1630) et San-Miguel sur la rive-
gauche de cette rivière, et San-Pedro (1627) à l'est du Tibagy. A
l'embouchure de l'Iguassû, les jésuites espagnols possédaient la
réduction de Santa Maria Maior (1426), et, sur le Paranâ, du
confluent de l'Acaraig vers le sud, plusieurs autres ; mais elles
formaient la province du Paranâ. Dès 1620, ils avaient com-
mencé à créer leurs établissements sur l'Uruguay et ses affluents,
région désignée alors sous le nom de province d'Uruaig.
En 1630, les Paulistas, dirigés par Antoine Raposo Tavares1,
Joào Prcto qui a visité à cette époque Guayra et s'est établi à l'Assomption ;
mais c'était un charlatan, et non un héros. — Manoel Preto avait trois frères :
Innocencio, Sebastien et Joseph, et uu iils, Antoine Preto.
1. Les chroniqueurs de la province de Sào-Paulo et tous les historiens
confondent souvent ce Raposo Tavares avec Antoine Raposo. Ce dernier
est mort en 1633. Son iils, Antoine Raposo, partit en 1631, conduisant
quelques renforts, pour la guerre contre les Hollandais. Enl6il,il se trouvait
à Cartagène des Indes avec plusieurs autres officiers et soldats portugais et
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRÉSIL. 120
qui avait sous sos ordres Frédéric de Mello, Antoine Bicudo,
Simâo Alvares et Manoel Morato4, remontèrent le Ribeira d'Iguape,
franchirent la chaîne de Paranapiacaba et tombèrent sur la partie
méridionale delà province de Guayra. Bicudo s'empara de San-
Ifiguel : Alvares, de Santo-Antonio ; Morato, de Jesus-Maria. « Nous
venons », disaient-ils, « vous chasser de ce pays, car il est à nous
et non au roi d'Espagne2». L'année suivante, les Paulistas s'empa-
rèrent de San-Pablo et de San-Xavier, repoussèrent dans ce
dernier village une attaque des Espagnols de Villa-Rica, puis ils
s'emparèrent de San-Pedro et de Goncepcion de los Gualachos. Les
jésuites réunirent à Loreto et à Santo-Ignacio tous les indiens qui
avaient réussi à échapper à ces razzias, et prirent la résolution
d'abandonner la province de Guayra pour aller s'établir entre le
Paranâet l'Uruguay (1631), où ils avaient déjàplusieurs missions.
Ils ne conservèrent de ce côté que les réductions de Santa-Maria
Maîor de l'iguassû et de Natividad de l'Acaraig, évacuées en 1633.
Aussitôt après leur départ, les Paulistas s'emparèrent des villes
espagnoles de Yilla-Rica et de Ciudad-Real (1631), qu'ils détrui-
sirent de fond en comble. Grâce à l'intervention de l'évêque du
Paraguay, qui se trouvait en tournée pastorale dans la première
de ces villes, leurs habitants purent partir sans être inquiétés et
allèrent s'établir sur les bords du Jejuy (Paraguay).
En 1632 les Paulistas franchirent le Haut-Paranâ et s'empa-
rèrent de trois réductions d'indiens Itatines, que les jésuites
venaient de fonder à l'ouest du Rio-Pardo (Matto-Grosso), ainsi
que de la ville espagnole de Santiago de Jerez, située sur un
plateau de la chaîne d'Amambahy, près des sources de FAqui-
dauana3. Plusieurs Espagnols étaient de connivence avec eux,
et allèrent se fixer à Sâo-Paulo.
brésiliens débarqués delà flotte de VegaBazan. En 1651, il arrivait àGurnpâ,
daus le fleuve des Amazones, — Antoine Raposo Tavares était un natif de
San-Miguel deBéjaen Portugal. Il arriva à Sâo-Vicente en 1622, et il a été
incontestablement le chef des premières expéditions contre les établissements
des jésuites du Paraguay, selon les déclarations faites à Madrid par Montoya
et Lourenço de Mendoça, prélat de Rio-de-Janeiro.
1. Mello était un natif de Espirito-Santo, selon Paes Leme (Nobiliarchia
Paulistana) ; Bicudo était un Paulista. Sur les deux autres, cités par Techo
(Hist. prov. Paraquariœ) nous n'avons pu trouver aucun renseignement.
2. « Yenimos a echarlos de toda esta région porque esta tierra es nuestra
y no del Rey de Espaùa » (Montoya, Conq. Esp. § 35). Dans une de ses repré-
sentations au Roi, Montoya disait : — « en aquellas villas parece no conocen a
V. M. por sus cedulas, que reciben con mosquetes y mechas encendidas, y
nunca las ejecutan. »
3. Ces villages venaient à peine d'être fondés. Une ville de Jerez avait
i: | LE BP ÊSII EN 1889.
De 1626 à 1624 les jésuites du Paraguay avaient réussi h
étendre leurs établissements sur une grande partie du territoire
qui forme aujourd'hui La province brésilienne de Rio-Grande-du-
Sud. Lors de la première Invasion des Paulistas (1636) les réduc-
tions ou bourgs jésuitiques étaient au aombre de quinze, entre
l'Ijuhy linii) el la Serra Gérai, au nord, ribiruhy (alors Ibicuity)
cl le Jacuhy (Igay, nommé aussi Phasido), au sud, l'Uruguay, à
l'ouest, el le Taquary (alors Tebicuari, on rivière del Espirito
Santo), à l'est. La partie orientale de ce territoire fut désignée sous
le nom de «province de Tape1». Ces établissements furent détruits,
comme ceux de la province de Guayra, aussitôl après leur fonda-
tion. Elaposo Tavares quitta Sâo-Paulo avec son armée (sept. 1636),
ri le 3 décembre, aprè s un combat de si\ heures, il prit Jesus-Maria
de Yequi(Rio-Pardo). Les réductions de San Uiristobal,SanJoaquin
(>l Sant'Ana lurent évacuées, mais les Paulistas firent un grand
nombre de prisonniers, et repoussèrent uneattaque des Indiens di-
rigés par lePère Romero. La réduction de Natividad de Araricâ
l'ut abandonnée, et il ne resta aux. jésuites dans le territoire de
Tape que leur colonie de Santa Tercsa de ïbituruna. Celle-ci leur
lui enlevée l'année suivante (décembre 1637). En 1638 les Pau-
listas complétèrent la destruction des établissements espagnols
situes à l'orient de l'Uruguay. Vainqueurs h Caaro, à Caazapâ-
guazû, où le combat dura deux journées, à Caazapâmini et à
été fondée en 1579, par Melgarejo, sur le Mbotetey aujourd'hui Mondego), puis
évacuée. Ed 1503 RuiDiaz de Guzman, gouverneur de Guayra, fonda avec des habi-
tants de Ciudad-Real une seconde ville de Jerez sur la rive droite du Mondego.
En 1625 ses habitants, ayant obtenu l'autorisation du gouverneur du Para-
guay, allèrent s'établir sur les plateaux de l'Amambahy, à l'endroit nommé
;'i cette époque « Llanos de Yaguary. » Les trois villages détruits étaient
Saint-José d'Itatines, Angeles e1 San-Pedro-y-San-Pablo.
1. Les bourgs ou villages (Pueblos) des jésuites du Paraguay ont changé
souvenl de place e1 d'autres bourgs du môme nom ont été fondas dans des en-
droits différents. Voici ceux qui existaient à Rio-Grande-du-Sud en 1636etles
dates de leur fondation: — Sur la rive droite du Rio Pardo(àeette époque Yequi
ou Rio Verde), en remontant cette rivière, San Chrxstobal (1634) et Jesuê-Maria
: sur la rive gauche, près de ses sources, San Juarjuin (1 633;. SurlePasso
de Jacuhy, rive gauche du fleuve de ce nom, SanfAna (1633) ; rive droite de
l'Araricà, Natividad (1632). Près d*'s sources du Jacuhy, non loin de l'endroit
■ m se trouve aujourd'hui Cruz-Alta, Santa Thereaa de Ïbituruna (1633). Dans
[es sources de l'Ijuhy Grande, San Carias de Cadpi (1631); sur l'Ijuhy Mirim,
rive droite. Apostoles de Cadzapàguazû (1631), et, en descendant cette
rivière, Martyres de Caaro [1628 . Entre l'Ijuhy el le Piratiny, Candelaria de
Cadzapdminï (1611 : rive gauche du Piratiny, près de son confluent dans
l'Uruguay, San Nicolas (1626 : sur la rive droite de 1*1 tù (alors Tibiquaci),
Thomé (1633 ; sur la droite de Tlbicuhy, en remontant cette rivière,
i é de Itaquatià (1633), S. Miguel (1632), et SS. Cosme-y-Damian (1634).
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRÉSIL. 131
San Nicolas1, ils forcèrent les jésuites à émigrer avec les Indiens
qui purent échapper à cette catastrophe, et qui allèrent s'incor-
porer aux réductions situées entre l'Uruguay et le Paranâ ou
former dans ces parages de nouvelles bourgades, dont quelques-
unes conservèrent les noms de celles qui venaient d'être
détruites2. En 1641 (mars), les Paulistas essayèrent d'attaquer
ces missions, mais ils furent repoussés par les Guaranys près du
Mbororé (rive droite de l'Uruguay). Leurs expéditions étaient
dirigées à cette époque plutôt vers l'ouest et le nord que vers le
sud. On vit alors les Paulistas pousser leurs courses jusque dans
la partie septentrionale du Paraguay, dans le district de Santa
Cruz de la Sierra, et dans les cordillères du Pérou. En 1636 un de
leurs chefs, François Pedroso Xavier, prit et détruisit la seconde
Yilla-Rica, sur le Jejuy (Paraguay), ainsi que plusieurs villages
indiens des environs. Poursuivi par Andîno, ancien gouverneur
du Paraguay, il l'attendit dans les montagnes de Maracajû, et,
après un combat, le força à battre en retraite.
Entre les municipalités et les habitants de Sâo-Paulo, de Rio-
de-Janeiro, duMaranhào et du Para, d'un côté, et les jésuites, de
l'autre, une longue lutte s'engagea à cause des Indiens, dont ces
derniers défendaient la liberté, mais qu'ils étaient accusés d'ex-
ploiter à leur profit. A Rio, on essaya de faire sauter avec de la
poudre la chambre du premier prélat de cette ville, Lourenço de
Mendoça (1632), qui défendait la liberté des Indiens. A Sâo-Paulo,
les habitants s'emparèrent de tous les Indiens qui travaillaient
dans les plantations du collège des jésuites (1633), et expulsèrent
ces religieux (1640) de la ville. Les bulles du pape et les ordres du
roi obtenus par Ruiz de Montoya, Dias Tailo et Lourenço de Men-
doça, condamnant l'esclavage, n'étaient pas exécutés. Des trou-
bles éclatèrent à Rio. En 1661 quelques Paulistas voulurent se
séparer du Portugal et nommer roi Amador Bueno. Celui-ci
refusa, et fit acclamer roi Jean IV, déjà reconnu dans toute la
partie du Brésil non occupée par les Hollandais. En 1653 les
jésuites purent rentrer à Sâo-Paulo, en acceptant les conditions
qu'imposèrent les habitants.
1. Dans ces combats, un Nicolas Nenguirû « bello et pace bonus »,
commandait l'aile droite des Guaranys. C'était peut-être un ascendant de
Nicolas Nenguirû, devenu célèbre pendant la guerre de 1754-56.
2. C'est alors que furent fondées dans cette région Santo Thomé, Apos-
toles, San Carlos, San José, San Nicolas (transféré plus tard de nouveau sur le
Piratiny, mais à un endroit différent du primitif), Candelaria, Martires,
San Cosme, Sant' Ana.
1 LE BB ES M. EN 1 > ■
En L664, les habitants de Paré et de Maranhâo, où Le célèbre
Vntonio Vieira défendait La Liberté des Indiens, chassèrenl
aussi Les jésuites. L'animosité dura jusqu'à L'expulsion de cel
ordre L759). En L755 (6 juin) et en L 758 (8 mai), Pombal obtint
du roi Joseph ["deux lois qui mirent fin à l'esclavage des Indiens,
en pendant exécutoire dans tout Le Brésil une Loi du Ier avril 1680.
La conquête de l'intérieur aux XVIIe et XVIIIe siècles. —
Au moment de L'expulsion des Hollandais (1654), les établis-
sements portugais au Brésil s'étendaienl sur le littoral compris
entre le fleuve des Amazones, au nord, el Paranaguâ, au sud.
Dans L'île de Sainte-Catherine, il n'y avaii alors qu'une douzaine
de colons de Sào-Paulo.
Le gouvernemenl du Para comptait seulement les petites villes
de Belem do Para, deCameta* et de Gurupâ, et le for! dcDesterro
dans rUacarapy, rive droite de L'Amazone. Le Maranhào ne pos-
sédait que la ville de Saint-Louis, et les villages de Santa-Maria
de Guaxenduba ou \guas-Boas, et de Tapuytapera (Alcantara).
En suivant la côte vers le sud, on trouvait dans le Cearâ le village
et le fort de et- nom. Le Rio-Grande-du-Nord comptait la ville de
Natal et plusieurs villages d'Indiens (Apuâ, Jaragua, Pirari, etc.) ;
Parahyba, la capitale, Parahyba (Frederica des Hollandais), le
village de Sâo-Pedro-e-Sâo-Paulo (Mamanguape), et plusieurs
villages d'Indiens : Petimbii, Nhiajereba, Ibiapuâ, Pindaûna, Nhu-
majay, Urutaguy, aujourd'hui Alhandra, Itapuâ, et Guiraobira,
aujourd'hui [ndependencia. Pernambuco était plus peuplé: on y
voyait les villes d'Olinda, de Recife et Santo-Antonio (Mauritzstadt)
el d'Iguaraçû, 1rs bourgs de Goyanna, Sao-Lourenço-de-Tijuco-
papo, Conceiçâo-de-Itamaracâ (Villa Schkoppe), Sâo-Francisco
de Pâo-d'Alho, Luz, Guaibipopaba, Sào-Lourenço-da-Matta,
Santo-Amaro (Jaboatâo), Muribeca, Sâo-Miguel de Ipojuca, Naza-
reth do CabodeS.Agostinho, Santo-Antonio do Gabo, Serinhaem,
Santo-Amaro, près Serinhaem, et Sâo-Gonçalo-do-Una; quelques
villages moins importants, parmi lesquels Taquara, Guia-de Çara-
cunhayâ (aujourd'hui Nazareth), Prazeres (lloria-de-Goitâ) et
Santo-Antâo (Victoria), et plusieurs villages indiens (Gaârecé,
[tapecirica, etc.) Dans le territoire de la province actuelle dMA/-
gôas se trouvaienl Les bourgs de Porto-Calvo, Santa-Luzia-do-
Norte, Conceiçào-de-Alagôas, Penedo (Mauritius (\<>> Hollandais)
et Ajuda (aujourd'hui Anadia), ainsi que les villages de Sào-Gon-
çalo-de-Peripueira, Santo-Amaro (Atalaia) et AnnunciaçSLo l Pilar).
ESQUISSE DE i/lIISTOIRE DU BRÉSIL. 133
Dans le territoire de Sergipe : la ville de Sâo-Christovâo et les
villages de Santo-Àntonio, sur le Sâo-Francisco (Porteira), et
Santo-Antonio-da-Serra-d'Itapuama (Itabaiana).
Bahia comptait la capitale du Brésil, Sâo Salvador de Bahia
(probablement 20.000 habitants), la ville de Camamû, les bourgs
de Cachoeira, Santo-Amaro, Valença, Gayrû, outre plusieurs
villages : et, au sud du Rio de Contas, le village de Barra do Rio
de Contas, la ville d'Ilhéos, le village de Santa-Cruz, la ville de
Porto-Seguro, les villages de Trancoso, Patatibe (Villa-Verde) et
Caravellas. Espirito-Santo : les villes de Yictoria et Espirito-
Santoet les villages indiens de Sâo Mathêos, ReisMagos (Almeida),
Santa-Anna (Guaraparim) et Reritigba (Benevente).
Dans le Rio-de- Janeiro, la ville de ce nom n'avait en 1648 que
2.500 habitants, outre une garnison de 600 hommes, et ne comp-
tait que trois ou quatre rues parallèles à la mer, entre les collines
de Gastello et Sâo-Bento. Dans le territoire qui forme aujour-
d'hui cette province et le Municipe neutre, on voyait en 1654 les
villes d'Ilha-Grande (aujourd'hui Angra-dos-Reis) et de Cabo-Frio,
et le villages de Sâo Christovâo (aujourd'hui faubourg de Rio),
Irajâ, Iguaçû, Trairaponga (Merity), Magepe (Mage), Cassarebû
(Santo Antonio de Sa), Desterro (ltamby), Conceiçâo (Itaborahy),
etGaxindiba (Sâo-Gonçalo), les villages indiens de Sâo-Lourenço,
Icarahy, Cabuçù (Yilla-Nova), Sâo Pedro de Araruama, Sepitiba,
Guia (Mangaratiba) et Paraty.
Le territoire de Sâo-Vicente (aujourd'hui Sâo-Paulo) possé-
dait, sur le littoral, les villes d'Ubatuba, Saint-Sébastien, Santos,
Sâo Yicente (capitale), Itanhaem, Iguape et Cananéa, et le village
de Paranaguâ ; dans l'intérieur, les villes de Sâo-Paulo, Mogy das
Cruzes, Parnahyba, Itaboaté (Taubaté), Jacarehy et les bourgades
de O', Garulhos, Conceiçâo dos Pinheiros, Sâo Miguel, Santo-Amaro
de Ibirapuera, Ajuda (Itaquaquecetuba), Jundiahy (ville en 1655),
Guaratinguetâet Araçaryguama, outre plusieurs villages ou établis-
sements dont les propriétaires possédaient un grand nombre
d'Indiens esclaves ou militarisés. Un village commença à se former
à Sorocaba en 1654.
De 1660 à 1662 une expédition dirigée par Paes Leme (Fernâo
Dias), natif de Sâo-Paulo, traversait la chaîne de Mantiqueira et
explorait une grande partie de l'intérieur, dépassant les monta-
gnes de Serro-Frio. Vers 1663, un autre Paulista, Lourenço
Castanho Taques, découvrait de l'or dans le district qu'on désigna
sous le nom de Minas dos Cataguâs et, peu après, sous celui de
134 LB BRÉSIL EN 18
Minas-Geraes. Plusieurs autres expéditions parties de Sâo-Paulo
pénétrèrent dans L'intérieur à La recherche de mines. PaschoaJ
Paes d'Araujo arriva en 1672 aux sources du Tocantins; Barthé-
lémy Bueno, surnomme'; par les Indiens l'Anhanguera (le diable), et
Antoine Pires de Gampos, s'avancèrent en L 682 dans La même direc-
tion; Emmanuel de Borba Gato, gendre de Paes Leme, Antoine
Dias Arzao et un grand aombre de Paulistas s'établirent dans
Minas-Geraes, où plusieurs villages furent fondés vers La lin du wir
siècle. Bientôt des aventuriers accoururent venant de Rio-de-
Janeiro et de Bahia, et L'émigration portugaise, qui se portait
principalement vers Bahia et Pernambuco, prit un grand déve-
loppement et commença à se diriger, par lUo-de-Janeiro, vers la
région des mines. Des conflits éclatèrent en 1708 entre les
Paulistas et les aventuriers des autres parties du Brésil et du
Portugal, que les premiers désignaient par les noms de Foras-
teiros un d'Emboabas (de amô, Loin, etaôa, homme). Les Paulistas,
dirigés par Domingos da Silva Monteiro, remportèrent une victoire
au Rio das Mortes, mais ils y furent battus peu après par Bento
do Amaral Coutinho, natif de Rio, envoyé par Manoel Nunes
Vianna, le chef des Emboabas,et durent se retirer sur Pitanguy *.
Le gouverneur Antonio d'Albuquerque, arrivé en 1700, parvint à
mettre un terme à cette guerre civile, nomma les premières auto-
rités du Minas-Geraes, et y organisa, avec les forces des deux
partis, les premiers régiments miliciens et un autre de troupes
réglées.
Au moment de l'invasion hollandaise, quelques nègres esclaves
de Pernambuco avaient abandonné leurs maîtres et s'étaient
établis dans les forêts de Palmarès (Alagôas). Leur nombre s'éleva
bientôt à plusieurs milliers, et ils réussirent à maintenir leur
indépendance pendant plus de soixante ans, en repoussant d'abord
les attaques des Hollandais, ensuite celles des Brésiliens-Portu-
gais. Ils ne furent entièrement soumis qu'en 1697, après une guerre
de plusieurs années, par une petite armée venue de Sâo-Paulo
sous la conduite de Domingos Jorge Velho. Au moment de la
défaile finale, les principaux chefs nègres se jetèrent du haut
d'un rocher, préférant La mort à l'esclavage.
Le territoire du Piauhy commença à être peuplé en 1674 par
Domingos Affonso Mafrense, habitant de la rive nord du Sâo-
1. Cette guerre civile a été peu étudiée et 1rs documents publiés Jusqu'ici
sont tout à fait insuffisants.
ESQUISSE DE L HISTOIRE DU BRESIL. 135
Francisco. En 17 IS et 1719 les premiers établissements portugais
du Matto-Grosso furent fondés par Antoine Pires de Campos fils*
Paschoal Moreira Cabrai et d'autres Paulistas.
Le commerce du Brésil du XVIe au XVIII0 siècle. — Les
possessions portugaises du Brésil n'avaient de commerce direct
qu'avec La métropole. Cependant, dès le xviG siècle, quelques
marcha mis étrangers établirent des factoreries ou des maisons de
commerce dans les principaux ports. Les célèbres Schetz, d'An-
vers, avaient un agentà Sâo Vicente et y possédaient une sucrerie.
Pendant la réunion du Portugal à l'Espagne (1580-1640) des rela-
tions de commerce assez suivies s'établirent entre Bahia, Rio et
la Plata.
Aux xvic et au xvn8 siècles l'exportation du Brésil consistait
principalementen sucre, en bois de teinturerie et de construction
et en cuirs. L'élevage se faisait surtout dans le Parahyha do
Norte et à Sâo-Paulo. L'exportation de l'or et des diamants ne
commença à être importante que dans les premières années du
xvme siècle. A cette époque un commerce clandestin assez consi-
dérable se faisait, par la Colonia du Sacrement, entre Rio-de-
Janeiro et les provinces espagnoles de la Plata.
Au xvne siècle, pendant la guerre avec la Hollande, l'usage
s'établit de réunir en flotte, sous la protection de bâtiments de
guerre, les navires qui faisaient le commerce entre le Portugal,
Bahia et Rio-de-Janeiro. L'amiral brésilien Salvador Gorrêa de Sa
commanda quelques-unes de ces flottes. En 1649, une puissante
compagnie, la « Companhia Gérai do Commercio do Brazil »,
dont le nom fut changé en 1660 contre celui de « Junta clo Com-
mercio », fut organisée à Lisbonne. Cette compagnie privilégiée
possédait dès le début un grand nombre de navires armés et
entretenait un régiment d'infanterie et d'artillerie de marine.
Elle envoyait chaque année une flotte qui, de Lisbonne et d'O-
porto, se rendait à Recife, à Bahia et à Rio-de-Janeiro, et rame-
nait à Lisbonne les produits du pays. Les représentations des
commerçants de Rio et de Bahia contre ce monopole, amenèrent
des réformes d'abord et ensuite la suppression de la compagnie
(1720); mais l'usage des flottes de commerce continua, sous la
protection des navires de guerre. Une ordonnance du 10 sep-
tembre 1765, rendue par le marquis de Pombal, permit aux
navires marchands de voyager entre le Portugal et le Brésil sans
suivre les convois. En 1755, le même ministre créa deux nouvelles
136 LE BRÉSIL EN 1SS9.
compagnies priviligiées, celle du « Grand Para et Maranhao i I
celle de « Pernambuco el Parahyba. » Elles furenl supprimées
en 1788.
Sous le gouvernement de Salvador Corrêa de Sa, à Rio-de-
Janeiro, el vers la même époque à Bahia [1650) des chantiers
de construction navale furenl créés dans ces deux ports. Plusieurs
grands vaisseaux et frégates de la marine royale furent construits
au Brésil. De nouveaux chantiers furent créés au xvur1 et au
commencement du xix" siècle, époque à laquelle les portugais
faisaieul construire au Brésil une grande partie de leurs bâti-
ments de guerre.
Guerres avec les Espagnols et invasions françaises aux
XVIIe et XVIII1' siècles. — En 1680, Colonia do Sacramento fut
fondée par Dom Manoel Lobo, gouverneur de Rio -de- Janeiro, sur la
rive gauche de la Plata, en face de Buenos-Aires, très loin de la
partie peuplée du Brésil, dont l'établissement le plus méridional
se trouvait alors dans l'île de Sainte-Catherine. Elle a été le sujte
de longues querelles avec l'Espagne à qui elle resta acquise
par le traité de Saint-Ildefonse (1777). L'année même de sa fon-
dation, elle fut prise par les Espagnols de Buenos-Aires et les
Guaranys des Missions jésuitiques du Paranà et de l'Uruguay,
sous la conduite de Vera Mujica (7 août). Elle fut restituée au
Portugal parle traité du 7 mai 1 08 1 , et rebâtie en 1083. L'année
suivante, des colons du Sao-Paulo fondèrent la ville de Laguna
sur la côte de Sainte-Catherine.
Après plusieurs tentatives de colonisation, les Français s'éta-
blirent à Cayenne, d'où ils chassèrent les Hollandais en lGGi.
Le premier gouverneur français, Le Febvre de la Barre,
retourna en France l'année suivante, et y publia un livre1 dans
lequel on lit les passages suivants : « La Guyane Françoise,
proprement France Equinoxiale, qui contient quelques quatre-
vingts lieues françaises de coste, commence par Je cap d'Orange,
qui est une pointe de terre basse qui se jette à la mer, et dont
l'on prend connaissance par trois petites montagnes que l'on
voit par dessus el qui sont au-delà de la rivière Yapoco, qui se
jette à la mer sous ce cap L'on peut à la rivière Marony
mettre les homes de la Guyane Françoise. »
l. De la Barre, Description de la France equinoxiale, ci-devant ap}
Guyane. Paris, L666, in-'i".
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRÉSIL. 137
Cette nouvelle colonie fut prise par les Anglais en 1G67, et
reconquise la même année par les Français. En 107i elle tomba
aux mains des Hollandais, qui la conservèrent pendant trois ans.
l-ii tîn, en L677 Hic redevint française.
Dans le territoire de la « capitainerie du cap du Nord », créée
par le roi d'Espagne, qui l'annexa en même temps au Brésil1, les
Portugais possédaient le fort de Gurnpâ, fondé en 1623 sur la
rive droite de l'Amazone, et au nord de ce fleuve, dans la Guyane
brésilienne, les forts de Desterro, dans TUacarapy, fondé en
1638, et de L'Araguary, construit en 1G60. Ce dernier, ayant été
détruit par la pororôca (mascaret), fut rebâti en 1685. En 1688 les
Portugais de Para bâtirent deux autres forts, ceux du Toheré et
de Sauto Antonio de Macapâ, ce dernier sur l'emplacement du
fort de Cumaû, pris aux Anglais en 1632.
En mai 1637 le marquis de Ferroles, gouverneur de Cayenne,
prétendant que l'Amazone devait être la limite des possessions
françaises2, s'empara des quatre forts portugais de la rive droite,
rasa ceux de l'Araguary, du Tohéré et de Desterro, et ne conserva
que celui de Macapâ. Des troupes, envoyées de Para par le gouver-
neur Antoine d'Albuquerque (commandants Fundao et Muniz de
Mendoça), reprirent Macapâ un mois après (28 juin).
Pendant la guerre de succession d'Espagne la ville de Colonia
fut assiégée et bombardée, à partir du 17 octobre 1704, par les Espa-
gnols de Buenos-Aires. Son gouverneur, le général Yeiga Cabrai,
repoussa toutes les attaques et évacua la place (15 mars 1705; par
ordre du roi du Portugal. A cet effet, le capitaine de vaisseau
Amaro José de Mendonça avait été envoyé de Rio avec quelques
navires qui, après un combat, mirent en fuite ceux des Espagnols,
qui Taisaient le blocus du port. Cette place fut rendue au Portugal
par le traité de paix signé à Utrecht le 6 février 1715.
En 1710 une expédition, dont le commandement fut confié
par Louis XIV au capitaine de vaisseau Jean-François Du Clerc3,
1. Nous avons vu que la limite nord de cette capitainerie était l'Oyapock
ou Vincent Pinson.
2. Selon de Ferroles, le nom Oyapock venait du galibi, — Ouepô, île, —
et devait s'appliquer à l'Amazone, où se trouve l'île de Marajô, qui est la plus
grande de colle région. En réalité le nom Oyapock vient de deux mots de la
langue des Oyampis : Ouaya, pointe, et poko, grand. L'Oyapock des Portu-
gais était la même rivière appelée Yapoc ou lapoco par les Français Jean
Moquet 1616 . de la Barre (1669), Dclislc (cartes de 1703, 1716 et 1722), ' Thomas
Corneille (1708), De Fer (1719), Lombard (1723, 1726), d'Anville (1729 et 1748),
La Martinière 1732 et 1739).
3. Natif de la Guadeloupe et seigneur de Léogane. « C'était un jeune
138 LE BRÉSIL EN 1889.
partit de la Rochelle 'lo mai) pour s'emparer de Rio-de- Janeiro.
Cette ville comptail alors L 2. 000 habitants1. L'expédition se com-
posai! d'un vaisseau, quatre frégates et L.100 hommes de troupes
de marine. Du Clerc débarqua (11 septembre) sur la plage de
Guaratiba, à quelques lieues de Rio, et, par Jacarépaguâ, il
gagna les montagnes de Tijuca. Le gouverneur, François de
Castro Moraes, réussit à réunir plus de 2.000 hommes, qu'il
plaça presque tous derrière un fossé, du côté de la campagne,
devant la plaine de Rozario. Mais Du Clerc prit une direction
différente, en suivant un sentier nommé alors « azinhaga de Ma-
tacavallos », tourna la colline de Santo Antonio2, refoula plusieurs
détachements, et pénétra (19 septembre] dans L'intérieur de la
ville3. Là il rencontra la résistance des étudiants de Rio, qui, sous
la conduite de Bento do Amaral Gurgel, s'étaient retranchés dans
homme plein «le cœur, entreprenant et intrépide : il ('tait allé en France
avec .M. Casse, lieutenant du Roi » Labàt, édit. de 1722, V, 4 G7 ) .
1. Document «les Archives à Rio, cil-'' par Caetano i»\ Silva, VOyapock,
etc., 11, p. 566.
2. La ville de Rio occupait alors l'espace compris entre la mer, les
collines deCastello etde Sâo Bento et nu fossé désigné sous le nom de valla,
<|iii allait du lac et du champ Santo Antonio (aujourd'hui place de Carioca)
jusqu'à Prainha. Ce fossé suivait la direction de la rue désignée autrefois
sou- I'' i i de Valla (aujourd'hui Uruguayana) et qui n'existait pas encore;
puis, à l'entrée de la rue d'Antonio Vaz Viçoso (aujourd'hui S. Pedro), il chan-
geail de direction pour arriver à la mer en passant entre les collines de Sâo
Bento et do Conceiçâo. La rue Direita ou rue da Cruz (aujourd'hui Primeiro
de Marco était la seule qui s'étendit du Castello à Sâo Bento. La maison
du gouverneur se trouvait dans cette rue, en face de la rue du Palacio
(aujourd'hui d'Alfandega), entre la douane, ù droite, et le Trapiche da Cidade
(magasin nu dépôt de la ville), à gauche. Du coté de la campagne, la dernière
pue parallèle à la rue Direita était celle, des Ourives; du côté de Sâo Bento,
la dernière rue perpendiculaire à la rue Direita était celle d'Antonio Vaz
Viçoso. Entre cette rue, la Direita et le morne de Sâo Bento, il y avait une
plaine el un marécage. Les églises de Rosario et de Sâo Domingo?, ainsi
que la propriété nommée Chacara do Fogo (elle a donné son nom à une
rue devenue aujourd'hui des Andradas), se trouvaient on dehors des limites
de la ville dans une plaine entourée de marécages. Deux sentiers condui-
saient de ce côté à l'intérieur; un autre, aommé chemin de Desterro (aujour-
d'hui rue d'Evaristo da Veiga , et plus loin Azinhaga de Matacavallos 'aujour-
d'hui lue de Riachuelo), commençait près du lac Santo Antonio, côtoyait les
montagnes de Desterro Santa Theresa), et, par Matta dos Porcos, allaita
Engenho Pequeno dos Padres aujourd'hui Engenbo Velho), aux montagne*
de Tijuca, et à Engenho Novo. Sri, m un voyageur français quia visité Bio, en
1703, avec le capitaine Le Roux de VAigle, la rue Direita formait à elle seule
plus de la moitié de la ville Journal d'un voyage sur les costes d'Afri
aux Indes etc., Amsterdam, 1723, p. 288).
3. Par Caminho (chemin) do Desterro, Caminho da ConceiçSo d'Ajuda
(aujourd'hui rue d'Ajuda), rue do Parto aujourd'hui Saint José), rue da Mi e-
ricordia, place do Carmo (aujourd'hui place Dom Pedro il) <•! rue Direita.
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRESIL. 130
la maison du gouverneur. Le colonel Grcgorio de Castro accourut
à la tête de quelques troupes, et un combat sanglant fut livré
dans la rue Direita, où les Français s'étaient emparés d'un maga-
sin donnant sur la mer (Trapiche da Cidade). D'autres troupes
arrivèrent avec le gouverneur, et Du Clerc fut forcé de mettre bas
les armes1. Quelques mois après, le 18 mars 1711, on le trouva
poignarde dans la maison qu'il habitait à Rio. Le gouverneur
attribua ce crime, dontl'auteur restainconnu, à quelque vengeance
particulière, provoquée par les galanteries de Du Clerc.
Le 9 juin 1711, Duguay-Trouin partait de la Rochelle avecune
puissante escadre pour venger cet échec2. Malgré les repré-
sentations du gouverneur Castro Moraes, qui se plaignait du
petit nombre de troupes dont il disposait et, surtout, du manque
d'officiers et d'artilleurs, le gouvernement de Lisbonne ne lui
avait pas envoyé de renforts. La « flotte du commerce », qui
tous les ans venait de Lisbonne, terminait son chargement à
Rio lorsqu'un navire anglais apporta (25 août) la nouvelle de la
prochaine arrivée de Duguay-Trouin3. On commença alors à
1. Du Clerc n'avait plus que 630 hommes. Il envoya en France une relation
de ce combat, mais elle n'a jamais été publiée. On trouve dans la Revue de
l'Institut Historique du Brésil, t. XXIII, p. 420-22, la réimpression d'un docu-
ment de l'époque, contenant la liste des officiers français tués ou prisonniers ;
mais les noms sont si mal orthographiés, qu'il est presque impossible de les
reconnaître. Ainsi le nom de — De la Salle — est écrit — « Laffalt, ai de
camp. » Parmi les morts se trouvait un prince « de China, Farina » (sic) ; parmi
les prisonniers blessés, les marquis de Linars et de Signy, MM. de Préfon-
taine, de Saint- Léger, de Coigny, etc. Du côté des Portugais plusieurs offi-
ciers furent tués. Le colonel Gregorio de Castro fut de ce nombre.
2. Cette escadre se composait de 17 navires, ayant 740 canons et
o.764 hommes : Le Lis et le Magnanime de 71 canons chacun ; V Achille, le
Glorieux, le Brillant et le Fidèle, de 66 ; le Mars, de 56 ; Y Argonaute, de 46 ;
le Chancelier et V Aigle, de 40 chacun ; la Bellone, de 38 ; Y Amazone, de 36 ;
la Glorieuse, de 30; VAstrée, de 22; la Concorde, de 20; la Française et le
Patient, galiotes. Cette escadre fut augmentée d'une petite prise anglaise.
3. La flotte du commerce devait partir pour Bahia le 3 septembre
[Lettre de Velho, publiée par Pizarro, Memorias historicas do Rio de Janeiro,
I, 53). Le 27 août un édit (Bando) du gouverneur donnait des ordres au sujet
de l'embarquement des prisonniers français qui devaient partir sur cette
flotte (Document des Archives publics, à Rio). Dans les Mémoires de Duguay-
Trouin, de même que dans la Relation de ce qui s'est passé pendant la
campagne de Rio de Janeiro, publiée dans la Gazette de France (n° 9 de 1712),
il est question de 4 vaisseaux et de 3 frégates portugaises. La Gazette du
12 déc. 1711, où l'on trouve l'extrait dune lettre de Lisbonne, donne des nou-
velles plus exactes au sujet de la composition de cette flotte: « — La flotte du
Brésil avait mis à la voile pour revenir, composée de 12 navires richement
chargés, escortés par 3 vaisseaux de guerre. » En effet, trois vaisseaux seu-
lement protégeaient cette flotte : le vaisseau amiral, dont le nom nous est
inconnu (les documents de l'époque le désignent sous le nom de « Capi-
140 LE BRESIL EN 1 889.
construire à la hâte des retranchements, el on expédia des
courriers à l'intérieur pour demander des renforts, mais ceux-ci
ne purenl pas arriver à temps. Le L2 septembre, protégé par un
brouillard, Duguay-Trouin s'approcha de la côte de Rio el força
l'entrée de la rade malgré le feu des forts, des batteries1 el de
six navires mouillés près de l'île de Villei^ii^mui. l'ne explo-
sion fit sauter la batterie de cette ile, et les navires portugais,
voyanl qu'ils allaient être abordés, coupèrent les chaînes et
allèrenl s'échouer près de la ville, où ils furent brûlés par ordre
du contre-amiral Costa de Aihayde. Le 13, avant l'aube, le cheva-
lier de Goyon s'empara de l'île das Cobras, près delà \ille, et
le lendemain Duguay-Trouin débarqua sur la plage de Sào Diogo
tanea . le SŒo-Boaventura, capitaine Gillel du Bocage, el I'- Prazeres. Ce
dernier appartenait à la « Junta do Coininercio » ou Compagnie 'In C -
merce, les deux autres a la marine de guerre. 11 y avait encore a Rio, an
momenl de l'arrivée de Duguay-Trouin, le Barroquinha, garde-côte, de
36 ••anuiis. capitaine Amaro José de Mendonça. D'après un»' lettre du ir<>u-
verneur Ant. d'Albuquerque, le vaisseau amiral et le SSo-Boaventura
avaient, ensemble, 58 canons'. Il esl probable que le Prazeres n'étail pas su-
périeur aux autres. Il y avait a • a Rio '■> vaisseaux du Roi et 1 vaisseau de
la Compagnie, armés, ensemble d'environ 130 canons, outre deux navires
marchands anglais, qui portaienl un certain nombre de pièces. Ces navires
étaienl sous le commandement du contre-amiral Gaspar da Costa de Athayde,
I*' même qui, réuni a l'escadre anglaise, avait commandé celle du Portugal
au combat du 17 mars 1703, contre de Pointis.
1. Ils étaient mouillés près de Villegaignon, selon les documents portu-
gais, el qoe entre Boa-Viagem el la pointe de Jurujuba, position indiquée
dans le Plan de la Baye et de la ville de Rio (Mémoires de Duguay-Trouin .
Dans cette dernière position, ils auraient été pris, le jour même de l'entrée
de l'escadre française. — Voici les noms et le nombre exact des canons des
forts de Rio, lors de l'attaque de Duguay-Trouin : — A l'entrée du porl :
Batterie de Praia de Fora, 6 canons; Huilerie de Praia Vermélhay 12; Forte-
resse de Santa Ci*uz, commandant le major Miguel Alves Pereira, 44 canons.
dont6en bronze; Forteresse de ScCo-JoSo (comprenant les batteries de Sào-
Martinho, SSo-Diogo, Sâo-José et Sâo-Theodosio), co landant le major
Ant. Soares de Azevedo, 30 canons, donl s enbronze. Sur la rade: Batterie
de Villegaignon, commandant le capitaine Emmanuel Ferreira Estrella,
20 canons; batterie de Boa-Viagem, 1U (la batterie de Gravatâ existail déjài
mais elle n'étail pas armée) ; fort et batterie de Vile das Cobras, commandanl
le capitaine Diogo Barbosa Leitào, 12. Dans la ville et ses environs : Fort de
Siïo-Sebastfâo, capitaine Joseph Correa de Castro, 5; Redoute SSo-Januario^
Ll; Redoute Santa-Luzia,$ tous les trois dans le morne de Castcllo); Fort
Santiago nommé aussi de Misericordia ou du Calabouço), 1 canon; Retran-
chement du mome de SSo-Bento il a été commandé par le capitaine de vais-
seau Gillel du Bocage, grand père du célèbre poète portuguais), 8 canons;
redoute da Prainha, suis artillerie. Sur le morne de Conceiçâo il y avait un
retranchement sans artillerie, qui protégeai! la maison de Pévèque. Total, 174
ciiions. dont 14 en bronze. Varnhagen cite par erreur le fort de Lage, dont
Duguay-Trouin ne parle pas. Ce fort, commencé vers 1717, n'était pas encore
terminé en 1718.
ESQUISSE DE [/HISTOIRE DU BRÉSIL. 141
avec 3.800 hommes, \ mortiers et 20 gros pierrrers en fonte K II
occupa aussitôt, sans coup férir, les mornes de Sao-Diogo, Pro-
videncia el Livramento, qui n'étaient pas fortifiés, et fit établir,
dan- l'île das Cobras e1 sur Le morne de Pina (aujourd'hui Saude),
des batteries qui ouvrirent leurs feux contre le retranchement
de Sao-Bento el le foH Saint-Sébastien2. Le gouverneur Castro
Moraes n'avait pu réunir, pour la défense de la ville et des forts
delà baie, que 2.800 hommes3; mais toute défense devenait
impossible, la ville pouvant être détruite facilement des hauteurs
occupées par les Français.
Après plusieurs escarmouches sans résultat et une sommation
à la place, l'escadre et les batteries françaises commencèrent un
bombardement général dans la soirée du 20 septembre. Le gou-
verneur ordonna aux troupes, vers 11 heures, d'évacuer la ville,
qui, le lendemain matin, fut occupée par Duguay-Trouin4, infor-
mé de cet abandon par les prisonniers de l'expédition Du Clerc.
1. Duguay-Trouin, Mémoires, édition de 1740, page 174. Ces troupes for-
maient trois brigades, commandées par les chevaliers de Goyon, de Cour-
serac et de Bcauve.
2. Selon Duguay-Trouin (Mémoires), 5 mortiers et 18 canons à File das
Cobras, et 10 canons dans le Morro da Saude, outre les 4 mortiers qu'il
avait avec lui. Les documents de l'Alçada montrent que la ville n'avait pour
riposter à ce feu que 8 canons dans le retranchement du morne de Sào-
Bento, 5 dans le fort de Sâo-Sebastiâo (Castello) et 1 dans celui de San-
tiago où se trouve aujourd'hui l'Arsenal de guerre. Les autres forts de la rade
étaient trop éloignés, et ne servaient pas à la défense de la ville. La batterie
de Villegaignon, plus rapprochée, avait été détruite par l'explosion. Les re-
doutes de S. Januario et Santa-Luzia, situées sur le versant méridional du
Morne du Castello, ne pouvaient prendre aucune part au combat d'artillerie
livré au nord de cette colline.
3. Troupes réglées: Les deux régiments de Rio (terço Velho etterçoNovo)
590 hommes, colonels François-Xavier de Castro Moraes et Jean de Paiva; régi-
ment de la Colonie du Sacrement (terço daColonia), 300 hommes, major Domin-
llenriques ; — milices: régiment des nobles et des privilégiés (régimento da
nobreza e privilegiadosi, 550 hommes, colonel Emmanuel Corrêa Vasques ;
deux régiments de miliciens (régimentos de Ordenanças) 780 hommes, colonels
Balthasar de Abreu Cardoso et Chrispim da Cunha; compagnie des employés
de la Monnaie (Moedeiros), 50 hommes; troupes de la marine (soldats des
régiments da « Armada », ou ilotte, et de la « Junta do Commercio, » ou
compagnie du commerce) 400 hommes. Total 2.670 hommes, dont G00 occu-
paient les forts de la rade. 11 faut y ajouter les artilleurs, qui formaient deux
compagnies de 50 hommes. — C'est la première fois que ces chiffres sont
publiés. Nous les avons trouvés dans l'exposition présentée par l'ancien
gouverneur de Rio à VAlçada ou commission de magistrats chargée de
l'enquête.
4. «... un feu général et continuel des batteries et des vaisseaux, qui,
joint aux éclats redoublés d'un tonnerre affreux, et aux éclairs qui se succé-
daient les uns aux autres, sans laisser presqu'aucun intervalle, rendait cette
nuit affreuse. » (Duguay-Trouin, Mémoires).
1 12 LE BRÉS1 i. EN 1 889.
Les forts situés à l'entrée du porl se rendirent à La première
sommation, dès qu'ils furenl renseignés sur La fuite du gouver-
neur. Le contre-amiral Costa de Athayde prit le commandement
des troupes réunies à Engenho-Novo, dans les environs de la ville,
où un retranchement fut construit. Quelques renforts arri-
vèrent de Paraty et d'Ilha Grande (Angra dosReis)1, et d'autres
étaienl en marche; mais Duguay-Trouin, ayant fait savoir qu'il
détruirai! La ville de fond en comble si elle n'était pas rachetée,
sans plus tarder, par une contribution de guerre, le gouverneur
se décida, conseillé par Les jésuites, à signer une convention
(10 octobre) pour le paiementdela rançon. Trois jours après,
Antonio d'Albuquerque arrivait à Iguassû avec 6.000 hommes,
venant de Minas-Geraes 2, mais la convention fut respectée, et,
le dernier versement ayant été fait le 4 novembre, la ville fut
évacuée par les Français, qui gardèrent cependant les forts de
la rade jusqu'au 13, jour du départ de l'escadre. Albuquerque,
déférant à la demande du conseil municipal et des habitants de
Rio, resta à la tête du gouvernement.
En 1712, la métropole envoya au Brésil un certain nombre de
canons et un officié!' du génie, le général Macé, chargé d'augmen-
ter et d'améliorer les fortifications de Rio et de Bahia3. Le malheu-
reux gouverneur Castro Moraes, qui n'avait pu résister au puis-
sant armement français, fut condamné à finir ses jours en pri-
son dans une forteresse de l'Inde et eut tous ses biens confisqués ;
le colonel François-Xavier de Castro Moraes, son neveu, fut con-
damné à la déportation perpétuelle. Le gouverneur du fort Sâo-
Joâo avait licencié ses hommes et n'avait pu tirer sur l'escadre
de Duguay-Trouin lorsqu'elle força l'entrée ; puis, craignant la
1. 580 hommes, dirigés par François do Amaral Gurgel, qui n'était pas
le môme Amaral dont parle Duguay-Trouin. Ce dernier, tué dans une escar-
mouche près de la Lagoada Sentinella, était Bento do Amaral Gurgel, l'ancien
commandant des étudiants.
2. 9 bataillons (terços) de miliciens, 1 delà ligne et 1 régiment de cavalerie
composé de miliciens : — « Perto de 6.000 homens da melhor e mais luzida
gente que tem as ditas Minas, assim Forasteiros como Paulistas... » (Lettre
du 26 novembre 1711, d'Albuquerque, au Roi).
3. De nouveaux forts fuient alors construits et quelques-uns des anciens
réparés ou augmentés. Le 2 mais 1718, le gouverneur Brito de Menezes
envoyait au Roi un état des forts de Rio, dont voici le résumé : — Praia de
Fera, (i canons; Praia Vermelha, 12; San ta-Cruz, 53, dont 15 en bronze;
S&o-Jo&o, 42, dont s en bronze ; Boa-Viagem, 10; Gravatâ, 10; Villegai-
gnon, 20 ; Jl/m dus Cobras, 26; Saint-Sébastien, 24; Sào-Januario, 11; Santa-
Luzia, 1 1 ; Santiago, S\ Prainha, 4; ConceiçcCo (presque terminé), 36. Total, 262,
c'est-à-dire, une augmentation de 92 bouches à feu.
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRÉSIL. 143
punition de cette faute, il avait déserté, quittant Rio avec les
Français. Il fui déclaré traître et infâme, condamné à être pendu,
et ses descendants mâles, jusqu'au second degré, déclarés in-
fâmes. Etant absent, il fut exécuté en effigie. Le major Alves
Pereira, commandant du fort de Santa-Cruz, avait fait son devoir,
le 1*2, et Duguay-Trouin a avoué que l'entrée de Rio lui avait
coûté 300 hommes hors de combat, dont 80 tués ; mais il a été
prouvé que Alves Pereira avait licencié, lui aussi, une partie de
la garnison, et que, sans offrir de résistance, il avait capitulé le
±'> septembre, après l'abandon de la ville. Il fut déporté à Angola.
Le commandant de l'ile das Cobras, qui, le 12, avait demandé
des renforts, qu'on ne se pressa pas d'ailleurs de lui envoyer,
avait perdu cette position. Il fut expulsé du service. Quant au
contre-amiral Costa de Athayde, qui, ne pouvant songer à se battre
sur mer, avait brûlé ses navires pour augmenter le nombre des
défenseurs de la place, il perdit par ce fait, dans l'opinion de la
foule, la réputation qu'il avait gagnée par plusieurs actions
d'éclat, et, arrivé à Lisbonne, il devint fou. Il est mort dans cette
ville le 8 septembre 1716 *.
Après la guerre de succession, le Portugal chercha à régler
avec la France la question des limites entre le Brésil et la
Guyane française. Un traité provisionnel et suspensif avait été
signé à Lisbonne le 4 mars 1700, déclarant indécise entre les
deux couronnes la possession des terres situées entre le fort de
Macapâ et « la rivière d'Oyapoc dite de Vincent Pinson ». Au
congrès d'Utrecht, les plénipotentiaires français acceptèrent,
après discussion, le texte portugais et français rédigé par le
comte de Tarouca et par Dorn Luiz da Cunha, ambassadeurs du
Portugal. Le traité fut signé le 11 avril 1713 et il déclarait
(art. 8) que la France renonçait à ses prétentions « sur la pro-
priété des terres appelées du Cap du Nord, et situées entre la
rivière des Amazones et celle de Japoc ou Vincent Pinson. »
La place de Colonia fut assiégée de nouveau par les Espa-
gnols, depuis le 3 octobre 1735 jusqu'au 2 septembre 1737. Cette
fois, sous le commandement du général Vasconcellos, elle résista
victorieusement,, parce que une escadre portugaise assurait les
communications entre la place et Rio-de-Janeiro, et que d'im-
portants renforts et des approvisionnements furent envoyés aux
assiégés par Gomes Freire d'Andrada, depuis comte de Boba-
1. Gazeta de Lisboa du 12 septembre 1716.
1 i i LE BRÉS1 1. EN I 889.
délia, gouverneur des capitaineries de Rio-de-Janeiro el de Minas-
Geraes. Des troupes de Rio, de Bahia et de Minas, sous le com-
mandemenl du général Paes, parties de Colonia, occupèrent
alors «'t fortifièrent le EUo-Grande du Sud (1737). Les Paulislas
aient déjà établis au nord du Jacuhy.
La limite, suivant un méridien fixé, par le traité de Tordesil-
- i i'.i'i , n'avait été respectéeni parles Portugais au Brésil, ni
par les Espagnols aux Indes Orientales. Au xvi° et au wir siècle
les astronomes des deux pays n'arrivaient pas à s'entendre sur
la position de la ligne de partage. L'Espagne avait pris posses-
sion des Philippines el avail réclamé et obtenu du Portugal
une indemnité pour L'occupation des Moluques, soutenant que
ces îles se trouvaient dans l'hémisphère espagnol. Dans ce cas, le
méridien de partage passanl plusàl'ouest, une grande partie de la
Patagonie, des provinces de la Plata, de Tucuman el du Paraguay
v(. seraient trouvées dans l'hémisphère portugais. On chercha
enfin à régler le litige par le traité de .Madrid du 13 janvier 1750,
qui fut négocié parle Brésilien Alexandre de Gusmâo, bien que
son uom ne figure pas dans ce document. Le principe de l'un
possidetis fut adopté avec cette limitation, que le Portugal céda il
;i l'Espagne la place de Colonia en échange du territoire situé au
nord de ribicuhy el à l'orient de l'Uruguay, sur lequel les jésuites
espagnols, chassés en 1638 par les Paulistas, étaient revenus et
avaient fondé sept nouvelles villes (1087-1707). Les jésuites espa-
gnols excitèrent alors les Indiens, qu'ils avaient armés et disci-
plines, à résister aux ordres duroi d'Espagne. 11 fallut recourir
à la guerre pour prendre possession de ce territoire, nommé des
« Missions orientales de Uruguay » (1754-1756), et les Guaranys
furent vaincus à la bataille de Caâibaté (10 février 175G) par les
armées de Buenos- Aires et du Brésil, commandées par Andonaegui
et Gomes Freire d'Andrada. C'est après cette guerre que Dom
Joseph Ier, suivant les conseils de Pombal, prononça l'expulsion
des Jésuites 1759).
Les commissaires nommés par l'Espagne et le Portugal
n'ayant pu s'entendre pour la délimitation des frontières, et le
traité ayant été très attaqué à Madrid et à Lisbonne, les deux
gouvernements finirent par l'annuler(12 février 1701).
Le pacte de famille amena une nouvelle guerre dans le sud du
Brésil. Les Espagnols, sons Ceballos, bloquèrent et attaquèrent
la Colonia, qui dut capituler (6 juin 1761— 30 octobre L762), puis
ils s'emparèrent des deux rivesdu Rio-Grande-du-Sud, et, malgré
ESQUISSE DE L HISTOIRE DU BRESIL. 145
les stipulations du traité de Paris (10 février 1763), ils ne ren-
dirent que la Colonia. En 1707 les Brésiliens, dirigés par Sâ-e-
Faria, reprirent la rive nord du Rio-Grande.
De 1772 à 1775 la place de Colonia s'est trouvée presque tou-
jours bloquée par des navires espagnols, et à partir de 1773 plu-
sieurs escarmouches et combats, dans lesquels s'illustra le Brésilien
Raphaël Pinto Bandeira, eurent lieu sur les frontières du Rio-
Grande-du-Sud. Doin Joseph Ier, voyant que l'Espagne ne faisait
pas droit à ses réclamations, envoya plusieurs régiments et une
escadre au vice-roi marquis de Lavradio, qui, avec ces renforts et
des troupes brésiliennes, concentra une armée dans le Rio-Grande-
du-Sud. Le 4 avril 1775 plusieurs navires portugais (commandant
Hardcastle) forcèrent l'entrée de Rio-Grande. L'année suivante
( 1!» février) une partie de l'escadre portugaise (contre-amiral Mac-
Doual) y pénétra après un vif combat contre les batteries et les
navires espagnols. Le 26 mars (1776) Pinto Bandeira s'emparait
du fort de Santa-Thecla, dans l'intérieur, et le 1er avril, le général.
Bôhm, se rendait maître des forts espagnols de la rive sud du Rio-
Grande. Le territoire que les Espagnols détenaient depuis 1762
fut ainsi repris. Pour venger ces défaites, l'Espagne envoya contre
le Brésil le général Geballos avec une grande flotte et une armée
nombreuse qui s'emparèrent de l'île de Sainte-Catherine (fév. 1777)
et de la Colonia (3 juin 1777). Presque en même temps le roi Dom
Joseph 1er mourait (24 fév. 1777) et Pombal tombait en disgrâce.
Par le traité de Saint-Ildefonse (1er oct. 1777) l'Espagne garda
la Colonia, rendit l'île de Sainte-Catherine et renonça à ses pré-
tentions sur la partie orientale du territoire de Rio-Grande-du-
Sud, ainsi que sur presque tous les territoires occupés parles
Brésiliens à l'ouest de la ligne fixée par le traité de Tordesillas.
Développement et progrès du Brésil depuis la découverte
des mines jusqu'au commencement du XIXe siècle. — Les rois
Dom Pedro 11(1667-1706) et Dom Jean V (1706-1750) avaient fa-
vorisé le développement de la colonisation en encourageant les
expéditions des Paulistas vers l'intérieur et vers le sud, et en en-
voyant à Sainte-Catherine et au Rio-Grande-du-Sud quelques
milliers de familles des Açores et de Madère. Pendant ce dernier
règne le Brésilien Alexandre de Gusmào, devint à Lisbonne un
conseiller très écouté du roi et de ses ministres. Dom Joseph 1er
(1750-1777) et le marquis de Pombal, montrèrent le plus grand
dévouement aux intérêts et au progrès du Brésil, sans oublier le
10
1 [i, LE BRÉSl I. i:\ 1 889.
Maranhào el If Para, qui avaient été jusqu'alors un peu délaissés.
En 17(H VÉtat du Maranhào comprenait Les deux capitaineries
(h- Maranhào et de Para, cette dernière créée en 1652. Le Piauhy,
doni la partie centrale commençait à être peuplée par «1rs émi-
grants de Bahia, était une dépendance du gouvernemenl général
du Brésil. Quelques religieux ri surtout les cannes, ers derniers
à partir de L695, avaient commencé Leurs missions dans L'Ama-
zonie. Le L6 août Kl.')!), Pedro Teixeira, d'après les instructions
«lu mi d'Espagne Philippe IV, qui était en même temps rni du
Portugal, avait pris possession de la rive gauche du Napo pour
la couronne du Portugal, et toute la vallée de L'Amazone, depuis
le confluent de celle rivière jusqu'à l'océan, resta annex»
gouvernement de Maranhào. En L660, un village d'indiens civi-
. qui prit plus lard le nom de Silves, lui formé sur le lac
Saracâ. En 1750 le Haut Amazone portugais comptait déjà qua-
rante-six bourgades d'indiens el 30.000 feux. En 17.>7 la capi-
tainerie de Sào-José do Rio Negro y fut créée avec un gouver-
neur subordonné à celui de Para4. Le territoire de Piauhy fut
annexé à L'État de Maranhào en 1715, et à partir de 1750 il forma
une capitainerie dont le gouverneur était subordonné à celui de
Maranhào. En 177."), l'État de Maranhào fut supprimé, et son
territoire divisé en deux capitaineries générales : celle de Para,
avec la capitainerie suhalternc de Rio-Negro, et celle de Ma-
ranhào, avant comme dépendance la capitainerie de Piauhy.
compagnie générale du commerce du Maranhào et du Grand
Para, créée en 1755 par Pombal, rendit les plus grands services
au développement de l'agriculture, du commerce et de la coloni-
sation dans cette vaste région (17o5-1788). Une partie de l'émi-
gration portugaise, dirigée vers le Maranhào et le Para, y vint
de nouvelles villes ou renforcer la population des hourgades
.îles, composée presque entièrement d'indiens. L'ancien
fort de Saint-Antoine de Macapâ, ou Cumaû, près du Cap de
Nord, que les Portugais avaient rasé, n'ayant pas été rétabli,
malgré Le traité d'Utrecht, Pombal lit construire, en 1704, le fort
d mt-Joscph de Macapâ, sur la rive gauche de l'Amazone,
presque sous la ligne équinoxiale (3 minutes de latitude nord).
I. La ville de Barcellos primitivemenl village de Marina), fui la capital-'
de la aouvelle capitainerie. Barra du Rio Negro (aujourd'hui Manâos) devint
temporairemenl la capitale (1791-99), puis, Barcellos (1799-1804). Latin Barra
resta La capitale à partir de L804. — Cette capitainerie l'ut supprimée en 182-J
td incorporée a la province de Paré.
ESQUISSE DE L IIISTOIRE DU BRESIL. 147
Dans l'État du Brésil, le pays fut subdivise, et plusieurs gou-
vernements furent créés pendant le xviuc siècle, au fur et à
mesure que la population augmentait et se répandait. En 1701,
cet u Etat », dont la ville de Bahia continuait à être la capitale,
commençait, au nord, dans le Piauhy, et, après l'annexion de ce
territoire au Maranhâo (1715), dans le Ceara ; et il avait comme li-
mite méridionale, contestée d'ailleurs par l'Espagne, la rive gauche
de la Plata, où le Portugal ne possédait que Colonia do Sacro-
mento. Le territoire de Ceara, la capitainerie de Rio-Grande
(do Norte), et le territoire de l'Alagôas, dépendaient du gou-
verneur général de la capitainerie de Pernambuco. Le Para-
hvba était une capitainerie indépendante depuis 1684; en 1755
elle fut subordonnée au gouverneur général de Pernambuco. Le
S. jrgipe et l'Espirito-Santo relevaient du gouvernement du vice-
roi, à Bahia.
Le gouverneur général de Rio-de-Janeiro avait sous sa dé-
pendance tous les territoires du sud, jusqu'à la Plata, et une
grande partie de l'intérieur, qui commençait à se peupler. En
1709, la capitainerie générale de Sâo-Paulo et Minas fut créée ;
en 1720, Minas forma une capitainerie générale indépendante.
D'autres gouvernements furent créés successivement : en 1738 à
Santa-Catharina, en 1748 à Goyaz et à Matto-Grosso, en 1760 à
Rio-Grande-du-Sud. En 1798, les gouvernements de Ceara et de
Parahyba-do-Norte, devinrent indépendants de Pernambuco, et
TEspirito-Santo forma une capitainerie subordonnée au gouver-
nement de Bahia. Les autres divisions du territoire brésilien
datent de notre siècle : le Piauhy devint une capitainerie indé-
pendante en 1811, l'Alagôas en 1817, Sergipe en 1820 1.
Au xvic siècle, il n'y avait pour tout le Brésil qu'un évêque à
Bahia et un prélat à Rio-de-Janeiro (prélature depuis 1577). En
1676 l'évêché de Bahia fut érigé en archevêché ; Rio-de-Janeiro
et Olinda, en 1676, Sâo Luiz de Maranhâo en 1677 devinrent les
sièges de trois nouveaux évechés. D'autres furent créés au XVIIIe
siècle, à Belem du Para (1720), à Sâo-Paulo (1746), à Marianna,
dans le Minas-Geraes (1748). Goyaz et Matto-Grosso devinrent des
prélatures en 1776.
1. Depuis l'indépendance du Brésil, seulement deux provinces ont été
créées; celles de l'Amazone (l'ancienne capitainerie de Rio-Negro supprimée
en 1823) et du Paranâ. Des projets pour la création de plusieurs nouvelles
provinces ont été présentés aux Chambres, mais aucune décision n'a été prise
jusqu'ici.
1 18 LE BRÉSIL EN 1 889.
Pendant le règne de Jean V, plusieurs Brésiliens accusés
d'hérésie furent poursuivis, envoyés à Lisbonne H brûlés par
L'Inquisition. LVévêque de Rio- de -Janeiro, François de Sam Jero-
nymo L 702-1725), s'est distingué particulièrement dans ces persé-
cutions. Un Brésilien, qui habitait Lisbonne, Antoine-Joseph da
Siva, natif de Etio-de- Janeiro, était le premier poète dramatique
.lu Portugal à cette époque. Ses opéras-comiques devinrent très
populaires, mais ses succès d'esprit lui valurent d'être brûlé par
L'Inquisition, à Lisbonne, le L8 octobre 1739.
Les premiers signes de la rivalité entre les natifs du Brésil et
les Portugais européens se montrèrent au commencement du
wiu' siècle, dans la ville de Etio-de- Janeiro, en L 704, où les natu-
rels du pays battirent la Liste di-s Portugais européens aux élec-
tions municipales; à Minas-Geraes, parla guerre civile nommée
des « Emboabas -, dont il a été déjàquestion (1708-1709) ; et à Per-
nambuco, par celle des « Mascates », entre les habitants d'Olinda
cl ceux de Becife (1710-1711). Vers la même époque il veut des
troubles à Bahia (1711), et en L 720 une rébellion promptement
comprimée éclata à Villa-Rica (Ouro-Preto) contre le gouverneur,
le comte d'Assumar, qui accusa les révoltés de vouloir créer un
gouvernement républicain, dont le général retraité Vôiga Cabrai,
l'ancien défenseur de Golonia, devait être le chef. Veiga Cabrai
fut envoyé à Lisbonne où il est mort en prison, et un des tribuns
de la révolution, Filippe dos Santos, fut pendu et écartelé à Villa-
Bica.
Les lois du 6 juin 1755 et du 8 mai ,1758 proclamèrent la liberté
complète des indiens du Brésil. Presque en même temps Dom
Joseph Ier et Pombal défendaient l'introduction d'esclaves dans le
Portugal, les Açores et Madère (19 septembre 17G1 ; 1767, 1776)
et déclaraient libres les nouveau-nés (16 janvier 1773). Ces lois
ne visèrent pas le Brésil, où le nombre des esclaves continua à
augmenter par la traite et les naissances, malgré les idées géné-
reuses et humanitaires prêchées dans un livre publié en 1758 par
l'abbé Manoel Ribeiro Rocha, avocat à Bahia1. En 1794 et en
1. Ethiope resgaiado, empenhado, sustentado,corregido, in&truido, e liber-
tado, Pelo padre Manoel Ribeiro Rocha, lisbonense, domiciliario da cidade da
Bahia, e nella advogado, e backharel formado nu universidade de Coimbra.
Lisbonne, in-8°, 1758.
Dans ce livre Rocha demandait que toul esclave fût rendu à la liberté
après un temps de Bervice suffisant pour indemniser le maître, et que les
enfants de femmes esclaves, naissant libres (ingenuos), ne fussent astreints à
sen ir les maîtres de leurs mères que jusqu'à l'âge de quatorze ou quinze ans.
ESQUISSE DE L HISTOIRE DU BRESIL. 149
1798 encore, L'évêque Âzeredo Goutinho publiait des ouvrages
dans lesquels il cherchait à démontrer la justice et la nécessité
de la traite.
lui L759, les jésuites furent expulsés du Portugal et de toutes les
possessions portugaises. Malgré les difficultés que dansles derniers
temps ils avaient suscitées au gouvernement de Lisbonne, notam-
ment lorsque les commissaires portugaiset espagnols s'occupaient
de l'exécution du traité de limites de 1750, on ne peut s'empêcher
de reconnaître que ces religieux ont rendu les plus grands services
au Brésil. La conquête et la colonisation de l'Amérique portugaise
au xvic et au xvnc siècles est en grande partie leur œuvre.
Gomme missionnaires, ils ont réussi à gagner à la civilisation des
milliers d'indiens, et la race indigène devint, grâce àleur dévoue-
ment, un facteur considérable dans la formation du peuple
brésilien. Ils ont été toujours les défenseurs de la liberté des
indiens et les éducateurs de la jeunesse brésilienne qui cherchait
à s'instruire. Le Brésil doit aux écoles fondées par les jésuites
presque tous les grands noms de son histoire littéraire du xvic
au xvme siècles, les poètes Gregorio de Mattos (1633-1696),
Basilio da Gama (1748-1795), l'auteur du beau poème Y Uraguay,
Durâo (1736-1781), auteur du Caramurû, Claudio Manoel da Costa
(1729-1789) et Alvarenga Peixoto (1748-1793), les orateurs sacrés
Antoine de Sa (1620-1678) et Eusebio de Mattos (1629-1692), les
historiens Yicente do Salvador (1567-1639) et Rocha Pitta (1660-
1738), et le diplomate et homme d'État Alexandre de Gusmao
(1895-1753) !.
Le général Gomes Freire de Andrada, comte de Bobadella, qui
gouvernait depuis 1733 le Rio-de-Janeiro et les capitaineries du
sud, et en outre, depuis 1735, celle de Minas-Geraes (de 1737 à
1739 il avait été en même temps gouverneur du Sâo-Paulo), fut
nommé en 1762 vice-roi du Brésil. La ville de Rio-de-Janeiro
devint à partir de cette date la capitale du Brésil. Elle comptait
alors environ 30,000 habitants1.
La longue administration du comte de Bobadella fut une des
plus fécondes et des plus éclairées de l'époque coloniale. 11 trouva
1. En 1711, la ville de Rio n'avait que 12.000 habitants. En 1749 elle comp-
tait 3.723 l'eux ut 24.397-habitants, les enfants au dessous de cinq ans non
compris Balthasar Lisboa, Annaes, I, 17G) ; en 1808 la population était de
46,944 habitants, sans compter la garnison, composée de 2,400 hommes (Pizarro,
Memorias hist., VU, 145, 146); en 1821, 80,000 habitants (10,063 feux), plus
5,600 hommes, qui formaient la garnison ; 137,078 habitants en 1838, et
203,206 en 1849.
LE BRÉSIL EN 18
.1 Rio des collaborateurs intelligents et dévoués, parmi Lesquels
Les généraux Joseph da Silva Paes el J.-P. Pinto Alpoim. Le
premier a été le fondateur et L'organisateur <ltis établissements
portugais de La partie méridionale <lu Rio-Grande-du-Sud (1737)
el a secondé puissammenl les efforts du roi Jean A' et de Boba-
della pour développer La colonisation de Sainte-Catherine et du
Rio-Grande-du-Sud. C'est Bobadella qui a terminé à Rio (4750)
l'aqueduc de Carioca, La seule œuvre architecturale vraiment
remarquable que les Portugais aienl laissé au Brésil, et qui, avec
ses deux étages d'arcades reliant les montagnes de Sainte-Thé-
rèse à la colline Saint- Antoine, avait L'aspect grandiose d'une
construction romaine, avant d'être presque entièrement masqué
par des maisons, coin me il Test aujourd'hui.
Bobadella est mort à Rio Le 1er janvier 1763 peu après l'arrivée
de La nouvelle de la capitulation de Colonia du Sacrement, qu'il
u'avaii pas réussi cette fois à approvisionner et à défendre. Profi-
tant de l'arrivée de deux frégates anglaises commandées par John
Macnamara, il avaii organisé une expédition sous le comman-
dement de Vasco Alpoim, L'ami du poète Basilio da Gama, pour
reprendre la place. Une frégate et un transport portugais furenl
réunis aux navires anglais, et le 5 janvier 1703 cette escadre
attaqua la Colonia, mais elle fut repoussée par Ceballos. Macna-
mara périt avec presque tout l'équipage dans l'incendie de sa
frégate.
Plusieurs des successeurs du vice-roi Bobadella, surtout le
marquis de Lavradio (1769-1779), quoique occupé par la guerre
cou Ire les Espagnols, et Dom Louis de Yasconcellos e Souza,
favorisèrent, comme lui, la colonisation, ainsi que la recherche
et L'exploitation des mines d'or, l'agriculture et les études litté-
raires. (Test du temps de Bobadella, que le caféier, importé à
Paré en 17-27 par 1(3 major Palheta, grâce à un don de Madame
Claude d'Orvilliers, femme du gouverneur de Cayenne, puis
introduit au Maranhâo en 1770, commença à être cultivé à ltio-
de- Janeiro. Quelques pieds avaient été importés dans cette ville,
vers 17(r2, parJean-AlbertCastello-Branco,deParâ, chancellieràla
cour d'appel, et ils fournirent la graine pour les premiers essais de
plantation, faits à Resende et à Sâo Gonçalo, d'où la culture se
propagea dans tous les districts de Serra-do-Mar de la province
de Rio, puis dans les provinces de Sâo-Paulo, de Minas-Geraes
et de Bahia.
Le Brésil se développait et comptait déjà à cette époque des
ESQUISSE DE L'ilISTOIRE DU BRÉSIL. 151
hommes distingués qui figuraient parmi les premiers littérateurs
et -avants du Portugal. Plusieurs sociétés littéraires furent fon-
dées : à Bahia, VAcademiados Esquecidos (1724), sous les auspices
du vice-roi Cezar de Menezes (1720-1735), et dont Rocha Pitta a
eh* le membre l«i plus illustre; dans la môme ville, la Sociedade
Brazileira dos Academicos renascidos (17ou2), qui fut de courte
durée par suite de l'arrestation de son directeur, accusé de haute
trahison ; à Rio-de- Janeiro, YAcademia dos Fclizes (1730) et YAca-
demia dos Sclectos (17S2), fondées par Bobadella, YAcademia
Scientifica (1772-1779), protégée parle vice-roi Lavradio, et la
Sociedade Litteraria (1786), créée sous le gouvernement du vice-
roi Vasconcellos. Cette dernière fut dissoute par le comte de
Rezende (1794), et ses principaux membres, le poète Silva Alva-
renga, l'helléniste Marques Pinto, le moraliste Mariano da Fon-
seca (après l'Empire, marquis de Maricâ) et le docteur Jacintho
Silva, furent emprisonnés, poursuivis et relâchés seulement en
1797. Yilla-Rica (Ouro-Preto), chef-lieu de Minas-Geraes, était
devenue, comme Rio et Bahia, un des centres de la vie intellec-
tuelle au Brésil. Cette province avait produit les deux plus grands
poètes épiques du Brésil, Basilio da Gama et Durao, les premiers
dont l'inspiration fut vraiment américaine et nationale.
La presse n'existait pas; une seule imprimerie avait été fondée
à Rio, vers 1747, sous les auspices du comte Bobadella, par
Isidore da Fonseca, et supprimée par ordre de la métropole.
En 1789, une conspiration ayant pour but l'indépendance fut
découverte à Minas-Geraes. Parmi les chefs du mouvement
projeté se trouvaient les poètes Gonzaga, Claudio Manoel da
Costa et Alvarenga Peixoto, le lieutenant-colonel Freire de
Andrade, plusieurs prêtres et les docteurs Alvares Maciel et Vidal
Barbosa. Ce dernier avait étudié à Montpellier et à Bordeaux, et
avait appartenu à un groupe d'étudiants brésiliens, dont faisait
partie Maia (Joseph Joaquim da), de Rio, mort en Europe, et qui
en 1780 avait eu des pourparlers, à Nîmes, avec Thomas Jeffer-
son, à propos de l'indépendance du Brésil.
Les chefs de cette conspiration furent condamnés à mort,
mais la reine Dona Maria Irc commua cette peine dans celle de
la déportation perpétuelle en Afrique. Claudio da Costa s'était
suicidé pendant le procès à Rio-de-Janeiro. Une seule exécution
eut lieu, celle d'un sous-lieutenant, Silva Xavier, le Tiradentes,
dont le nom devint, par ce fait, populaire au Brésil.
Le Brésil comptait, en 1800, environ 3.200.000 d'habitants,
152 LE BRÉSIL EN 1889.
dont La moitié étaient des nègres esclaves. En L817-1818 il avait
3.817.900 habitants (sans compter 1rs enfants au-dessous de dix
ans), dont L.043.000 blancs, 259-400 indiens civilisés, 526.500
mulâtres ou nègres libres, et L. 930.000 esclaves. La difficulté des
communications entre les différentes provinces arrêtait l'essor
des aspirations à L'indépendance. Les provinces de l'extrême
nord étaient en communication directe avec la métropole et
n'avaient presque pas de relations avec Bahia, Rio-de-Janeiro et
les provinces méridionales. L'influence portugaise était plus con-
sidérable à Belem do Para, 9âo Luiz de Maranhâo et Babia que
dans les autres villes du Littoral brésilien.
En 1800 le montant de L'exportation brésilienne était de
5G. 1-20.000 francs, celle de l'importation de 53.400.000 francs.
Hostilités des Français et guerre de 1801 entre l'Espagne
et le Portugal. — Pendant les guerres de la Révolution, quelques
combats furent livrés entre les Français et les Portugais sur les
cotes du Brésil. En 1726 (il août) la division navale du comman-
dant Rivière essaya, près de la ville de Santa-Cruz (Bahia), un
débarquement qui fut repoussé parles miliciens de Porto-Seguro,
embusqués dans une position avantageuse et dirigés par le capi-
taine Antonio-Mariano Borges1. En 1800 (juillet) une autre divi-
sion navale française, sous le commandement du capitaine
Landolphe, bloqua pendant quelques jours le port de Rio-dc-
Janeiro. En 1800 le brick portugais le Minerva, capitaine Louis da
Cunha Moreira, sombra dans un combat contre une frégate fran-
çaise, et en 1801 la corvette YAndorinha, capitaine Costa Quin-
tella, résista à une attaque de la frégate la Chi/fone, capitaine
Guyeisse.
En 1801, la guerre ayant éclaté entre l'Espagne et le Portugal,
le gouverneur du Paraguay, Lazaro de Rivera, attaqua sans
succès L6-25 septembre) le fort de Nova-Goimbra, dans le Matto-
Grosso, défendu par Almeida Serra, et le capitaine brésilien
Rodrigues do Prado s'empara d'un poste fortifié des Espagnols
sur l'Apa (1er janvier 1802). Le général Yeiga Cabrai, gouverneur
de Rio-Grande-du-Sud, avait réuni sur les frontières une petite
armée. 11 s'empara de la rive gauche du Jaguarào et du Chuy,
tandis que Marques de Sousa (Emmanuel), un de ses lieutenants,
1. Cf. JUBIBN DE LA GrAVIÈRB, SoUO&ÙrS d'un (U)liral, I. 335, e1 Acriol.l,
Memorias hist. du Bahia, J. 271.
ESQUISSE DE L HISTOIRE DU BRESIL. 153=
forçait le fort espagnol de Cerro-Largo à capituler (30 octobre),,
et que quelques volontaires brésiliens commandés par Santos
Pedroso et Borges do Ganto, faisaient hardiement la conquête des
Missions espagnoles de la rive gauche de l'Uruguay et de toute
la partie occidentale du Rio-Grande-du-Sud au nord du Quarahim.
Les traités de Badajoz (G juin 1801) et d'Amiens (25 mars 1802)
n'ayant stipulé aucune restitution de territoire, l'Espagne garda
la place d'Olivença dont elle s'était emparée en Europe, et le
Portugal conserva l'importante conquête qu'il venait de faire en
Amérique.
L'arrivée de la Famille de Bragance. Le Royaume du Brésil.
— Le Portugal était gouverné, depuis le 10 février 1792, par le
prince du Brésil, Dom Jean, régent du royaume au nom de sa
mère, la reine Dona Maria Ire. En 1807, Napoléon, allié à l'Espa-
gne, imposa au Portugal de rompre avec l'Angleterre, et le prince
régent dut céder, espérant ainsi gagner l'amitié et l'alliance du
vainqueur de l'Europe. Par deux décrets, datés du 25 octobre et
du 8 novembre 1807, Dom Jean adhéra au blocus continental et
ordonna la saisie des propriétés des Anglais en Portugal. Le
vicomte Strangford, ministre britannique à Lisbonne, demanda
ses passeports et se rendit (17 novembre) à bord de l'escadre du
contre-amiral sir Sidney Smith, qui venait d'arriver et qui
commença aussitôt le blocus du Tage. Presque toute l'armée
portugaise avait été distribuée sur les côtes pour s'opposer aux
attaques des Anglais1, lorsque le gouvernement du régent apprit
que les Espagnols et les Français venaient de franchir la frontière
et que Junot marchait rapidement sur Lisbonne2. La France et
l'Espagne, ce qu'on ignorait encore, avaient signé, le 27 octobre, le
traité de Fontainebleau, pour le partage du Portugal et de ses posses-
1. Cela est prouvé par plusieurs documents portugais et anglais. Voici
un passage de la dépêche du 1er décembre 1807 adressée par sir Sidney
Smith à W. W. Pôle : — « The distribution of the portuguese force was
made wholly on the coast, while the land side was left totally unguarded »
(Barrow, Life and correspondent of adm. Sir Sidney Smith, Londres, 1848
t. II, p. 266).
2. Cette nouvelle fut apportée à Lisbonne par le lieutenant-colonel Lecôr
(Charles-Frédéric), qui avait fait détruire le pont sur le Zezere, ce qui retarda
de deux jours la marche de Junot. Lecor, nommé colonel, puis général,
commanda une division dans l'armée de Wellington. En 1815 il passa au,
Brésil auquel il rendit de grands services pendant les guerres de la Plata et
de l'indépendance. Il fut créé baron de Laguna par Jean VI, et vicomte par
Pedro Ier.
154 LE BRÉSIL EN 1889.
sions. Lord Strangford et sir Sidney Smith entrèrent alors en corres-
pondance avec le gouvernement portugais, ei le prince régent,
conformément au conseil que l'Angleterre lui avait donné l'année
précédente, el d'accord avec ses ministres, qui considéraient la
résistance à l'invasion comme impossible en ce moment, se décida
à partir pour le Brésil. Une flotte uombreuse, accompagnée jusqu'à
Rio-de-Janeiro par quelques vaisseaux anglais, quitta Le Tage le
i2(.) novembre amenant la famille royale, la cour, les membres du
gouvernement el les fonctionnaires des principaux départements
de l'Etat. Le lendemain, Junot faisail son entrée à Lisbonne.
La famille royale arriva à Bahia Je ±1 janvier 1808 et y
séjourna plus d'un mois. Le 7 mars elle arrivait enfin à Rio-de-
Janeiro.
Ainsi fut réalisée parla force des circonstances cette transla-
tion de la cour portugaise au Brésil, tant de fois projetée: par
Jean IV dès le xvu'' siècle, par dom Luiz da Cunlia en 17l>(), par le
marquis de Pombal en 17G1. Les Brésiliens ont su comprendre
toute l'importance de cet événement, qui marquait la fin du
régime colonial et le commencement de leur indépendance
commerciale et politique. L'enthousiasme fut grand à Bahia et à
Rio. Dans celte dernière ville, au milieu des bruyantes ovations
de la foule, le prince-régent a pu entendre, dès le jour de son
débarquement, des enthousiastes qui l'acclamaient comme
ce empereur du Brésil. » Lui-même disait-dans son manifeste du
1er mai, adressé aux puissances amies, qu'il « élevait la voix
du sein du nouvel empire qu'il était venu créer. »
Un décret du 28 janvier, daté de Bahia, avait ouvert les prin-
cipaux ports du Brésil au commerce des nations en paix avec
le Portugal. Cette mesure, déjà arrêtée à Lisbonne dans les con-
seils du prince, fut vivement appuyée par le savant économiste
brésilien Joseph da Silva Lisboa (vicomte de Cayrû), alors profes-
seur Bahia, qui la défendit plus tard contre les plaintes des né-
gociants et des armateurs portugais mécontents de la destruction
de leur monopole commercial. Un autre décret du 1er avril abro-
gea la loi du 5 janvier 1785 qui avait ordonné la fermeture des
établissements de filature et de tissage ainsi que plusieurs autres
fabriques qui commençaient à s'établir au Brésil, et prononça la
liberté de l'industrie. Les étrangers furent admis à la propriété
foncière, des faveurs furent accordées aux industriels et aux
agriculteurs, et une banque de dépôt, d'escompte et de circula-
tion fut fondée à Rio. Dom Jean établit au Brésil les départe-
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRÉSIL. 155
monts, tribunaux et conseils que possédait l'ancienne métro-
pole, créa des écoles supérieures (à Rio et à Bahia), ainsi que
l'imprimerie royale, le journal officiel, la bibliothèque royale, le
pnuséum d'histoire naturelle et plusieurs jardins botaniques ; il
accorda au Brésil L6 décembre 1815) le titre de Royaume, — la
monarchie portugaise prenant celai de Royaume-Uni de Portugal,
du Brésil et des Algarves, — fit les premiers essais de colonisa-
tion étrangère en vue de l'abolition de la traite, appela plusieurs
Brésiliens à des situations importantes dans l'administration, fa-
vorisa les explorations scientifiques dans l'intérieur du pays *,
protégea les lettres et les arts, porta les limites du Brésil jusqu'à
la rive gauche de la Plata, par l'annexion de la Banda Orientale
de l'Uruguay, et commença l'œuvre de l'unification du Brésil par
l'établissement de communications entre Rio-de-Janeiro et les
provinces, dont la plupart étaient restées jusqu'alors étrangères
les unes aux autres. Le 20 mars 1816, devenu roi par la mort de
sa mère, il prit le nom de Jean VI. Plusieurs de ses ministres,
parmi lesquels le marquis d'Aguiar, le comte de Linhares, le
comte da Barca et Yillanova-Portugal, le secondèrent vivement
dans cette politique large et toute brésilienne, et se montrèrent
fiers de collaborer avec lui, à la fondation de l'empire sud-améri-
cain. Quoique la presse ne fut pas libre, on lisait presque partout
au Brésil le Correio Brazihense, revue très libérale publiée à
Londres (1808-1822) par le Brésilien Hippolyto da Costa Pereira.
De 1808 à 1814 un grand nombre de négociants anglais s'éta-
blirent dans les principales villes maritimes du Brésil. A la paix
générale, le décret du 18 novembre 1814 déclara que, à partir de
ce jour, les ports brésiliens étaient ouverts aux navires français.
En 1815 les premiers Français débarqués à Rio furent reçus avec
des acclamations par le peuple. En 1816 arrivèrent, sous la direc-
tion de Joachim Lebreton, de l'Institut, les artistes appelés par
Jean VI pour créer à Rio l'école des Beaux-Arts. C'étaient, entre
autres, les peintres Nicolas-Antoine Taunay et Jean-Baptiste
Debret, le sculpteur Auguste Taunay, le graveur Zéphirin Ferrez
et l'architecte Grandjean deMontigny.
Par le traité d'Amiens, du 25 mars 1802, le Portugal avait dû
abandonner ses droits sur la rive droite de l'Oyapock, acceptant
comme limite entre le Brésil et la Guyane française le cours de
1. Ces explorations ont été faites par Auguste de Saint-Hilaire, Spix et
Martius, le prince Maximilien de Neuwied, Pohl, Mawe, Esclrwege et plu-
sieurs autres savants étrangers.
156 LE BRÉSIL EN 1889.
l'Araguary el une ligne droite tirée de la source de cette rivière
jusqu'au Rio-Branco. Mais, l'empereur Napoléon ayant rompu ce
traité et envahi le Portugal, le général Magalhàes do Menezes, gou-
verneur du Par;'), annonça, par une proclamation (lep oct. 1808),
qu'il allait rétablir la frontière fixée par le traité d'Utrcclit, à la
rivière Oyapock ou Vincenl Pinson; puis, selon des instructions
nouvelles reçues de Rio, il déclara que L'expédition destinée à
l'Oyapock serait dirigée contre Cayenne.
Des troupes brésiliennes sous le commandement du lieu tenant-
colonel, bientôt général, Emmanuel Marques d'Elvas, partirent
du port, de Paré et de l'île <le Marajô sur une flottille organisée
par le gouverneur, et furent ralliées en route, au cap de Nord, par
deux bâtiments de guerre portugais et par une corvette anglaise,
dont le capitaine était James Lucas Yeo plus tard Sic James/1. Le
Ler décembre isos les Alliés occupèrent la haie de L'Oyapock et
le !."> ils s'emparèrent du poste fortifié de l'Approuague, au con-
fluent du Gourrouaïe ; puis, 550 soldais brésiliens, 20 marins
portugais et 80 anglais, débarquèrent le 7 janvier, avanl L'aube,
à l'entrée du Mahury sur la côte orientale de l'île de Cayenne,
et enlevèrent le même jour les batteries de Diamant, Dégras-des-
Cannes, Trio, cette dernière à l'entrée de la Crique -Fouillée, et
une quatrième batterie qui protégeait la maison de campagne du
gouverneur Victor Hugues, située sur le canal Torcy-. Le soir,
Victor Hugues essaya sans succès de reprendre la position de
Dt'gras-des-Canncs, défendue par Marques d*Elvas, et le lendemain
le capitaine Yeo reprit et incendia la maison du canal Torcy, qui
avait été occupée pendant la nuit par un détacbement français.
Les Alliés marchèrent i 8 janvier) sur Legrand-Beau-Regard,
ancienne habitation des jésuites, située sur une hauteur, et de là
ils envoyèrent un parlementaire à Victor Hugues, qui s'était
1. Corvette anglaise Confiance, 20 canons ; navires portugais bricks Voador
(cap. il'- frégate J.- A. Salgado) el Infante l)<>ni Pedro (cap. L. da Cunha Mo-
reira) 18 canons chacun: goélette Général Magalhàes, \± c. ; cuters Vingança
et Lcao, s canons chacun ; smack Paquete, 2 canons ; trois canonnières por-
tant chacune un canon, et plusieurs transports. Le -■> décembre te Paquete (cap.
.l.-.M. Pereira Pinto) prit la goélette la Petite Adèle, de 4 canons.
2. Ces fortifications étaient peu importantes: à L'Approuague il y avait un
seul canon, trois dans la batterie «lu Diamant, dont le commandant, le capi-
taine Chevreuil fut tué ;deux canons à Dégras-d es-Cannes ou Dégrad-Gannes ,
deux à Trio ; deux dans le canal Torcy, le 1 janvier, et deux petites pièces de
campagne le lendemain. Il y avait .il homme s au Dégras-des-Cannes et 50
dans chacune de- autres positions. La perte des Allies fut d'une quarantaine
d'hommes tués ou bli
ESQUISSE DU L'HISTOIRE DU BRÉSIL. 157
retiré d'abord sur le Moulin de Loyola, ensuite sur Gaycnne.
(tes pourparlers amenèrent La capitulation signée au Bourda, le
|2janvier, stipulanl que La colonie serait remise aux troupes du
prince du Brésil, que La garnison sortirait de Cayenne avec les
honneurs de La guerre et qu'elle serait transportée en France,
ainsi que tous les employés de la colonie et leurs familles, sur des
bâtiments portugais. Le li, les Alliés firent leur entrée à Cayenne1
et ce fut un officier brésilien, Cunha Morcira, capitaine du
brick Infante Dom Pedro, qui amena en France le gouverneur
Victor Hugues2. Le gouvernement militaire de la Guyane fut
confié à Marques cTElvas et le gouvernement civil au lieutenant-
colonel Pinto de Souza, d'abord, et ensuite, à partir du 19 juillet
1810, à un magistrat brésilien, Macielda Costa, « qui a laissé dans
la colonie, dit Ternaux-Gompans, une grande réputation de
capacité et d'intégrité. » « Il y fit régner, ajoute cet historien,
un ordre parfait, et introduisit de notables améliorations dans
toutes les branches de l'administration3. »
Au congrès de Tienne, alors que F Angleterre gardait ses
conquêtes coloniales4, le Portugal qui avait tant souffert pen-
dant les guerres de la République et de l'Empire français, et qui
1. Rapports de Marques d'Elvas, du 29 déc. 1808, daté de l'Approuague ;
du 21 janvier (deux), datés de Cayenne; du capitaine Yeo, du 26 décembre et 15
janvier ; Ratification conditionnelle de la capitulation par le général Magalhàes
de Menezes en date du 17 février ; plusieurs manuscrits brésiliens (parL. da
Cunha Moreira, Claudio Luiz da Costa, etc.) ; Baginsky, Ephémérides histo-
riques de la Guyane française, mus.. Selon les documents portugais et anglais
Victor Hugues, avait au moment de la capitulation, 593 hommes de troupes
réglées, 100 miliciens et près de 500 esclaves armés. Selon le capitaine de
frégate Bouyer {La Guyane Française, Paris, 1861, page 63), Victor Hugues
avait sous ses ordres 511 soldats européens, 200 miliciens et 500 noirs armés.
2. Cunha Moreira, depuis vicomte de Cabo-Frio, amiral et ministre de la
marine au Brésil, était uu natif de Bahia.
3. Ternaux-Gompans, Notice historique de la Guyane Française, Paris,
1843. — « L'ordre, l'économie, et le désintéressement », dit Vignal « prési-
dèrent à la conduite des agents du Gouvernement portugais... » Le passage
pu cet auteur fait l'éloge de l'administration brésilienne est trop long pour
que nous puissions le reproduire ici. Voir Coup d'œil sur Cayenne par Vignal,
Paris 1823, in-8°, page 40 et suivantes. — Maciel da Costa (Jean Severiano),
ii''' i Minas-Geraes, a été un des rédacteurs de la Constitution du Brésil et
un des plus illustres hommes d'État de ce pays. L'empereur Dom Pedro Ier
l'a nommé conseiller d'État et sénateur de l'Empire et lui a donné le titre
•de marquis de Queluz. 11 a été plusieurs fois ministre d'État et est mort
en 1833.
4. En ce qui concerne la Guyane Française, l'Angleterre a réclamé de la
France la somme de 74.523 liv. sterl., malgré la vente de plusieurs navires
français que Yeo envoya en Angleterre. Cette somme fut réduite à 250.000
francs par un arrangement avec Louis XV111.
I :. LE BRÉSIL EN L889.
avait pris une part si considérable dans les campagnes qui ame-
aèrenl la chute de Napoléon Ier 4, s'engageait, par l'article L07 de
inal du congrès 9 juin L815), « à restituer à sadi te Majesté
r\e POj de France) La Guyane Française jusqu'à La rivière d'Oya-
pock, dont L'embouchure est située entre Le quatrième et le cin-
quième degré de latitude septentrionale, limite que Le Portugal
a toujours considérée comme ••elle qui avait été fixée par Le
traité d'Utrecht ». Les plénipotentiaires français acceptèrent la
restitution en ces termes, qui précisaient d'une façon si claire la
limite maritime de L'Oyapock, mais la question ne fut pas tran-
chée, comme le croyaient les diplomates portugais. Les gouver-
nements de La Restauration, de Juillel et du second Empire renou-
velèrent les anciennes controverses, el ce différend n'a pas pu
être réglé jusqu'ici entre Le Brésil et la France.
La Guyane fut rendue à la France par les autorités brési-
liennes (21 novembre) à L'arrivée du général Carra Saint-Cyr,
gouverneur nommé par Louis W'Ill.
Aussitôt après son installation au Brésil, le Gouvernement
portugais avait eu L'intention d'occuper la rive gauche de la
Plata, de concert avec les Anglais qui devaient envoyer une nou-
velle expédition contre Buenos-Aires pour venger les deux échecs
qu'ils venaient de subir dans cette ville; mais l'insurrection des
;nols contre la domination française et leur alliance avec
L'Angleterre et le Portugal, firent abandonner ce projet. La prin-
cesse, puis reine, Dona Carlota, femme de Dom Jean VI, alors
prince régent, et sœur de Ferdinand VII, entama avec les auto-
espagnoles et avec plusieurs des partisans de l'indépen-
dance de l'Amérique-du-Sud des négociations qui contrecar-
rèrent souvent la politique du cabinet de Rio-de-Janeiro. En 1S10
la révolution de L'indépendance commença à Buenos-Aires par la
déposition des autorités espagnoles (25 mai) et une longue pé-
l. Peudant les campagnes de la Péninsule et du midi de La France 1808-
1S1V |, f0 mée portugaise a varié beaucoup. En L811 le Portugal
comptail « La masse srraimeni énorme pour sa population de 335.439 hommes
sous les armes » (Balbi, Essai statistique sur le royaume 'lu Portugal, Paris,
ISS2, i vol.. p Parmi les Brésiliens qui se sont illustrés dans cette
guerre pour l'indépendance du Portugal, nous citerons le savant minéralo-
Bonifacio de Ajidrada-e-Silva et les poètes Luis Paulino Pinto da
França el JoaquimJosé Lisboa. Le premier, qui devait être plus tard Le grand
ministre de L'indépendance brésilienne, a été major, puis lieutenant-colonel
d'un bataillon formé de professeurs et d'étudiants de l'université de Coùnbre
et drs écoles du pays. Pinto da França est mort général de l'armée portu-
gais
ESQUISSE DE L HISTOIRE DU BRESIL. 15$
riode de troubles, de révolutions et de guerres civiles, s'ouvrit
dans les provinces de la Plata. Dom Jean fit réunir aussitôt sur
les frontières du Elio-Grande-du-Sud une armée d'observation
composée des troupes réglées et des miliciens de cette province,
ainsi que de quelques régiments de Sainte-Catherine et de Sâo-
Paulo. Le capitaine-général du Rio-Grande-du-Sud, Dom Diogo
insa (depuis comte de Rio-Pardo), esprit éclairé et homme
d'une rare énergie, éleva cette armée au plus haut degré d'ins-
truction et de discipline et la prépara aux succès qu'elle obtint
dans les campagnes suivantes. En 1811 il ne restait aux Espa-
gnols, à la Plata, que la ville de Montevideo, assiégée par une
armée de Buenos- Aires et par celle des Uruguayens ou Orientaux,
ces derniers dirigés par José Artigas. A la demande du gouver-
neur espagnol et de Dona Carlota, Dom Jean se décida à inter-
venir pour combattre la révolution de l'indépendance. Le géné-
ral Sousa envahit la Banda Orientale de l'Uruguay (1811) et le
siège de Montevideo fut levé. Les Argentins se rembarquèrent
pour Buenos-Aires et Artigas fut forcé de se réfugier avec ses
troupes dans l'Entre-Rios et le Gorrientes. Déjà l'armée brési-
lienne se trouvait sur la rive gauche de l'Uruguay, prête à franchir
ce fleuve lorsqu'un armistice illimité fut signé à Buenos-Aires
(26 mai 1812) entre un envoyé spécial de Dom Jean et le gouverne-
ment révolutionnaire. Lord Strangford, ministre anglais à Rio-
de-Janeiro, avait obtenu la neutralité de Dom Jean dans la lutte
des peuples de la Plata contre l'Espagne, et le général Sousa,
dont les troupes avaient été partout victorieuses contre les bandes
indisciplinées d' Artigas, recevait l'ordre de suivre cette nouvelle
ligne de conduite et de repasser immédiatement la frontière du
Rio-Grande-du-Sud.
L'armée de Buenos-Aires revint alors assiéger Montevideo, et
en 1814 cette place capitula. Mais bientôt Artigas, très populaire
parmi les gauchos ou campagnards, de la Banda Orientale, de
l'Entre-Rios et de Gorrientes, se souleva, réussit à chasser les
troupes de Buenos-Aires et forma, avec les provinces de l'Uruguay,
une confédération dont il devint le chef absolu sous le titre de
« protecteur ». L'existence même du gouvernement argentin fût en
danger, car Artigas détacha de son obéissance deux autres pro-
vinces, Santa-Fé et Gordova. C'était le commencement de la longue
lutte entre les unitaires argentins, partisans d'une patrie grande
fortement constituée, et les fédéralistes dont la propagande ten-
160 LE BRÉSIL EN 1889.
dait à la dissolution nationale en soulevant contre L'hégémomie
.h1 Buenos-Aires les rivalités et les haines des provinces.
Deux émigrés politiques, Nicolas Berrera, Uruguayen, el le
généra] Carlos de Alvear, Argentin, solicitèrent L'intervention
du Brésil contre Artigas el l'occupation de la Banda Orientale de
l'Uruguay. L'agent du gouvernemenl de Buenos-Aires à Hio-de-
Janeiro, Manoel J. Garcia, approuvait cette intervention que le
marquis d'Alegrete, capitaine-général du Rio-Grande-du-Sud
conseillait, de son côté. Une division portugaise, sous la conduite
du lieutenant-général Lecôr (Charles-Frédéric), fut appelée au
Brésil et alla renforcer l'armée brésilienne déjà réunie à Rio-
Grande-du-Sud. Les hostilités s'ouvrirent en même temps sur
quatre points différents : la frontière du district des Missions
Brésiliennes (capitale Sâo Borja) où commandait le général
Chagas Santos, celle du Quarahim, défendue par l'armée brési-
lienne du général Curado, et les frontières de Cerro-Largo et de
Santa-Theresa. L'armée du général Le cor, composée de troupes
portugaises et brésiliennes, et destinée à occuper Montevideo, fut
divisée en deux colonnes: la principale, sous les ordres de Lecôr,
pénétra par Santa Theresa, longeant presque toujours la côte;
l'autre, sous le général Silveira, marcha par Cerro-Largo pour se
réunir près de Maldonado à Lecôr. Le principal effort d' Artigas,
dans le but d'empêcher le mouvement offensif de ces deux géné-
raux, fut dirigé contre le district des Missions et la frontière
du Quarahim. Ses troupes indisciplinées envahirent de ce coté
le territoire brésilien, mais avant leur concentration, elles furent
battues et repoussées devant Sâo Borja (3 octohre 1816) par José
de Abreu, sur ribiraocahy (19 octobre) par le général Menna
Barreto (Joào de Deos), à Garumbé (27 octobre) par le général
Oliveira Alvares, tous les trois appartenant à l'armée de Curado.
Cependant, Artigas ayant reçu des renforts de l'Entre-Rios et de
Corrientes et ayant réuni ce qu'il avait pu sauver des vaincus de
ces combats, réorganisa son armée, et l'envoya de nouveau, sous
la conduite d'Andrés Latorre, contre Curado, alors campé sur le
Catalan. Le 3 janvier (1817) Artigas, qui se disposait à rejoindre
Latorre, fut attaqué par Abreu dans l'Arapehy et mis en fuite; le
lendemain, le marquis d'Alegrete, capitaine-général du Rio-
Grande-du-Sud, et Curado remportaient sur Latorre la victoire
de Catalan. Cette bataille réduisit Artigas à se tenir sur la défen-
sive et à éviter pendant deux ans toute rencontre avec les Brési-
liennes et les Portugais.
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRÉSIL. 161
! _ ... alS bastien Pinto, qui commandait Tavant-garde de
L'armée de Lecdr, avait gagné sur la division de Fructuoso Rivera
la victoire d'iudia Bfuerta L9 novembre 181G). De son côté, la
colonne du général Siiveira, ayant repoussé les attaques de la
divisi' gués, à Pablo Paez 1 1 décembre), et de celle de Rivera
a Calera de Santa Lucia '3 janvier), faisait jonction, à Pan
d'Azucar, avec Lecdr, qui continuait sa marche sur Montevideo.
Cette ville fut alors évacuée par les troupes d'Àrtigas, et Lecdr y lit
- m entrée, accueilli comme un libérateur par la municipalité et les
habitants, le 20janvier 1817. La ville de Maldonado avait déjà fait
- omission à l'escadre portugaise, mais toute la campagne
continua sous la domination d'Artigas, qui employa quelques
troupes, sous la conduite de Rivera, au blocus de Montevideo. Vue
victoire remportée sur ce dernier par Lecôr à Paso de Cuello
18 mars 1817 , ne changea en rien la situation, car la force prin-
cipale d'Artigas consistait dans sa nombreuse cavalerie. Du côté
des Missions, le général Chagas Santos ravagea une partie du
Corrientes, mais il échoua dans une attaque contre AndrésTacuary,
dit Andrés Artigas ou Andrésito, qui s'était retranché à Apostoles
-2 juillet). Cet échec fut vengé par Ribeiro (Rento Manuel), de
l'armée de Curado, qui réussit à surprendre à Belen (15 septembre),
la division du colonel Berdun, le vaincu d'Ibiraocahy, et à amener
prisonnier ce chef et presque tous ses officiers.
A l'intérieur, une révolution républicaine et séparatiste, dirigée
par Domingos Martins, natif de FEspirito-Santo, éclata dans
la province de Pernambuco 1817). Elle ne rencontra pas un grand
nombre de partisans et fut promptement réprimée par une petite
armée composée principalement de miliciens de Bahia et de
FAlagôas. Treize des chefs de la révolution furent mis à mort.
Une entente secrète s'établit vers la fin de 1817 entre les
gouvernements de Rio-de-Janeiro et de Ruenos-Aires en vue des
opérations contre le général Artigas. De nouvelles troupes furent
envoyées, de Rio, de Sâo-Paulo et de Pernambuco, à Montevideo,
et deux expéditions partirent de Buenos-Aires pour soumettre la
province d'Entre-Rios, mais elles furent toutes les deux vaincues
par Ramirez, lieutenant d'Artigas (25 décembre 1817 ; 25 mars
L818). L'armée brésilienne de Curado marcha alors du Quarahim
(1818) pour opérer sur la rive gauche de l'Uruguay au nord du
Rio-Negro. Le 7 avril, une division de cette armée (Menna Bar-
reto remportait la victoire de Guabijùet forçait Artigas à aban-
donner le village de Purificacion, dont il avait fait sa capitale,
il
i.i. m; ÉS1 lin 1 889.
puisRibeiro Bento Manoel) franchissail l'Uruguay, s'emparait
Ltteries <■< m^t mil <-- dans l'Entre-Rios pour empêcher le
ye d'une Qotille portugaise [Calera de Barquin, Perrucho-
Vernael Paso de Vera , el mettait en fuite à Arroyo-de-la-China
la cavalerie de Ramirez. Dans les Missions de Corrientes, Ch
Santos s'emparait de San-Garlos (31 mars-3 avril), et, sur la rive
gauche de la Plata les Portugais occupaient Colonia (3 mai . Plu-
sieurs combats de cavalerie eurent alors lieu dan- la Banda-
Orientale. Le 4 juillet L818) Ribeiro (Bento Manoel) tomba a
l'improviste sur le campement de José Artigas à Queguay-Chico,
et dispersa complètement son armée ; mais bientôt ce général
organisait dans l'Entre-Rios et le Corrientes de nouvelles handes
armées pour envahir le Rlo-Grande-du-Sud. Andrés Artigas, à la
trie de quelques milliers de Guaranys et des troupes du Cor-
rientes, où il avait vaincu les partisans de Buenos-Aires et
issé l'attaque d'une Ûotille paraguayenne, franchit l'Uruguay
(25 avril L819), et s'empara facilement des petites villes povos
du district brésilien des Missions, celle de Sào-Borja exceptée.
L<> colonel Arouche, qui était alors le plus populaire el le plus
- lit parmi les jeunes officiers de l'armée brésilienne, essaya
prendre le bourg de Sâo-Nicolao, mais il fui repouss
péril dans ce combat (9 mai). Des renforts arrivèrent, conduits
par h é de Abreu (depuis baron de Serro-Largo), qui réussit
à écraser les envahisseurs au combat d*Itacoruby ((> juin 1819).
Quelques jours après, Andrès Artigas était fait prisonnier. Plu-
sieurs autres commandants, parmi lesquel Otorgués, furent pris
dans des combats moins importants, et le 28 octobre Ribeiro
Bento Manoel) gagnait sur Fructuoso Rivera la victoire d'Arroyo-
Grande.
José Artigas avait envoyé Ramirez, gouverneur de l'Entre-
Rios, et Estanislâs Lopez, gouverneur de Santa-Fé, contre
Buenos-Aires, et ces deux caudilhos réussirent à vaincre ses
,id\ i renverser le gouvernement de la Républiqu
entrer dans la capitale ; en même temps il envahissait pour la
troisième fois la province brésilienne de Rio-Grande-du-Sud, rem-
portait une victoire sur Abrcu près de Flbirapuilan (14
décembre L819 , et étail enfin repoussé par ce général, déjà
réuni au général Camara, sur le Santa-Maria (17 et 27 décembre).
Le comte de Pigueira, capitaine-général du Rio-Grande-du-Sud,
étant accouru avec de nouvelles troupes qui se réunirent à
\breu et Camara, poursuivit l'armée ennemie, et celle-ci
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRESIL. 163
lui entièrement détruite à la bataille de Taquarembd (22 jan-
vier L820). Artigas espérait encore continuer la résistance dans
l'Entre-Rios et Le Corrientes, mais Ramirez, fier de sa victoire sur
Buenos-Aires, se révolta contre Lui, et, après plusieurs combats,
Le força à se réfugier au Paraguay, où il fut arrêté et interné à
Guruguaty par Le dictateur Francia*.
La Banda Orientale s'unit par fédération au Royaume du
Brésil, prenant le nom d'État Gisplalin (31 juillet 1821).
L'indépendance et le règne de l'empereur Dom Pedro Ier.
— En 1820, le régime constitutionnel fut proclamé par les Por-
tugais et des Cortès constituantes furent convoquées à Lisbonne.
Jean VI accepta à Rio le nouvel ordre de choses (26 février 1821)
après l'adhésion de Para et de Bahia à la Constituante, et dans
presque toutes les provinces brésiliennes des comités de gouver-
nement remplacèrent l'autorité des anciens capitaines-généraux.
Rappelé en Europe par les Cortès, le roi se résigna enfin à partir,
mais, en quittant Rio-de-Janeiro (26 avril), il y laissa comme
régent du Royaume du Brésil son fils aîné, le prince royal Dom
Pedro, avec un ministère dont le comte dos Arcos était le membre
le plus influent.
Les Cortès de Lisbonne suivirent à l'égard du Brésil une poli-
tique contraire à celle que le roi avait adoptée : elles votèrent la
suppression des écoles et des tribunaux supérieurs, ordonnèrent
la dissolution du gouvernement central de Rio, le rappel de Dom
Pedro, et cherchèrent à rompre l'unité brésilienne par le rattache-
ment direct de chaque province à la métropole, malgré l'opposition
des députés de plusieurs provinces du Brésil, surtout de ceux de
Sâo-Paulo, Rio, Bahia et Pernambuco, ayant à leur tête Antonio
Carlos de Andrada, Villela Barbosa (depuis marquis de Paranaguâ)
et Lino Coutinho. La désunion des provinces avait été déjà obte-
nue en partie par l'installation des comités provinciaux de
gouvernement. L'autorité du régent ne s'étendit bientôt que
sur Rio-de-Janeiro et les provinces méridionales et centrales ;
même dans plusieurs de ces provinces il rencontra quelques
résistances de la part des comités, qui presque tous voulaient
jouer un rôle indépendant. Mais les décrets des Cortès finirent
1. Artigas fut mis en liberté quelques années plus tard, mais il n'a
jamais voulu retourner dans son pays. Il est mort à l'Assomption le 23 sep-
tembre 18oÛ (et non en 1826 comme Ta dit un grand ouvrage en voie de
publication à Paris). 11 était né à Montevideo le 19 janvier 1764 (et non en 1746).
164 LE BRÉSIL EN 1SS9.
par produire un mouvement presque général en faveur de l'au-
tonomie brésilienne, qu'on pensait d'abord pouvoir concilier
avec l'union des deux Royaumes, moyennant la création d'un
Parlement siégeant au Brésil. Le 9 janvier L822, Dom Pedro
répondit à une démarche de la population de Rio et de Sâo-Paulo
en déclarant qu'il resterait dans le pays, força les troupes portu-
gaises qui voulaient s'opposer à cette résolution à s'embarquer
pour le Portugal, et forma un nouveau ministère 16 janvier) avec
José Bonifiacio d'Andrada, qui s'associa, quelques mois après,
son frère Martim-Francisco d'Andrada. Bientôt il accepta le titre
de « Défenseur perpétuel du Brésil » (13 mai), et, sur les conseils
<le Lédo, alors chef du parti libéral à Rio, de Cunha Barbosa et
de Clémente Pereira (les deux premiers, rédacteurs du Reverbero
Constitucional)) il convoqua à Rio une Assemblée constituante
(décret du 3 juin). Il se trouvait en voyage lorsque, sur La plaine
de PYpiranga, près de la ville de Sâo-Paulo, un courrier, expédié
de Rio par José Bonifacio, le rejoignit avec des lettres annonçant
iscussions orageuses aux Cortès de Lisbonne et plusieurs
décisions prises par celle assemblée, notamment celle qui ordon-
nait des poursuites contre les membres du cabinet de llio-de-
Janeiro. Le prince, entouré des personnes de sa. suite et des offi-
ciers et soldats de sa garde d'honneur, proclama alors l'indé-
pendance du Brésil (7 sept. 1822), et, arrivé à Rio, il fut acclamé
empereur constitutionnel (12 oct.).
Les troupes portugaises avaient été forcées de quitter Pernam-
buco dès 1821. A Bahia, le général Madeira, ayant sous ses ordres
une armée et une escadre nombreuses, résista plusieurs mois au
siège des Brésiliens, dirigés, d'abord, par le général Labatut,
ensuite par J.-J. de Lima-e-Silva. Deux attaques des Portugais,
l'une contre les positions de Pirajâ (8 nov. 1822), l'autre contre
l'île d'Itaparica (6janv. 1823), furent repoussées. La disette était
déjà grande dans la ville lorsque l'escadre brésilienne, sous le
commandement de lord Cochrane, arriva pour bloquer le port.
Le 2 juillet Madeira se rembarqua pour Lisbonne, mais une partie
des transports qui conduisaient ses troupes furent capturés par
l'escadre impériale. Les Portugais qui occupaient les villes de
Sùo-Luiz do Maranhâo et de Para firent leur soumission à l'arrivée
de quelques navires de lord Cochrane (28 juillet et 11 août 1823).
Dans l'intérieur, le commandant Fidié, après une longue résis-
tance, capitula à Caxias (1er août); à la Plata, le général portugais
Macedo, assiégé dans la ville de Montevideo par Lecér, qui avait
ESQUISSE DE i/lIlSTOIRE DU BRÉSIL. 165
le commandement des Brésiliens, capitula (18 nov.), ayant vu ses
navires repoussés dans une attaque (21 oct.) contre la division
navale brésilienne (commandant Pedro Nunes) qui était venue
bloquer le port.
Le ministère Andrada, qui, par son énergie, a rendu de grands
sen ices à la cause de l'indépendance, sévit rigoureusement contre
tous ceux qui étaient soupçonnés d'être contraires à la monar-
chie et à l'union des provinces, supprima en fait tous les journaux
d'opposition, et poursuivit ou exila un certain nombre de libé-
raux, parmi lesquels Lédo, élu député à la Constituante, Cunha
Barbosa et Clémente Pereira l. A la Constituante, qui se réunit
le 3 mai 1823, cette politique fut blâmée par plusieurs députés.
Le 2 juillet, le ministère subissait un échec dans l'élection du
bureau de l'assemblée, et, deux jours après, la cour d'appel
acquittait les inculpés politiques de Rio. L'empereur ayant mani-
festé l'intention d'arrêter les procès politiques à Sao-Paulo, les
Andradas donnèrent leur démission2, et le ministère Carneiro de
Campos (marquis de Caravellas) fut organisé (17 juil. 1823). Mais
la discussion du projet de Constitution traînait en longueur,
l'opposition augmentait, et la majorité décida, contre le vote du
ministère, que toutes les lois votées par l'Assemblée seraient
promulguées sans la sanction de l'empereur. La liberté de la
presse ayant été rétablie, plusieurs journaux de l'opposition
commencèrent à exciter les haines de la population contre les
natifs du Portugal qui avaient adhéré à l'indépendance. Les
séances delà Constituante devinrent orageuses, et dom Pedro Ier?
formant un nouveau ministère avec Villela Barbosa (marquis
de Paranaguâ)3, prononça la dissolution de la Constituante (12
novembre), mesure déjà conseillée par José Bonifacio d'Andrada,
qui, maintenant dans l'opposition, fut exilé à son tour, avec ses
frères et quelques uns de ses partisans.
Dom Pedro prépara, à l'aide de son conseil d'État (J.-J. Carneiro
de Campos4, Villela Barbosa, Maciel da Costa, Carvalho-e-Mello,
et plusieurs autres), une Constitution dont les municipalités
1. Lédo se réfugia à Buenos-Aires ; Clémente Pereira, Cunha Barbosa et
le général Xobrega furent déportés en France. Ils quittèrent Rio sur un navire
français à destination du Havre (20 déc. 1823).
2. Porto-Seguro, Historia da Independencia, Mus. (Détails fournis à son
gouvernement parle chargé d'affaires d'Autriche).
3. Né à Rio, le 20 novembre 1769 ; décédé à Rio, le 11 septembre 1846.
4. Né à Bahia, le 4 mars 1768 ; mort à Rio, le 8 septembre 1836.
166 LE BRÉSIL EN I
demandèrenl l'adoption, sans qu'une seconde Constituante fût
réunie. En conséquence, le serment d'obéissance à cette Consti-
tution rai prêté le 25 mars l<S2i.
Une insurrection républicaine et fédéraliste éclata dans les
provinces «lu nord, de Pernambuco à Cearé (juillet 1824), au
moment où une grande expédition portugaise se préparait contre
le Brésil. Cette révolte fut promptement réprimée (sept.-novembre)
par le général F. de Lima-e-Silva e\ Les partisans de l'union. A
Pernambuco, ces derniers étaient dirigés par laies Barre to, créé
marquis de Ilecife. Seize des révolutionnaires, parmi lesquels le
Père Caneea, furent condamnés el exécuti
Par le traité du 29 août 1825, conclu entre le Brésil et le
Portugal, avec la médiation de ^'Angleterre, et grâce aux conseils
de Canning, l'indépendance du Brésil fut reconnue.
Une révolution, organisée à Buenos-Aires par Lavalleja, éclata
en 1825, dans la Panda Orientale, devenue province Cisplatine après
la constitution de l'empire. Les Brésiliens, qui n'y avaienl ;
qu'un 1res faible corps de troupes, commenceront par une victoire
peu importante à Arbolito (3 sept.), mais bientôt une grande partie
de leur cavalerie fut détruite dans une surprise à Rincon (24 sept.)
et au combat de Sarandy (12 oct.), engagé imprudemment par
Ribeiro (Bento Manoel) et Bento Gonçalves contre toute l'armée
des Uruguayens révoltés. Les Brésiliens restèrent dès lors réduits
aux places de Montevideo et de Colonia, et le gouvernement de
Buenos-Aires déclara cette province incorporée au territoire de
la République. L'escadre impériale commença les hostilités par
le blocus des côtes de Buenos-Aires. L'amiral argentin Brownfut
repoussé par l'amiral brésilien Rodrigo Lobo, le 9 février 1826, puis
il subit des pertes très grandes en attaquant Colonia (20 fév.-13
mars), défendue parle général Rodrigues l. Plusieurs autres enga-
gements eurent lieu, en 1820, entre les forces navales brésiliennes
et argentines les uns sans résultat, les autres favorables aux
premières. Le plus important fut le combat du 30 juillet,
gagné sur Brown parle commandant brésilien Norton. En 1827,
deux expéditions que la marine impériale fit sur le Ûeuve
Uruguay (commandant Sena Pereira) et en Patagonie (comman-
dant Sbepbcrd) furent anéanties près de l'île de Juncal (8-0 fév. .
par Brown, et dans le Rio Negro de Patagones (7 mars), par <le-
l. Manoel Jorge Rodrigui s, créé en L840 baron de Taquary après la ba-
taille '!'■ ce nmii contre les séparatistes du Rio-Grande-du-Sud.
ESQUISSE DE L HISTOIRE DU BRESIL. 167
corsaires sous La conduite de Bysson. Sur terre, le général brési-
lien marquis de Barbacena, ayant attaqué avec des forces infé-
rieure l'armée du général Alvear, fut repoussé à la bataille
d'Ituzaingo ^20fév.). Peuaprès, L'amiral brésilien Pinto Guedes,
baron do Elio-da-Prata, remportait sur Brown la victoire de Monte
Santiago (7-8 avril). Cette guerre que les fautes du gouvernement
et des généraux et, surtout, L'esprit de parti d'un grand nombre de
membres de l'opposition, rendirent impopulaire au Brésil, se ter-
mina parl;> convention du 27 août 1828 conclue sous la médiation
de L'Angleterre : le Brésil et la République Argentine renoncèrent
à la province qu'ils se disputaient, et y créèrent la République
Orientale de l'Uruguay, que plus tard le Brésil défendit contre
L'ambition du dictateur Rosas.
Par la mort de Jean VI (1826), l'empereur Dom Pedro Ier était
devenu en même temps roi du Portugal. Il donna une Charte
constitutionnelle à ce royaume, puis il s'empressa d'abdiquer la
nouvelle couronne en faveur de sa fille Dona Maria II.
Les Chambres brésiliennes, créées par la Constitution, se
réunirent pour la première fois en 1826, et pendant tout le règne
de Dom Pedro Ier l'opposition, composée de libéraux monar-
chistes, partisans du parlementarisme anglais, de quelques fédé-
ralistes et républicains, se trouva en majorité à la Chambre des
députés. On faisait au Brésil les premiers essais du système re-
atatif, et si l'empereur était jeune, inexpérimenté et impé-
tueux, on peut dire aussi que les partis et la presse avaient
encore à faire leur éducation politique. Le ministère Paranagua,
qui était au pouvoir depuis 1823, celui du vicomte de Sâo Leo-
poldo qui lui succéda (16 janvier 1827), se composaient seulement
nateurs ou d'hommes n'appartenant pas au Parlement.
Le 20 novembre 1827 l'empereur forma enfin un ministère
parlementaire avec le député Araujo Lima (marquis d'Olinda) ;
mais dom Pedro, ayant congédié son ministre de la guerre
à la suite d'une révolte de quelques régiments étrangers à Rio,
révolte énergiquement étouffée, les députés faisant partie du
ministère donnèrent leur démission. Deux des membres les plus
influents de la Chambre, Costa Carvalho et Vasconcellos, ayant
refusé d'organiser un nouveau cabinet, cette mission fut confiée
au député Clémente Pereira (15 juin 1828) que les libéraux aban-
donnèrent aussitôt. Ce ministère et celui de Paranagua,
qui lui succéda (4 décembre 1829), rencontrèrent une vive oppo-
sition à la Chambre et dans la presse. L'arrivée de l'escadre du
li. s LE BRÉS1 l. i:\ 1 s 8 9.
baron Roussin L828 , envoyée par Charles X pour réclamer quel-
ques uavires français que le- Brésiliens avaient capturés pen-
dant 1»' blocus de l.i Plata, «'i La nécessité nu le gouvernement im-
périal se trouva di1 cédera cette injonction, ûrenl grand tortàl'em-
pereur, ci augmentèrent considérablement l'irritation populaire.
La révolution de l<s:;n en France vint passionner L'opinion, et la
chute de Charles X fut célébrée presque partout, an Brésil, par
<le^ réjouissances publiques. Plusieurs journaux nouvellement
créés, à Rio et dans les provinces, commencèrent à prêcher, les
uns le fédéralisme et d'autres la répuhlique. Aux élections de
1830 ces deux partis firent passer plusieurs de leurs candidats.
En 1831 quarante- quatre nouveaux journaux furent créés à Rio.
Tous les ministres, tous les sénateurs qui se montraient dévoués
à l'empereur étaient présentés comme des partisans de l'abso-
lutisme. VAurora Fluminemey fondé en 1827 par Evaristo da
Veiga, était le plus inlluent et le mieux écrit des journaux d'oppo-
sition. Le 19 mars 1831, Dom Pedro l°r, dont le plus plus grand
défaut était d'être né en Portugal, essaya de gouverner avec un
ministère libéral (F. Carneiro de Campos). Mais les haines entre
Brésiliens et Portugais étaient trop vives à cette époque pour
que la concorde s'établit. Ces derniers ayant fait des manifes-
tations impéralistes, des conflits sanglants curent lieu dans les
rues. L'empereur forma alors un cabinet composé seulement de
sénateurs (Paranaguâ). Un mouvement populaire, appuyé par la
défection d'une partie des troupes, eut lieu. On réclamait le
retour du ministère congédié (G avril 1831). Fatigué de cette
opposition, et désireux de venir soutenir en Europe les droits de
sa fille contre l'usurpateur Dom Miguel, Dom Pedro Ier, qui, il y
avait (|iielques jours, avait déjà annoncé à ses conseillers d'État
sa résolution d'abdiquer1, ne voulut pas céder devant les révoltés.
11 abdiqua donc en faveur de son fils (7 avril 1831) et partit pour
l'Europe où il parvint, avant de mourir à l'âge de trente-six ans
(1834 . à établir le gouvernement constitutionnel et à assurer le
trône du Portugal à sa fille, après une lutte à laquelle il prit part
personnellement avec un héroïsme devenu légendaire dans ce
pays.
Régne de l'empereur Dom Pedro II. — Dom Pedro II, son
fils et son successeur sur le trône du Brésil, était âgé de cinq ans.
i. Vicomte de Sao-Leoi>ou>o, Memorias.
ESQUISSE DE L'ilISTOIRE DU BRÉSIL. 169
ÇJne régence gouverna l'empire jusqu'en 1840. Elle se composa
d'abord de trois membres : les sénateurs marquis de Caravellas
(J.-J. Carneiro de Campos) et Vergueiro, ainsi que le général
François de Lima-e-Silva, formèrent la régence provisoire jus-
qu'au 17 juin 1831; ce dernier, avec les députés Costa Carvalho
et Braulio Muniz, la régence définitive qui gouverna jusqu'au
L2 octobre 1835. Après l'Acte additionnel, il n'y eut plus qu'un
régent unique (1835-1840). Ce fut une époque de troubles. Les
partisans du fédéralisme et les réactionnaires, partisans de
dom Pedro I", agitèrent les provinces et tentèrent plusieurs
fois de renverser le gouvernement de la régence. La guerre
civile ensanglanta le Cearâ (1831-32), Pernambuco (1832-35),
le Para (1831-33, 1835-37), Bahia (1837-38), le Maranhào (1838-41),
le Ilio-Grande-du-Sud (1835-45), et plusieurs autres provinces.
Le parti libéral monarchiste (libéral moderado), dont Evaristo
da Veiga et Vasconcellos1 devinrent les principaux directeurs,
garda le pouvoir depuis 1831 jusqu'en 1837, et eut à lutter
contre les fédéralistes, qui étaient presque tous républicains
(parti libéral exaltado), et les réactionnaires (parti restaurador ou
Caramurû) dont les frères d'Andrada, rentrés de l'exil en 1828
et reconciliés avec Dom Pedro Ier, devinrent les principaux con-
seillers. Ce dernier parti demandait le retour de Dom Pedro Ier
comme régent; mais ce prince, sollicité à Lisbonne par Antonio
Carlos d'Andrada, en 1833, refusa2. Le député Feijô3, devenu mi-
nistre le 4 juillet 1831, étouffa énergiquement toutes les révoltes
suscitées à Rio par les deux partis d'opposition. Aux troupes in-
disciplinées, qui avaient profité des mauvais exemples de quel-
ques-uns de leurs chefs, et que ceux-ci ne pouvaient plus con-
tenir, il opposa la garde nationale créée par la loi du 18 août
1831 ; aux clubs fédéralistes, Evaristo da Yeiga opposa la « So-
ciété des défenseurs de la liberté et de l'indépendance nationale »
(Sociedade defensora), vaste organisation qui a eu une grande in-
fluence dans la marche des événements politiques du Brésil.
C'est à cette époque (1832), qu'Auguste de Saint-Hilaire traçait
un sombre tableau des maux que les discordes produisaient sur
1. Evaristo da Veiga, né à Rio le 8 octobre 1799, y est mort le 12 mai 1837.
Bernado de Vasconcellos était né à Ouro-Preto le 27 août 1795. Il est mort à
Rio le lor mai 1850.
2. Porto Seglro Hisl. da Indep., mns.
3. Diogo Feijô, né à Sâo-Paulo en 1784 ; mort dans la même ville le
10 novembre 1843.
170 LE BRÉSIL EN 1889.
les bords de l'Uruguay. •■ C'était naguère un*' des plus belles
contrées de T Amérique méridionale. Ses habitants voulurenl se
fédérer et commencèrenl par se désunir : chaque village, chaque
hameau prétendit faire sa patrie à part ; d'ignobles chefs s'ar-
mèrenl de Ions côtés ; la population lui dispersée ou anéantie...»
et, à propos du Brésil qu'il « aimait presque à l'égal de son pays .
et qu'il comparai! aux États-Unis, prospérant sous le régime
fédéral, il écrivait : « L'union américaine, et, surtout, L'esprit qui
anime les Américains, tendent à rendre chaque jour plus com-
pacte la société qui a formée ce peuple, ou, du moins, celle qui
se forme dans chaque province. Les Brésiliens, au contraire, ne
sauraient établir chez eux le système fédéral sans commencer
par rompre les faibles liens qui les unissent encore. Impatients
de toute supériorité, plusieurs chefs hautains de ces patriarchies
aristocratiques dont le Brésil est couvert, appellent sans doute Le
fédéralisme de tous Leurs vœux; mais que les Brésiliens se tien-
nent en garde contre une déception qui les conduirait à L'anar-
chie et aux vexations d'une foule de petits tyrans, mille fois plus
insupportables que ne l'est un seul despote l. »
Pour donner satisfaction aux libéraux monarchistes, parti-
sans de l'autonomie provinciale, des réformes constitutionnelles
(Acte additionnel) furent votées en 1834. Les fédéralistes deman-
dèrent alors que les présidents de province fussent choisis
par les provinces elles-mêmes ou nommés par le gouvernement
central sur des listes de trois noms présentées par les assemblées
provinciales; mais la majorité- eut la sagesse de repousser ces
propositions (12 juillet), qui auraient brisé l'unité nationale et
seraient devenues la cause de luttes semblables a celles qui ont
entrave les progrès de plusieurs Etats hispano-américaii
Après la réforme constitutionnelle, Feijé fut élu régent de
l'empire, qu'il gouverna depuis le 12 octobre 1835. Avant son
élection, le Gearé avait déjàété pacifié en 1832 à là suite du
combat de Missào Velha, et Pernambuco,en 1835, grâce à L'inter-
vention de L'évêque Perdigào. Le régent Feijé, à son tour, réussit
1. An., de Saint-Hilaire, l'n'iis de l'histoire des révolutions de l'Empire du
Brésil, faisant suite à son \'<>'/'/r/e dans le district des Diamants, Pari-.
2. 62 voix contre 2">. La majorité a été formée surtout par les députés
de Rio il'- Janeiro, Sâo-Paulo <■! .Minas. Parmi les députés qui repoussèrenl
ces propositions Be trouvaienl Evaristo da Veiga, Vasconcellos, Carnein
Paranâ), Araujo Lima Olinda), Custodio Dias, Alvares Machado, Rodrigues
Torres (Itaborahy .
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRÉSIL. 171
à rétablir l'ordre dans le Paré par l'action énergique du général
Andréa (1836); mais une révolution, dirigée par le colonel Bento
Gonçalves, éclata dans le Rio-Grande-du-Sud (20 septembre 1835)
et le fédéralisme y dégénéra en guerre séparatiste.
La mort du duc de Bragance(dom Pedro Ier) à Lisbonne, le
24 septembre 1834, amena la transformation dos partis politiques
brésiliens. Le plus grand nombre des réactionnaires se réunirent
à l'opposition parlementaire qui se forma en 1836 dans les rangs
du parti libéral monarchiste, dont les membres les plus influents
étaient Araujo Lima, Bernardo de Vasconcellos, Carneiro Leâo,
Rodrigues Torres, Paulino de Souza et Calmon. Cette fusion
donna naissance au parti qui depuis lors prit le nom de conser-
vateur, et qui triompha aux élections de 1836.
Le 19 septembre 1837, Feijô démissionna et confia la régence
au chef de l'opposition, Araujo Lima3, que les électeurs, quel-
ques mois après, confirmèrent dans ce poste. Cinq ministères
conservateurs se succédèrent depuis le 19 septembre 1837,
jusqu'au 23 juillet 1840 : ceux de Vasconcellos (19 septembre), de
François de Paul d'Almeicla-e-Albuquerque (16 avril 1839),
de Alves Branco, depuis vicomte de Caravellas (1er septembre
1839), de Lopes Gama, depuis vicomte de Maranguape (18 mai
1840) et de Vasconcellos (22 juillet 1840), qui n'a duré que
quelques heures. Une révolte militaire et séparatiste, qui
éclata en 1837 dans la ville de Bahia (7 novembre), fut étouffée
par la garde nationale et les volontaires de celte province,
qui assiégèrent aussitôt la capitale, et par quelques troupes
arrivées de Pernambuco et de Rio, sous la conduite du général
Callado. La ville fut prise après un combat sanglant (13-15 mars
1838), et l'ordre fut plus ou moins assuré partout, excepté dans
le Rio-Grande-du-Sud, où les séparatistes remportèrent en 1838
plusieurs avantages, et, sous la conduite de Canavarro et de
Garibaldi, s'emparèrent (juillet 1839) d'une partie de la province
de Sainte-Catherine. Us en furent chassés quelques mois après
(novembre) par le général Andréa et par Mariath, commandant
de la flotiile impériale en opérations dans cette partie de l'Empire.
Depuis 1836, toute l'histoire politique du Brésil se résume
dans la lutte des deux grands partis constitutionnels, le conserva-
teur et le libéral. La Chambre des députés, conformément à la
3. Pedro de Araujo Lima, depuis marquis d'Olinda ; né à Engenho Antas,
près Serinhaem (Pernambuco), le 22 décembre 1793 ; mort à Rio, le 7 juin 1870.
172 LE BRÉSIL EN L 889.
doctrine défendue par Vasconcellos, devint prépondérante à
partir de 1831. Un projel de loi interprétatif de l'Acte additionel,
ayanl pour but de mieux fixer Les attributions des législatures
provinciales et de mettre an terme aux empiétements de ces
assemblées sur les attributions du pouvoir central ou sur l'auto-
nomie communale, fut discuté pendant les sessions parlementaires
de 1838 à L840, et adopte seulement dans cette dernière année
(loi du L2 mai 1840).
L'opposition libérale commença à demander, en 1840, ladécla-
ration de la majorité du jeune empereur, qui n'avait alors que
quinze ans. Ilollanda Gavalcanti vicomte d'Albuquerque), les deux
frères Andradas (Antonio Carlos et Martim Francisco)* et Alvares
Machado se mirent à la tête de cette agitation ; plusieurs conser-
vateurs, comme le marquis de Paranaguâ (Villela Barbosa), se
rallièrent à cette opinion, qui était devenue celle de la grande
majorité de la nation devant l'insuccès des gouvernements électifs
à maintenir l'ordre public et l'union des provinces, et le 23 juillet
l'empereur fut déclaré majeur par les deux Chambres réunies en
Assemblée générale.
Dom Pedro II commença son gouvernement avec les libéraux
(Ilollanda Cavalcanti et les Andradas) ; puis, du 23 mars 1841 au
2 février 1844, il gouverna avec les ministères conservateurs du
marquis de Paranaguâ (23 mars 1841) et de Carneiro Leao (20jan-
vier 1843). Le Maranhao fut pacifié par le général L.-A. de
Lima-e-Silva (1841), créé baron, puis comte, marquis et duc de
Caxias ; mais une autre révolution éclata bientôt dans les provinces
de Sâo-Paulo et de Minas-Geraes (1842). L'ordre fut rétabli par ce
même général après la bataille de Santa-Luzia (20 août).
Le cabinet Carneiro Leào ayant présenté sa démission par
suite du manque d'accord avec l'empereur, et un autre chef con-
servateur, Costa Carvalho, s'étant excusé de former un nouveau
ministère, cette mission fut confiée (2 février 1844) à un libéral,
Almcida Torres (vicomte de Macahé).
Les libéraux gouvernèrent jusqu'au 29 septembre 1848 avec
le cabinet du 2 février 1844 et ceux du 5 mai 1846 (vicomte d'Albu-
querque), du 22 mai 1847 (Alves Branco, vicomte de Caravellas),
du 8 mars 1848 (vicomte de Macahé) et du 31 mai de la même
année (Paula-e-Souza). La guerre civile du Rio-Grande-du-Sud,
qui avait duré dix ans, fut terminée le 1er mars 1845 par le général
1. L'ainé, José Bonifacio de Andrada-e-Silva, était mort a S. Domingos,
faubourg de Nictheroy, le 6 avril 1 838. Il était né à Santos, le \:i juin 1763.
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRÉSIL. 172
de Caxias, et cette même année, alors que, tout le pays étant
pacifié, lf gouvernement impérial aurait pu commencer à s'occuper
uY la répression de La traite des noirs, qui se faisait par contre-
bande sur les côtes de l'empire depuis que la loi du 4 novembre
IS;U avait défendu cel odieux commerce, l'Angleterre est venue
rendre la situation plus difficile en humiliant le Brésil par le vote
du bill Aberdeen, D'après cette nouvelle loi anglaise les négriers
et les ua\ ires suspects de s'employer à la traite devaient être cap-
turés par la marine royale, même dans les eaux territoriales de
l'empire, et seraient justiciables des tribunaux anglais. L'exécu-
tion du bill Aberdeen et les violences pratiquées sur les cotes du
Brésil par les croiseurs anglais, soulevèrent dans le pays un
sentiment général d'indignation, dont les négriers profitèrent : le
chiffre des Africains introduits annuellement au Brésil tripla dans
la période de 1816 à 1850 *.
Le 27 septembre 1848, les conservateurs revinrent aux affaires
avec le ministère du marquis d'Olinda. Une nouvelle révolution
éclata à Pernambuco, dirigée par les députés du parti libéral de
cette province. Plusieurs combats eurent lieu, et le 2 février 1848
l'armée révolutionnaire, par un mouvement rapide, essaya de
s'emparer de la capitale, Recife, que l'énergique président Tosta
f marquis de Muritiba) sut défendre avec des volontaires et des
gardes nationaux, appuyés par des troupes de la marine. L'arrivée
de la petite armée du général Goelho au milieu du combat assura
la victoire du gouvernement.
Ce fut la dernière révolution tentée au Brésil. Elle eut comme
résultat d'augmenter énormément dans toutes les provinces la
force du parti conservateur, car les classes éclairées, et la popula-
tion en général, étaient lasses de toutes ces agitations et de ces
guerres intestines.
Pendant le règne de Dom Pedro II, la répression des révoltes
a été suivie toujours d'une amnistie2.
1. Africains débarqués au Brésil pendant les cinq années qui ont précé-
dées le bill Aberdeen : 1840 : 30.410 ; — 1841 : 16.000 ; — 1842 : 17.435 ; —
1843 : 19.095 ; — 1844 : 22.849 ; — 1845 : 19.453.
Après le bill Aberdeen et avant la loi Eusebio de Queirôs : 1845 : 50.324 ;
— 1847 : 5G.172 ; — 1848 : 60.000 ; — 1849 : 54.000 ; — 1850 : 23.000.
Après la loi Eusebio de Queirôs (1850) : 1851 : 3.287 ; — 1852 : 700 ; de
1853 à 1856, les deux dernières tentatives d'introduction d'esclaves, 512.
2. Un républicain français, Charles Ribeyrolles, émigré du 2 décembre
écrivait en 1859 : « Au Brésil, depuis des années, il n'y a plus ni procès poli-
tiques, ni prisonniers d'Etat, ni procès de presse, ni conspiration, ni trans-
1 ; | LE BRÉS IL EN L8€
Le marquis cTOlinda, en divergence d'idées avec Lous
collègues el avec L'empereur au sujet de La politique à suivre vis-
à-vis du dictateur argentin Elosas, quitta Le cabinet (6 octobre
1849) el fui remplacé dans La présidence du conseil par Le
marquis de Monte-Alegre (Costa Carvalho). Le portefeuilli
affaires étrangères lui confié au conseiller Paulino de Souza,
depuis vicomte d'Uruguay1. C'est alors que le Brésil signa
la République Orientale de L'Uruguay, dont Le représentant ù
Rio était Andrés Lamas, et les Etats de L'Entre-Rios el de Cor»
rientes, les traités d'alliance de 1851, qui assurèrent la victoire
des Libéraux des républiques de Plata, la liberté de la naviga-
tion dans les affluents de ce lieux»', et l'indépendance de
l'Uruguay et du Paraguay. Carneiro Leâo, depuis marquis de
Paranâ, fut envoyé a la Plata par L'empereur, comme son repré-
sentant auprès des gouvernements alliés.
Le gouvernement de L'Uruguay était réduit à la ville de Monte-
vidéo, assiégée depuis 1842 par une armée argentine ayant pour
cher le général Oribe. En ltt.'>l le maréchal de Caxias, à la tête de
-20.000 Brésiliens, et Urquiza, à La lèle de L'armée de L'Entre-1
envahirent L'Uruguay, tandis (pie l'escadre impériale, di
l'amiral Grenfell, menaçait Buenos-Aires et protégeait le passage
des troupes de L'armée alliée. Oribe capitula (19 octobre' , Gn
força les batteries de Tonelero, dans le Paranâ (17 décembre), et
La principale année des alliés marcha sur Buenos-Aires. La bataille
de Monte-Caseros (3 février 1852) mit un terme à la tyrannie de
liosas qui opprimait depuis vingt-trois ans les peuples de la Plata.
Le dictateur argentin, chassé du pays, se réfugia en Angleterre2.
portatiou. La pensée n'y est point justiciable de la police, saisie en douane,
suspecte, marquée. L'âme esl libre dans toutes ses confessions, et Le citoyen
dans tous ses mouvements. La raison d'Etat chôme. El cela pourquoi? parce
que Dom Pedro 11 a nus [a Majesé non dans la prérogative, non dans la
personne, mais dans le caractère, dans les œuvres; parce que l'esprit
rai du pays esl tolérance, conciliation, sociabilité; parce que le catholicisme
lui-même, quoique ayant privilège d'Etat, n'ose plus y jongler de l'anathème
et de la foudre » (Ribeyrolles, Le Brésil Pittoresque, Rio de Janeiro,
tome 1' r. p. 141).
1. Né a Paris le • octobre 1807, mortà Rio le 15 juillet L866.
2. L'Annuaire de !•/. Revue des Deux-Mondes, de 1S52, a apprécié en ces
du Brésil: — « On ne saurait méconnaître l'habileté et la
vigueur que le cabinet de Rio-de-Janeiro a mises à conduire celte affaire.
C'est pour lui an Incontestable succès, d'autant plus flatteur pour l'esprit
national, que le I'.résil a la ressource dose dire qu'il a réussi là où les gou-
vernements les plus puissants de l'Europe ont échoué. » — On sait que le
dictateur Rosas avait eu des démêlés avec la France et l'Angleterre. La France
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRÉSIL. 175
En 1850, sur la proposition du ministre de La justice Eusebio
de Queirôs, les Chambres votèrent presque à l'unanimité des
moyens plus sûrs que ceux de La Loi de IttlU pour la répression
de la traite (loi du \ septembre L850). La fermeté de l'Empereur
el L'énergie qu'Eusebio de Queirôs mit à. appliquer rigoureuse-
ment la nouvelle Loi, brisèrent toutes les résistances des négriers,
alors très puissants à Rio-de-Janeiro, et l'importation d'esclaves
eessa complètement au Brésil1.
Le ministère Monte-Alègre, réduit en 1852 à un seul député
par L'entrée de plusieurs de ses membres au Sénat, présenta sa
démission à l'Empereur. Le ministre des finances Rodrigues Torres
(depuis vicomte d'Itaborahy), fut chargé de la présidence du
conseil et reconstitua le cabinet (11 mai 1852) avec deux de ses
collègues et trois nouveaux ministres, mais il résigna le pouvoir
l'année suivante, et le marquis de Paranâ (Carneiro Leâo), nommé
président du conseil (6 septembre 1853), inaugura la politique de
conciliation, en formant un ministère composé de conservateurs
et de libéraux. C'est de 1850, fin delà période des guerres civiles,
et, surtout, à partir du ministère Paranâ, que datent véritablement
les grands progrès réalisés par le Brésil. A la mort de cet homme
d'Etat (3 septembre 18562), le maréchal deCaxias, ministre de la
guerre, devint président du conseil et continua cette politique
d'apaisement. Puis vint le ministère du marquis d'Olinda (4 mai
bloqua une première fois les côtes de Buenos-Aires du 28 mars 1838 au
29 octobre 1840 (amiraux Leblanc, Dupotet et de Mackau), protégea le gouver-
nement de Montevideo et le général Lavalle, chef de l'armée des unitaires
argentins eu lutte avec Rosas, et s'empara de File de Martin Garcia. En 1845,
à la suite de la mission du marquis d'Àbrantes (Calmon), envoyé par le Brésil
en Europe, la France intervint de nouveau, cette fois de concert avec l'An-
gleterre ; mais lord Aberdeen et Guizot commirent la faute de se passer de la
ration des troupes brésiliennes. Le blocus de Buenos-Aires fut établi le
18 septembre 1845 par les amiraux Laine et lnglefield. La même année les
commandants Tréhouart et Hotham remportaient la victoire d'Obligado. Deux
ans après 15 juillet 1847), l'Angleterre, voyant qu'elle n'arrivait à aucun ré-
sultat, traita avec Rosas et retira son escadre. L'amiral français Leprédour
continua seul le blocus jusqu'au 11 juin 1848. A partir de cette date, la
France se borna à allouer au gouvernement de Montevideo une subvention
qui fut réduite en 1850, et devint insuffisante. Le Brésil commença alors à
fournir les sommes nécessaires à la défense de la place (1er juillet), et l'année
suivante il se décida à prendre l'offensive.
1. Lorsque cette question fut discutée en conseil de ministres,
FEmpereur, devant les objections d'un des membres du cabinet, qui considé-
rait dangereux pour l'ordre public les moyens de répression demandés par
Eusebio de Queirôs, déclara qu'il préférait perdre sa couronne que de souffrir
la continuation de la traite (J. Xabuco, 0 Abolie ionismo. Londres, 1883, p. 2).
2. Le marquis de Paranâ était né à Jacuhy (Minas), le 11 janvier 1801.
176 LE BRÉSIL EN 1889.
1857 , pendanl Lequel La séparation <l<i> deux partis commença a
se Faire de aouveau par L'opposition d'un grand nombre de
conservateurs '.
En L857 le Brésil se prépara à La guerre contre le dictateur
Carlos Lopez « ] ni s'obstinait à refuser la libre communication,
par La voie fluviale du Paraguay, entre La province brésilienne de
Matto-Grosso et le Littoral de L'Empire. Le traité du \1 février 1858,
signé à l'Assomption2, assura la liberté de La navigation sur le
Paraguay non seulemenl au Brésil mais à toutes Les autres puis-
sances.
Du 1-2 décembre 1858 au 24 mai L862, trois cabinets conser-
vateurs se succédèrent : Abaeté (12 décembre , Perraz (10 août
L859) et Caxias (3 mars L861). Pendant ce dernier ministère un
grand oombre de conservateurs, — Zacarias de Vasconcellos,
Olinda, Nabuco, Saraiva, et plusieurs autres, — s'allièrent à
L'opposition et assurèrent L'avènement des Libéraux, qui occu-
pèrent Le pouvoir depuis Le 24 mai L862 jusqu'au 16 juillet L868,
sous les ministères de Zacarias de Vasconcellos (24 mai!862),
du marquis d'Olinda (30 mai L862), de Zacarias ; [15 janvier L864),
de Furtado (31 août L864 , d'Olinda [\~2 mai 186o)etde Zacarias
(3 août 1866). Cette période est signalée par une nouvelle
intervention brésilienne dans l'Uruguay, par la guerre du
Paraguay, par les luttes entre les deux fractions du nouveau
parti libéral, c'est-à-dire entre les libéraux historiques dirigés par
Theophilo Ottoni et leur nouveaux alliés, et par le commence-
ment de la propagande en laveur de l'abolition graduelle de
l'esclavage. Le 7 septembre 1867 le Brésil ouvrit au commerce
changer L'Amazone <d une partie de ses affluents, ainsi que le
Sâo-Francisco jusqu'à Pcnedo (décret du 7 décembre 1866).
En 1864, les réclamations du gouvernement impérial (ultima-
tum du '< août, du ministre Saraiva), ayant été repoussées par le
gouvernement de La République Orientale de l'Uruguay, qui était
entre les mains du parti blanco, le Brésil reconnut comme belli-
gérant le gênerai Venancio Flores, chef dp parti Colorado, qui,
1. « La première partie du programme accomplie dans les vingt der-
nières années », a dit en 1859 Charles de Ribeyrolles, « fut nue œuvre utile:
il fallait constituer L'unité du pays e1 ne point Le Laisser tomber en satrapii a
fédéralistes ou maritimes. Si Ton veut être un peuple, il faut d'abord être
une patrie. » (Ribeyrolles, Le Brésil pittoresque; Rio, L859, t. 111, page L40.
2. Plénipotentiaires : du Brésil, le conseiller Silva-Paranhos, depuis
vicomte de Rio-Branco ; du Paraguay, le général François Solano Lopez,
depuis dictateur.
ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU BRÉSIL. 177
depuis 1862, dominait sur une grande partie des départements
de la campagne et tenait en échec les troupes du gouvernement.
L'armée brésilienne, sous le commandement du général Menna
Barreto (Jean-Propice), et celle de Flores, prirent d'assaut Pay-
sandû (2 janvier 1865] et assiégèrent Montevideo, qui fut en
même temps bloque par l'escadre impériale de l'amiral Taman-
daré.
Par le traite de pacification du 20 février, entre le gouverne-
ment de Montevideo et le général Flores, traité rédigé par le
ministre du Brésil, Silva-Paranhos, ce général fut reconnu comme
gouverneur provisoire de la République, et les Alliés firent leur en-
trée dans la ville assiégée. La République de l'Uruguay devint l'al-
liée du Brésil contre le dictateur du Paraguay, François Solano
Lopez 4, qui, sans déclaration de guerre, avait capturé un paquebot
brésilien (12 novembre 1864), emprisonné son équipage ainsi que
tous les passagers, et envahi la province brésilienne de Matto-
Grosso2. Peu après, les Paraguayens s'étant emparés de deux
i. Son père, le dictateur Carlos Lopez, l'avait nommé, par testament,
vice-président du Paraguay. A la mort de Carlos Lopez (10 septembre 1862),
il prit possession du gouvernement et convoqua un Congrès, qui le nomma
président de la République. On sait que, sous le nom de République, le Para-
guay était un pays gouverné despotiquement, et que son peuple avait été
habitué à l'obéissance passive par les jésuites, dès les premières années delà
■conquête espagnole, puis par le célèbre docteur Jbrancia et par Carlos
Lopez. Le nouveau dictateur, Solano Lopez, militarisa le pays. Son projet
était d'augmenter le Paraguay au dépens de la République Argentine, par la
conquête des provinces de Corientes et de l'Entre-Rios, ainsi que de l'ile de
Martin-Garcia, qui domine l'entrée de Paranâ et de l'Urugay. Puis, après la
victoire, il comptait, comme Napoléon 1er, se faire acclamer Empereur. On
trouva à la douane de Buenos-Aires en 1865, le modèle de couronne impériale
que son ministre à Paris lui remettait. En 1864, le ministre Carreras, envoyé
au Paraguay par le gouvernement de Montevideo, réussit à détourner Lopez
de a ligne politique qu'il s'était tracée en le persuadant qu'une alliance
secrète avait été signée entre le Brésil et la République Argentine pour la
ccnquête et le partage du Paraguay et de l'Uruguay. Il paya cher cette inven-
tion, car s'étaut réfugié au Paraguay après la chute du parti blanco, il fut
emprisonné en 1868, mis à la torture et fusillé le 27 septembre. Des milliers
.1 étrangers et de Paraguayens furent exécutés par ordre de Lopez. La folie
seulement peut expliquer la conduite du dictateur paraguayen après ses
premières défaites. En 1865 (décret du 8 août) Lopez créa «l'Ordre national
du mérite » dont le grand cordon ne pouvait être donné aux présidents de
République.
2. Matto-Grosso n'avait alors qu'une garnison de 875 hommes disséminés
sur son vaste territoire, et 5 petites canonnières, outre sa garde nationale,
qui n'avait pas été mobilisée, car on ne s'attendait pas à une invasion.
La partie méridionale de cette province fut attaquée par 9.000 Paraguayens
et une escadre nombreuse. Les communications entre le littoral du Brésil et
cette province lointaine, se faisaient alors, comme aujourd'hui, par la voie
fluviale du Paranâ et du Paraguay.
12
[78 1. 1: îiui.siL i..\ l .s.y.i.
cannoniere
- argentines et envahi, encore une fois sans décla-
o
ration de guerre, la province de Cor ri en tes (13 avril 1865), uno
triple alliance fut signée >i Buenos-Aires ; 1"' mai) entre le Brésil,
l,i République Argentine et l'Uruguay ', et les troi^ Etats entre*
P in-, -ut une guerre Longue et difficile, dont, en lait, le Brésil sup-
porta presque tout le poids-. Le général Bartholomé Mitre, prési-
dent de la République Argentine, <"iit le commandemenl eu chef
dus armées alliées pendant les premières années de la guerre3.
Les Brésiliens débutèrent par la victoire navale de Riachuek),
remportée par l'amiral Barroso sur l'escadre paraguayenne
(Il juin 1865). Une division de troupes qui s'avançait sur la rive
droite de L'Uruguay, fut anéantie à Yatay (17 août) par les Alliés,
sous la conduite de Flores. Un autre corpsd'armée qui avail péné-
tré par SâO-Borja (10 juin), dans la province brésilienne de llio-
1. Plénipotentiaires : du Brésil, le Conseiller F. Octaviano ; de la Répu-
blique Argentine, li. Elizalde ; de l'Uruguay, C. de Castro.
-2. Le gouvernement de la République de l'Urugay ne pouvait pas em-
ployer dans cette guerre lointaine un plus grand nombre de troupes car ou
craignait un soulèvement du parti blanco, ce qui, d'un autre côté, toréait le
Brésil à conserver sur les frontières de cette République des troupes d'obser-
vation. La République Argentine n'était pas encore la nation florissante d'au-
jourd'hui. La grande prospérité de cette République date précisément de
la -lierre du Paraguay et du gouvernement éclairé du général Mitre. Elle
ne comptait en 1869 que 1.877.000 habitants, et l'influence de certains gou-
verneurs de province Taisait ombrage au gouvernement central. Ain.-i. le
général Urquiza, foui puissant dans l'Entre-Rios, n'a fourni un seul soldat
contre Lopez. En général, les fédéralistes argentins espéraient que la victoire
du dictateur du Paraguay serait la victoire de leur parti, et le gouvernement
de Buenos-Airès fut mal secondé par les provinces pendant toute la durée de
la guerre.
3 Au commencement de la guerre (1864) Lopez avait une armée de
80.000 hommes, selon le général Resquin, sou chef d'état-major, et le lieu-
tenant-colonel Thompson, \\\\ de ses ingénieurs M(War in Paraguay, chap. V).
En 1865, après la prise <\>^ deux cannonnières argentines, sa marine de
guerre se composait de 39 navires et de plusieurs chalands (chatas). Le Brésil
n'avait en 1864 qu'une, armée de 15.000 hommes. Sa Hotte comptait
Y.) navires. A l'appel de l'Empereur, .'17 bataillons de volontaires furent orga-
oiséa en I86S : L3 à Bahia, Il à Rio-de-Janeiro (ville de Rio. 7 ; province, 4),
s à Pernambuco, 4 à Rio-Grande-du-Sud, 3?dans chacune des provinces de
Sao-Paulo, Minas-Geraes et Maranhâo, 2 à Para, 2 à Piauhy, 1 dans chacune
des provinces de Cearâ, de Rio-Grande-du-Nord, l'arahvha. Alagôas, Goyâz
et Matto-Grosso ; 1 composé de volontaires du Cearà, de Piauhy et de Ser-
gipe : 1 seul (n" 16, puisn0 18) composé d'étrangers. La garde nationale de Rio-
Grande-du-Sud a fourni presque toute la cavallerie de l'armée impériale.
En L886 la Hotte brésilienne comptait 62 navires, dont i cuirassés, En 1867,
les cuirassés étaient au nombre de 10 (un cuirassé avait été perdu au bom-
bardement de Curuzû par l'explosion d'une torpille). Au mois de février 1868
dre en opérations avait 13 cuirassés, 28 cannonières, 4.500 hommes,
155 ca is. En 1869 avril la flotte brésilienne! comptait, outre de nombreux
transports, Sj navires, dont 10 cuirassés, 211 canons et 6.447 hommes.
ESQUISSE DE i/niSTOIRE DU BRÉSIL. 170
Grande-du-Sud, fut enfermé dans la ville d'Uruguyana et obligé
de mettre bas les armes (18 septembre). L'empereur Dom Pedro II
se trouvait alors à la tête des Alliés, et ce fut dans ce campe-
ment qu'il reçut le ministre Thornton, envoyé par l'Angleterre
pour lui demander la reprise des relations diplomatiques avec
le Brésil, rompues dès 18(53 *. Lopcz, qui s'était laissé battre en
détail, sans savoir tirer parti de la superioté numérique de ses
armées, évacua la province de Corrientes pour attendre sur le
territoire du Paraguay les ennemis qu'il s'était faits, et auxquels
il laissait ainsi le temps et la liberté nécessaires à l'organisation
des troupes et aux préparatifs de l'attaque.
En 1866 les Alliés se trouvaient en face du Paso-dc-la-Patria,
dans le Paranâ, ayant réuni une armée qu'ils croyaient suffisante
à l'offensive, mais qui n'était pas supérieure en nombre à celle
de leur adversaire2. Les Brésiliens commencèrent par le bombar-
dement des positions ennemies et l'occupation de l'île d'Itapirû,
où, sous la conduite de Villagran Cabrita, ils repoussèrent une
attaque des Paraguayens (10 avril). Quelques jours après, protégé
par l'escadre impériale, le général Ozorio (marquis de Herval),
débarqua avec 10.000 Brésiliens sur la rive gauche du Paraguay
(16 avril), remporta deux victoires à Confluencia sur les troupes
qui vinrent l'attaquer (16 et 17 avril), et occupa le fort d'Itapirû.
D'autre part, l'artillerie de l'escadre brésilienne ayant forcé
Lopez à évacuer les retranchements de Paso-de-la-Patria, toute
l'armée alliée put débarquer librement sur les positions cou-
1. Le naufrage d'un navire anglais sur les côtes de Rio-Grande-du-Sud
et l'arrestation de quelques marins anglais à Rio avaient donné lieu à ce
conflit entre le gouvernement impérial et le ministre anglais à Rio. Le roi
des Belges Léopold lor, choisi comme arbitre, adonné une décision favorable
au Brésil.
2. Lopez attendait les Alliés avec 47 ou 48.000 hommes dans les retran-
chements de Paso-de-la-Patria et d'Humaïtâ. 11 avait en outre un corps d'ob-
servation à Itapua (3.000 hommes) et des troupes d'occupation dans la partie
méridionale du Matto-Grosso. Voici les forces des Alliés à cette époque
(mars 1866; : l°r corps brésilien, 33.078 hommes (général Ozorio) ; armée
argentine, 11.500 hommes (président Mitre, général en chef des Alliés) ;
armée uruguayenne, 1.580 hommes (général Flores). Total, devant le Paso-
de-la-Patria. 46.258 hommes, et l'escadre brésilienne. A cette même date
13.000 Brésiliens formant le 2e corps d'armée (général Porto-Alègre), se trou-
vaient sur l'Uruguay, 8.498 sur les frontières méridionales du Rio-Grande-
du-Sud. el 6.361 daDs la province de Matto-Grosso. Total des Brésiliens,
60.943 hommes; des Argentins et Urugayens, 13,000 hommes. Les chiffres
que nous donnons dans ce travail résultent de l'examen des documents des
Alliés et de ceux de Lopez, ainsi que des déclarations d'un grand nombre d'of-
ficiers paraguayens.
180 LE BRÉSIL EN 1S89.
quises par Ozorio. Le dictateur transporta alors son quartier-
général à Paso Pucû, au centre de plusieurs lignes fortifiées
qui renfermaienl un vaste terrain situé entre les batteries
d'Humaïté e1 de Curupaïty, sur le Ûeuve Paraguay, el les posi-
tions de Sauce, Rojas el Espinillo. Ces lignes étaient presque
partout inabordables car elles étaient construites derrière des
marécages et des petits lacs. La bataille d'Estero-Bellaco
(2 mai), gagnée par Ozorio el Flores, et celle de Tuyuty [24 mai),
par le président Mitre, qui avait en sous-ordre ces deux
généraux, assurèrent aux Allies la possession de la partie sud-
ouest du Paraguay, qu'ils venaient d'occuper, et forcèrent Lopez
à se borner à La défensive, mais ils durent rester inactifs devant
les retranchements ennemis, en attendant des renforts. Cepen-
dant, le 16 juillet ils s'emparèrent des positions de Potrero
Piriz et Boqueron, mais ils furent repoussés le 18, à Sauce. Les
premiers renforts arrivés, le général brésilien comte de Porto-
Alégre (Marques de Souza), appuyé par l'escadre impériale, prit
d'assaut Curuzû, ouvrage avancé de Curupaïty (2 septembre), et,
ayant reclamé des renforts pour pousser en avant, il s'ensuivit
entre les généraux alliés ries diseussions pendant lesquelles
Lopez augmenta les fortifications de Curupaïty. Enfin, le prési-
dent Milic, avec presque toute l'armée argentine, se réunit à
Porto-Alegre, et le 22 septembre ils échouèrent à l'assaut de
Curupaïty.
Ce fut alors que D. Pedro II concentra le commandement de
ses armées de terre et de mer entre les mains du maréchal de
Caxias, et que la plus grande partie de l'armée argentine se retira
pour aller reprimer des révoltes et des résistances de gouverneurs
de province. En 18G7 (22 juillet), après plusieurs mois d'inaction
forcée (le choléra avait ravagé les campements et y faisait encore
un grand nombre de victimes), Caxias, resté général en chef des
Alliés après le départ de Mitre pour Buenos- Aires, commença ses
opérations entre Humaïtâ et les lignes de Paso-Pucû. Il partit
du camp retranché de Tuyuty, dont le commandement fut confié
à Porto-Alegre, et, par une marche de flanc, il alla se placer au
nord-est des positions ennemies, du côté Tuyû-Cuê. Mais l'armée
alliée n'était pas assez nombreuse pour investir complètement
un si vaste système de fortifications1. Les cuirassés brésiliens
1. Voici la compositioD de l'armée alliée le 22 juillet 1867 :
Général en chef, le maréchal marquis puis due; de Caxias. — En marche
sur Tuyû-Cuê avec le général en chef : Brésiliens, 1er et 3c corps d'armée
ESQUISSE DE L HISTOIRE DU BRESIL. 181
(amiral Ignacio, vicomte (Tlnhaûma) forcèrent le passage de
Curupaïty [iSaoût), et commencèrent le bombardement d'Humaïtâ,
on attendant l'arrivée de quelques monitors d'un faible tirant d'eau
que le ministre de la marine Affonso Celso faisait construire à
l'arsenal de Rio. Dans les environs d'Humaïtâ et des campements
des Alliés, eurent lieu plusieurs combats assez vifs entre les Brési-
liens et l»1^ Paraguayens. Le 20 septembre la division de cavalerie
du général And rade Neves, Brésilien, remportait la victoire de Pilar.
Peu après, Porto-Alégre repoussait l'ennemi à EsteroRojas (24 sep-
tembre , et la cavalerie brésilienne, sous la conduite du général
Victorino Monteiro, parvenait à détruire celle de l'ennemi dans
les combats de Parê-Cuê (3 octobre) et de Tatayibâ(21 octobre).
Le général Menna Barreto (Jean-Emmanuel) s'emparait de Po-
trero-Obella (27 octobre) et de Tayi (2 novembre). Comprenant
l'importance de cette opération, qui lui fermait les communica-
tions fluviales entre Humaïtâ et le reste du pays, Lopez envoya
contre Tuyuty, la base d'opérations des Alliés, ce qu'il avait
d'hommes disponibles sous la conduite du général Barrios
(3 novembre). Les Paraguayens commencèrent la journée en
s'emparant facilement des retranchements occupés par un batail-
lon d'artillerie brésilien et par quelques troupes argentines, mais
ils échouèrent à l'assaut de la redoute centrale, où se trouvait
Porto-Alegre, et subirent des pertes très grandes lorsque ce
général put prendre, à son tour, l'offensive1.
sous le commandement des généraux Argollo (vicomte dTtaparica) et Ozorio
(marquis d'Herval), 21.521 hommes, 48 canons ; Argentins, 6.016 hommes,
13 canons, c'est-à-dire presque toute leur armée en opérations, sous le
général Gelly-y-Obes ; Uruguayens, 500 hommes, 6 canons, sous le général
E. Castro, qui formaient tout le contingent d'un des trois Alliés. Total des
Allies en marche sur Tuyû-Cuê, 28.037 hommes. — Retranchements de Tuyuty
et de Paso-de-la-Patria: — Brésiliens, 2e corps d'armée, général comte de
Porto-Alegre (Marques de Souza), 10.331 hommes et 72 canons; Argentins,
sous le commandement du colonel Baez (Paraguayen), 700 hommes et
12 canons (une « légion » composée de 300 Paraguayens faisait partie de
cette force). — Retranchements du Chaco (rive droite du Paraguay), près des
positions occupées par l'escadre brésilienne : Brésiliens, 1.098 hommes,
colonel, puis général, Gurjâo. — Campement d'Aguapehy (province argentine
de Corrientes) : Brésiliens, 2.600 hommes, général Portinho. Garde des dépôts
et des hôpitaux (Corrientes, Cerrito, etc.) : Brésiliens, 4.499 hommes. Les Bré-
siliens avaient à cette époque, outre les forces ci-dessus déclarées, 10.557 ma-
lades. — Province de Matto-Grosso : Brésiliens, 7,000 hommes.
Paraguayens : L'armée de Lopez à Humaïtà et derrière les lignes de
Espinillo, Rojas, Sauce et Curupaity, comptait alors 30.000 hommes.
1. Le savant Agassiz s'exprime ainsi dans son Voyage au Brésil : « La
puissance du Brésil s'affirme, en ce moment même, par la poursuite de la
guerre la plus importante dont l'Amérique du Sud ait été le théâtre. En
1 32 LE BRÉSIL i. \ 1889.
Le L9février L868, avanl Le jour, sii petits cuirassés brési-
liens, commandés par Delphim de Carvalho, forcèrenl les batteries
d'Humaïtâ, pendant que toute L'escadre de L'amiral Lnhaiima
bombardail les fortifications ennomies, el que Caxias prenail
d'assaut Reducto Cierva, ou Kstablecimiento. Dès lors, Lopez ne
util plus en sécurité à Humaïta, et, ayant essayé sans succès
un abordage contre les grands cuirassés brésiliens à l'ancre
devant Riod'Oro, en aval d' Humai té -1 mars), il traversa Le lleuvc
en face de (•••lie forteresse, avec une partie do sod armée, pour
aller organiser de nouvelles défenses sur le Tebicuary. Ci x ias
s'empara <\c> Lignes <!•' Curupaïty, Sauce, Hojas et Espinillo
(21 mars), puis força la garnison d'Humaïté à se réfugier sur la
rive droite du Paraguay, <»ù, après plusieurs jours do combat sur
la Laguna Veré,, elle mit bas les armes à Isla-Poî [5 août). Mar-
chant ensuite vers Le nord, il s'empara des fortifications duTebi-
cuary, el arriva à Palm as, devant de nouvelles Lignes de défense
élevées par L'ennemi sur la rive droite du Pikysyry, ei proti
par dc^ marais, qu'il ne put ni attaquer de front, ni tourner. 11 lit
alors construire, sur la rive droite du Paraguay (Chaco . une sorte
de chaussée traversant des forêts inondées par les eaux du lleuvc
(d, Laissanl à Pal mas les Argentins et LTrugayens, ainsi qu'une
division de son armée, il conduisit par cette route 18.000 Brési-
liens1, qui, transportés par le- cuirassés, débarquèrent sur les
derrières des ouvrages ennemis. Là il gagna sur le général
Caballero les batailles du Pont d'itôrdré (0 décembre) (d d'Avay
(Il décembre), et dix jours après il commenci l'attaque des
retranchements de Lopez à Lomas Valentinas, nom sous lequel
sont désignées les collines de [ta-Ibaté et deCumbarity. Le même
jour il décembre) il s'emparait de la ligne du Pikysyry, d'une
effet, la lutte ([no ?« >ut im t le Brésil n'a aucun caractère égoïste ; dans sa
querelle avec le Paraguay, le peuple brésilien doit être regardé comme le
porte-drapeau de la civilisation. Tout ce que je sais de cette guerre m'a
convaincu qu'elle a été entreprise par des motifs honorables, et qu'en lais-
sant de cr.ir 1rs petites intrigues des individus, inévitable suite -le ers grands
mouvements, elle est conduite dans un esprit de désintéressement absolu.
!.'• Brésil, dans cette lutte, mérite la sympathie dn momie civilisé : ce qu'il
attaque, c'est une organisation tyran nique demi-cléricale et demi-militaire
qui, eu prenant le titre de République, déshonore le beau uom qu'elle
usurp
l. Effectif de l'armée alliée le 5 décembre 1868: Brésiliens, 24.666 >ans
compter 911 restés à Humaïta : Argentins, 4,300 ; Uruguayens, 300. Total:
2'».2iii». Effectif de l'armée <\<- Lopez: corps du général Caballero. (i.c.uu hommes :
retranchements de Lomas Valentinas el du Pikysyry, 13.000 ; Angostura,
1.300 ; renforts arrivés, 1.600 hommes. Total : 22.:>oii hommes.
ESQUISSE DE L'illSTOIRE DU BRÉSIL. 183
partie dos retranchements du quartier général ennemi et de
presque tous ses canons. Les troupes restées à Palmas purent
alors franchir le Pikysyry et faire leur jonction avec Caxias, et le
27 décembre, les Alliés se rendaient maîtres de Lomas Yalenti-
nas. Lopez réussit à se sauver dans la direction de Cerro Léon,
suivi d'une cinquantaine d'officiers et soldats, son armée ayant
été complètement détruite dans cette campagne, la plus sanglante
de la guerre du Paraguay. Les Brésiliens y perdirent, eux aussi,
en lues et blessés, une grande partie de leur effectif1. La
forteresse d'Angostura, où commandait l'anglais Thompson, se
rendit aux Alliés (30 décembre), qui, aussitôt, marchèrent sur
L'Assomption. La ville était déserte, Lopez ayant forcé les habi-
tants de toute la rive gauche du Paraguay à se retirer vers l'inté-
rieur. Pendant sa fuite il rencontra quelques troupes de renfort
qui venaient le rejoindre, et il alla se fortifier sur la Cordillère
d'Ascurra, où il parvint à organiser une nouvelle armée2.
Le maréchal de Caxias, malade, avait dû laisser le comman-
dement de l'armée (janvier 1869), et partir pour Rio. La dernière
campagne fut dirigée par le comte d'Eu (16 avril 1869 -1er mars
1870 , qui prit d'assaut la ville de Piribebuy (12 août,), écrasa la
majeure partie de l'armée de Lopez, conduite par Caballero, à la
bataille de Campo-Grande (18 août), et fit poursuivre les vaincus
dans toutes les directions, au milieu des déserts et des forêts de
l'est et du nord du Paraguay, malgré les difficultés immenses
qu'offrait l'approvisionnement des troupes. Enfin, après plusieurs
engagements partiels, un de ses lieutenants, le général Camara,
parvint à découvrir et à surprendre (1er mars 1870) le campement
de Lopez à Cero-Corâ, sur un affluent de l'Aquidaban, près des
frontières de la province brésilienne de Matto-Grosso. Le dictateur
n'avait plus qu'un millier d'hommes qui se dispersèrent à l'arrivée
des Brésiliens. Il fut tué pendant la fuite, et cette mort mit fin à la
guerre du Paraguay 3.
1. Effectif de l'armée alliée le 31 décembre 1869 : Brésiliens, 17.857 hommes
(16.455 en marche sur l'Assomption, 922 à Villeta, 480 à Humaïtà) ; Argentins,
4.000 ; Uruguayens, 300.
■1. La nouvelle armée que Lopez avait organisée pour cette dernière cam-
pagne se composait de 16.000 hommes. Celle des Alliés était formée par 25.000
Brésiliens, 3.000 Argentins et 300 Urugayens.
3. Cette guerre a coûté au Brésil un milliard et demi de francs
(630 mille contos).
Voici la statistique aussi exacte que possible, des pertes que les combats
ont occasionnés aux Alliés et au dictateur Lopez :
Brésiliens : 5.858 tués (dont 563 officiers) ; 24.804 blessés (2.051 officiers) ;
184 LE BRÉSIL EN 1889.
Dès L869 l ' février , après les victoires du maréchal de Caxias,
le ministre des affaires étrangères du Brésil, Silva-Paranhos,
avait été envoyé au Paraguay pour diriger la réorganisation du
Le Lo août (1869) un gouvernement provisoire, composé de
trois Paraguayens, fut installé à l'Assomption sous les auspices
des Alliés '. Ce gouvernement décréta, sur la demande du comte
d'Eu, l'abolition de l'esclavage au Paraguay (2 octobre 1869), et
signa avec les Alliés la convention préliminaire de paix du
2(i juin 1S70. Le traité définitif, ainsi que celui de limites (9 jan-
vier 1872) furent négociés à L'Assomption parle baron de Cotegipe.
Le Brésil se contenta des frontières dont il était en possession
depuis le xvnie siècle, et maintint au Paraguay une petite armée
et une escadre pour défendre le nouveau gouvernement et
assurer l'indépendance de cet Etat, qu'il avait déjà protégé
contre l'ambition du dictateur argentin Rosas (1845-1852). Les
dernières troupes brésiliennes évacuèrent le Paraguay le
22 juin 1876 après le règlement de la question de limites entre
le Paraguay et la République Argentine.
Le parti conservateur était revenu aux affaires, le 1G juillet
L868, avec le ministère présidé par le vicomte d'Itaborahy, qui
employa, comme le cabinet précédent, de Zacarias de Vascon-
cellos, la plus grande énergie à terminer la guerre du Para-
guay , et s'occupa d'améliorer la situation des finances de l'Em-
pire.
L'abolition de l'esclavage était devenue une des grandes préoc-
cupations de Dom Pedro II et des hommes politiques brésiliens,
surtout après la lutte sanglante dont les Etats-Unis furent le
théâtre. En 1866 (23 janvier), l'Empereur avait accueilli avec
faveur un plan d'abolition graduelle qui lui avait été présenté par
le sénateur Pimenta Bueno, créé peu après vicomte et marquis
1.592 disparus et prisonniers (39 officiers); total, 32, 254 hommes hors de
combat 2.653 officiers).
Argentins: 1,572 tués (105 officiers), 4.026 blessés (374 officiers), 343
prisonniers (1G officiers) ; total, 5.944 hommes (495 officiers).
Urugayens : 188 tués (40 officiers), 704 blessés (73 officiers; total: 1.192
hommes L13 officiers).
/ apitulalion : 39.390 homme? hors de combat, dont 3.261 officiers.
Paraguayens: environ 85.000 tués, blesses ou prisonniers.
1. Ce fut avec des prisonniers de guerre, mis en liberté parles Alliés
avec les vieillards, les femmes et les enfants, affranchis de la tyrannie de
Lopez par les expéditions brésiliennes envoyées aux forêts de l'intérieur,
<pie le Brésil a pu faire renaître le Paraguay et ce peuple epae le dictateur
avait cherché à anéantir.
ESQUISSE DE L'niSTOIRE DU BRÉSIL. 185
de Silo Yicente1. Ce projet, qui répondait entièrement aux vues
de l'Empereur, fut étudié par le conseil d'Etat (1867-G8), adopté
avec quelques modifications, mais ajourné pendant la durée de
la guerre. C'était pour le Brésil une question difficile, car tout le
travail agricole était entre les mains des esclaves, qui formaient
alors un cinquième de la population totale de l'Empire. En 1870,
après le rétablissement de la paix, la Chambre nomma, sur la
proposition du député Teixeira junior, aujourd'hui vicomte de
Cruzeiro, une commission dont la majorité, composée d'abolition-
nistes, rédigea un projet (15 août) identique au système proposé
par le marquis de Sâo Vicente. Des divergences d'opinion entre
les ministres amenèrent alors le cabinet Itaborahy à résigner le
pouvoir. Sào Yicente, qui était aussi un des chefs du parti conser-
vateur, et à qui appartenait l'honneur de l'initiative dans cette
réforme, fut chargé par l'Empereur d'organiser le nouveau minis-
tère (29 septembre 1870) ; mais bientôt, avant laVentrée des Cham-
bres, ce savant jurisconsulte et homme d'Etat se retira, décou-
ragé devant les attaques des journalistes de l'opposition. Le
vicomte de Rio-Branco (Silva-Paranhos) forma un autre cabinet
conservateur (7 mars 1871), qui, après une lutte parlementaire
de cinq mois, réussit, malgré une nombreuse opposition, à faire
triompher la première loi d'émancipation graduelle (28 septembre),
sanctionnée le même jour par la princesse impériale Dona Izabel,
qui était la régente de l'Empire pendant le premier voyage de
Dom Pedro II en Europe 2. Cette loi déclarait désormais libres
tous les enfants nés au Brésil, facilitait les manumissions, et
créait un fonds spécial destiné à racheter chaque année un
certain nombre d'esclaves3.
1. Le député Joaquim Nabuco, que M. E. Levasseur, de l'Institut, a
surnommé avec raison le « Buxton brésilien », a écrit les lignes suivantes
dans un livre publié à Londres en 1883 : « Il est certain que l'action person-
nelle de l'Empereur s'est exercée, surtout depuis 1845 jusqu'en 1850, dans le
sens de la suppression de la traite, et, depuis 1866 jusqu'en 1871, en faveur
de l'émancipation des enfants nés de mères esclaves. C'est cette influence qui
a produit la loi Eusebio de Queirôs en 1851 et la loi Rio-Branco en 1871. Ce
fait là, si le souverain voulait écrire ses mémoires et raconter l'histoire de
ses divers ministères, il pourrait le prouver par un très grand nombre de
documents. La part qui revient à l'empereur, dans tout ce qui a été exécuté
pour la cause de la libération est très grande, elle est essentielle. »
2. 65 députés se prononcèrent pour l'émancipation, 45 contre (7 députés
étaient absents et 2 sièges vacants). Au Sénat la majorité fut grande : 33 pour
la réforme, 7 contre (16 sénateurs étaient absents et 2 sièges vacants).
3. Voir sur cette loi Michaux-Bellaire, Considérations sur l'abolition de
l'esclavage au Brésil, Paris, 1876; et L. Couty, L'esclavage au Brésil, Paris 1881.
— Nous avons déjà fait mention d'un des précurseurs de cette cause de
LE BRÉSIL l'N 1889.
La discussion de la réforme avail amené la scission <lu parti
conservateur. Un grand nombre de députés et quelques séna-
teurs se séparèrent du cabinet et, dirigés par l'ancien ministre
Paulino de Souza, ils continuèrent à le combattre jusqu'en L875-
A cette époque le \ icomte de Rio-Branco ayant donné sa Rémis-
sion, le duc de Caxias l forma un nouveau ministère (25 juin) qui
parvint à rétablir l'union des conservateurs.
Uni' réforme électorale, votée celle même année, tout en
maintenant L'élection à deux degrés, qui existait depuis la fonda-
tion de L'Empire, établissait le vole incomplet avec le scrutin de
liste ; mais l'opposition Libérale el un grand nombre de conserva-
teurs, parmi Lesquels Le baron de Cotegipe et le conseiller
Paulino de Souza. réclamaient depuis quelque temps l'élection
directe. Du 5 janvier 1S7S au 20 août 1885, le gouvernement fut
aux mains des libéraux. Leur premier ministère, présidé par le
conseiller Cansansâo de Sinimbu tenta cette réforme et échoua
devant l'opposition des conservateurs au Sénat. Son successeur,
le conseiller Saraiva (28 mars 1880), réussit à la réaliser
L'appui du baron de Cotegipe. qui était devenu le chef des conser-
vateurs, et la loi du 9 janvier 188J établit enfin le suffrage direct,
et, pour l'élection des députés, le scrutin d'arrondissement.
Sous ce dernier ministère un groupe, d'abord peu nombreux,
formé d'hommes appartenant à tous les partis, commença à
agiter l'opinion et à demander qu'une date fut fixée pour l'abo-
lition totale de l'esclavage. 11 se composait de quelques rares
membres du Parlement, entre autres le député Joaquim Xabuco,
et de plusieursjournalistes, parmi lesquels il faut citer en première
l'émancipation an Brésil, l'abbé Manoel Ribeiro Rocba (1758 . En 1810, an
magistrat, Velloso de Oliveira, de la province de Sâo Paulo, dans un mémoire
adressé à Jean VI, alors prince régent, demandait la liberté des enfants qui
naîtraient de mères esclaves. Hippolyte da Costa Pereira, dans le Correio
Braziliense (1808-22 signalail L'émancipation graduelle des esclaves comme
une nécessité pour le Brésil. En 1822, un député de Babia, Borges de Barros
(depuis vicomte de Pedra-Branca), proposait au Cortès constituantes de Lis-
bonne, sans aucun succès, un projet d'émancipation graduelle. En 1825, José
Bonifacio de Andrada e Silva publiait un autre projet d'émancipation pro-
gressive. Le 18 mai 1830, Antoine Ferreira França présentait à la Chambre des
députés un projet pour l'émancipation graduelle de l'esclavage, qui devrait
finir entièremenl le 25 mars 1881, cl trois ans après (8 juin 1833), un autre
projet déclarant Libres tous Les uouveau-nés. La Chambre refusa de discuter
ces deux propositions.
1. Le maréchal de Caxias, né à Estrella (province de Rio-de-Janeiro) le
2."» août 1803, est morl à Santa-Monica (même province) le 7 mai 1880. Quelques
'"ois après L«» nov. Le vicomte de Rio-Branco (né à Bahia le L6 mars 1816)
mourait à Rio-de-Janeiro.
ESQUISSE DE L' HISTOIRE DU BRÉSIL. 187
Kgne Ferreira de Menezes el José do Patrocinio. L'agitation alla en
grandissanl sous les ministères MartinhoCampos (21 janvier 1882),
Paranagué 3 juillet 1882) el Lafayette Pereira (21 mai 1883).
En 1884 les provinces de Ceara et d'Amazonas affranchirent
leurs esclaves, et la même année le ministère Dantas (du 6 juin),
vivement appuyé par l'Kmpereur et par les abolitionnistes,
demanda au Parlement la libération des esclaves à partir de l'âge
de soixante ans. Une coalition de quelques libéraux et de presque
tous les députés conservateurs repoussa cette proposition par
une motion contre le ministère1, et l'Empereur prononça la disso-
lu! ion de la Chambre; mais les élections générales ne changèrent
pas notablement la force relative des partis, et à la rentrée le
ministère dut se retirer après avoir subi un second échec 2. Cepen-
dant la discussion engagée dans le Parlement et dans la presse
avait donné une grandeimpulsion à l'idée aboli tionniste. Le conseil-
ler Saraiva forma un nouveau ministère libéral (6 mai 1885), qui,
avec l'appui des conservateurs, fît triompher à la Chambre un
projet qui déclarait libres les esclaves âgés de soixante ans, à
condition qu'ils serviraient encore trois ans leurs anciens maîtres,
fixait un tarif de la valeur des esclaves décroissant avec les
années, augmentait les fonds destinés au rachat annuel des
esclaves, et appliquait certains impôts à encourager l'immigra-
tion européenne. La discussion de ce projet fut continuée au
Sénat sous la direction d'un ministère conservateur organisé le
20 août par le baron de Cotegipe, et la nouvelle loi fut promul-
guée le 28 septembre 1885.
Le nombre des esclaves, qui était d'environ 1.800.000 en 1870,
de 1.584.000 en 1873, de 1.050.000 en 1885, se trouvait réduit à
7 13.419 en 1887. Il y avait en outre (mars 1887) plus de 500.000 en-
fants d'esclaves3, nés libres en vertu delaloi de 1871, et 18. 946 sexa-
génaires qui devaient encore des années de service.
Cette même année les sénateurs Corrêa de Oliveira (Jean-
Alfred) et Antonio Prado, deux chefs conservateurs, se pronon-
cèrent pour la nécessité d'une nouvelle loi, et ce dernier se mit à
la tête de la propagande dans la province de Sao-Paulo. Un grand
!. Cette motion fut adoptée par 59 voix (42 députés conservateurs et
17 libéraux contre 52 (48 libéraux et 4 conservateurs).
2. Cinquante députés, dont 43 libéraux, 3 conservateurs et 2 républicains
votèrent pour le cabinet ; cinquante-deux contre (43 conservateurs, 9 libéraux),
3. Le 30 juin 1885 il y avait 439.831 enfants d'esclaves, nés libres, mais
qui étaient au service des maîtres de leurs mères.
188 LK BRÉSIL EN 18 80.
oombre de planteurs, parmi Lesquels tous les membres de la
famille Prado, commencèrent a Libérer leurs esclaves, et ce mou-
vement de générosité gagna le pays toul entier. Le 10 mars isss
Le ministère Gotegipe ayant donné sa démission, La princesse
impériale régente chargea Le conseiller Corrêa de Oliveira de for-
un t un nouveau ministère, et cet homme d'Etat s'adjoignil comme
collègue le conseiller Antonio Prado. Enfin, après quatre jours
de discussion, les deux Chambres votèrenl presque à l'unanimité,
au milieu de l'enthousiasme général, la loi du \',\ mai 1SS8 qui a
aboli complètement dès cette date, et sans aucune restriction,
l'esclavage au Brésil {.
Pendant le règne actuel, et par suite des voyages de l'empe-
reur à l'étranger, la princesse impériale Doua Izabel a eu trois
fois la régence de l'Empire : du 25 mai 1871 au 30 mars 1872, du
2G mars 1S7C» au 25 septembre 1877 et du 30 juin 1887 au 21
août 1888.
Depuis une quarantaine d'années, le Brésil, pacifié à l'inté-
rieur, a fait de grands efforts, sous la direction de l'empereur
Dom Pedro II, pour répandre l'instruction, pour élever le niveau
de l'enseignement, pour développer l'agriculture, l'industrie et le
commerce, et pour tirer partie des richesses naturelles du sol par
la construction de voies ferrées, par l'établissement de lignes de
navigation et par des faveurs accordées aux immigrants. Les
résultats obtenus depuis la clôture de la période révolutionnaire
sont déjà considérables : nulle part en Amérique, sauf aux Etats-
Unis et au Canada, la marche du progrès n'a été plus ferme ni
plus rapide.
i. La Chambre des députés se compose aujourd'hui de 125 membres,
mais :j sièges étaient vacants, et 22 conservateurs et 7 libéraux n'étaient pas
présents au vote. Quatre-vingt-quatre députés (64 conservateurs et 20 libé-
raux) votèrent pour l'abolition; 9 conservateurs, contre.
Au Sénat, composé de 60 membres, quarante-trois (19 conservateurs et
2t littéraux ont voté pour la loi, 6 conservateurs contre. Cinq conserva-
teurs et quatre libéraux étaient absents et 3 sièges vacants.
CHAPITRE VI
POPILVTIOX, TERRITOIRE, ÉLECTORAT
Par M. J.-P. FAVILLA-NUNES1
I. Population. — En dehors d'une tentative d'enrôlement de
la population faite par M. le conseiller Paulino de Souza, nous
n'avons encore eu au Brésil qu'un seul recensement général,
opéré en 1872, il y a près de dix-sept ans, parles soins de M. le
conseiller Joâo-Alfredo, alors ministre de l'intérieur. C'est la
seule base sérieuse que nous possédions pour nos études de dé-
mographie. Dans la ville de Rio-de-Janeiro, on a procédé à plu-
sieurs recensements locaux à différentes époques. Le premier de
ces recensements partiels eut lieu en 1799, par ordre du comte
de Rezende, alors vice-roi du Brésil colonial. Le second fut effec-
tué sous le règne du roi de Portugal Dom Jean VI, en 1821.
Le troisième fut effectué en 1838 par les soins de feu le
conseiller Bernardo de Vasconcellos, alors ministre de l'intérieur.
Enfin, en 1849, on procéda à un nouveau recensement à Rio-de-
Janeiro par ordre de feu le conseiller Eusebio de Queiroz, alors
ministre de la justice.
Le recensement de 1872 donnait au Brésil une population de
9.930.478 habitants. Mais ce recensement était incomplet. Il ne
comprenait ni 32 paroisses dans tout l'Empire, ni 10.993 Indiens
localisés dans des hameaux de la province de Maragnon, ni
4.059 habitants de la province de Rio-de-Janeiro.
1. M. Favilla-Xunes s'est fait connaître au Brésil par une série d'études
de statistique dont quelques-unes ont été publiées par les soins du Gouver-
nement. Cette notice, que nous avons arrangée, est empruntée à Tune de
ces études qu'il nous a envoyée.
l'jo LE BRÉSIL EN 1889.
Celle population de 9.930.478 habitants comprenait 8.419.672
citoyens et 1 .510.806 esclaves, car L'esclavage existait encore à cette
époque là. Au point de vue de la race, ces (.). 930. 178 habitants se
répartissaienl en 3.80i 782 habitants mulâtres et métis, 3.787.289
habitants de race caucasienne, L. 959. 452 habitants de race afri-
caine, et 386.955 habitants de race indienne-américaine. Au point
de vue du sexe, on comptai! 5. 1 23.869 habitants du sexe masculin,
dont 4.318.699 libres et805.170 esclaves; et 1.806.609 habitants
du sexe féminin, dont 1.100.973 libres et 705.636 esclaves. Au
point de vue de la religion, on comptait 9.902.712 habitants
catholiques, dont 8.391.906 libres et 1.510.806 esclave-, et
27.766 habitants non-catholiques, tous libres. Au point de vue de
la nationalité, la population libre (8.419.672) se répartissait en
8.176.191 Brésiliens et 243.481 étrangers.
Celte population n'a pu rester stationnaire eu aucune manière
depuis cette époque. N'ayant aucune base proportionnelle pour
en faire l'estimation, on L'a calculée d'une manière plus ou moins
divergente.
.Nous essayons aujourd'hui une estimation rapprochée de la
réalité, et nous l'établissons sur des coefficients raisonnables et
aussi exacts <|ue possible.
En calculant en général les naissances probables à 4 pour 100
de la population et les décès à 2 pour 100, la différence en faveur
de la natalité est de 2 pour 100. Ce calcul ne s'applique qu'aux
provinces qui ne reçoivent pas encore un nombre sensible d'im-
migrants, et il faut se rappeler que les populations rurales ou les
populations disséminées sur de vastes territoires, comme cela
arrive au Brésil, ont plus d'éléments de vitalité et de fécondité
que les populations urbaines ou accumulées sur un petit es-
pace.
Aussi donnons-nous pour chacune des provinces que nous
allons énumérer la proportion suivante d'augmentation annuelle
parlOO habitants: Maragnon, Piauhy, Céarâ, Rio-Grande-du-Nord,
Pernambuco, Aiagôas, Sergipe, Bahia, Goyaz et Matto-Grosso,
-2 pour L00: — Amazon as, qui a reçu un certain nombre d'immi-
grants, 2,5 pour 100 ; Para, Espirito-Santo, Rio-de-Janeiro (ville),
Rio-de-Janeiro (province), Paranâ, Santa-Catharina, Rio-Grande-
du-Sud et Minas-Geraes, 3 pour 100; San-Paulo, 3,5 pour 100.
L'augmentation de la population produite parles Immigrants
se trouve donc être la suivante [tendant les seize années écoulées
depuis 1S72:
POPULATION, TERRITOIRE, ÉLECTORAL 191
Provinces. Augm. ann. par 100 hab. Total en 1G années
rYmazonas
Paré
Espirito-Santo
Rio-de-Janeiro (ville)
Rio-de-Janeiro (province).
Saa-Paulo
Paranë
Santa-Catharina
Rio-Grande-du-Sud
Minas-Geraes
0,5....
1,0
1,0....
1,0....
1,0....
1,5....
1,0....
1,0....
1,0....
1,0...,
Total..
11.521
44.037
13.141
43.995
125.885
175.843
20.095
25.514
69.570
326.357
855.958
Ce calcul donne une moyenne annuelle de 53.497 immigrants
pour tout l'Empire. On ne peut pas trouver ce chiffre exagéré,
car le seul port de Rio-de-Janeiro a reçu, pendant les dix années
écoulées de 1875 à 1884, comprises dans la période dont nous
nous occupons, 228.407 immigrants, et pendant les quinze années
écoulées de 1870 à 1884 le nombre des immigrants débarqués à
Rio-dc-.Ianeiro a été de 303.179.
La population entière du Brésil se répartissait de la manière
suivante, selon le recensement de 1872 :
PROVINCE:
Amazonas
Maranhào
l'iauli\
Rio-Granile-du-Xonl
Parahyba-du-Nord . .
Pernambuco
Bahia
Espirito-Santo
Rio-de-Janeiro
ulo
Paranâ
Santa-Catharina . . .
Rio-Grande-du-Sud.
Goyaz
Matto-Gr isso
Total
POPULATION
POPULATION
TOTAL
LIBRE
ESCLAVE
56.631
979
57.610
247.779
27.458
L75.237
284.101
74.939
359.040
178.427
23.795
202.222
689.773
31.913
721.689
220.959
13.020
233.979
354.700
21.526
376.226
752.511
89.028
841.539
312.268
35.741
348.009
153.620
22.623
176.213
1.211.792
167.824
1.379.613
59.478
22.659
82.137
226.033
48.939
274.972
490.087
£92.637
782.724
680.742
156.612
837.354
116.162
10.560
126.722
144.818
14.984
159.802
367.022
67.791
434.816
1.669.276
370.459
2.039.735
149.743
10.652
160.395
53.750
6.667
60.417
8.429.672
1.510.806
9.930.478
192
LE BRÉSIL EN 18 89.
Cette même population, calculée d'après nos indications pré«
cédentes, donne, pour L'année 1888, 1rs résultats suivants:
PROVINCES
\i GMBH rATIO
annuelle
par ioo bah
Amazonas
l'ara
Maragnon
l'iauliy
Cearâ
Elio-Grande-du-Nord
Parahyba
Pernambuco
Alagoas
Sergipe
Bahia
Espirito-Santo
Municipe neutre.. .
Rio de-Janeiro
San-Paulo
Parana
Santa-Catharina . . .
Rio i irande-du-Sud.
Minas-Geraes
Goyaz
Matto-Grosso
Total. . .
AUJllKM.UIiiN
23.014
132.113
118.410
64.711
230.939
74.813
120.392
2G9.292
111.362
50.397
441. 176
39.42S
131.986
377.655
408.918
00.826
7U.544
208.711
97!). 072
51.326
19.333
4.050.805
POPULATION
on 1888.
80.054
407.350
188.443
952.625
308.852
49(3.618
1.110.831
459.371
232.640
1.821.083
121.562
406.958
l. 164.438
1.306.272
187.548
236.340
613.527
3.018.807
211.721
79.750
11.0U2.335
Dans ce calcul nous avons tenu compte des 10.993 Indiens de
la province de Maragnon et des 4.059 habitants de l'une des
paroisses de la province de Uio-de-Janeiro qui n'avaient pas été
compris dans le recensement de 1872. Mais nous avons négligé
les 32 paroisses qui n'ont pas été comprises dans le recensement
de 1872 dans les provinces de Maragnon, Piauhy, Sergipe, Rio-de-
Janeiro, Uio-Grande-du-Sud et Minas-Geraes. Nous n'avions
aucune base pour en faire une estimation, même approximative.
Le tableau suivant renferme toutes les données relatives à La
population du Brésil :
POPULATION, TERRITOIRE, ÉLECTORAT,
193
lO ■* M (M «5 -< N î^ -• '/3 a l'T W l- «* f N O (M lO
r5TSî©ûOtfioo.''5aOifiOiTi<(Ninmo^i-i-
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l',U LE BRÉSIL EN 18 80.
II. Territoire. — D'après Les meilleurs calculs il semble établi
que La superficie totale du Brésil embrasse une superficie de
8.337.218 kilomètres carrés, soit 85 [tour 100 du territoire de
L'Europe entière.
Detousles pays d'Euro] t d'Amérique, si Ton en exclut les
possessions et domaines, c'est le Brésil qui a la plus grande su-
perficie.
Les États-Unis de l'Amérique du .Nord avec ses 38 États
comptent 4.404.668 kilomètres carrés, et 3.926.692 kilomètres
carrés de plus appartenant aux territoires annexes, au territoire
indien, à celui d'Alaska et aux baies de Delaware, Raritan et
New-York.
En Europe, L'État qui a le plus vaste territoire est la Russie,
avec 5.016.024 kilomètres carrés, 3.321.194 kilomètres carrés de
moins que le Brésil. Cependant., L'empire russe est le plus grand
pays du inonde au point de vue de la superficie, car, ;ivec la
Sibérie, le Caucase, l'Asie centrale, en Asie, et Le Grand-Duché de
Finlande, en Europe, il a 21.702.230 kilomètres carrés de super-
ficie.
La grande-Bretagne vient après. En Europe, elle n'a, avec
l'Irlande, que 314.951 kilomètres carrés ; mais avec l'empire des
Indes et les autres possessions elle a un territoire de 20.135.547
kilomètres canes.
La Chine proprement dite est plus petite que le Brésil, car
elle compte à peine 4.024.690 kilomètres carrés ; mais avec la
Mandchourie, la Mongolie, le Tibet, le Dsoungarie, le Tourkistan
de l'Est et la Corée, elle aune superficie de 11.792.548 kilomètres
carrés.
Le territoire du Brésil se divise comme suit :
Kilomètres carrés.
Amazonas 1.897.020
Paré 1.149.712
Maranhâo 459.884
Piauhy 301.797
Ce na 10Ï.250
Rio-Grande-du-Nord 57.485
Parahyba 7ï.7.;i
Pernambuco 128.395
A reporter 4.173.274
POPULATION, TERRITOIRE, ÉLECTORAL 19*.
Report 4.173.274
AJagôas 58. 491
Sergipe 19.090
Bahia 426.427
Espirito-Santo 44.839
Municipe neutre 1.394
Rio-de-Janeiro 68.982
S. Paulo 290.876
Parané 221.319
Santa-Catharina 74.156
Rio-Grande-du-Sud 236.553
Minas-Geraes 574.855
Goyaz 747.311
Matto-Grosso 1.379.651
Total 8.337.218
La province la plus petite est celle de Sergipe, qui n'a que
39.090 kilomètres carrés. Malgré cela, elle est encore plus grande
que le Danemark, que les Pays-Bas, que la Belgique, que les
Républiques de Haïti et de San-Salvador et que beaucoup d'autres
États.
La plus grande est celle de l'Amazonas, avec 1.897.020 kilo-
mètres carrés. Elle se divise en 15 Municipes, de sorte que cha-
cun d'eux a une superficie moyenne de 126.468 kilomètres carrés,
lu Municipe quelconque de cette province est donc plus étendu
que le Portugal, la Bavière, la Grèce, la Bulgarie, la Serbie ou
la Suisse.
Exception faite de la Russie, n'importe lequel des autres
Etats de l'Europe est plus petit que l'une des provinces de l'Ama-
zonas, de Para, de Goyaz et de Matto-Grosso.
Cette dernière province se compose de 10 Municipes, ayant
chacun en moyenne une superficie de 137.965 kilomètres carrés.
Mais il y en a un, le Municipe de Santa- Anna-do-Parnahyba, qui ne
se compose que d'une paroisse ayant une superficie de 158.273
kilomètres carrés.
Nous allons donner le territoire du Brésil et ses vingt pro-
vinces séparément, en le comparant à celui de divers pays du
globe :
196 LE BRÉSIL EN 1S89.
Kilomètres carrés.
Russie, avec la Finlande, la Sibérie et le
Caucase 21.702.230
Angleterre, avec les Indes et toutes
possessions 20.135..Vi7
Sibérie 12.495.109
Chine, Mandchourie et pays sujets à la
Couronne 1 1 . 7(.i2..Vitt
Etats de l'Europe avec les mers et les
baies intérieures 9.902.631
États-Unis avec tous les Territoires. . 9.331.360
Brésil 8.337.218
Canada, avec les mers et les lacs inté-
rieurs 8.301.503
Empire Ottoman avec toutes les pos
sessions immédiates, États tribu-
taires et protectorats G.23G.250
États-Unis sans les Territoires annexes . 5 . 4?4 . G68
Russie d'Europe avec la Pologne. . . 5.016.02 \
Empire chinois sans les dépendances. 4.024.690
Asie centrale 3.017.760
Egypte 2.987.000
République Argentine 2.835.970
Australie occidentale 2.527.530
Mexique 1.945.723
Province de VAmazonas 1.897.020
Quecnsland 1.730.630
Province de Malto-Grosso 1.379.631
Bolivie 1.297.255
Province de Paru. 1.149.712
Venezuela 1.137.615
Pérou 1.119.941
Australie méridionale 983.655
Colombie 830.700
Maroc, Sahara et dépendances. . . . 812.300
Nouvelles Galles du Sud 800.730
Province de Goyaz 7 i7 . 311
Siam 726.850
Equateur 643,295
Chili avec les îles (536.769
Autriche-Hongrie 625.168
POPULATION, TERRITOIRE, ELECTORAT.
197
Kilomètres carrés.
Province de Minas-Geraes 574.853
Empire allemand 540.514
Chili sans les îles et les possessions. . 537.187
France 528.571
Espagne et dépendances 507.033
Espagne sans les dépendances. . . . 500.443
Caucase 459.884
Province de Maragnon 459.884
Suède 450.574
Annam, avec laCochinchine, leTonkin
et Tsiampa 440.500
Algérie 430.000
Province de Bahia 426.427
Japon 382.447
Finlande 373.603
Prusse 348,258
Territoire Transcaspien 327.068
Turquie d'Europe, possessions immé-
diates, Roumélie orientale, Bosnie,
Herzégovie, Sandjak, Bulgarie. . . 326.376
Hongrie 322.285
Norvège 318.195
Grande-Bretagne et Irlande 314.951
Province de Piauhy 301.797
Autriche 299.984
Italie 296.323
Province de San-Paulo 290.876
Nouvelle Islande 270.392
Turquie d'Europe, sans les dépendances 262 . 404
Paraguay 238.290
Province de Rio-Grande-du-Sud. . . . 236.553
Victoria (Australie) 227. 610
Province de Paranâ 221.319
Uruguay 186.920
Un Municipe de Matio-Grosso 158.273
Nicaragua 133.800
Roumanie 129.947
Province de Pernambuco 128.395
Un Municipe de T Amazonas 126.468
Guatemala 121.140
U; BRÉSIL EN 1889.
Kilomètres carréi
Honduras 120.480
Tunisie ' L6.348
Province de Cearâ L04.250
Portugal 89.625
Irlande 84.252
Ecosse 78.895
Bavière 75.859
Province de Parahyba-du-Nord . . . . 74.731
Province de Santa-Catharina 74.156
Province de Rio-de-Janeiro 68.982
Tasmanie 68.309
Grèce 64.688
Bulgarie 63.927
Provint*' d'Alagâas 58.494
Province de Rio-Grande-du-Nord. . . 57.485
République dominicaine 53.343
Costa-Rica 51.760
Serbie 48.590
Province d'Fspirito-Santo 44.839
Suisse 41.390
Province de Sergipe 39.090
Danemark 38.302
Sibérie 37.200
Hollande • • . 33.000
Belgique 29.455
Haïti 23.911
San-Salvador 18.720
Monténégro 9.030
Luxembourg 2.507
M unir if»' Neutre 1.394
Andorre -){) l
Liechtenstein 157
Saint-Marin
Monaco
9-7
En acceptant comme base le calcul de la population que nous
venons d'établir, le territoire des provinces du Brésil comparé
avec le chiffre de la population donne comme densité kilométrique
les résultats suivants :
POPULATION, TERRITOIRE, ÉLECTORAT.
199
P R 0 VIN CE S
POPULATION
SUPERFICIE
en kilom. carrés
HABITANTS
par kilom. carré
A mazonas
Para .
80.654
407.350
488.443
266.933
952.625
308.852
496.618
1.110.831
459.371
232.640
1.821.089
121.562
406.958
1.164.438
1.306.272
187.548
236.346
64.527
3.018.807
211.721
79.750
1.897.020
1.149.712
459.884
301.797
104.250
57.485
74.73.1
128.395
58.491
39.090
426.427
44.839
1.394
68.982
290.876
221.319
74.156
236.553
574.855
747.311
1.379.651
0.04
0.35
1.06
0.88
9.13
5.37
6.64
8.63
7.85
5.95
4.27
2.71
291.96
16.88
4.49
0.84
3.18
2.72
5.25
0.28
0.06
Cearil.
Total
14.002.335
8.337.218
1.67
Ce tableau démontre que la population spécifique du Brésil
est à peine de 1.67 habitants par kilomètres carrés, et que les
provinces ayant un territoire très-vaste sont les moins peuplées
relativement, tandis que celles qui ont un territoire moins vaste
ont une population plus dense.
Classées d'après la superficie de leur territoire, les provinces
occupent le rang suivant :
Kilomètres carrés.
Amazonas 1.897.020
Matto-Grosso 1.379.651
Para 1.149.712
Goyaz 747.311
Minas-Geraes 574.855
Maragnon 459.884
Bahia 426.427
Piauhy 301.797
San-Paulo 290.876
Rio-Grande-du-Sud 236.553
Paranâ 221e319
Pernambuco 128.395
Cearâ 101.250
200 LE BRÉSIL EN 1889.
Kilomètres carrés.
Parahyba-du-Nord 71.731
Santa-Catharina 74.156
Rio-de-Janeiro 68.982
Alagôas 38.491
Rio-Grande-du-Nord 57.483
Espirito-Santo U.839
Sergipc 39.090
Municipe Neutre 1.394
Classées d'après la densité de la population, les diverses
provinces occupent un rang bien différent, comme on va le
voir :
Habitants
par kilomètres carrés.
Municipe Neutre 291.96
Rio-de-Janeiro 16.88
Cearà 9.13
Pernambuco 8.63
Alagôas 7.83
Parahyba-du-Nord 6.64
Sergipe 3.95
Rio-Grande-du-Nord 5.37
Minas-Geraes 5.25
San-Paulo 4.49
Bahia 4.27
Santa-Catharina 3.18
Rio-Grande-du-Sud 2.72
Espirito-Santo 2.71
Maragnon 1.06
Piauhy. . 0.88
Paranâ 0.84
Para 0.35
Goyaz 0.28
Matto-Grosso 0.05
Amazonas 0.04
Le tableau suivant montre le rang qu'occupe chacune des
provinces du Brésil, au triple point de vue de la superficie, de la
population absolue et de la population par kilomètre carré :
POPULATION, TERRITOIRE, ÉLECTORAT. 201
D'après D'après D'après
le la la densité
territoire. population, kilométrique.
Ainazonas 1 20 21
Matto-Gosso 2 21 20
Para 3 il 18
Goyaz 4 17 19
Minas-Geraes 5 1 9
Maragnon 6 9 15
Bahia 7 2 11
Piauhy 8 14 16
San-Paulo 9 3 10
Rio-Grande-du-Sud . . 10 7 13
Paranâ 11 18 17
Pernambuco 12 5 4
Cearâ 13 6 3
Parahyba-du-Nord. . . 14 8 6
Santa-Catharina. ... 15 15 12
Rio-de-Janeiro 16 4 2
Alagôas 17 10 5
Rio-Grande-du-Nord . .18 13. 8
Espirito-Santo 19 19 14
Sergipe 20 16 7
Municipe Neutre. ... 21 12 1
On voit que la province de TAmazonas est la première en
erritoire, l'avant-dernière en population et la dernière au point
f de vue de la densité de la population, et que le Municipe neutre,
le dernier au point de vue de retendue du territoire, est le dou-
zième pour la population absolue et le premier au point de vue
de la densité de la population.
Si jamais le Brésil parvenait à être peuplé comme la Belgique,
son vaste territoire contiendrait le chiffre formidable de
1.667.443.600 habitants, c'est-à-dire une population supérieure à
celle du monde entier à l'heure présente !
III. Électorat. — L'Empire du Brésil est divisé en 125 districts
électoraux, qui élisent 125 représentants temporaires (députés,
élus pour 4 ans), 60 représentants à vie (sénateurs) et 641 mem-
bres des assemblées provinciales (élus pour 2 ans).
Ces 125 districts électoraux comprennent 20 provinces et
202 LE BRÉS1 i. i N L8
892 Municipes, avec 330 villes, 562 bourgs (villas] el L.866 pa
poiss
Jusqu'à la révision de 1887, le nombre des électeurs au Brésil
étail de 220.000 à peu près, soit 1.5 pour L00 de la population
totale. C'esl un des électorats les moins nombreux que l'on con-
naisse.
L" tableau suivant donne quelques indications précieuses au
sujet de la représentation nationale, d'après le territoire de
chaque province, d'après sa population et les revenu- qu'elle
verse à L'État.
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CHAPITRE VII
TRAVAIL SERYIIE ET TRAVAIL LIBRE
Par M. F.-J. de SANTA-ANNA NERY
La loi n° 3353 du 13 mai 1888 a aboli définitivement l'escla-
vage dans l'empire du Brésil. Elle n'a pas rendu seulement la
liberté aux noirs qui restaient encore en servitude, et dont le
nombre, d'après une statistique officielle en date du 30 mars 1887,
s'élevait à 723.419, évalués à la somme de 485.225 contos, soit, au
change de 400 réis pour 1 franc, à plus de 1 milliard 213 millions
de francs. La loi d'or — lei aurea, comme on l'a appelée là-bas
— a aussi rompu tout lien entre les anciens maîtres et les affran-
chis ou ingenuos, nés libres en vertu de la loi du 28 septembre
1871, mais qui devaient leurs services jusqu'à l'âge de 21 ans
accomplis aux maîtres de leur mère. Bien plus : cette loi, en
libérant les derniers esclaves et en faisant rentrer dans le droit
commun les affranchis, a établi implicitement que les uns et les
autres devenaient citoyens brésiliens par le fait même de leur
libération.
Les philanthropes ont le droit de se réjouir de semblables
mesures. Les négrophiles peuvent triompher. Les uns et les
autres ont raison. Le Brésil a fait grandement les choses. S'il a
été le dernier État chrétien et civilisé qui ait gardé l'esclavage,
du moins, en le supprimant, a-t-il élevé les esclaves de la veille
au niveau de leurs anciens maîtres, et a-t-il su, par une éducation
libérale, battre en brèche les préjugés qui, dans d'autres pays,
ont établi une barrière infranchissable entre les races. Là-bas,
206 LE BRESIL EN 1889.
les noirs libérés peuvent cire assurés do vivre sur un pied de
parfaite égalité sociale avec, les autres races.
Mais si le philantrophe et le négrophile ne voient dans la loi
• lu L3 niai 1888 qu'un acte de justice, l'économiste est obligé d'y
voir autre chose : une révolution dans les conditions du travail
national. Cette révolution est intéressante à étudier dans ses
conséquences. D'abord, parce qu'elle nous montre comment
ii ii pays, (|iii ne vit guère que d'exploitation agricole et forestière,
,i cherché à opérer la transition entre le travail servile non rému-
néré et le travail libre salarie, ensuite parce que le Brésil est le
grand fournisseur de café des principaux marchés des deux
mondes, et qu'une production plus ou moins abondante de cette
denrée entraîne la hausse ou la baisse de cette fève entrée dans
la consommation journalière de tous les pays. Finalement, parce
que les destinées économiques d'un Etat qui fait avec l'étranger
des échanges annuels se mon tant à plus d'un milliard de francs
ne peuvent pas être indifférentes.
Voyons donc de quelle manière le Brésil a cherché et cherche
encore à remplacer les bras esclaves, auxquels il devait jusqu'ici
une partie de sa production et qui entraient comme un facteur
important dans ses échanges internationaux. Car on ne saurait
nier que la liberté rendue en moins de dix-sept ans — de 1871 à
1888 — à près de deux millions d'esclaves et à un demi-million
d'ingenuos eût entraîné la décadence irrémédiable du pays si le
gouvernement impérial n'avait pas pris certaines mesures pour
adoucir une perturbation économique aussi radicale. Ces mesures
consistent dans l'effort constant pour attirer au Brésil l'émigra-
tion européenne, à laquelle on a eu recours pour combler en
partie les vides faits par l'émancipation des noirs. Le gouverne-
ment impérial a su mener de front ces deux œuvres connexes,
celle de l'émancipation et celle de l'immigration, surtout depuis
quelques années.
En effet, depuis 1871, date de la « loi du ventre libre »
jusqu'en 1888, il est entré au Brésil, par les seuls ports de Rio et
de Santos, plus de 500.000 immigrants, qui se sont substitués en
partie aux esclaves sur les plantations et ont apporté au pays les
bienfaits du travail libre. Ces chiffres ne s'appliquent pas aux
arrivages d'émigrants dans tout le Brésil : ils se rapportent exclu-
sivement aux deux grands ports de Rio et de Santos et laissent
de côté, par conséquent, toute l'émigration qui se dirige vers
d'autres points du Brésil, spécialement vers l'Amazonie. Tous
TRAVAIL SERVILE ET TRAVAIL LIBRE. 207
ceux qui ont fait la traversée d'Europe à Para et Mauâos savent
que les steamers de la Red Ci%oss Lin<\ partant de Liverpool pour
Para, Parintins, Ltacoatiâra et Manâos, avec escale au Havre,
sont toujours bondés d'émigrants, portugais pour la plupart, qui
vont chercher fortune dans le « pays du caoutchouc ».
C'est principalement d'Italie que partent aujourd'hui pour le
Brésil Les émigrantsragriculteurs. Cet exode italien pour l'empire
sud américain est de date récente. De 1855 à 1882, pendant une
période de vingt-huit années, le Brésil n'a guère reçu que 11.000
immigrants de provenance italienne. Mais, depuis lors, l'immi-
gration italienne y a pris une extension considérable.
De 1882 à 1885, le chiffre des immigrants italiens qui y débar-
quent commence à atteindre 10.000 âmes. Les planteurs s'en
trouvent bien et demandent de nouveaux bras à la Ligurie, au
Piémont, à la Toscane, à la Lombardie, au Tyrol. Aussi, en 1886,
le chiffre des Italiens arrivés au Brésil dépasse-t-il 14.000. Sitôt
débarqués, sitôt placés. La fièvre s'empare des planteurs, tous
veulent avoir des travailleurs d'Italie. En 1887, les immigrants
italiens y débarquent en nombre supérieur à 40.000. En 1888, on
en reçoit plus de 100.000.
D'ailleurs, le nombre des autres immigrants augmente égale-
ment, comme le constate avec une légitime satisfaction le
conseiller Rodrigo da Silva, ministre de l'agriculture, dans le
Rapport qu'il a présenté aux Chambres en 1888. Les entrées de
toute provenance dans le Brésil méridional se répartissent ainsi
depuis dix ans :
1878 22.423 1883 28.670
1879 22.189 1884 20.087
1880 29.729 1885 30.135
1881 11.054 1886 25.741
1882 27.197 1887 55.986
1888 132.000
Ainsi, tandis que la moyenne des arrivées annuelles est,
depuis dix ans, de 27.000 immigrants de toute provenance, en
1888, Rio et Santos seulement ont reçu près de 132.000 immi-
grants de toute provenance.
Les Italiens viennent en tête, suivis d'assez près par les
Portugais.
208 LE BRESIL EN 1889.
Les Italiens, d'ailleurs, prospèrent admirablement au Brésil.
Ils y trouvent, surtout dans la zone méridionale, un climat
presque semblable au leur et des occupations en rapport avec
leurs aptitudes agricoles. Comme les chiffres sont plus éloquents
que de simples affirmations, nous citerons ici un exemple frap-
pant de cette prospérité. Dans un rapport présenté dernièrement
par M. le commandeur Grillo, directeur général de la Banque
nationale, au Conseil de l'industrie et du commerce, sur un
projet pour la création d'une banque de crédit colonial, il est
établi que, du Brésil seulement, les expéditions d'argent, faites
par les Italiens émigrés à leur famille demeurée au pays, se
montent annuellement à 10 millions de lires. L'Italie ne perd
donc pas tout, en perdant quelques-uns de ses enfants, et la
mère-patrie bénéficie de ses travailleurs d'outre-mer en recueil-
lant une partie de leurs épargnes, en même temps qu'elle étend
ses débouchés commerciaux par leur intermédiaire.
Grâce à ses émigrants, l'Italie est en train de conquérir au
Brésil un large marché consommateur, à côté de l'Allemagne et
de l'Angleterre, car si celle-ci envoie là-bas ses capitaux, les
deux autres y envoient leurs nationaux, et si, en 1883, la France
vendait au marché de Rio trois fois plus que l'Allemagne, — en
1887, celle-ci a rejoint le chiffre des ventes françaises sur notre
première place et l'a même dépassé.
La plus grande partie des Italiens qui s'expatrient au Brésil
s'y fixent à demeure. Ils y vont en famille ; et les statistiques
dressées par M. Bodio, dont on connaît l'autorité en ces matières,
font ressortir ce fait d'une manière précise. En effet, de 1883 à
1886 inclusivement, il est revenu des deux Amériques en Italie
environ 51.000 anciens émigrants, soit une moyenne de 13.500
par an, moyenne qui tend à augmenter. De ce nombre, près de
39.030 revenaient de la Plata; près de 14.000 des États-Unis. Du
Brésil, il n'en revenait que 994 pendant la même période. Il résulte
de ces données que rémigrant italien se rend souvent à la Plata
d'une manière temporaire, comme celui qui vient en France. Il y
va, soit pour exécuter certains travaux publics, soit pour y prendre
part aux récoltes annuelles. Son travail terminé, il quitte le
pays, dont il n'augmente pas la population d'une manière cons-
tante. Il n'en est pas de même pour l'Italien qui émigré au Brésil :
il va s'y établir sans esprit de retour, pour essayer d'y acquérir
l'aisance et en jouir sur place. Les quelques centaines qui revien-
nent tous les ans dans leur patrie y retournent après avoir
TRAVAIL SERVILE ET TRAVAIL LIBRE. 209
ramassé une petite fortune, et leur exemple encourage les parents
et amis à suivre la même route.
Los autres pays d'Europe offrent un contingent d'immigrants
comparativement restreint. Cependant, les Belges commencent à
émigrer vers Le Brésil avec empressement. En 1888, il est arrivé
àRio un groupe d'immigrants belges qui s'est établi dans un
centre colonial de la province de Minas-Geraes. Ce sont tous des
petits laboureurs possédant des économies. Ils sont l'avant-gardc
d'autres laboureurs de même provenance, et c'est grâce au
concours de pareils éléments que la transition s'opère sans trop
de difficultés.
Cependant, il est des pessimistes qui s'en vont disant que le
Brésil aura à se repentir de la grande réforme qu'il vient d'ac-
complir sans indemniser les propriétaires d'esclaves, et qu'il
sera victime de la hâte avec laquelle il a marché vers la solution
finale, car, le 9 mars 1888, les abolitionnistes les plus avancés
n'auraient jamais pu supposer, dans leurs rêves hardis, qu'au
bout de deux mois ces rêves seraient devenus une réalité.
Nous ne pouvons, pour le moment, que leur opposer des
raisons tirées de l'analogie et de l'induction la plus rigoureuse.
Certes, nul n'est prophète pour son pays. Mais tout le monde
peut avoir confiance en l'avenir quand le passé — un passé d'hier
— est là pour le rassurer. Or, depuis que le mouvement d'éman-
cipation s'est accentué au Brésil ; depuis que ce pays sacrifie
libéralement l'un des principaux facteurs de sa richesse maté-
rielle, est-ce que la prospérité publique a diminué? est-ce que la
production agricole a été atteinte? souffre-t-il dans sa fortune et
dans son bien-être? s'est-il appauvri en se guérissant d'un mal
séculaire ?
— On est obligé de convenir qu'il n'en est rien, et que, tout au
contraire, le bienfait rendu à toute une race injustement oppri-
mée a été payé au centuple par un surcroît d'abondance. Que
l'on nous permette de prouver cette assertion, paradoxale en
apparence, par quelques chiffres curieux.
De 1871 à 1887, sous le régime des deux lois d'émancipation
promulguées le 28 septembre 1871 et le 28 septembre 1885, non
seulement pas un seul homme n'est venu au monde dans le pays
sans naître libre, mais encore un million d'esclaves ont été rendus
à la liberté. Or, ainsi que nous allons le voir, la production géné-
rale n'a fait que suivre une marche ascendante pendant cette
période de transition. Si l'on consulte les chiffres se rapportant
14
210 LE BRÉSIL EN 18 80.
au café, élément prédominant de la richesse actuelle du pays, on
esl toui surpris de constater que sa production n'a pas cessé de
croître à mesure que la zone noire se rétrécissait.
En effet, on évaluait la production totale du Brésil en cafés:
de 1835 à 1840, à l'époque du trafic des négriers, à 40 millions
de kilos ; de 1855 à 1860, à l'époque où La traite a cessé complè-
tement, à 120 millions de kilos; de 1872 à 1877, pendant la
première période quinquennale qui a suivi le vote de la « loi du
ventre libre », à 177 millions de kilos ; de 1877 à 1882, alors que
la propagande abolitionntste s'organisait, à 350 millions de kilos ,
finalement, de 188-2 à 18S7, quand les jours de l'esclavage étaient
comptés, à près de 400 millions de kilos.
Il est impossible de ne pas être frappé de cette progression
constante et rapide, qui a fait du Brésil le fournisseur de tous les
grands marchés à café dos deux mondes. On ne peut l'attribuer
à des causes étrangères au sujet qui nous occupe. Car, il est
évident que, s'il y a eu plus de café produit, c'est que plus de
terres ont été mises en culture et que les anciennes plantations
ont été mieux soignées. Or, ou ces progrès ont été réalisés par
des esclaves affranchis et par des ingenuos, demeurés attachés au
sol, et, en ce cas, leur travail a été plus fructueux que lorsqu'ils
étaient asservis, et Ton a bien fait de les émanciper ; ou ces mer-
veilleux résultats ont été obtenus par l'intervention graduelle du
travail libre et rémunéré des immigrants, et alors il est prouvé
que l'agriculture nationale peut se passer dès maintenant, sans
trop de souffrances, du travail servile.
En affranchissant d'un seul coup le demi-million d'esclaves
qui restaient, on a lésé sans doute quelques intérêts privés. Ici,
c'est une veuve ou un orphelin, dont la fortune consistait exclu-
sivement en esclaves, et qui se trouvent dans une situation
précaire Là, c'est un planteur aisé, qui pratiquait l'absentéisme,
vivant dans les grandes villes pendant que ses noirs cultivaient
le café dans la fazenda, et qui devra se soumettre désormais à la
giandc loi commune : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton
front ». Ces exceptions, quelque respectables qu'elles soient^
n'étaient pas de nature à ajourner une réforme devenue urgente.
Toute transformation dans l'outillage entraine d'une manière
fatale ces désastres partiels, promptement réparés pour l'indi-
vidu et largement compensés par l'augmentation du bien-être
général. Aussi, pouvons-nous affirmer que l'ensemble de la nation
ne souffrira pas sensiblement de l'abolition de l'esclavage et que
TRAVAIL S EU VI LE ET TRAVAIL LIBRE. 211
ta pays y gagnera même dans la suite. C'est ainsi que les capi-
taux étrangers oui envisagé la situation. Deux faits le demon-
trent.
En arrivant au pouvoir, le 10 mars 1888, le ministère présidé
par M. le conseiller Jofto-Àlfredo Correia d'Oliveira annonça tout
oc suite qu'il s'apprêtait à réaliser l'abolition. En même temps,
dressai! à la place de Londres pour y contracter un gros
emprunt. Or, cet emprunt 4 1/2 pour 100, émis à 9G, fut couvert
immédiatement, sans que les capitaux anglais montrassent la
moindre crainte dans l'avenir, et cela au moment même où la
santé du souverain populaire du Brésil inspirait des inquiétudes.
11 y a mieux. La place de Paris n'a pas encore pris une part
active dans les affaires brésiliennes, commanditées presque
exclusivement par les Anglais. Or, au mois de juin 1888, alors
que la libération était déjà un fait accompli, il se formait à Paris
u ii syndicat, ayant à sa tête MM. Fould et le vicomte de Figuei-
redo, pour consacrer un capital de 100 millions de francs aux
affaires du Brésil.
Cette confiance s'explique aisément. Les financiers d'Europe
savent que le bras noir était un instrument peu intelligent et peu
actif, justement parce qu'il n'était pas rémunéré. L'expérience
faite dans les provinces de l'Amazone et de Céarâ, libérées depuis
quatre ans ; dans celles de San-Paulo, Rio-Grande-du-Sud,
Paranâ et Santa-Catharina, où il ne restait plus qu'une faible
portion d'esclaves employée dans les travaux, prouve que la
production n'a rien à perdre à la suppression de l'esclavage.
A San-Paulo, les recettes de la douane (destinées à l'État)
et celles de la mesa de rendas (destinées à la province), n'étaient
que de 12 millions de francs en 1875-1876, et s'élevaient à près
de -2i millions en 1884-1885; tandis que la production du café,
qui n'était que de 40 millions de kilos en 1873-1874, montait en
1884-1885 à 130 millions de kilos.
Dans la province de l'Amazone, la valeur officielle des pro-
duits exportés (caoutchouc principalement) s'est élevée de 1873
à 1887 dans la proportion de 1 à 100.
A Céara, quoique la terrible sécheresse dont la région a souf-
fert il y a douze ans ait jeté un grand nombre d'habitants hors
du territoire provincial, les recettes ont doublé d'une année à
l'autre.
Nous pourrions multiplier ces exemples.
L'esclavage, d'ailleurs, entre autres inconvénients, avait celui
212 LE BRÉSIL EN 18 80.
de repousser l'immigrant européen, qui ne tenait pas à se com
mettre avec le travailleur non salarié. Ainsi, de 1857 à 1871,
pendant les quinze années qui ont précédé la promulgation de la
loi Rio-Branco, il est arrivé au Brésil 170.000 immigrants seule-
ment. Au contraire, de 1873 à 1887, pendant les quinze années
signalées par le mouvement abolitionniste, il en est entré près
de 100.000.
Un dernier fait fera ressortir davantage la prospérité du jeune
Brésil: le papier-monnaie y perdait au change, d'une manière
plus ou moins considérable, pendant ces dernières années, sans
arriver, cependant à la dépréciation qu'il subit dans la République
Argentine. Or, depuis septembre 1888, non seulement le papier-
monnaie du Brésil a rejoint le pair (27 deniers par 1.000 réis),
mais encore il fait prime sur l'or. Tandis qu'àBuenos-Ayres, dans
la République Argentine, Ton fait plus de 50 pour 100 de prime
au moment où nous écrivons (janvier 1889), au Brésil, c'est le
papier-monnaie qui fait prime sur l'or, comme le démontre le
tableau suivant, que nous empruntons au journal 0 Paizf de
Rio-de-Janeiro.
On peut donc affirmer sans chauvinisme que l'abolition de
l'esclavage au Brésil, réalisée en six jours (du 8 au 13 mai) par
l'homme éminent qui a assumé cette lourde responsabilité devant
son pays, demeure une page glorieuse et pleine d'enseignements.
En la votant presque unanimement, les Chambres brésiliennes
n'ont pas seulement rendu la liberté à des noirs victimes d'un
crime de lèse-humanité, elles ont aussi affranchi la conscience
des patriotes brésiliens, honteux de voir leur pays étaler cette
tache au soleil duxixe siècle.
On connaît le mot fameux de Girardin : « Confiance ! Con-
fiance ! » On dirait que la grande loi abolissant l'esclavage a
réveillé chez tout le monde la confiance dans les destinées du
Brésil, et cette confiance est justifiée par les événements : à la fin
du mois de mars 1888, la dette flottante du Brésil était de près de
90 millions de francs ; à la fin du mois de mars 1889, elle n'existe
plus! Quant au change, jamais, depuis 1875, il n'a été aussi
favorable.
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21 12
CHAPITRE VIII
LES ZONES AGRICOLES
Par M. André REBOUÇAS1
L'immense territoire du Brésil peut être divisé en dix zones
agricoles, qui sont : I. La zone Amazonienne, comprenant les
provinces de Para et de l'Amazone. — II. La zone du Parnahyba,
comprenant les provinces de Maragnon et de Piauhy. — III. La
zone de Céarâ. — IV. La zone de Parahyba-du-Nord, comprenant
les provinces de Rio-Grande-du-Nord, de Parahyba-du-Nord, de
Pernambuco et d'Alagôas. — V. La zone du San-Francisco, com-
prenant les provinces de Sergipe et de Bahia. — VI. La zone du
Parahyba-du-Sud, comprenant les provinces d'Espirito-Santo, de
Rio-de- Janeiro et de San-Paulo. — VIL La zone de Paranâ, com-
prenant les provinces de Paranâ et de Santa-Catharina. — VIIL
La zone de l'Uruguay, comprenant la province de Rio-Grande-
du-Sud. — IX. La zone Auro-ferrifère, comprenant la province de
Minas-Geraes. — X. La zone Centrale, comprenant les provinces
de Goyaz et de Matto-Grosso.
I. La zone amazonienne. — La surface de la province de
l'Amazone est de 1.897.020 kilomètres carrés; celle de la pro-
vince de Para est de 1.149.712 kilomètres carrés. La zone ama-
zonienne a donc l'énorme surface de 3.046.732 kilomètres carrés.
1. Ingénieur, professeur à l'École Polytechnique de Rio-de Janeiro, auteur
d'an grand nombre d'ouvrages estimés, dont quelques-uns sont cités dans
le cours de ce travail.
21G LE I3RESIL EN 1889.
Tout ce territoire n'est occupe que par 500 à GOO.000 habitants.
Peuplé comme la France, à raison de 72 habitants par kilomètre
carré, il ferait la richesse d'une population de 219.3G4.70i âmes.
Terre. — Cette zone est d'une fertilité proverbiale : on peut
même dire que l'excès de matières fertilisantes est un des prin-
cipaux obstacles à l'occupation de ce pays par des immigrants
européens. La terre y est presque toujours argileuse. La roche
prédominante est le grès. On y trouve toute la série des grès
classifiée par les minéralogistes. Les argiles pour la céramique
y sont excellentes. Les indiens ou les aborigènes de la vallée de
l'Amazone excellaient dans le travail de l'argile. Aussi la fabrica-
tion de briques, de tuiles et de tous les produits céramiques est-
elle une industrie à recommander comme très lucrative aux
industriels qui désireraient aller s'établir dans la vallée de l'Ama-
zone. — Les argiles blanches y sont connues sous le nom indien
de Tabatinga. — On trouve des calcaires dans la vallée du
Trombela, un des confluents du fleuve de l'Amazone, et dans les
localités connues sous les noms de Tapajoz (île), Manéassû,
Monte-Alegre, Manicoré, Santarem, etc., etc. Le prix des terres
est très variable dans la vallée de l'Amazone. Le Gouverne-
ment y possède d'immenses étendues. Il sera toujours facile
aux immigrants d'y obtenir des terres à des prix minimes.
Produits végétaux. — Caoutchouc. La grande richesse de la
vallée de l'Amazone et son premier produit d'exportation est le
caoutchouc, nommé là-bas Seringa, Sernamby et Borracha. Le
caoutchouc est produit par plusieurs arbres des familles bota-
niques des Euphorbiacées et des Moracées, notamment par les
suivantes : Ilcoea] guianensis (Siphonia elastica) ; Bevca brasi-
liensis ; Hevea discolor ; Jatropha glasiovii (caoutchouc de Géarâ) ;
Ficus elastica (caoutchouc des Indes). — Les grandes forêts de
caoutchouc, nommées Seringaes, sont constituées principalement
par les Heveas ; mais tous les arbres à caoutchouc, sans en excep-
ter Y Urceola elastica, de la famille des Apocynacées, qui donne
le caoutchouc de Malasic, prospèrent admirablement dans la
vallée de l'Amazone. L'extraction du caoutchouc se fait encore
d'une manière primitive par des gens du pays. Il y a là un im-
mense champ ouvert à L'initiative de l'industrie européenne. Des
usines centrales à caoutchouc, établies à Belem, à Manâos, et
dans les îles du grand fleuve et de ses innombrables confluents,
LES ZONES AGRICOLES. 217
produira ent des richesses énormes et introduiraient de grands
progrès dans toutes les branches de cette importante industrie.
Les arbres à caoutchouc devraient être traités d'une manière ra-
tionnelle e( méthodique, comme les chênes-lièges par les colons
français en Algérie. Le caoutchouc deviendrait ainsi infiniment
supérieur et à meilleur marché ; ces forets seraient conservées
et augmentées. L'exportation du caoutchouc est très impor-
tante, comme Ton verra dans les tableaux statistiques ci-joints.
Ce sont surtout les ports de New-York, de Liverpool, de Londres
et du Havre qui en reçoivent les plus fortes quantités. Les prix
varient de 3 à 10 francs par kilog., suivant les demandes de l'Eu-
rope et des États-Unis.
Cacao. — L'arbre qui produit le cacao est le Theobroma cacau,
de la famille des Byttneracées ou Buetteneriacées réunie par
quelques botanistes à la grande famille des Malvacées. Généra-
lement on ne fait que récolter les fruits de cet arbre d'une façon
toute primitive. Comme pour le caoutchouc il est à désirer que
les industriels européens fondent à Belem, à Manâos, et dans les
îles du fleuve de l'Amazone ou de ses confluents, des usines
centrales à cacao et des fabriques de chocolat. On réussirait à
introduire des procédés scientifiques dans le traitement des forêts
à cacao, et on obtiendrait des produits infiniment supérieurs et à
meilleur marché. Le cacao est exporté pour l'Europe et pour les
États-Unis dans les proportions indiquées dans les tableaux sta-
tistiques ci-joints. Les prix sont très variables : depuis 50 cen-
times jusqu'à un franc par kilog.
Vanille. — On trouve la vanille dans tout le Brésil ; mais la
plus estimée vient des provinces de l'Amazone, de Para et de
Matto-Grosso. La vanille est le fruit d'une orchidée ; les espèces
les plus connues sont les suivantes : Vanilla aromatica, Vanilla
palmarum (epidendron vanilla), Vanilla palmifolia, etc. Les plus
belles gousses de vanille sont très odorantes et couvertes de
cristaux en aiguilles, très blanches, d'acide benzoïque. La vanille
est un des produits végétaux ayant le plus de valeur. Le kilog. de
gousses de vanille se vend de 10 à 20 fr. ; une belle gousse, longue
de 20 à 22 centimètres, large de 1 à 2 centimètres, vaut de 1 à
3 francs. La culture et la récolte de la vanille, faites par des
immigrants intelligents, produiraient des sommes énormes. La
plupart du travail peut être fait par des femmes et des enfants.
218 LK BRÉSIL EN 18X0.
Châtaignes de Para. — Ce sont les beaux arbres classifiés par
les botanistes BerthoUetia cxcclsa, famille des Lecythidacées, qui
produisent la castanha de Para, dont les Anglais et les Améri-
cains sont très friands, et qui donne aussi une excellente huile
pour Tindustrie. On en exporte des sommes importantes pour
l'Europe et pour les États-Unis. Les prix varient de 20 à 00 cen-
times par kilogramme.
Bois de construction et d'ébénisterie. — C'est un fait prouvé
par toutes les expositions universelles, que nul pays au monde
ne possède des bois comme le Brésil; mais il faut dire que c'est
dans la vallée de l'Amazone que les essences forestières du Brésil
acquièrent leur maximum de résistance, de densité, de colora-
tion et de beauté. La simple «numération des bois de la vallée de
l'Amazone occuperait des centaines de pages. On en a classifié
déjà au Brésil 22.000 espèces ! Le catalogue [Indice gérai das
madeiras do Brazil, por André e José Rebouças, 1870-1878)
en occupe trois volumes de 300 pages chacun. Aussi sommes-nous
obligé de nous borner à rénumération des plus connus : Bois-
Rose (Paû-Rosa), Sébastian d'Arruda, classifié Pkysocalyrrma
florida, de la famille des Lythrariacées ; Bois-Satin (Paû-Setim,
Pequia-setim, Pequia marfim) produit par des arbres du genre
Aspidosperma : A. eburneum, A. sessiliflorum, etc., de la fa-
mille des Apocynées ; Bois-écaille (Paû-tartaruga, Muira-pinima)
classifié Brosimum discolor, de la famille des Arthocarpacées.
On en fait des cannes de toute beauté. Il est aussi très estimé
pour l'ébénisterie de luxe. Bois palissandre (Jacarandà ; jacaran-
dâtau). Le Palissandre, très riche en espèces et variétés dans
toute rétendue du Brésil, est fourni par des arbres de la famille
des Légumineuses, appartenant aux genres Machaerium et Dal-
bergia. On en fait une exportation très importante pour le Havre
et pour les principaux ports de commerce de l'Europe et des
Etats-Unis.
Cèdre. — Les cèdres du Brésil sont tout différents des cèdres
du vieux monde ; on les classifié dans le genre Gedrela de la
famille des Cedrelacées, tandis que le cèdre du Liban et ses con-
génères appartiennent à la famille des Conifères. Rien n'égale la
majesté des cèdres brésiliens; ils abondent partout du nord au
sud. Dans les grandes crues du fleuve de l'Amazone, on les voit
flotter et suivre les cours des eaux comme de petites îles vertes.
LES ZONES AGR COLES. 210
Bien son vont on a proposé d'établir des scieries flottantes pour
utiliser les beaux cèdres qui flottent sur l'Amazone ; ils seraient
péchés comme d'énormes poissons, sans frais de transport et
d'abattage en forêt.
Fleurs et plantes fleuries. — 11 faudrait faire un traité de
botanique pour donner une idée des fleurs de la vallée de l'Ama-
zone. Nous nous bornerons à dire que la plus grande fleur connue,
la Victoria régla, flotte sur les eaux de ce fleuve prodigieux. Les
aborigères l'appellent Mururé et aussi Four des (lapés. Les fleurs
parfois sont grandes comme un petit canot; les feuilles rondes,
d'un mètre de diamètre, peuvent soutenir un enfant à flot.
Les Orchidées, aujourd'hui à la mode dans le grand monde en
Europe, abondent dans la vallée de l'Amazone et partout au
Brésil. La Catleyasuperba et la Catleya Eldorado sont natives de
la vallée de l'Amazone. Nous citons pour mémoire les prix fa-
buleux payés par les amateurs du vieux-monde: Cypripedium,
0.000 francs ; Cattleya Talnoayana, dédiée au sénateur Taunay,
vice-président de la Société Centrale d'Immigration, vendue
4.500 francs ; Cattleya Par icivalima, vendue 2.500 francs ; Cattleya
Nossiœ, vendue 12.000 francs ; et les fleurs de YOncidium papilio,
qui obtiennent d'un à deux francs, chacune.
Pour l'importation de plantes fleuries il faudra s'adresser à
M. P. -M. Binot, floriculteur à Petropolis, province de Rio-
Janeiro, ou à son correspondant, M. Brot, faubourg Saint-Denis,
n° 89, à Paris, et à Bruxelles, au Jardin Botanique de l'État ou
à YHorticidture internationale, qui s'est chargée de l'ornementa-
tion florale du Pavillon du Brésil, au Champ -de-Mars.
Plantes ornementales. — L'opulence de la vallée de l'Ama-
zone en plantes ornementales est vraiment inouïe. On y trouve
une infinité de palmiers, de fougères, d'aroïdées et les plus
beaux arbres, arbrisseaux, épiphytes et parasites connus. Le
plus grand arbre de l'Amazone est la Sumaumeira, classifîée
eriodendronsuamaûma, de la famille des malvacées (Bombacées),
un géant végétal qui rivalise avec le sequria gigantea ou washing-
tonea gigantea de la Californie .
Plantes médicinales. — La flore thérapeutique de l'Amazone
est d'une extraordinaire richesse en espèces et variétés ; dans ce
travail tout-à-fait synoptique, nous nous bornerons à mention-
220 LE BRÉSIL EN 188 0.
ncr : La Salsepareille, classifiée smilax salsaparilla, de la famille
des smilacées. — L'Ipécacuanha, classifiée cephaelis ipecacuan/m,
d(> la famille des rubiacées. L'ipécacuanha blanche est fournie
par le genre richardsonia, dont on connaît les espèces R. emetica,
II. rosea et R. scabra. — Le jaborandy ou pylocarpe, dont on
extrait la pylocarpine, si employée maintenant en France et
dans le monde entier. Les plantes qui produisent la pylocarpinc
abondent dans tout le nord du Brésil, au Céarâ, à Pernambuco
et ailleurs ; elles sont classifîées dans la famille des pipéracées
avec les titres de pilocarpus primatus — piper jaborandy — otlonia
anisum. — Le cubeba classifié piper cubeba dans la famille des
pipéracées, qui compte une infinité de plantes médicinales. — Le
curare, le fameux venin des indiens, aujourd'hui si étudié par les
physiologistes ; il est produit par le strychnos castelnœi ou S. Cas-
telnaena, par le S. cogens, par le S. toxifera etc., de la famille des
loyaniacées, quelquefois réunies aux solanacées. — La nux vomica,
qui appartient aussi à la famille des hyaniacées, dans l'espèce
strychnos-nux-vomica. — Il faudrait remplir des pages entières
pour énumérer les plantes médicinales des familles des solana-
cées et des loyaniacées, si communes dans tout le Brésil.
Guarana. — C'est un produit très singulier de l'industrie des
aborigènes de la vallée de r Amazone et qui a l'aspect d'un cho-
colat très clair et très fortement comprimé. Il est fait avec les
fruits du paulinia sorbilis, de la famille des sapindacées. Il a été
dernièrement introduit dans la pharmacopée européenne. Les
naturels s'en servent en guise de rafraîchissement, en mélan-
geant la poudre du guarana avec de l'eau sucrée. On en fait déjà
une certaine exportation pour l'Europe et pour les provinces du
sud du Brésil.
Fruits. — Tous les fruits de l'équateur et des tropiques
abondent dans la vallée de l'Amazone. Les ananas à la forme
conique nommés abacaxis y sont de toute beauté. C'est le fruit
d'une broméliacée, classifiée bromelia ananassa ou ananassa sativa,
qu'on voit dans toutes les serres chaudes de l'Europe. Dans
cette môme famille on trouve une énorme collection de plantes
fleuries et de plantes d'ornement, qui sont épiphytes ou pseudo-
parasites. — L'avocat ou abacatc, classifié persea gratissima, dans
la famille des lauracées, a reçu des éloges de tous les botanistes
qui ont étudié ie Brésil. On en connaît de rouges et de verts ;
LES ZONES AGRICOLES. 221
dans la vallée do L'Amazone le fruit acquiert des proportions
gigantesques. — Les cocos ou les fruits des palmiers sont abon-
dants dans la vallée de l'Amazone. Les naturels font une énorme
consommation de Vassahy ou jussara, classifîé cuterpe eduhs.
Les fruits de cet élégant palmier, délayés dans de l'eau, un peu
sucrée, produisent le rafraîchissement le plus populaire à Para
et à Maragnon. — Le cupû ou le cupu-assû est un fruit d'un par-
fum exquis très employé pour des glaces et des sorbets, bien
supérieur à ceux de l'ananas. Il est classifîé dans le môme genre
theobroma que le célèbre cacao. — Il va sans dire qu'on trouve
dans la vallée de l'Amazone une variété infinie d'oranges et
de bananes, etc.
Produits animaux. — Le fleuve de l'Amazone et tous ses
affluents abondent en poissons de toute grandeur et de toutes les
variétés. Le savant Agassiz y a fait une collection de poissons,
qui est devenue célèbre entre les ichthyologistes. Le fameux
poisson électrique, le puraqué, est une des curiosités de l'Amazone.
Le poisson le plus commun est le pirarucû, qu'on prépare
comme la morue, et qui est une des grandes ressources alimen-
taires des habitants de cette vallée.
Les tortues sont extraordinairement nombreuses sur les
rives du grand fleuve. On consomme des quantités énormes d'œufs
de tortue. A vrai dire, le pirarucû et la tortue sont la base de
l'alimentatton des seringueiros ou exploiteurs de caoutchouc dans
la vallée de l'Amazone. Les tortues fournissent la belle écaille,
dont on fait différents objets de toilette et d'agrément. La quan-
tité d'oiseaux aux plumages splendides qui peuplent les forêts de
l'Amazone est vraiment innombrable. Le gibier y est très abon-
dant. On y trouve partout le tapir [anta), la capivara, la pacca et
une grande variété de cerfs. Les jaguars (onças) fournissent des
peaux aussi belles que celles du tigre royal de l'Inde. Il y en a de
plusieurs espèces : fauves, jaunes, noirs, tigrés en noir et jaune
or, etc., etc.
Voies de communication. — A vrai dire, il n'y a qu'une
seule voie de communication : le fleuve avec ses innombrables
affluents et ses canaux naturels de communication. Il est impos-
sible de se faire une idée de la majesté et de la beauté du fleuve.
A l'embouchure, il est si large qu'on n'en voit pas les rives. Ses
eaux pénètrent dans l'océan comme un énorme coin hydraulique
LE BRÉSIL i:\ 1889.
de \ iii-l lieues de largeur. Sur une grande étendue les plus forts
bateaux à vapeur naviguent comme en pleine mer, tant il est
large et profond. Dans certains endroits, une infinité d'îles, cou-
vertes de La plus belle végétation du monde, obligent les bateaux
à vapeur à parcourir un vrai labyrinthe de canaux bordés d'arbres
sup irbes, comme on n'en voit pas de pareils, môme aux Indes
dans l<is vallées si célèbres du Gange et de Tin dus. On donne ace
fleuve merveilleux une longueur de 2.828 kilomètres et à tous ses
affluents 13.250 kilomètres. Dans les tableaux statistiques ci-
joints, on verra l'extraordinaire mouvement de la navigation à
vapeur sur l'Amazone et sur ses principaux affluents. L'acte de
l'ouverture de ce fleuve majestueux à toutes les nations du monde
doit être compté comme un des plus brillants du règne de Dom
Pedro II. La belle propagande en faveur de ce bienfait universel
a été faite avec une grande éloquence par feu Aureliano Can-
dido Tavares-Bastos, un des plus remarquables publicistes du
Brésil.
Chemins de fer. — Pour le moment, on ne compte à Para
qu'un seul chemin de fer : celui de Belem à Bragança, qui doit
avoir 1 il kilomètres, évalués à 5.656 contosde réis, mais qui n'a
encore que 61 kilomètres, jusqu'à Apehii. — Le fleuve-océan, avec
ses énormes affluents et son infini labyrinthe de canaux (furos,
igarœpês) est le vrai réseau de chemins de fer de cette vallée. De-
puis 1867 le grand fleuve est ouvert à tous les pavillons ; la navi-
gation à vapeur y fait des progrès extraordinaires, comme on le
verra dans les tableaux statistiques ci-joints.
Agriculture. — La vallée de l'Amazone est si riche en pro-
duits naturels, et sa population est si insignifiante qu'on n'y fait
de l'agriculture que pour les besoins locaux. On comprend bien
qu'il vaut mieux récolter le caoutchouc, le cacao, la vanille, les
châtaignes ou toucas, la salsepareille, l'ipécacuanha et les autres
produits d'une haute valeur que de se donner la peine de
labourer la terre. Mais tous les produits de Féquateur et des
tropiques réussissent prodigieusement dans les terres drainées
et irriguées par l'Amazone et par ses innombrables confluents.
Ainsi l'indigo, la canelle, les girofles, les piments de l'Inde et
de Cayenne, le poivre, etc. peuvent être cultivés comme dans
leur pays natif; le Manioc, qui donne le meilleur tapioca, et
les maïs, ont été cultivés par les aborigènes, même avant la dé-
LES ZONES AGRICOLES.
223
couverte de L'Amérique. Le tabac produit merveilleusement : le
tabac de Borba, celui d'Irituia et de L'Acarâ sont très goûtés par
les amateurs de cigarettes. — La canne à sucre est excellente
dans la vallée de l'Amazone. Il est temps d'y fonder quelques
usines centrales cl»1 sucre. Les conditions économiques y sont
excellentes à cause de la facilité des transports en bateaux à
vapeur et de l'abondance du combustible. Les débouchés ne
manqueraient pas, le sucre pouvant être envoyé par les affluents
de L'Amazone jusqu'au Pérou et dans la Bolivie. — Le riz donne
d'abondantes récoltes dans les prairies basses de la vallée de
l'Amazone. — Le café réussit merveilleusement sur les collines
et dans les terres hautes; il a l'aspect du petit café de Moka.
C'est même par Para que le café a été introduit au Brésil ; il
y avait été importé de Cayenne.
Exportations. — Les principaux articles d'exportation de la
vallée de l'Amazone sont les suivants : Le caoutchouc, le cacao,
la vanille, le guarana, les châtaignes de Para, les huiles de plu-
sieurs palmiers, la piaçaba, qui est constituée par des fibres de
Yattalea funifera, de la famille des palmiers, et aussi par le genre
leopoldine, la salsepareille, Yipécacuanha, les plantes médicinales,
le tabac de Borba, les bois de construction et cVébénisterie, les cuirs
et peaux, les plumes d'oiseaux, etc., etc.
Dans les tableaux statistiques ci-joints, on trouvera la valeur
de ces différents articles d'exportation.
Exportation de produits forestiers par le port de Para,
de janvier à juillet 4888 :
Produits.
Caoutchouc . .
Cacao
Noix du Brésil.
Quantité.
Valeur en contos.
6.262.105 kilogr.
12.924
2.786.224 —
1.340
94.151 hectol.
666
En transit, venant de Manaos :
Produits.
Caoutchouc . .
Cacao
Noix du Brésil.
Quantité.
1. 368.555 kilogr.
181.148 —
37.152 hectol.
Valeur en contos.
2.936
89
224 LE BRÉSIL EN 18 89.
Mouvement de la population dans le port de Para,
de janvier à juillet 1888.
Entrées. — Nationaux, 4.785; étrangers, 1.797. Total : G. 582
Sorties. — Nationaux, 1.927; étrangers, 622. Total : 2.549
Accroissement de la population 4.033
Caoutchouc. — Exportation par le port de Para en 1888 :
Caoutchouc de lrc qualité (Borracha fina). 10.000.000 kilogr.
Caoutchouc de 2e qualité ^Sernamby) 5.000.000 —
Total 15.000.000 kilogr.
En 1888, les prix moyens ont été de 2.000 § (à peu près
6 francs) pour la première qualité, et de 1.000$ (à peu près
3 francs) pour la seconde sorte.
II. La zone du Parnahyha . — La zone du Parnahybà
comprend les provinces de Maragnon et de Piauhy. La surface
de la province de Maragnon est de 459.884 kilomètres carrés. La
surface de la province de Piauhy est de 301.797. La zone entière du
Parnahyba a donc une surface de 761.681 kilomètres carrés. La
population de Maragnon est de 400 à 500.000 habitants ; celle de
Piauhy est estimée de 250.000 a 300.000 habitants. Toute la zone
du Parnahyba ne contient pas plus de 800.000 habitants et est
toute prête à recevoir des millions et des millions d'immigrants.
Le grand fleuve du Parnahyba sépare les provinces de Mara-
gnon et de Piauhy : il est depuis longtemps silloné par des ba-
teaux à vapeur. La province de Maragnon jouit d'un magnifique
réseau fluvial, formé par les grands fleuves Gurupy, Tury-Assû,
Pindaré, Mearlm, Ilapicurû et Munin. Des bateaux à vapeur cir-
culent dans tous ces fleuves et dans leurs principaux confluents.
La capitale de Maragnon, nommée 5. Luiz do Maranhâo, se
trouve placée dans une ile et reçoit par des bateaux à vapeur
les produits de toute cette belle province, comme si elle était la
station centrale d'un grand réseau de chemins de fer. Son beau
port reçoit des navires de tous les ports d'Europe, principale-
ment du Havre et de Livcrpool.
LES ZONES AGRICOLES. 225
Terre. — Le nord de la province de Maragnon touche à
Para, et possède des terres à caoutchouc et à cacao, comme
la vallée de l'Amazone. Dans la vallée de l'Itapicurû la roche
prédominante est un grès noir ferrugineux, qui est employé
comme pierre de construction dans la capitale de Maragnon. Aux
environs de la ville d'Alcantara il y a un bassin calcaire parfai-
tement déterminé. A l'Itacolumy on trouve des grès ferrugineux.
Les grès blancs, verts, rouges et bigarrés sont très abondants
même dans l'île où se trouve la capitale de Maragnon. Des argiles
-de toutes les couleurs, excellentes pour briques, tuiles et produits
céramiques, abondent à Maragnon et à Piauhy. La pierre de
•taille est fournie par un grès très dur, qu'on trouve à Maragnon,
dans l'île de Jacumy, tout près de Itaquy. A Itaquy môme on
exploite des carrières d'un grès ferrugineux. On trouve à Mara-
gnon des marbres aux environs des villes du Brejo et de Caxias.
On fait des dalles avec un schiste, qu'on exploite tout près de la
ville de Caxias. Les calcaires de Tresidella, dans la province de
Maragnon, peuvent servir à la bâtisse et au chaulage des terres
argileuses. Le fleuve Parnahyba abonde en cristaux de roche. La
roche, qui couvre le lit de ce fleuve, est un grès très dur : on y
trouve aussi des puddings et des conglomérats. Sur les rives de ce
•beau fleuve abondent le sable et les cailloux. L'ocre jaune, appelée
Taud par les aborigènes, est exploitée tout près de la ville
d'Oeiras, ancienne capitale de la province de Piauhy. Le gypse,
le talc et les calcaires de plusieurs espèces se trouvent dans
plusieurs localités de la vaste province de Piauhy. On a signalé
plusieurs mines de fer, de cuivre et d'or, tant à Piauhy qu'à
Maragnon ; les mines d'or et de cuivre du Tury-Assû et de Mara-
cassumé ont eu même un commencement d'exploitation.
Sel. — On fabrique le sel sur toute la côte du Brésil, depuis
Para jusqu'au cap Frio, dans la province de Rio-de-Janeiro.
A Maragnon, les conditions naturelles facilitent beaucoup cette
industrie. On trouve, aux environs d'Alcantara, de vastes marais
salés, à fond de pierre calcaire, qui sont de vraies salines natu-
relles. Elles sont connues sous le nom indien d'Apicwns. Les
marées à Maragnon sont les plus fortes de toute la côte du
Brésil : elles montent de a à 8 mètres comme dans le port du
Havre. L'évaporation del'eau de merse fait très rapidement, grâce
au soleil équatorial ; la saison sans pluie dure de 5 à G mois,
toujours accompagnée d'une forte brise de E.-N.-E., qui accélère
15
226 i.i: MÉSIl i:.\ 1889.
beaucoup l'évaporation. Des usines à sel. moulées à la française,
raffinant le sel et profilant des prôéuits ehimiques des eomtc-
mèves, donneraient à coup sur de beaux résultats à Maragnon.
Bois de Construction et d'Ébénisterie. — Au nord de la
province île Maragnon, on trouve les mêmes essences de bois
qu'à Para; nous ne ferons donc que mentionner les suivants à
la suite de ceux déjà cités dans la description de la première
zone agricole : Acapu ( Waaap&u), elassilié Andira Aublelil ou
Wacœp&ua umericumt, dans la famille des légumineuses. C'est le
bois le plus employé là-bas, surtout dans les travaux hydrauli-
ques : il résiste au ver-taret (gusemo) ou Teredo navedis des
zoologistes. Un autre bois de cette zone, YAngeUca, classilie
Bio&r&nya iParaensis, jouit aussi de la précieuse propriété de
résister aux vers-larets. — Bacuky (Pacourv, Pacoury-Uva)
elassilié Platmia insigni&, dans la famille des Guttifères ou. Clv&ia-
cées. C'est le bois de construction le plus abondant à Maragnon
et celui dont on fait un emploi plus général.
Café. — Le café vient très bien dans la province de Maragnon ;
le meilleur est produit : dans File de Saint-Louis, à Vianna, dans
la vallée du Pindaré et dans les collines duMearim, Dans la statis-
tique générale de la production du caté de l'Empire du Brésil,
Maragnon occupe la septième place. A Piauhy on ne cultive
le cale que pour la consommation locale, mais il vient très bien
dans les terres hautes du Parnahyba, du Gurgueia, du Piauhy,
du Canindé, du Poly et du Longa.
Cacao. — Ce précieux fruit commence à être régulièrement
cultivé à .Maragnon. Le cacaoyer est un bel arbre qui produit
pendant 50 à 80 ans. On peut compter sur une récolte de cinq à
dix kilos d'amandes pour chaque cacoyer. La culture en est très
facile ; il ne faut des soins que dans les premiers temps. Dès que
l'arbre commence à produire, tout le travail se réduit à la récolte
et à tenir l'arbre propre de parasites et de mauvaises herbes.
Um cacaoyer produit chaque année 200 fruits; chaque fruit a
de 30 à 50 amandes. Chat] m; amande pèse 50 grammes. Ainsi on
a 1-0 kilogrammes em 200 fruits. Une ferme à cacao avec 50.000
arbres produirait 500. (KM) kilogrammes d'amandes. Si on compte
1 fr. 50 par kilo de cacao, on aura 750.000 fr. de recette brute. On
calcule ainsi les frais d'exploitation :
LES ZONES AGRICOLES. g&7
Labourage de LOÛ hectares, acquisition de
semences, pépinières, eèc G7.500 fr.
(1 fr. 25* par cacaoyer).
Plantation de 12.500 bananiers pour abriter les
>yers dans les premières années 2.000
Personnel pour soigner les cacaoyers pendant
quatre ans 100.000
Somme 166.260 fr.
Le cacaoyer commence à produire régulièrement à la qua-
trième année.
La récolte et la préparation des amandes se font à dix cen-
linies par kilogramme. Aussi, môme avec le prix des terres,
intérêts, transports, emballage, etc., etc., arrive-t-on à 300.000 fr.
de revenu net.
Sucre. — La canne à sucre réussit merveilleusement dans
les provinces de Maragnon et de Piauhy. Dans la statistique
générale de l'exportation du sucre de l'Empire du Brésil, Mara-
gnon occupe la sixième place. Dans la vallée du Pindaré, on a
fondé, par l'initiative du négociant danois Martinus Hoyer, la
première usine de Maragnon, qui est exploitée par la compagnie
« Progresso Agricola », au capital de 500 contos de réis, c'est-à-
dire, 1.250.000 francs au change de 400 réis par franc. Gomme
partout, la production de l'eau-de-vie suit celle du sucre.
Coton. — Maragnon a été toujours renommé par l'excel-
lence du coton. On prétend que dans les terres d'Alcantara on
produit le vrai Sea-Island. Le coton vient partout au Brésil ;
les botanistes affirment qu'au moins trois espèces de coton sont
natives du Brésil, savoir : Gossipium brasiliense, Gossipium
fcli'jiosum, Gossipium vitifolium. Dans la statistique générale de
l'exportation du coton du Brésil, Maragnon occupe la cinquième
place et Piauhy la onzième.
Agriculture. — Nous avons déjà cité le café, le cacao, le
sucre et le coton comme des produits de la zone agricole du
Parnahyba. Pendant longtemps le riz a été le principal produit
de Maragnon: encore aujourd'hui le riz de Maragnon obtient les
premiers prix sur les marchés du Brésil. Le tabac réussit
228 LE BRÉSIL EN 188 9.
très bien à Maragnon et à Piauhy. Dans la statistique géné-
rale de L'exportation du tabac du Brésil, Maragnon occupe la
neuvième place.
Bétail. — Piauhy est renommé pour la richesse de ses prairies,
nommées campos de criaçâo. On en exporte des bœufs même
pour les Guyanes. Le gouvernement impérial possède dans cette
province une vingtaine de grandes fermes ou fazendas, qu'il met
souvent en adjudication. On fabrique le fromage dans ces fazendas
par les anciens procédés laissés par les jésuites ; dans cette
industrie, comme dans le tannage des cuirs, il y a beaucoup à
espérer de l'industrie des immigrants européens.
Voies de communication. — Le fleuve Parnahyba est navigué
à vapeur sur une étendue de plus de 200 lieues; le Gorgueia, un
de ses principaux affluents, permet la même navigation sur une
étendue de 130 lieues. Dans la province de Maragnon, les fleuves
Itapicurû, Mearim, Pindaré, Munim et Tury-Assù jouissent des
avantages d'une navigation régulière par des bateaux à vapeur
de GO à 70 mètres de longueur et de 70 à 90 centimètres de tirant
d'eau.
Chemins de fer. — La navigation à vapeur sur les beaux
fleuves de Maragnon et de Piauhy a fait retarder jusqu'à ce jour
la construction de chemins de fer. Nonobstant on a déjà projeté
les suivants : 1° De la capitale de Maragnon à Gaxias, avec 340
kilomètres de longueur ; 2° De la ville de Caxias à Theresina, la
capitale de Piauhy, avec 126 kilomètres de longueur; 3° De la
ville de Caxias à San-José dos Matôes, sur le Parnahyba, avec 150
kilomètres de longueur; 4° De la ville de la Barra-do-Corda, sur le
Mearim, à la ville de Chapada, avec 130 kilomètres de longueur ;
5° De la Barra-do-Corda à la ville de Carolina, sur le grand fleuve
Tocantins, qui a été concédé, en novembre 1873, par la province
de Maragnon. Dans la province de Piauhy, le chemin de fer le
plus intéressant est celui delà ville d'Amarante à la ville d'Oeiras,
qui a pour but de relier la vallée du Parnahyba à la vallée du
San-Francisco.
Exportations. — Actuellement, les principaux articles d'ex-
portation de Maragnon sont les suivants : Coton — sucre — eau-
de-vie — bois de construction et d'ébénisterie — riz — farine de
LES ZONES AGRICOLES. 229
manioc et tapioca — huiles de coco (palmiers — cocos nuci-
fera, etc.). Pour le Piauhy les principaux articles d'exportation
sont les suivants : Bœufs pour les Guyanes — coton — tabac —
cuirs — mais — riz — haricots, etc.
III. L.a zone €lu Céarà. — Cette zone agricole est cons-
tituée par la province de Céarâ, d'une surface de 10-4.250 kilomè-
tres carrés. Sa population est estimée de 800.000 à 1.000.000
d'habitants, malgré les émigrations pour la vallée de l'Amazone,
pendant les crises produites parla sécheresse.
Terre. — Le sol de Céarâ est constitué principalement par
des gneiss et des granits. Sur la ligne du chemin de fer de
Camocim à Sobral, on trouve les mêmes granitoïdes que dans la
province de Rio-de-Janeiro. Les calcaires et les marbres se
montrent à Baturité, à Granja, à Villa-Viçosa et à Sobral. Les
argiles pour briques, tuiles, et pour tous les produits cérami-
ques, abondent dans toute la province de Céarâ. Les prairies
naturelles — os campos de criaçâo — ■ de Céarâ sont magnifiques.
Dès que les pluies tombent régulièrement, le bétail se reproduit
comme nulle part. Les vallées humides de Céarâ et les monta-
gnes, où abondent les sources, sont d'une fertilité extraordinaire,
même au Brésil. Tous les produits agricoles, tous les fruits sont
à Céarâ d'une grande beauté, d'un goût et d'un parfum exquis.
Le café de la Serra (chaîne de montagnes) de Maranguape est
excellent, et figure déjà sur les marchés d'Europe.
Métaux — On a découvert plusieurs mines d'or, de cuivre,
de fer, etc., dans la province de Céarâ. Pour le moment on n'ex-
ploite que la mine de cuivre de Pedro-Verde, située dans le
Municipe de Yiçosa.
Matières textiles. — La flore du Brésil est très riche en
fibres et matières textiles. Dans les familles botaniques des pal-
miers, des malvacées, des filiacées, des broméliacées, des liliacées
(surtout le fameux genre fourcroya), des musacées (bananiers
sauvages), on trouve une infinité de plantes donnant des fibres
pour les tissus, pour les cordes, pour le papier, etc Encore der-
nièrement la maison Boris frères, de Céarâ, a commencé l'exploi-
tation industrielle du gravât a, de la famille des broméliacées.
23€ KE BRÉSIL EN 18 89.
Caoutchouc. — La province de Céarâ exporte deux espèces
de cnoiilrlioiic, bien différentes de celles de la vallée de l'Ama-
zone, savoir: — la m/ëmmoèa on La bovrœka de mmniisobm, pro-
duite par un arbre qu'on appelle la leiteim (productrice de lait),
et qui esl classifiée jatropha g las iovil dans la famille des euphor-
biacées ; — la borracha de mangabeira, produite par la hancornia
osa, de la famille des apocunacées, qui vaut 1 franc à 1 IV. 50
le kilogramme dans les ports d'embarquement pour l'Europe.
û va sans dire que, depuis la vallée de 1' Amazone jusqu'à la pro-
vince de Mallo-Grosso, le Brésil possède tous les climats propres
à la production du cnnufchnuc et de la <jutia-per<h<i. Ainsi, le
caoutchouc de Malasie est produit par une plante de cette même
famille des apoeyrn&eées, si répandue sur tout le territoire du
Brésil; on laclassifie ureeeëa clusiica. Le caoutchouc des Indes est
produit par Le j&eus eèastiea de la même famille que la seringmwa
de l'Amazone et la lesteira de Céarâ.
Gutta-Percha. — Il ne faut pas oublier que la gutta-percha,
native du Brésil, est produite par deux arbres de la famille des
sapQtaeées, savoir: — le jaquâ, classilié ïucuma g/ganlea; — la
riiasst/)vni(luh(f, aussi nommée apraliiû crrmdlw (rouge), classifiée
mimusops data. La gutta-percha de la Malasie est produite par
Yisonuudra gutta ou isonandra percha (Hooker), de cette même
famille des sapotacées. C'est dans l'ile de Sumatra (Per/j a h) qu'on
trouve les plus belles forêts de gutla-pereha; l'entrepôt principal
est àSingapore. La gutta-percha est encore produite par la bassia.
parkii, de la famille des sapofacées. En Abgssiiiie, la gulla-percha
est extraite des arbres du genre mimusops comme la massaranduba
du Brésil, notamment du mimusops schimperti et du .1/. Kwmnel.
Il est de toute évidence que, dans un prochain avenir, les immi-
grants européens acclimateront toutes ces espèces et variétés au
Brésil, qui deviendra le principal producteur de caonêehout et de
gutta-percha, de toutes les qualités demandées pour les différents
is de l'industrie.
Carnauba. — Si on devait caractériser la province de Céarâ
par un arbre, ce serait, bien sûr, la carnaûbeira qui aurait la
préférence. C'est un joli palmier, classilié primitivement par le
botaniste Arruda: Coryfhms eerifera, et, définitivement pariMûrrtwo,
le célèbre auteur de la Flora èrasitiensk, dans l'espèce Copermteia
cerifèm. La ciirna iihi'ira produit une cire végétale, dont le Céaré
l . i : s 10NBS AGRICOLES. 231
fait UM impôrlanlc^ exportation pour les au! rcs provinces du
Brésil et powr l'Europe. Les chawmiitoes dans l'intérieur de la
province de Céarà, au S«rtoë} comme on dit au Brésil, sont
toutes tait.es du tronc et des feuilles delà rnrnnûbcirn. Le bois
de mrneriàa esl 1res résistant ; il donne des pilotis magnifi-
ques peur tes pon!s et pour les travaux hydrauliques mari-
times. Il résiste bien au gusano ou ver-taret (Teredo navalis). On
a employé aussi le bois de carnaûba pour faire des traverses de
chemins de fer, etc.
Agriculture. — La province de Céarâ est considérée la
province la plus active du nord de l'Empire. Elle fut la première
à abolir l'esclavage, par sa propre initiative, le 25 mars 1884.
Dans la statistique générale de l'exportation du Brésil, Céarâ
occupe la deuxième place dans l'exportation du caoutchouc ; la
quatrième pour le café; la troisième pour le coton; la septième
pour le sucre, et la cinquième pour l'exportation de cuirs, os,
cornes, etc. On exporte de Céarâ des oranges pour l'Europe,
notamment pour les ports d'Angleterre. Les fruits de Céarâ sont
délicieux, surtout les abacaxis, la plus belle variété de l'ananas,
et les citas, qu'on nomme dans les autres provinces du Brésil
pinha, fructa de conde, etc. UAta est le fruit de YAnona squamosa,
de la famille des anonacées. Il y a plusieurs espèces iïanonas dans
la flore brésilienne, connues sous les noms iïaraticum, araticum-
panan ; nralicum-ponha, etc.
Chemins de fer. — La province de Céarâ a deux chemins de
fer, qui sont déjà en exploitation, et qu'on prolonge en ce mo-
ment, comme moyen de secours pour la population de l'intérieur
dans les crises produites par la sécheresse.
Un ingénieur anglais, M. Revy, a imaginé un grand réservoir
d'eau à Quixadâ pour prévenir les souffrances des agriculteurs et
du bétail pendant les sécheresses. On espère bien arriver, au
moyen d'un système de grands et de petits réservoirs d'eau,
construits dans toutes les vallées, par la plantation d'arbres
spéciaux et par un réseau de chemins de fer de secours, à réduire
au minimum les crises de sécheresses, le seul ananké de la ma-
gnifique province de Céarâ.
Exportations. — La province de Céarâ, ayant été toujours
une province d'agriculture libre et de petite propriété, présente
232 LE BRESIL EN 1889.
la plus grande variété dans ses produits d'exportation. Nous
nous bornerons à mentionner les suivants : Carnauba (cire-végé-
tale). Caoutchouc de deux espèces (manissoba et mangabeirà)^ café,
coton, sucre, eau-dc-vie, etc., oranges pourLiverpool et Londres,
riz, haricots et fruits divers, cuirs, os, cornes, etc., etc., peaux
de cerfs et de chèvres, bois de construction et d'ébénisterie.
Statistiques. — Céarà.
Importations directes :
1885-1886 2.382 : 4210715
1886-1887 3.389 : 331 §371
Exportations :
1885-1886 3.237 : 654 # 447
1886-1887 3.780 : 895 #993
Recette des douanes :
1886 1.425 : 014 #504
1887 2.278 : 756#882
IV. Lia zone du Parahyba-du-]\ord. — Les quatre
provinces, classées dans la quatrième zone agricole du Brésil,
sont les suivantes : Rio-Grande-du-Nord, qui a une surface de
57.485 kilomètres carrés et une population de 250 à 300.000 ha-
bitants; Parahyba-du-Nord, qui a une surface de 74.731 kilo-
mètres carrés et une population de 400 à 450.000 habitants ; Per-
nambuco (Fernambouc des Français), qui a une surface de
128.395 kilomètres carrés et une population de 900.000 habi-
tants ; Alagôas, qui a une surface de 58.491 kilomètres carrés et
une population de 350 à 400.000 habitants.
Dans cette zone on ne trouve que deux fleuves importants :
le Parahyba-du-Nord et le Capiberibe. Le grand fleuve San-Fran-
cisco limite cette zone agricole au sud.
Terre. — A Rio-Grande-du-Nord, les roches prédominantes
sont les grès, les gneiss et les granits. On y trouve des calcaires
et du gypse. L'argile pour briques, tuiles et pour tous les pro-
duits céramiques, abonde dans toutes les quatre provinces de
cette zone agricole. Dans les montagnes deCaxixa, a sept lieues de
LES ZONES AGRICOLES. 233
la ville (TAreia, dans la province de Parahyba-du-Nord, on trouve
Le vrai kaolin à porcelaine. Le fleuve Parahyba-du-Nord coule, à
s. m embouchure, sur un vrai bassin calcaire ; on est en train
d'organiser une Compagnie pour la fabrication de la chaux
hydraulique et des ciments connus dans le commerce sous les dé-
nominations de ciment Romain et de ciment de Portland. Dans les
montagnes de Borborema, qui forment une chaîne très impor-
tante embrassant les provinces de Rio-Grande-du-Nord, de Para-^
hyba-du-Nord et de Pernambuco, on trouve des grès, des gneiss
et des granits. Ces montagnes sont magnifiques par le climat,
par l'abondance d'eau et par la fertilité. Ce sera la première
région qui sera occupée par les immigrants. On y trouve déjà
quelques Européens, établis spontanément et qui sont très con-
tents. Le chemin de fer « Comte d'Eu » dessert déjà la base de
ces montagnes, tout près de la ville d'Areia, située sur un beau
plateau, qui a mérité, par la douceur de son climat et par la
beauté de ses panoramas, le surnom de Petropolis-du-Nord.
La géologie et la minéralogie de la province de Pernambuco ont
été étudiées par le professeur Charles-Frédéric Hartt, compagnon
du célèbre Agassiz dans son voyage à la vallée de l'Amazone. La
région maritime de la province de Pernambuco est nommée
zona da Mat ta, ou tout simplement A Matta, pour signifier la région
où abondent les forêts. La roche qui y prédomine est le granit
avec ses évolutions pour le gneiss et pour le grès. Les montagnes
de Guaranhuns, qui limitent les provinces d'Alagôas et de Per-
nambuco, abondent en gneiss. Ces montagnes sont aussi belles
que celles de Borborema et produisent du café excellent. Les
immigrants peuvent déjà y arriver par le chemin de fer de
Recife à Guaranhuns, dans la province de Pernambuco ; ou,
encore plus rapidement, par le chemin de fer de Maceiô à Impe-
ratriz, connu sous la dénomination de Central Alagôas. A
Aguas-Bellas, dans la province de Pernambuco, on trouve
des granits avec des filons de calcaires cristallins, semblables à
ceux de la vallée duParahyba-du-Sud, dans la province de Rio.
Les granits de Tamandaré et de Tacarahi, dans la province de
Pernambuco, sont bien connus. Dans file d'Itamaracâ, si renom-
mée par l'excellence de ses fruits : raisins, muscatel, mangas,
cocos, abacaxis, etc., etc., on trouve des calcaires. Le professeur
Hartt a fait une splendide collection de calcaires fossilifères à
Pajehû, à Bezerro et à San-Caetano-da-Raposa sur le chemin de
fer de Recife à Caruarû.
534 le &R1SII EN 188 9.
Dans la province à'Alagôe», le gneiss est abondant dans les
environs de la fameuse eatarwete de Paufo-A/ponso, le Niagara
bfésélieii. Des calcaires cristallins se trouvent dans les mon-
tagnes de Craûnanian, de Graûnam ; on a signalé aussi des cal-
caires à Piranhas, sur lariirf gauche du San-Franci
Guano et phosphates alcalins. — On trouve sur tous les ilôts
de la côte du Brésil des dépôts de guanos et de phosphates
alcalins, analogues à ceux du Pérou. Les plus importants se
I nui vent dans l'archipel de Fernando de Noronha. Us sont ex-
ploités par une Compagnie brésilienne organisée en octobre 1888.
La direction technique de l'exploitation est confiée au chimiste
français RI. Louis Berthaud.
Bois-Brésil. — Le commerce du Bois-Brésil {Paû-Brazil) a
perdu de son importance après la découverte des couleurs
d'aniline ; nonobstant on en fait encore une certaine exportation
des provinces d'Alagôas et de Bahia. Il est produit par des
arbres magnifiques, classifîés € ses alpins /n-azi.liensis; C. eckùmia ;
C. pel/ophci-uîdes, dans la grande famille des Légumineuses. Il
faut dire que ce bel arbre caractérise bien le Brésil, parce qu'on
le trouve dans les forêts du nord, du centre et du sud de l'Em-
pire.
Agriculture. — - La zone du Parahyba-du-Nord se caractérise
par la production du sucre et du coton. Le port de Recife a pen-
dant longtemps concentré le commerce d'importation et d'ex-
portation des quatre provinces de Pernambuco, de Parahyba-du-
Nord, d'Alagôas et de Rio-Grande-du-Nord. Actuellement, ces
trois petites provinces commencent à négocier directement
avec les ports de l'Europe et des États-Unis. A l'embouchure
du Parahyba-du-Nord, on est en train de préparer un port
de commerce transatlantique, à Cabedello, qui servira de ^arc-
maritime au chemin de fer Comte oVEu. Ce fleuve Para-
hyba-du-Nord a des crues régulières, comme le Nil, et dépose un
limon aussi fertilisant pour la canne à sucre que celui du Nil pour
le blé. Depuis des siècles on récolte la canne à sucre à Parahyba-
du-Nord, sans même employer la charrue de bois, obstinément
conservée par les fellahs de l'Egypte.
A Rio-Grande-du-Nord, la vallée du Céarà-Mirim est la plus
renommée pour son extraordinaire production do canne à
LES ZON'KS Ali R1C0LKS. 235
sucre. A Pernambueo on commence à cultive* régulièrement le
cacaoyer sur Les terrains desservis par le chemin de fer de Rccife
à Limoeiro. Les plateaux et les collines de liio-Grande-du-Nord,
de Parahyba-du-Nord, de Pernambuco et d'Alagôas produisent
très bien h café. Le tabac \icnl tores bien partout; on espère
que la liberté an travail agricole donnera à cette culture le môme
développement crue dans la province de Rallia. La canne à sucre
produit 1res bien dans les terres basses de la province cTAIagoas.
Le tabac vient mieux dans les terrains secs. Le café est excellent
dans les montagnes de Mundahu, à l'extrémité occidentale du
ehemin de fer central «FAlagôas ; c'est sur ces montagnes qu'on
lablir les premiers immigrants. Toutes les plages de cette
zone agricole, depuis le Rio-Grande-du-Nord jusqu'à l'embou-
chure du San-Francisco, sont couvertes de magnifiques forêts de
cocotiers (Cocos nucifera) ; leurs fruits donnent lieu à un com-
merce très important.
Immigration. — Le Parlement vient de voter une somme de
1.000 contosde réis (à peu près 3 millions de francs) pour un essai
d'immigration européenne dans la province de Pernambuco. Le
succès de cette belle entreprise sera magnifique, si on donne aux
immigrants la propriété directe delà terre, et si on les place sur
les hauts plateaux de Guaranhuns, dans des endroits connus par
leur fertilité et par leur abondance en sources et eaux courantes.
Les insuccès de l'immigration dans le nord du Rrésil étaient entiè-
rement dus à l'esclavagisme. Le climat des montagnes du nord du
Rrésil est excellent pour les Européens ; ce qui est mauvais, ici
comme dans tout le monde, ce sont les marais et les prairies basses
et humides. La chaleur à Pernambuco et dans toute cette zone
agricole n'atteint jamais les degrés connus dans la Lombardie, à
Naples, en Espagne et dans toute la Méditerranée. V immigrant-
propriétaire est parfaitement libre de choisir les heures les plus
convenables pour ses travaux agricoles ; il n'est pas obligé d'obéir
aux ordres de propriétaires parfois égoïstes. Le labourage
de la terre au Rrésil est très facile : un cacaoyer vit 50 à 80 an-
nées ; ce sont des arbres fruitiers, c'est un travail de verger.
L'immigrant-propriétaire cultivera la vanille avec sa femme et
ses enfants; élèvera des abeilles et des vers-à-soie ; cultivera des
ananas et les beaux fruits du Rrésil; exercera, enfin, une multi-
tude de petites industries avec les produits naturels, si abondants
dans les forêts du pays.
236 LE BRESIL EN 1889.
Chemins de fer. — La zone agricole du Parahyba-du-Nord
(>st déjà desservie par plusieurs chemins de fer énumérés
ailleurs.
Exportations. — Les quatre provinces, qui composent la zone
du Parahyba-du-Nord, ont des articles d'exportation très variés ;
nous nous bornerons à citer les suivants : Sucre — coton — ■ bois
de construction et d'ébénisterie — cuirs — os, cornes, etc., etc.,
— cocos (fruits du cocos nuclfera) — riz — maïs — tapioca et
farine de manioc — haricots — tabac — gratins de sucre (rapa-
duras) — fruits (oranges, ananas) — eau-de-vie — huile de
ricin — huiles de plusieurs palmiers — café — caoutchouc de
Jatropha et de Hancomia — bois-Brésil — cire végétale de coper-
nicea, etc., etc.
PROVINCE DE PERNAMBUCO, TORT DE RECIFE
Mouvement maritime en 1887.
Entrées: 1.181 navires jaugeant 859.216 tonneaux.
Sorties : 1.135 navires.
Vapeurs entrés 539
Vapeurs sortis 642
Somme 1.181
Il y a en plus 10 navires de guerre à vapeur entrés et
sortis.
COMMERCE DE SUCRE ET DE COTON DE 1878 A 1888.
Sucre.
1878-1879 1.055.938 sacs
1879-1880 1.716.637 —
1880-1881 2.224.773 —
1881-1882 2.029.489 —
1882-1883 1.229.579 —
1883-1884 2.150.138 —
1884-1885 1.661.887 —
1885-1886 1.296.335 —
1886-1887 1.971.216 —
1887-1888 2.493.365 —
LES ZONES AGRICOLES. 237
Coton.
1878-1879 31 .168 balles
1879-1880 00.117 —
1880-1881 119.118 —
1881-1882 158.497 —
L882-1883 118.280 —
1883-1884 136.982 —
1884-1885 149.932 —
1885-1886 161.337 —
1886-1887 319.134 —
1887-1888 302.268 -
Le sac de sucre pèse 60 kilogrammes.
La balle de coton pèse de 60 à 80 kilogrammes.
V. La zone du San-Francisco. — La zone du San-Fran-
cisco est constituée par les deux provinces de Sergipe et de Bahia.
La province de Sergipe a une surface de 39.090 kilomètres carrés
et une population de 200 à 250.000 habitants. La province de
Eahia a une surface de 426.427 kilomètres carrés et une population
de 1.500.000 à 1.600.000 habitants.
Terre. — Dans les provinces de Bahia et de Sergipe, la terre
la plus estimée pour la canne à sucre est nommée Massapê ; c'est
une terre forte, une argile dont les nuances vont depuis le gris-
perle jusqu'au plomb-foncé. Au nord de Sergipe, sur les rives
du San-Francisco, la roche prédominante est le grès ou, parfois,
les gneiss. On trouve des calcaires crétacés aux environs des
villes de Maroim et de Larangeiras. On a aussi signalé à Sergipe
quelques gisements de marbre blanc et d'un calcaire amorphe
bleuâtre. A Bahia, dans les environs de la capitale, la roche la plus
commune est un granitoïde, connu vulgairement sous le nom de
Coraçâo de Negro (Cœur de noir), à cause de sa couleur foncée et
de la difficulté qu'on a à le tailler.
Au grand fleuve Paraguassû, les roches prédominantes sont
les granits et les gneiss. Sur les rives de San-Francisco on
trouve l'albâtre, le marbre et des calcaires de toute espèce. Les
grottes calcaires, à stalactites et stalagmites, comptent parmi
les beautés naturelles de ce fleuve majestueux, si justement
238 LH BAÊSLL EN 1889,
surnommé La Méditerranée brésilienne. Le granit abonde dans La
chaîne de montagnes d'Iliuba. A Camamû on trouve le calcaire
Lithographique- Au sud de la province de Bahia, à Taperoâ, à
Valença et à Camann'i, on commence à exploiter des schistes
bitumineux, qui fournissent du pétrole et du gaz d'éclairage. Les
calcaires argileux de Valença produisent une belle chaux hydrau-
lique.
Dans la province de Bahia, on nomme Tauà une espèce de
marne ou de calcaire argileux. On a signalé des gites de calcaires
à Santo-Amaro, à Inhambupe, à Capim-Groaso, à Chique-Chique
et à Bom-Jcsus-da-Lapa sur les rives du Bio-das-Contas.
Les argiles plastiques de la province de Bahia sont les plus
belles du Brésil : on y a, dès les temps primitifs, fabriqué des
briques, des tuiles, des alcarazas (tal/ias, moringas, quartinhas,
etc., etc.), et toute sorte de poterie et d'objets d'utilité ou de
fantaisie.
Or et Diamants. — C'est aux provinces de Bahia et de Minas
que le Brésil doit sa renommée de Pays d'Or et de Diamants. On
a signalé plusieurs gîtes d'or et d'argent dans la province de
Bahia. Depuis longtemps on y fait un commerce régulier de
diamants. Dernièrement on a commencé l'exploitation des mines
d'or d'Assuruâ, qui sont déjà sur le bassin du S. Francisco. Tout
cela n'est dit que pour mémoire. Il n'entre pas dans notre pro-
gramme de faire du Brésil un pays minier. A la formule — Pays
d'or et de diamants, nous préférons de beaucoup : — Pays fertile et
tranquille. — Pays de liberté et de progrès. — Pays pacifique et
hospitalier. — Pays agricole et industriel. Ce n'est pas de l'or et
des diamants que nous offrons aux immigrants ; c'est tout sim-
plement la propriété d'une terre qui produit tout ce qu'il y a de
plus précieux au monde : du caoutchouc, du cacao, du café, du
coton, du sucre, du vin, de la soie, de la vanille, tous les fruits,
tous les bois et toutes les essences de l'Arabie et des Indes, de
l'Asie et de l'Afrique.
Le Fleuve San-Francisco. — La formule : Le San-Francisco
est la Méditerranée brésilienne est parfaitement exacte. Ce fleuve
superbe, embelli par la pittoresque cataracte de Paulo-Afïbnso,
forme un trait d'union entre toutes les provinces du Brésil Cen-
tral, depuis Piauhy jusqu'à la province de Minas. Dans les
temps primitifs, le San-Francisco était la grande route pour tout
LES ZONES AGRICOLES. 239
le commerce antérieur du lirésil : aussi le San-Francisco est-il peut-
être eacoreçlus populaire au Brésil que le magnifique Amazone.
Quand ou a commencé à eonslruire des chemins de fer au Bré-
sil toutes les lignes •étaient destinées ans rives du San-Francisco:
chemin île fer de Récite au San-Francisco ; chemin de fer de
l>ahia au San-Francisco ; chemin de fer de Dom Pedro II ou
de la capitale de L'Empire au San-I'raiicisco. Le l^iulo-A/fonso,
ou le Niaqwa hrcsilicii, divise naturellement le fleuve San-
Francisco en deux sections : la section maritime, qui va jus-
qu'au port de Piranhas; la section supérieure, qui est navigable
par &es bateaux de rivière.
Les deux premiers bateaux à vapeur qu'on y a lancés ont été
transportés, tout en pièces, à dos de mulet. On vient de cons-
truire un chemin de fer de Piranhas à Jatobapour relier les deux
sections du fleuve San-Francisco. Le gouvernement a une com-
mission d'ingénieurs travaillant incessamment aux améliora-
tions de ce merveilleux bassin hydraulique. Nous espérons
pouvoir y placer des immigrants-propriétaires dans quelques
années.
Bois de Construction et d'Ébénisterie. — Les provinces
de Sergipe et de Bahia possèdent des forêts magnifiques de bois
excellents pour les constructions, pour la menuiserie et pour
l'ébénisterie. A Sergipe, les plus belles forêts sont sur le littoral
et sur les montagnes d'Itabaiana : à Bahia, sur les rives du Para-
guassû et du Jequitinhonha, que les poètes disent avoir un Ut
d'or et de diamants. La liste des bois de construction de la zone
du San-Francisco occuperait des pages; nous nous bornerons
aux plus remarquables, savoir : les Palissandres, nommés au
Brésil Jacarandâs, de plusieurs genres, espèces et variétés,
notamment le Jacarandà-preto (noir) ou Cabiuna, classifîé Dalber-
i ; le Jacarandd-rosa (rose), classifîé Machaerium sp ;
le Jacarandd-d'esplnho, classifîé Machaerium leucopterum ; le
undd-rôxo (rouge), classifîé Machaerium firmum ; le Jacarandd-
tan, classifîé Mâcher lum Allemani, en honneur de Freire Allemâo,
le plu re des botanistes brésiliens; le Jacarandd-mocô ou
Pau-de-moc6, classifîé Machaerium auriculatum ; le Jacarandd-
violêta (violet), classifîé Machaerium violaceum ; le Jacarandd-
banana, classifîé Swartzia Langsdorfil, du nom d'un célèbre voya-
geur russe qui a traversé le Brésil ;
Les Vinhaticos, des bois qui rappellent l'acajou, et qui sont
2-10 LE BRESIL EN 1889.
très employés au Brésil pour la menuiserie. En règle générale,
les meubles brésiliens sont de palissandre ou de vinhatico. Le
Vinkatico le plus commun est classifié, comme les palissandres,
dans la famille des légumineuses, Eckyrospermum Baltha-
sarii, Plilhymcnia reticulata (Bentham); le Gonçalo- Alves,
un bois superbe pour l'ébénisterie ; il a, parfois, l'aspect de
Técaille; on le classifié Astronium fraxinifolium, dans la famille
des térébinthacées ; le Potumujû, connu sous le nom d'Araribd
ou à'Eriribâ dans la province de Rio, excellent bois de cons-
truction et de menuiserie, le plus estimé pour les portes des
grands bâtiments ; on le classifié Centrolobum robustum,
C. tomentosum, dans la famille des légumineuses;
Le Tapinhoam, qui est peut-être le bois le plus générale-
ment employé à Bahia dans la construction navale, dans les
constructions hydrauliques et, surtout, dans la tonnellerie. Il
a l'aspect du chêne de l'Europe et des États-Unis. On le clas-
sifié Sylvia navalium, dans la famille des lauracées.
Agriculture. — Dans la province de Bahia l'unité agricole
pour la terre est la Parafa, de 900 traças quadradas, c'est-à-dire,
de 4.356 mètres carrés. Parèfa signifie le service d'un homme
dans une journée de travail. C'est surtout dans la culture de la
canne à sucre que cette unité est employée. Ainsi on dit à Bahia:
la Parèfa de Santo-Amaro produit de 50 à 100 arroubas de sucre,
à peu près, 734 kilos à 1.469 kilogrammes. Ou encore : la Parèfa
de Inhambupe produit 400 à 800 arroubas de sucre, à peu près,
5.876 à 11.752 kilogrammes de sucre. H y a encore une Parèfa,
unité de longueur, qui s'applique aux cêrcas (haies-vives) ; la
Parèfa de Cêrca est une longueur de 30 Draças ou de 66 mètres
de haie-vive.
Primitivement on exportait le sucre dans de grandes caisses
en bois : bien souvent on employait des bois précieux comme
la palissandre, le cèdre ou le vinliatico. La Caixa d'assucar, la
caisse de sucre, devait contenir 50 arroubas ou 734 kilogrammes
de sucre.
La terre préférée, dans les provinces de Bahia et de Sergipe,
pour la canne à sucre est le massapê, une espèce de terre forte,
de terre-glaise, quelquefois blanche, plus souvent variant du
gris-perle au plomb-foncé. Dans certains endroits la canne à
sucre rapporte trois, quatre et même cinq fois. On y appelle cette
production continuelle de la canne à sucre sôca e resôca. 11 ne
LES ZONES AGRICOLES. 241
manque pas d'exemples de terres, à Bahia, à Sergipe, à Parahyba-
du-Nord, à Rio-Grande-du-Nord, et surtout dans la vallée de
L'Amazone el à Matto-Grosso, ayant des plantations de canne-à-
sucre (Cannaviâes), qui produisent incessamment pendant 15 à
20 années.
On compte régulièrement sur la production de 100.000 kilo-
grammes de canne à sucre pour un hectare de terre. Il faut 15
mois entre la plantation et la coupe de la canne à sucre. Un
planteur fait parfaitement la besogne de deux hectares, qui lui
rapportent 200.000 kilogrammes de canne à sucre. S'il vend la
canne aune usine centrale, au prix de 7 $000 réis (à peu près
20 francs) la tonne de 1.000 kilos, il obtiendra seulement de ce
chef 1.-400$ 000 réis, soit 4.000 fr.
Si ce planteur est un immigrant intelligent, il aura quelques
ea levers autour de sa maison, des cacaoyers, des orangers,
quelques palmiers, une plantation cle maïs et de légumes, c'est-
à-dire, que ces 1.000 francs, reçus de l'usine centrale, pourront
être comptés comme revenu net annuel. Tous ces calculs ont
été confirmés par la pratique. C'est un fait ordinaire de voir des
immigrants envoyer, à la Caisse d'Epargne ou aux Banques,
des économies annuelles d'un à deux contos de réis, soit de
3.000 à 6.000 francs.
Les provinces de Sergipe et de Bahia possèdent des régions
magnifiques pour la culture du coton. Sur un hectare on peut
planter 4.515 cotonniers, qui produisent 2.160 kilogrammes de
coton en gousse. Un planteur peut faire parfaitement la besogne
de 3 hectares et avoir ainsi 6.480 kilogrammes de coton en gousse.
S'il obtient des usines centrales de coton 125 réis par kilo, sa
récolte annuelle lui produira 810 $000 réis, à peu près 2.200 francs.
Il est évident que les raisonnements faits pour le sucre s'appli-
quent aussi au coton, et que ces 2.300 francs doivent être consi-
dérés comme le revenu net annuel d'un immigrant, propriétaire
d'un terrain à coton.
On verra par la statistique générale de l'exportation du Brésil
que la province de Bahia occupe la troisième place pour l'expor-
tation du café. La production en est générale dans les montagnes
et dans les terres élevées. À Bahia il s'est produit sur le café un
phénomène de transformisme fort curieux et très digne d'étude.
Le café de Maragogipe ou de San-Felippe, qui reste au fond de
la grande rade, au Reconcavo, comme on dit à Bahia, a acquis la
couleur jaune et des dimensions énormes. Le fruit ou Ja cerise
16
2 12 LE BRÉS1 L BU 18 89.
a 1 r> à 20 millimètres de longueur. A Botucatû, dans La province
de San-Paulo, l<is forces cosmiques ont aussi réussi à produire
une autre variété de café. On a envoyé au i'eu général Morin,
ancien directeur du Conservatoire des A.rts-et-Métiers, des échan-
tillons des cafés de Maragogipe, San-Felippe et de Botucatû pour
être analysés et étudiés en comparaison avec les cafés les plus
estimés.
Dans la province de Sergipe, c'est sur les montagnes de Ita-
baïana que la production du café est plus considérable. Ces
montagnes sont riches en dépôts de salpêtre, qui seront exploi-
tés par les immigrants européens pour les besoins de l'industrie.
On étudie un projet de chemin de fer pour desservir cette région,
certes la plus convenable pour l'établissement d'immigrants-
propriétaires.
Tabac. — La culture du tabac dans la province de Bahia es
faite depuis longtemps par de petits propriétaires; elle n'a l'ail
que prospérer et augmenter après l'abolition. La France
achète des sommes importantes de tabac de Bahia pour ses
grandes manufactures nationales. Il appartient à leurs directeurs
d'étudier la convenance d'envoyer à Babia une commission pour
signaler les progrès à faire dans la culture du tabac. On arrivera,
bien sur, à prouver les avantages d'établir à Babia des fermes-
modèles, dirigées par des agronomes français; ils indiqueraient
aux agriculteurs la manière de produire les meilleures qualités
de tabac voulues par les manufactures de France. Les deux
gouvernements, français et brésilien, dont les rapports sont
beureusement des plus amicaux, se mettraient d'accord pour la
bonne réussite de cette entreprise, aussi importante pour l'agricul-
ture de l'Empire que pour les finances de la République. L'ini-
tial ive individuelle pourrait faire encore mieux que les gouver-
nements, si les grands importateurs de tabac envoyaient des
agents pour établir des comptoirs àSan-Fidelis et àCachoeira, pour
fournir des semences et des engrais et donner des instructions
aux planteurs. Ils achèteraient le tabac, sur place, de la meilleure
qualité et à des prix très avantageux. L'exemple a été déjà donné
par la Manchester Cotton Supply Association, qui a été le prin-
cipal promoteur de la culture du coton dans la province de San-
Paulo, pendant la crise produite par la guerre pour l'abolition de
l'esclavage aux États-Unis.
LES ZONES AGRICOLES. 243
Cacao. — Toute L'immense zone du San-Francisco est appro-
priée à la production du cacao, aussi bien au bord de la mer, sur
le littoral des provinces de Sergipe et de Bahia, que sur les rives
du grand fleuve. Les plus belles fermes de cacao (Fazendas de
du Brésil se trouvent au sud de la province de Bahia, à
Camamû, à Porto-Seguro, à,Valença, à Santa-Gruz etc. etc. Nous
recommanderons constamment aux immigrants-propriétaires la
culture du cacaoyer partout où elle sera possible. Un seul immi-
granl peut soigner 1.000 cacaoyers, qui lui produiront un revenu
net de 1.500 à 2.000 francs. Le cacaoyer rapporte pendant 80
années. Une plantation de cacaoyer doit être considérée par
l'immigrant comme un patrimoine pour lui et pour sa famille.
Le cacaoyer est aussi beau que l'oranger, mais ses fruits sont
plus précieux; ils donnent le chocolat, le beurre de cacao, l'eau-
de-vie de cacao, etc., etc. La pulpe qui enveloppe les amandes
est d'un goût exquis et très rafraîchissante.
Immigration. — Le gouvernement brésilien a été autorisé
par le Parlement à employer 1.000 contosde reis, à peu près trois
millions de francs, pour l'immigration dans la province de Bahia.
Le sud de cette belle province est dans les mêmes conditions de
climat que la province limitrophe de Espirito-Santo, où prospè-
rent plusieurs colonies d'Italiens et d'Allemands, tous proprié-
taire de lots de terre concédés par le gouvernement brésilien.
Au nord et au centre de la province de Bahia, on trouve des
chaînes de montagnes où le climat est excellent, sec et tempéré,
produisant, comme Jacobina, les fruits de France : pommes,
coings, poires, pêches, etc.
Nous répéterons encore une fois : — V Immigration dans les
provinces du nord du Brésil réussira 'parfaitement si on place les
immigrants dans les belles montagnes et si on leur donne la propriété
immédiate de la terre. Tous les insuccès furent causés par l'escla-
vagisme. Ce qui était impossible — le travail de l'immigrant à
côté de l'esclave — est, Dieu merci, hors de question.
Chemins de fer. — La province de Sergipe a en étude le
chemin de fer de Aracajû, la capitale, à Simao-Dias. Dans la
province de Bahia on exploite déjà un certain nombre de chemins
de fer énumérés plus loin.
Exportations. — Les articles d'exportation plus notables
211 LE BRÉSIL EN 1889.
des provinces de Sergipe et de Babia sont les suivants : Or et
diamants — sucre — tabac — coton — café — cacao — eau-de-
vie — bois-brésil — palissandre — fruits (oranges, mangas,
cocos, etc.) — huiles de baleine, de palme, de ricin, etc. — cuirs,
os, cornes, etc. — tapioca, farine de manioc — haricots, maïs
— caoutchouc (de mangabeira, hancornla) — fibres de palmiers
(piassaba, tucwn, etc.).
VI. L<a zone du Parahyba-du-Sud . — Trois provinces
constituent la zone du Parahyba-du-Sud, qu'on pourrait aussi clas-
sifier : — La grande zone du café. — Ces provinces sont: la
province d'Espirito-Santo, avec une surface de 44.839 kilomètres
carrés et une population de 100 à 120.000 habitants ; la pro-
vince de Rio, avec une surface de 68.982 kilomètres carrés et une
population de 850.000 à 900.000 habitants ; la capitale du Brésil
se trouve enclavée dans la province de Rio, dans le Munie ipio
Neutro, ou Municipe de la Cour, qui a une surface de 1.394 kilo-
mètres carrés et une population de 500 à 600.000 habitants; — la
province de San-Paulo, qui a une surface de 270.870 kilomètres
carrés et une population de 950.000 à un million d'habitants.
Terre. — La roche prédominante dans la province d'Espirito-
Santo est le granitoïde ou le gneiss-granit, caractéristique de
toute la zone agricole du Parahyba-du-Sud. Les calcaires et les
marbres ont été déjà signalés en plusieurs localités de cette
province, notamment dans la Serra de S an-Felippe, dans la vallée
dTtapemirim. Les argiles plastiques sont abondantes et employées
partout en briques, tuiles, poteries, etc. On trouve, parfois,
enclavés dans l'argile ou sur le lit des rivières, des cristaux de
quartz de toute beauté. Le Museo National de Rio en possède
un exemplaire superbe, d'un mètre de longueur. Dans la vallée
du Parahyba-du-Sud le gneiss-granit est traversé par des filons
calcaires cristallins. Ils sont exploités pour la fabrication de la
chaux et aussi comme marbres d'ornementation. Les professeurs
Charles-Frederick llartt et Orville-Adalbert Derby ont trouvé
dans ce calcaire le fameux Eozoon canadense, caractéristique des
terrains laurentiens, et considéré le premier animal qui s'est
organisé sur noire planète.
Les calcaires de la Barra-do-Pirahy, sur le chemin de fer de
Dom Pedro II ; ceux de la Fazenda-do-Govcrno, sur la route
LES ZONES AGRICOLES. 245
Uniào-Industria ; les calcaires de Valcnça, desservie par un
embranchement du chemin de fer de Dom Pedro II ; ceux de la
Fazenda de Cackoeira de Montserrate^ tout près de la gare de la
Serraria, sur le chemin de fer de Dom Pedro II, doivent être cités
parmi ceux qui sont en exploitation. Les argiles abondent même
dans les terrains qui bordent le port de Rio. On y voit des fabriques
montées comme les plus belles de Marseille. Le kaolin se trouve à
Nitherohy, dans l'île de Paquetâ, etc. Le savant naturaliste D'Orbi-
gny a été tout étonné de voir à Rio le granit employé dans toutes les
constructions. Vraiment il est impossible de trouver quelque part
une plus grande variété de roches granitiques, depuis les gneiss
jusqu'aux pegmatites et aux syénites, depuis les diorites
jusqu'aux diabases.
La ville de Rio exporte des pavés ou des parallélipipèdes
pour pavage, pour la Plata et même pour les autres villes du
Brésil. Dans la province de San-Paulo on exploite pour dalles un
schiste vert foncé. Le municipe de San-Roque a une importante
exploitation de marbres. Les calcaires abondent à Sorocaba,
Itapetininga, Cutia, Taubaté, Iguape, Paranahyba, Araraquara,
Yporanga, Jaboticabal, etc. La fameuse Terra Rôxa, terre rouge
foncée, est produite par la décomposition de diorites et de
diabases. On discute encore à San-Paulo si la Terra Boxa vaut
mieux ou non que le Massapê pour la culture du caféyer. Ce qu'il
paraît résulter de ces discussions c'est que la Terra Boxa, par son
abondance en fer, fait accélérer la production du caféyer, qui
commenee à rapporter de 2 à 3 ans, tandis que le massapè est
plus lent dans la production, mais garde le caféyer en rapport
pendant une période plus longue. A Taubaté on trouve un très
importante gisement de schistes bitumineux, qui est exploité
par une Compagnie.
Bois de Construction, de Menuiserie et d'Ébénisterie. —
Ce sont les forêts de la Serra-do-Mar, de la chaîne de montagnes
qui borde la mer depuis le cap Frio jusqu'au cap de Santa-Martha,
clans la province de Santa-Catharina, qui ont mérité les éloges
enthousiastes de Charles Darwin, de Saint-Hilaire, d'AGASSiz et de
tous les savants qui ont visité le Brésil.
Un voyageur distingué disait tout dernièrement : — « J'ai vu
bien des forêts, partout dans le monde, mais c'est seulement au
Brésil qu'on voit des forêts si serrées que l'on croit pouvoir mar-
cher dessus. »
246 LE BRÉSII EN 1889.
La terre, d'une fertilité incomparable, et les forets d'une
beauté infinie, sont et seront toujours la grande richesse du
Brésil. Vraiment aucun sol au monde ne vaut celui qui est drainé et
arrosé par l'Amazone, par le San-Francisco, par les deux Parahyba
au nord et au sud, par l'Uruguay, par le Paranà, et par leurs
milliers d'affluents. Les forets de caoutchouc couvrent des régions
immenses depuis la vallée de l'Amazone jusqu'à la province de
Matto-Grosso ; les splendides forets de Palmiers à Carnaûba
vont depuis Piauhy et Céarâ jusqu'à la vallée du San-Francisco
sur les confins des provinces de Minas et Bahia ; les forêts
d'Araucaria, du sapin brésilien, vont depuis le Pieu, dans la pro-
vince de Minas, jusqu'au montagnes de Rio-Grande-du-Sud ; les
forêts multiples de Bois-Brésil, de Palissandre, de Cèdre, de
Vinhatico, de Peroba, etc., etc., se trouvent sur les montagnes,
dans la zone maritime ou dans les vallées des grands fleuves.
Dans l'impossibilité d'énumérer tous les bois des provinces
d'tispirito-Santo, de Rio-de -Janeiro et de San-Paulo, nous nous
bornerons aux suivants: la Peroba, le chêne du Brésil, employée
partout dans la construction navale et dans la bâtisse, dans la
menuiserie et dans l'ébénisteric. La variété Peroba-revessa est
mouchetée comme l'érable, mais d'un jaune or plus vif et plus
brillant. On l'a déjà employée à Paris pour des pianos et des
meubles de luxe. Ce bois superbe forme des forêts unies dans la
province de San-Paulo, dans les environs de la ville de Campinas
et dans la région de la Terra lîôxa. La Peroba de Campos, dans
la province de Rio-de-Janeiro, est employée de préférence dans
les arsenaux du gouvernement. La Peroba est classifiée Aspidos-
perma peroba, dans la famille des Apocynacées.
Les Canellas, dont on compte une variété infinie, la plus
estimée étant la Canclla-prêla (noire); elles sont classifîées Nec
landra atra, N. mollis, etc., etc., dans la famille des Lauracées.
Les Ipês, Pâus d'arco (bois d'arc), parce que les Indiens s'en
servaient pour leurs arcs et flèches. Les Ipês abondent partout au
Brésil. Au mois de novembre, ils se distinguent, dans les forêts de
Rio, par leurs grandes fleurs jaunesd'or, qui ressortent au milieu
du vert-foncé des feuilles des autres arbres. Les Ipês sont classi-
fîées dans le genre Tecoma, de la famille des Bignoniacées. Vlpê
roxo (roux) est le Tecoma curialis ; Vlpê tabaco est le Tecoma-ipê ;
Vlpê Paû d'Arco est le Tecoma sjieciosa, etc., etc.
Le Genipapo, qui abonde dans les provinces de Bahia et de
Rio, est un bois très homogène et très élastique, d'une couleur
LES ZONES AGRICOLES. 247
lilas. Ces! toui dernièrement qu'on l'a introduit dans La menui-
serie et dans rébénisterie, en concurrence avec L'érable. Il es1
classifié Genipa brasiliensù, dans la même famille des rubiacées
où se trouve le café. L'arbre donne de gros fruits d'un goût
exquis, auxquels oni attribue des vertus médicinales;
Les palissandres, tant de fois cités, abondent surtout dansles
belles forêts d'itabapoana, d'Itapemirim, du Rio-Doce, duMucury,
clr., etc., dans la province d'Espirito-Santo.
On a envoyé de cette province à l'Exposition universelle de
Philadelphie, en 1876, un fameux bois, nommé Itapicurû, qui
a l'apparence du palissandre traversé par les fibres jaune d'or
du Vinkalico :
La Massaranduba ou YAprahiû vermelho, rouge, le bois le
plus commun sur le marché de Rio ; il est produit par un bel
arbre de la famille des Sapotacécs, classifié Mimusops data.
Immigration. — La zone à café jouit déjà d'un mouvement
d'immigration très important. Dans la province d'Espirito-Santo,
on remarque les importantes colonies de Rio-Novo, de Castello, de
Sainte-Isabelle et de Sainte-Léopoldine. Elles ont une popula-
tion, toujours en progrès, de 20.000 à 30.000 Italiens, Allemands,
Suisses, Autrichiens, Portugais, Français, Hollandais et Belges.
A coté des immigrants se placent toujours des familles brési-
liennes pour jouir des avantages de la petite propriété. La pro-
vince d'Espirito-Santo a un grand avenir. C'est par les vallées de
ses beaux fleuves et par ses ports de mer que se fera l'exporta-
tion d'une immense zone de la province de Minas et du centre du
Brésil. Heureux les immigrants-propriétaires qui s'établiront
dans la province d'Espirito-Santo !... Ils seront enrichis par le
seul fait de la majoration du prix des terres après la construction
des chemins de fer qui desserviront les vallées de Mucury, du
Rio-Doce, duSan-Matheus, du Benevente, de l'Itapemirim et de
fltabapoana. Dans la province de Rio, on cite toujours Petropo-
lis, the Paradise of Brazil selon l'expression pleine d'enthou-
siasme des touristes anglais, quia été une colonie allemande, et
Friburgo, qui a été une colonie suisse. Entre Petropolis et Fri-
burgo, il existe un superbe plateau, de 800 à 1.200 mètres d'alti-
tude, où pourront s'établir des milliers d'immigrants-proprié-
taires.
Dans la province de San-Paulo, le mouvement d'immigration
atteint déjà le beau chiffre de \ 0.000 Italiens par mois. lisse
248 LE BRÉSIL EN 1889.
placent, pour commencer, en salaire et en métayage, chez les grands
propriétaires. Lors de la merveilleuse récolte de café de 1888,
des familles italiennes ont gagné 20 francs par jour. Avec les éco-
nomies d'une seule récolte, elles sont à même de s'acheter des lots
de terre dans les colonies du Gouvernement central (San-Ber-
nardo, San-Caetano, Porto-Feliz et Jundiahy ) ou dans celles du
Gouvernement provincial, à Ribeiraô-Prcto, à Cascalho, etc., etc.
On voit déjà des immigrants hardis s'élancer dans le Far-West
de San-Paulo. La foret vierge arrête quelques Européens, mais
d'autres s'en sont épris et s'en passionnent follement.
Chemins de fer. — Toute cette zone possède un grand
nombre de voies ferrées, principalement dans les provinces de
Rio et de San-Paulo.
Exportation. — La grande exportation de la zone agricole du
Parahyba-du-Sud est le café; elle donne l'énorme quantité de six
millions de balles de 60 kilos, d'un poids total de 360.000.000
de kilogrammes, la plus forte exportation du monde entier.
Les provinces d'Espirito-Santo, de Rio et de San-Paulo ex-
portent encore les articles suivants : Sucre (principalement le
municipe de Campos), eau-de-vie, bois de construction (Espirito-
Santo), fruits (oranges et bananes pour le Plata), tabac, cuirs,
or et diamants de la province de Minas, etc., etc.
Exportation de Café tar le port de Rio -de- Janeiro
(En sacs de 60 kilos.)
1879 3.535.183 sacs.
1880 3.563.05-4 -
1881 4.377.118 —
188-2 4.200.590 —
1883 3.651.511 —
1884 3.897.113 —
1885 4.206.911 —
1886 3.580.965 —
1887 2.241.755 —
1888 3.330.185 —
LES ZONES AGRICOLES. 249
Recettes de la Do taxe du port de Rio-de-Janeiro
Importation.
1887 : 110 millions et demi. — 1888 : 119 millions et demi.
Excédent en 1888 : 9 millions de francs.
Exportation.
1887 : 17 millions et demi. — 1888 : 19 millions.
Excédent en 1888 : 1/2 million de francs.
Sacs de café entres à Rio-de-Janeiro.
(Le sac contenant 60 kilos.)
1887 : 2.227.036. — 1888 : 3.442.954.
Excédent en 1888 : 1.215.918 sacs de 60 kilos.
Exportation de café.
(Par sacs de 60 kilos.)
1887 : 2.241.755 sacs. — 1888 : 3.330.185.
Excédent en 1888 : 1.088.430 sacs.
Destination du café exporté.
Pour les États-Unis . . . 1887 : 1.460.078 sacs.
. . . 1888 : 2 025.509 —
Pour l'Europe, etc. . . . 1887 : 781.677 sacs.
— .... 1880 : 1.304.676 —
Excédent en 1888 : Pour l'Europe, etc . . . 522.999 sacs.
— : Pour les États-Unis. . . 565.431 —
Eau-de-Vie de Canne
Importation.
(Provenant des diverses provinces du Brésil et de divers points
de la Province de Rio.)
1887 : 19.773 pipes. — 1888 : 20.515.
Excédent en 1888 : 742 pipes.
250 LE BRÉSIL EN 188 9.
Exportation.
IKSS : Tour les autres provinces. . . 280 pipe-.
— Rio de La Plata 30 —
Europe 220 —
Sucre de Canne
Importation.
(De même provenance que l'eau-de-vie.)
1887 : 646.032 sacs. — 1888 : 599.671 sacs.
Excédent en 1887 : 46.361.
Ventes de sucre.
1887 : 652. 524 sacs. — 1888 : 620.454 sacs.
Excédent en 1887 : 32.070.
Recettes de la Douane de Rio-de- Janeiro en contos l
L879 41.775
1880 42.850
1881 41.755
1882 40.013
1883 39.176
1884 40.297
1885 40.328
1886 43.101
1887 45.932
1888 48.483
Montant des Traites négociées sur la place de Rio-de-Janeiro
1884 : sur Londres : £ 12.541 .359 = sur Paris : fr. 32.254.844
1885 11.147.035 — 27.074.572
1886 — 20.284.438 — 36.250.803
1887 25.320.271 — 48.780.100
18882 — 22.579.863 — 59.235. I9S
1. Au change de 350 réis par franc, le conto vaut bien près «le
2,8G0 francs.
2. Voir la note de la page suivante.
LES ZONES AGRICOLES. 251
Valeurs importées a Rjo-de- Janeiro en 1888 *
De Londres: Souverains, 401.749 s= Argent en barre 4.715.000f
1).' France : monnaie. . . 238.877 — 865.000
D'Allemagne: Souverains, 5.000 — 115.000
Ue Portugal: — 76.440 — — .......
DelaPlata: — 1.400.813 — — 1.782.000
Valeur de l'Exportation en 1888
270 millions 1/2 de francs, provenant des produits suivants :
Café 262.800.000 fr
Tabac, cigares, cigarettes .... 2.300.000
Or en poudre et fondu ...... 2.250.000
Cuirs 2.200.000
Palissandre 300.000
Diamants 260.000
Tapioca 230.000
Cornes 62.000
Articles divers 798.000
270.500.000 fr
Navigation au Long Cours en 1888
Entrées. Sorties.
Anglais il 8 navires. 380 navires.
Norvégiens 153 — 149 —
Français 152 — 147 —
Allemands 142 — 111 —
Italiens 85 — 82 —
Américains du Nord. 67 — 66 —
Brésiliens 47 — 42 —
A Reporter . . . 1.064 navires. 997 navires.
1. Les chiffres de 1888 ne comprennent que onze mois. Les données
relatives au mois de décembre n'étaient pas encore connues.
252 LE BRÉSIL EN 1889.
Report 1.064 navires. (.»'.»7 navires.
Portugais 41 — 14 . —
Belges 29 — 31 —
Suédois 22 - 17 —
Autrichiens 10 — 11 —
Danois 9 — 4 —
Espagnols 9 — 4 —
Hongrois 4 — 2 —
Hollandais 3 — 7 —
Russes 2 — 2 —
Argentins 2 — 4 —
Grec 1 — 0 —
Total 1.19G navires. 1 .072 navires.
Navigation de Cabotage
Brésiliens
Anglais
Allemands
Français
Norvégiens
Américains du Nord.
Suédois
Portugais
Danois
Autrichiens
Italiens
Hollandais
Espagnols
Belge
Argentin
Hongrois
Grec
Total ....
Entrées.
Sorties.
823
navires.
953
navires.
96
—
133
—
73
—
87
—
35
—
38
—
27
—
36
—
18
—
29
—
16
—
16
—
14
■ —
33
—
14
—
15
—
12
—
10
—
11
—
6
—
3
—
3
—
2
—
7
—
1
—
3
—
1
—
0
—
0
—
4
—
0
—
1
—
1 . 1 46
navires.
1.379
navires.
LES ZONKS AGRICOLES. 253
Tonnage des Navires au Long Cours
Entrées. Sorties.
A voile. . 358.491 tonneaux. 322. 626 tonneaux,
V vapeur. I 137.910 1.084.613
Total. . 1.495.410 tonneaux. 1.407.239 tonneaux.
Tonxage des Navires de Cabotage
Entrées. Sorties.
A voile. . 75.872 tonneaux. 129.658 tonneaux,
A vapeur. 489.006 508.683
Total. . 560.938 tonneaux. 638.341 tonneaux.
VII. L-a zone du Paranà. — La septième zone agricole du
Brésil est formée parles provinces : de Paranâ, avec une surface
de 221.319 kilomètres carrés, et une population de 250 à 300.000
habitants : de Santa-Catharina, avec une surface de 74.156 kilo-
mètres carrés, et une population de 200 à 250.000 habitants. La
plupart de ces immenses surfaces appartiennent à l'État et seront
incessamment consacrées à l'immigration.
Terre. — La chaîne maritime, la Serra-do-Mar, dont les
montagnes soutiennent lesbeaux plateaux de Paranâ et de Santa-
Catharina, est formée principalement de roches granitiques.
Dans la province de Paranâ on trouve des calcaires à Bareguy, à
Curitiba, à Assunguy, à Butiutuva-Grande, à Varoval, etc. Dans
les environs de la ville de Curitiba, capitale de Paranâ, on
admire des grottes calcaires à stalactites et stalagmites, notam-
ment les grottes de Itapirussû et Arraial-Queimado. Dans la
colonie Al fredo-C hâves, on a rencontré une belle carrière de
marbre-saccharoïde. Les calcaires hydrauliques abondent à The-
resina, autrefois Colonia Theresa. Tout près de la ville de Lapa,
on exploite un grès rouge schisteux pour dallage. Les colons
d' Assunguy emploient les ardoises de cette vallée pour la couver-
ture de leurs maisons. La dolomie abonde à Assunguy et à
LE BRÉSIL EN 18 89.
Butiutuva. La fabrication de briques, I ailes et paierie est facilitée
par l'abondance d'excellentes argiles plastiques,. voire de kaolin,
tant à Parana" qu'à Santa-Catharina. Dans cette dernière pro-
vince, dans les mines de houille du Tubarao, on a trouvé de
l'argile réfractaire. On verra, à Paris, dans l'Exposition spéciale
de ces mines, quelques échantillons pris au filon nommé Barro-
Branco. Dans le littoral des provinces de Parana et de Santa-
Catharina, on peutencore voir des S ambaquis, Casqueiros, Ostreiras,
élevés dans les temps primitifs par les aborigènes, et tout-à-fail
analogues aux Kjôkkenmoddings de Suède, de Norwège et du
Danemark. Ils ont été étudiés par des anthropologistes du
lirésil et de l'Europe, notamment par le professeur Cli. "Wiener
(1882-1884). Ces monuments anthropologiques tendent à dispa-
raître, car les habitants utilisent les huîtres et les coquillages,
qui y abondent, pour la fabrication de la chaux.
Cataracte du Guayra. — On ne peut pas parler du Parana
sans taire mention du fameux Guayra, ou Salto das Sele Quedas
(Saut-à-sept-chutes-d'eau),qui est regardé comme plus admirable
que le Paulo-Allbnso, le Niagara brésilien. En effet, le Parana, en
amont delà cataracte, a 4.200 mètres de largeur ; bientôt, il entre
dans un canal bordé d'immenses rochers, étroit de GO mètres, et
se précipite en plan incliné de 50 degrés d'une hauteur de
17 mètres, en produisant un fracas terrible, qui s'entend à six
lieues à la ronde. Le Guayra est presque inconnu en Europe. Cepen-
dant il n'y a peut-être au monde aucune région plus pittoresque
que le haut Parana, avec ses beaux affluents l'ivahy, le Pikiri et
llguassû. Ce même Iguassû atteint le Parana par une immense
cataracte, qu'on appelle le Salto de Santa-Maria. Le Parana,
l'ivaliy et l'Iguassu ont de grandes étendues navigables par des
vapeurs de 80 à 120 centimètres de tirant d'eau. C'est une région
qui défie la curiosité des savants, des naturalistes et des touristes,
et qui attend des immigrants pour profiter de la douceur de son
climat et des avantages d'un sol admirablement fertile et chargé
d'immenses richesses naturelles.
Houille. — La province de Santa-Catharina possède dans la
vallée du Tubarao un important bassin houiller. On a déjà
construit le chemin de fer Dona Theresa Christ ina pour servir au
transport du charbon de terre. 11 est aussi question d'y construire
un port d'abri pour les navires de haut tonnage, de manière à
LES ZONES AGRICOLES. 255
pouvoir exporter la houille pour les ports du nord du Brésil. La
vallée du Tubarào est remarquable par l'excellence de son climat
el par la fertilité de ses terres, qui apparl iennentpresque toutes à
L'État. C'est une région où L'immigrant-propriétaire aura un grand
avenir agricole et industrie] par L'abondance de combustible.
Araucaria. [Sapin du Brésil.) — Les forets d'Araucaria brasi-
» doivent être comptées au nombre des plus grandes richesses
naturelles de la province de Paranâ. Ces arbres conifères s'élèvent
jusqu'à 20 et à 36 mètres, avec un diamètre de 1 mètre 50 à
- nulles. Leur bois l'appelle en même temps le sapin d'Europe
et le cèdre du Brésil. Quelquefois il est tout blanc, quelquefois
jaunâtre ; plus souvent blanc et rose ; il est de toute beauté pour la
menuiserie. A la naissance des branches on rencontre des nœuds,
chargés de résine, qu'on travaille au tour, et dont on fait une
infinité d'objets de fantaisie. Ces nœuds produisent un charbon,
qui est très estimé par les forgerons. En 1872, l'ingénieur Antonio
Rebouças a fondé la première grande exploitation d'Araucarias
pour la Compagnie Florestal Paranaense : il a envoyé à l'Exposi-
tion Universelle de Vienne, en 1873, un tronc qui a été monté
dans le parc, haut de 25 mètres, et qui lui a valu un diplôme
d'honneur. Aujourd'hui on compte à Paranâ plusieurs entre-
prises pour l'exploitation des Araucarias.
Les fruits de Y Araucaria, les pinhôes, sont comestibles. Les
immigrants s'en servent surtout pour engraisser leurs porcs. On
peut dire que le Pinheiro est aussi utile à l'immigrant à Paranâ
que Y Érable à sucre ou Sugar-Mapple [Acer saccharinum) aux
colons du Canada. En effet, avec Y Araucaria, l'immigrant peut
bâtir sa maison, depuis les fondations jusqu'aux combles ; en
faire le mobilier ; avoir du bois et du charbon, et, encore, la
nourriture pour lui et pour ses porcs.
L'Araucaria, comme les autres conifères, produit de la résine,
la thérébentine, du goudron et tous les produits analogues. Les
cendres de Y Araucaria sont riches en potasse et en soude. On
voit donc que Y Araucaria offre un vaste champ d'exploitation
pour les immigrants intelligents et industrieux, depuis les capi-
talistes et les industriels jusqu'aux simples ouvriers, charpentiers,
menuisiers, tourneurs, etc.
Bois de Construction, de Menuiserie et d'Ébénisterie. —
Les forêts d'Araucaria présentent leur maximum de richesse à
25G LE BRÉSIL EN 188 9.
Parané ; mais elles se trouvent sur tous les plateaux du sud du
Brésil, entre 300 et 800 mètres d'altitude, depuis la province de
Minas jusqu'à Rio-Grande-du-Sud. A Paranâ les forêts d'Arau-
caria sont entremêlées d'Embuias, bois superbe qu'on emploie
dans la menuiserie et dans l'ébénisterie en concurrence
avec le vieux chêne. VEmbuia est un bel arbre du genre
Nectandra, de la famille des Lauracées. A Santa-Catharina les bois
les plus communs sont les Perobas [Aspidosperma peroba, famille
des Apocynacées) et les Caneïlas-Prêtas (Nectandra atra, famille
des Lauracées). En visitant les colonies de cette province, en
L863, j'ai vu, chez un immigrant, un tronc de cèdre d'un mètre
et demi de diamètre et de 20 mètres de longueur. Il n'est pas
rare de voir à Santa-Catharina, comme dans l'Amazone, des canots
creusés dans un seul tronc de cèdre et pouvant naviguer avec
dix à vingt personnes. A Paranâ et à Santa-Catharina, dans les
forêts au bord de la mer, on rencontre les bois du nord du Brésil,
quelquefois avec d'autres noms. Ainsi le Paâ-cVArco (Bois
d'Arc) est connu sous le nom de Guarapory à Paranâ; mais c'est
toujours le Tecoma speciosa, de la famille de Bignoniacées, comme
dans les provinces du nord du Brésil. Il ne faudra pas oublier
que tous les cèdres natifs du Brésil appartiennent à la famille
des Cedrelacécs-Meliacées ; les Cèdres -Conifères (Cedrus Liban î,
etc.) ont été acclimatés dans les provinces du sud de l'Empire.
On a envoyé de Paranâ aux Expositions de Paris (1867), de
Vienne (1873) et de Philadelphie (1876) un bois très précieux,
qui ressemble à de l'écaillé mouchetée de jaune et de noir. Ce
bois est produit par une liane énorme, de la famille des cœsalpi-
nacées-légumineuses, classifiée dans le genre baukinia. A Paranâ
on appelle cette liane cipô-florâo (liane-fleuron) ; dans la
province de Rio on l'appelle clpô-escada (liane-escalier) ou encore
cipô-unha-de-boi (liane-ongle-de-bœuf). Ce bois, même au Brésil,
n'est employé que dans l'ébénisterie de luxe, en marqueterie ou
en ouvrages de mosaïques sur bois.
Maté (Thé du Paraguay, Thé du Brésil). — Le maté est
encore l'article d'exportation le plus important de la province de
Paranâ. On a fait en France, en Allemagne et en Italie, des
études physiologiques sur ce succédané du thé de Chine et des
Indes. Par ces études on est arrivé à la conclusion que le maté
convient mieux que le café et le thé aux dames, aux enfants, aux
convalescents, aux névrotiques, à tous ceux enfin qui soullrent
LES ZONES ACUICOLES. 257
d'insomnies el de complications nerveuses. Aussi commence-t-on
à importer en Europe le maté de Paranâ, surtout pour le service
des hôpitaux el maisons de santé. A Paranâ et dans le sertâo
(centre) du Brésil, on appelle les arbres qui produisent les
feuilles propres à la fabrication du maté : Congonhas et Con-
goinhas. Ces arbres appartiennent à la famille des Ilicinacées, dans
le genre-type Ilex, A Paranâ les principales espèces sont : Ilex
curitybensis, I. Paraguay ensis, Ilex ovatifolia, I. aculifolia, Ilex
acrodonta, L obtusifolia, Ilex humboldliana, Ilex ebe?iacea, etc., etc.
1 /exportation du maté de Paranâ se fait pour le Chili et la Plata
el oscille entre 12 et 14 millions de kilogrammes, d'une valeur
de 7 à 8 millions de francs.
Agriculture. — Pour bien comprendre l'infinité de cultures,
auxquelles on peut se livrer dans les provinces de Paranâ et de
Santa-Catharina, il faudrait avoir sous les yeux la carte en relief de
cette zone agricole du Brésil. Alors on verrait la chaîne maritime,
l&Serra-do-Mar, se dresser comme une immense muraille de 800 à
2.000 mètres de hauteur, pour soutenir des plateaux, comme ceux
de Curitiba, à Paranâ, et ceux de Lages, à Santa-Catharina,
jouissant de climats européens et donnant tous les produits agri-
coles de la France. On pourrait alors comprendre comment la
province de Paranâ possède, à elle seule, quatre zones agricoles
parfaitement caractérisées : 1° la zone maritime, qui ne monte
qu'à 30 mètres, et qui possède une flore tout à fait brésilienne, de
palmiers, de broméliacées, d'aroïdées, de melastomacées, etc.,
et dont les terres sont excellentes pour la canne à sucre, pour
le manioc à tapioca, pour Yararuta [arrow-root), pour la vanille,
pour les piments, etc. ; 2° la zone montagneuse, formée par les
contreforts de la chaîne maritime, qui monte depuis 30 mètres
jusqu'à 1.500 mètres et même 2.000 mètres d'altitude, où on
admire les forêts de Perobas et de cèdres brésiliens, et qui pos-
sède, jusqu'à 300 mètres d'altitude, des terres excellentes pour la
culture du café ; 3° la zone des admirables plateaux de Curitiba,
•de Campos-Geraes, de Guarapuava, etc., etc., de 900 à 1.500
mètres d'altitude ; c'est la région des Araucarias, des superbes
conifères de 36 mètres de hauteur et de 2 mètres 50 de diamètre ;
c'est là que l'immigrant se trouve, comme en Europe, entre des
cultures de blé, de seigle, d'avoine, d'orge, etc.; il peut se faire
maraîcher et cultiver les mêmes légumes qu'en France, ou se
faire horticulteur et envoyer aux marchés des pommes, des
17
858 LE BRÉSIL EN 1889.
poire-, des pêches, des raisins, des prunes, etc. Campos-Gerae$
signifient des pâturages et des prairies naturelles, où on ('-levé
iœufs et des chevaux, et où on a déjà acclimaté des moutons
— Rambouillet, Mérinos, etc., etc.; 4° la zone centrale, qui
forme un immense plan incliné, qui descend des liants plateaux
jusqu'au niveau du grand fleuve Paranâ, qui arrose les limites
occidentales des provinces de Paranâ et de Santa-Catharina,
entre des altitudes de 300 à 100 mètres. Les ingénieurs anglais
qui ont parcouru cette zone pour faire Les études du chemin de
fer Dona [sabel, ont été très étonnés de voir un pays, où les fleuves
coulaient vers l'intérieur. (Test que toutes ces eaux vont se
déverser dans le grand estuaire de la Plata, après avoir arrosé le
Brésil, le Paraguay et la République Argentine. Depuis les alti-
tudes de 500 mètres, on commence à retrouver la végétation brési-
lienne de palmiers et de melastomacées, comme dans la pre-
mière zone, et des terres pour la culture de la canne à sucre, du
manioc, du café, du maïs, du tabac, etc. L'expédition dirigée
par l'ingénieur Antonio Etebouças a rencontré sur les bords de
l'Ivaliy, un des plus beaux affluents du Paranâ, d'immenses
d'orangers. Sur les rives de ce ûeuve, le docteur Faibre a
fondé la colonie Thereza, qui, aujourd'hui forme la ville de
Theresina, située dans une région aussi riche en produits agri-
coles qu'en produits minéralogiques de toute espèce, y compris
l'or.
Coton. — Pendant la crise produite par la guerre de l'aboli-
tion aux. États-Unis, toutes les provinces du Brésil, depuis
Para jusqu'à Rio-Grande-du-Sud, ont exporté du coton pour
Liverpool. A Paranâ, c'est le coton herbacé (Gossipium herba-
ceum qui donne un rendement extraordinaire. Sur un terrain de
750 mètres carrés, on a récolté 2.937 kilos de coton. On a vu un
seul co ton nier chargé de 150 cocons. Les meilleures terres à
coton, a Paranâ, se trouvent dans le centre de la province, à
Castro et à Guarapuava. La culture du coton commence à se
relever dans tout le Brésil, grâce à la demande des fabriques qui
se fondent presque dans toutes les provinces.
Ramie. — On a déjà acclimaté au Brésil la ramie, la fameuse
Candida Sidonis dr> anciens Komains. C'est le produit fibreux de
la Urtica tenacissima, Urtica utilis des botanistes. Les plus belles
plantations de ramie se trouvent dans la province de Santa-Catha-
LES ZONES AGRICOLES. 239
rina, dans la colonie Grâû-Parâ, fondée dans la vallée du Tubarao
dans Lé patrimoine du comte d'Eu, Dans les essais d'acclimatation
faits a Rio par M. J. Bellissime, il a obtenu quatre à cinq récoltes
par an. chaque plante produisant de lia 16 tiges. Les fibres en
sont très belles et prennent parfaitement toutes les couleurs
de teinturerie. Les plantations de ramie, à Santa-Catharina,
s'élèvent à des millions de pieds. On préfère la ramie-verte, à
feuille cordiforme, qui résiste mieux à la gelée. M. Joaquim
Caetano Pinto Junior, initiateur de l'immigration italienne au
Brésil, a fait venir des machines du système Landstheer pour
décortiquer la ramie dans la colonie de Grào-Parâ. A l'exposition
d'Anvers, la ramie de cette provenance a été jugée supérieure à
toute autre et a obtenu une médaille d'or. La ramie décortiquée
>tée, à présent, de 40 à 50 francs les 100 kilos. L'industrie
européenne a énormément à gagner avec la ramie, qui sera aussi
une grande source de richesse pour les immigrants-propriétaires
au Brésil.
Vin. — Les immigrants établis clans ces deux provinces du
sud, cultivent la vigne et commencent déjà à faire le vin. Ces
provinces possèdent des terres et des climats excellents pour cette
culture. M. Todeschini, un Hongrois, ancien directeur de colonie
à Santa-Catharina, nous disait n'avoir jamais vu, pas même à
Tokay, des grappes aussi belles. Le gouvernement brésilien a fait
venir des plants de vigne des localités les plus renommées d'Eu-
rope pour les distribuer dans les provinces de Minas, San-Paulo,
Paranâ, Santa-Catharina et de Rio-Grande-du-Sud. Les chemins
de fer de l'État font des rabais aux tarifs de transport pour les
vins brésiliens. Aussi peut-on espérer que bientôt le Brésil sera
compté parmi les grands producteurs de vins.
Soie. — Les immigrants établis dans les provinces d'Espirito-
Santo, de Paranâ, de Santa-Catharina et de Rio-Grande-du-Sud,
cultivent le mûrier et élèvent des vers à soie. Les forêts du Brésil
possèdent des vers à soie natifs, qui vivent sur différentes plan-
I !S, notamment le Saturnia aurata qui s'alimente des feuilles du
ricin, Palma Christi, Ricinus communis des botanistes. On a déjà
envoyé des échantillons de soie brésilienne aux marchés d'Europe,
et on les a cotés de 80 francs à 100 francs le kilogramme. Il est
déjà question de fonder une fabrique de soie pour faire avancer
plus rapidement sa production au Brésil.
2G0 LE BRÉSIL EN L889.
Immigration. — Les provinces de Paranâ et de Santa-Catha-
rioa sonl connues, depuis longtemps, des émigrants d'Europe,
surtoul d'Allemagne et d'Italie. Ils connaissent bien les plateaux
de Curitiba, où le blé, l'avoine, l'orge el les autres grains donnent
un rendement de 80 pour 1 ; où les haricots rendent 200 pour 1,
el les mais jusqu'à 250 pour 1. La renommée de ees plateaux, de
17" centigrades de température moyenne, a déjà atteint la Polo-
gne et le Tyrol. Les ingénieurs Joseph et François Keller, qui
ont étudié l'Iguassù et d'autres affluents du Paranâ, ont écrit
pour les immigrants cet avis plein d'intérêt : « Un capital de 7
contos de réis (19.831 fr.) employé à l'achat d'un terrain de
4 hectares avec maison, haies, instruments agricoles, bétail, etc.,
par une famille de 4 à 5 personnes, peut produire un revenu net
de 15 0/0 à 16 0/0, sans compter la nourriture et les vêtements
pour la famille de l'immigrant. » C'est l'immigrant Kalkmann,
établi à Paranâ, qui a fourni ces chiffres aux ingénieurs
Keller. Tous les environs de Curitiba, le Ilocio, comme on
dit dans la province, sont occupés par des milliers d'im-
migrants-propriétaires, qui vivent heureux et contents dans
la culture de leurs terres et dans la petite industrie, ou se font
de belles économies dans les transports en charrettes sur les
routes de la capitale aux ports d'Antonina et de Morretes, ou à
(iuarapuava et aux autres villes de l'intérieur de la province.
On doit applaudir l'initiative des capitalistes anglais, qui ont
acheté en 1888, dans la province de Paranâ, 200.000 alqueires
de terres, ou 484.000 hectares, qui correspondent à 1.196. 037 acres,
en mesure anglaise. En Angleterre, on fait la propagande de la
petite propriété avec la formule : A cow and an acre, c'est-
à-dire « Une vache et une acre de terre ». Dans cet immense
domaine de Paranâ la compagnie anglaise pourra donc établir
un million d'Écossais, d'Anglais et d'Irlandais qui y oublie-
r »nt les martyres du terrible Lancllordisme . La province de
Paranâ est vraiment le paradis des immigrants. Impossible de
trouver un climat plus doux et des terres plus fertiles.
Quand on arrive au plateau de Curitiba et qu'on se voit entouré
de ces araucarias, si majestueux et si parfumés, on ne peut pas
retenir un cri de joie et d'enthousiasme. L'air y est si pur, si vif
et si léger qu'il produit l'effet du gaz hilariant C'est l'admi-
rable plateau de Curitiba qui a inspiré les plus belles pages à
Saint- llilaire. Ce panorama splendide a un cachet extraordinaire,
même au Brésil où on passe la vie entouré de merveilles, de
LES ZONES AGRICOLES. 201
plantes el de Qeurs qu'on ne peul voir en Europe que dans les
s irres chaudes des rois, des princes et des millionnaires.
Chemins de fer. — La province de Paranâ est déjà desservie
par des voies ferrées, comme on le verra plus loin.
Exportations. — Les principaux articles d'exportation de
Parané <it de Santa-Catharina, sont : maté (thé du Brésil, thé
du Paraguay' pour la Plataet pour le Chili — coton — bois de
construction — sapin du Brésil [Araucaria) — farines de manioc —
farines de maïs — tapioca — cuirs — sucre — eau-de-vie — haricots
— fèves, etc. ; puis, de la vallée du Tubarâo à Santa-Catharina :
bourre et fromages des colonies — meubles et ouvrages de me-
nuiserie, des colonies de Joinville, Blumeneau, etc.
VIII. L,a zone de l'Uruguay. — La province de Rio-Grande-
du-Sud, qui forme, à elle seule, la zone agricole de l'Uruguay, a
une surface de 236.553 kilomètres carrés. Sa population est de
950 mille à un million d'habitants. Le beau fleuve Uruguay, l'un
-rands affluents de la Plata, contourne la province de Rio-
Grande-du-Sud par les frontières du nord et de l'ouest.
Terre. — Sur une carte en relief de la province de Rio-Grande-
du-Sud, on verrait immédiatement que le sol de cette belle région
est formé principalement par deux immenses plans inclinés : l'un
jetant ses eaux dans l'Océan, l'autre dans l'Uruguay. Ainsi le grand
fleuve Jacuhy coule vers la mer par l'entremise de la Lagôa-dos-
Patos(Lagune-des-Canards), tandis que l'Ibicuhyse déverse sur
la rive gauche de l'Uruguay. On doit remarquer, comme curiosité
hydrographique, la coïncidence de la direction générale de ces
deux fleuves, qui se trouvent presque sur un parallèle à l'équa-
teur, et indiquent le plus court chemin de l'Océan à l'Uruguay.
La rive septentrionale du Jacuhy est montagneuse et tourmentée
par les contreforts de la chaîne maritime (Serra-do-Mar), qui finit
exactement à ce thalweg ; sur la rive méridionale, au contraire,
commencent les fameux campas (pâturages, prairies naturelles)
de Rio-Grande-du-Sud, qui s'étendent jusqu'à la Plata.
Au bord delà mer on trouve des dunes, et le terrain est
sablonneux : mais ce sable est, exceptionnellement, très fertile.
Ainsi, dans YIlhadosMarinheiros (île des Marins), danslaLagoa-dos-
262 LE BRÉSIL EN 18
Patos, toul près de la ville de EUo-Grande, on voit le sable cultive
par des immigrants produire des légumes de toute beauté, des
Fruits d'Europe et 2.000 pipes de vin.
L;i poche prédominante à Rio-Grande-du-Sud est Je grès. L< '^
rives el le lii de l'Uruguay abondent en silex, agathes, cornalines
améthystes, etc., etc. On les exporte pour l'Allemagne, où on en
(ail une infinité d'objets <le fantaisie.
On exploite les marbres à Encruzilhada et à Caçapava ; les
calcaires à Bagé, à San-Gabriel, à Santa-Ànna^-do-Livramento, et
dans les collines d'Herval (Serra do Herval). A Caçapava on trouve
aussi de belles serpentines. Au Cahy abondent les grès blancs et
rouges. Au nord de la province, dans la Serra Gérai, on trouve
le porphyre etlesyénite. Les argiles plastiques sont abandantes :
les immigrants allemands en fabriquent des briques, des tuiles
et la poterie pour leur ménage.
Houille. — Le charbon de terre est exploité à Rio-Grande-
du-Suel depuis longtemps, à Gandiota et à l'Arroyo-dos-ïtatos.
Une Compagnie anglaise : The Brazilian Collieries Company,
Limited, de £100.000 ou 2.500.000 fr., a exploité la mine de
l'Arroyo-dos-Ratos pendant un certain temps ; aujourd'hui c'est
une Compagnie brésilienne qui possède cette mine, et qui en
fait le service d'exploitation. On y a installé des machines pour
la fabrication de briquettes de charbon.
La province de Rio-Grande-du-Sud jouit d'un immense réseau
de navigation à vapeur dans ses fleuves et dans les lagunes
Mcarim et des Patos ; ainsi la houille trouve des acheteurs à la
sortie des puits de mine.
Bois de Construction, de Menuiserie et d'Ébénisterie. —
Dans les forets des montagnes du nord de la province de Rio-
Grande-du-Sud, on voit des Araucarias presque aussi beaux que
dans la province de Paranâ ; des Cèdres brésiliens de la famille
des Cedrelacées-Meliacées ; des Perobas du genre Aspidosperma, de
la famille des Apocynacées ; des Canellas, du genre Nectandra de
la famille des Lauracées, etc., etc. Dans la région des Campos ou
des pâturages et prairies naturelles, les bois de construction
sont rares. Les petits cours d'eau, les arroyos, comme on dit dans
cette province, n'arrosent que des saules (Salix), des Acacias et
des Mimosas à bois blanc.
Quand on monte l'Uruguay, on voit le changement de flore se
LES ZONES AGRICOLES. 263
faire aussi rapidement que celui des coulisses et des décors au
théâtre. Jusqu'à Itaquy, on a la végétation caractéristique des
rives de la Plata : en amont d'Itaquy, commence la foret brési-
lienne, unie el serrée, enveloppée par les lianes, chargée d'épi-
phytes, d'orchidées, d'aroïdées et de broméliacées, aux belles
Heurs aux couleurs éclatantes, sur les troncs superbes des cèdres,
des perobas el des canellas, couronnés par des touffes de feuilles
miroitantes, vert foncé, en beau contraste avec cet azur du ciel
qu'on ne peut voir qu'au Brésil.
Poissons et pêche. — Depuis les temps coloniaux on exporte
des poissons salés de la province de Rio-Grande-du-Sud, notam-
ment la Tàlnha salgada. Les lagunes Méarim et des Patos offrent
vraiment les meilleures conditions pour des viviers à poissons,
pour des parcs à huîtres et pour toutes les industries connexes à
la pisciculture. Ces énormes étangs ont été formés par un barrage
en sable, construit par les forces cosmiques de l'Océan et des
fleuves de Rio-Grande-du-Sud ; du côté de la mer ils sont fermés
par des digues, voire même par des dunes, quelquefois larges de
quelques kilomètres, d'autres fois assez étroites pour être rompues
par les lames de l'Océan. Nous espérons bien placer sur les rives
de ces lagunes quelques milliers d'immigrants hollandais, au
moment de l'exécution des travaux hydrauliques de Rio-Grande-
du-Sud, qui sont du même genre que ceux de Hoek-Van-Holland
à l'entrée du port de Rotterdam. Ces Hollandais implanteront à
Rio-Grande-du-Sud leur industrie de fascinages, et surtout de
salaison des poissons.
Dans l'extrême rapidité de ce travail, nous n'avons pas parlé
des poissons du Brésil ; à peine avons-nous fait mention du
Piracurû (Vastres Cuvierii) et du Puraqué (Gijmnotus electricus) de
l'Amazone. Mais cette omission ne doit pas faire croire que les
fleuves et les mers du Brésil ne soient pas des plus riches en
poissons de toute espèce. Encore, l'autre jour, un voyageur Russe,
un gourmet fort entendu en poissons de mer et de rivière, nous
disait qu'il ne connaissait rien de plus exquis, en fait de pois-
sons, que ceux de Rio ; notamment le badèjo et le badèjete, la
garôpa et la garopinha, le robalo et le bijupirà. Les crevettes
de Rio-de-Janeiro et de Bahia — les fameux camarôes — ■ sont
déjà exportées en conserve pour Paris et Londres.
Il ne manque pas d'huîtres, de, toute espèce et de toute gran-
deur, sur la côte du Brésil. Une famille française vient d'obtenir
LE BRÉSIL EN 1880.
(novembre 1888) l'autorisation d'établir un parc aux huîtres dans
La rade de Rio,
Chaque province du Brésil a son poisson favori; par exemple :
la C aval la pour la province de Bahia, la Carapéba pour la province
d'Alagôas. Avant la navigation à vapeur, les baleines fréquentaient
la côte du Brésil. On verra sur les cartes du Brésil le nom
très répété d'Armaçao, qui signalait les stations de pèche de
haleines. Les endroits de la côte du Brésil les plus renommés pour
la pêche sont: Abrolhos — des îles et des rochers, qu'on voit des
paquebots à vapeur, quand on vient de Bahia à Bio, et qui
restent, à peu près, en face de la ville de Canavieiras ; Cabo-Frio,
un peu à l'est de la ville de ltio ; l'ile et le canal de Santa-
Catharina; lalagunadu Tubarâo, et les lagunes Mearim et des
Patos, dans la province de Bio-Grande-du-Sud.
A Abrolhos et Cabo-Frio, les poissons les plus abondants sont
les Garopas et les Pcscadas, de gros poissons de un à deux mètres
de longueur, qu'on prépare salés et secs, comme la morue, ou
bien confits en marinade dans des boites en fer blanc, pour
l'exportation.
Dans le canal et le long des côtes de l'ile de Santa-Catharina,
abondent les Garopas, les Pescadas et surtout les Enchovas, en
quantités énormes. Dans les lagunes du Tubarâo, au sud de la
province de Santa-Catharina, de Mearim et des Patos, ce sont
les taïnhas, longues de 50 à 80 centimètres, qu'on pêche et qu'on
prépare, comme la morue, pour être exportées pour les provinces
du nord du Brésil.
Ainsi donc, on voit que les immigrants qui aiment la pêche
et le poisson se trouveront au Brésil en pays d'abondance.
Agriculture. — La province de Bio-Grandc-du-Sud comprend
une région de prairies naturelles et de pâturages, nommée
Campos, et une région plus ou moins montagneuse. Les Campos
étaient entièrement réservés pour le bétail, qu'on élevait, comme
à la Plata, en troupeaux innombrables ; dans la région monta-
gneuse et dans les vallées des fleuves on faisait l'agriculture.
Jusqu'à l'Abolition, les grands propriétaires ne faisaient que
l'élevage du bétail et l'industrie des Saladcros ; l'agriculture
appartenait aux immigrants. Ainsi la belle colonie de San-
Leopoldo était le principal fournisseur de céréales, de légumes et
de fruits aux marebés de la province de Bio-Grande-du-Sud.
LES ZONES AGRICOLES.
Bétail. — La fameuse industrie des Saladeros, si connue en
Europe par les descriptions des voyageurs à la Plata, a reçu un
coup mortel lors de l'Abolition. Le Xarque, la Carne-Secca, la
viande sèche el -aire, étail un reste de barbarie relié à l'esclavage .
Cette mauvaise nourriture «Mail donnée aux esclaves de Cuba et
du Brésil. A présent on travaille pour abolir le Xarque, et
pour exporter les viandes de bœuf et de mouton en frigorifiques,
comme on fait en Australie et surtout à la Nouvelle-Zélande.
D'un autre côté, il y a énormément à faire pour améliorer les
de chevaux, de bœufs et de moutons, et pour élever toutes
les industries connexes à la hauteur des progrès modernes.
Blé. — La culture du blé est très ancienne dans la province
de Elio-Grande-du-Sud. Avant 1830 on en exportait du blé pour
Rio et pour l'île de Cuba.
A présent, les immigrants italiens et allemands reprennent
cette culture avec avantage. A Pelotas, une des plus belles villes
de la province de Rio-Grande-du-Sud, on a établi un moulin à
vapeur, qui achète le blé aux planteurs à 3.000 réis Valqueire. —
L'alqueire vaut 36 litres et 27 centilitres. C'est donc à peu" près
S fr. 50 par 30 litres.
A Hio-de-Janeiro, on a construit deux moulins à vapeur avec
toutes les améliorations introduites dernièrement par les Améri-
cains. Ils appartiennent à deux puissantes Compagnies : Moinhos
Fluminenses (Moulins de Rio), et Rio-de- Janeiro Flour Mills Gra-
naries, Limited.
On fait dans tout le sud duRrésil des efforts incessants pour
donner la plus forte expansion possible à la culture du blé. Nous
pensons, comme Michel Chevalier, que les peuples civilisés mangent
du pain, et que la culture du blé est un indice de civilisation.
Le Brésil des temps coloniaux n'avait que la farine de manioc,
une nourriture pauvre, qui n'a pas la force nutritive du blé ; il
faut que le Nouveau-Brésil produise le froment et la vigne, comme
la France. Nous espérons bien pouvoir annoncer, dans trois ou
quatre ans, aux émigrants des belles races méditerranées que le
Brésil est un pays de pain et de vin, et qu'ils s'y trouveront aussi
confortablement qu'en France et en Italie. Le manioc servira à la
fabrication du tapioca pour malades et convalescents ou pour
plats de dessert et potages.
Vin. — L'immigration italienne a donné une grande impul-
2GG LE BRÉSIL EH L889.
sion à la culture de la vigne dans La province de Rio-Grande-du-
Sud. Les deux IkiIIcs colonies Comte d'Eu et Dona Isabel produi-
sent déjà do 20 à 25.000 pipes de vin. Nous avons déjà cité la
petite lie Dos Marinheiros, qui exporte 2.000 pipes de vin par an.
La viticulture lait des progrès à Piratinim, à Santa-Maria-da-
Boca-do-Monte, dans la vallée du Camaquan, à Monténégro, et par-
tout où on établit des Italiens comme immigrants-propriétaires. A
Rio-Grande-du-Sud, le vin brésilien [Vinho national) se vend
120.000 réis à 180.000 réis, c'est-à-dire 310 francs à 510 francs
la pipe, et est déjà exporté pour la ville de Rio. et pour le nord
de l'Empire.
Immigration. — La province de Rio-Grande-du-Sud est la
plus connue en Allemagne par les émigrants. L'ancienne colonie
de San-Leopoldo en était le plus fort centre d'attraction.
Pendant plusieurs années, les Allemands ne se dirigeaient
que vers Rio-Grande-du-Sud. La Société de Colonisation d'Ilam-
bourg en a dirigé un beau courant vers la province de Santa-
Catharina en y fondant Dona Francisca et Join ville.
Le* Docteur Blumenau a aussi fondé une belle colonie à Santa-
Catharina, qui porte son nom, et qui est une des plus prospères
du Brésil. Le courant d'immigration allemande s'est divisé
dernièrement entre les provinces de San-Paulo, de Parana, de
Minas et d'Espirito-Santo. C'est tout récemment, après le contrat
Caetano Pinto (1874-1878) que les immigrants italiens se sont
dirigés vers la province de Rio-Grande-du-Sud. Aujourd'hui les
Italiens prédominent dans les colonies Comte d'Eu, Dona Isabel,
Caxias, Sllveira Martins, etc. La concurrence des deux immigra-
tions allemande et italienne a produit les plus beaux résultats
ethniques et économiques. Leur race mixte est d'une extraordi-
naire beauté. Les Italiens continuent leurs cultures de blé, d'orge,
d'avoine, de seigle, de vin et de soie, tandis que les Allemands
ont gardé les cultures brésiliennes du maïs, des haricots, du
manioc, etc., et font de la bière partout.
Du concours de tous ces efforts il résultera que la province de
Rio-Grande-du-Sud jouira d'un bien-être difficile à rencontrer en
quelque pays du monde que ce soit.
Chemins de fer. — La province du Rio-Grande-du-Sud a
une belle navigation à vapeur dans les lagunes Mearim et des
Patos et sur plusieurs fleuves. La région ouest de la province,
LES ZONES AGRICOLES. 2G7
baignée par l'Uruguay, reçoit, aux temps des eaux, des navires
d'Europe et des bateaux à vapeur dans les ports d'Uruguayana,
d'itaquy ei de San-Borja. Le réseau de voies ferrées y fait des
progrès tous 1rs jours, comme on le verra dans un chapitre
spécial.
Exportation. — L'extraordinaire polyculture de la province
de Rio-Grande-du-Sud ; l'élevage du bétail dans les fameux Campos,
ou pâturages et prairies naturelles ; l'industrie naissante sous la
forte impulsion des races concurrentes dans l'immigration, don-
ne ni ;\ cette zone agricole une infinité d'articles d'exportation.
Nous nous bornerons à faire mention des suivants :
Xarque, Carne secca, viande sèche et salée, suifs, cuirs, cornes,
os, guano animal et tous les produits connexes ; poissons salés
(Tainhas), laines, maté (thé du Brésil), bières, vins des colonies,
tabac, haricots et céréales, fruits et confitures, tissus de laine,
tissus de laine et coton, etc., etc.
268
u: isHK.siL i:\ issu.
NAVIGATION
.h/ /o//y ro///'.s' <'/ au cabotage du port de Rio-Grande-du-Sud
de 1 883-1884 à 1886-1887.
EXERi
1883-1884...
1884-1885..
1885-1886..
1886-1887..
NAVIRES
Navires .
Tonnage
\;i\ ires .
Tonnage
Navires .
Tonnage
Navires .
Tonnage
I.DMi COL' Il S
8i
22.537
20.899
SI
25.876
19
8.089
302
28.109
38.744
202
33 .559
:in;
s s
23.154
76
20.2511
68
L8.693
10
7. M
68
10.90'J
100
16.613
in
18. 16"
52
C A B O T A G E
212
37.497
202
320
32G
86.171
130
33.592
145
31.109
175
17.18"
166
14.897
169
21.791
170
33.449
276
300
si. OU
14"
itt.OS:
L64
190
18.59
181
11.223
MOUVEMENT MARITIME
De là province de Rio-Grande-du-Sud.
BATIMENTS
ANNÉE FINANCIÈRE 188 i-85
ANNÉE CIVILE 1884
Commerce
extérieur
Commerce
intérieur
Commerce
extérieur
Commerce
intérieur.
1
■7.
1
■7.
1
■7.
1
■7.
\:n ires ii voile
Tonn.
den i
13.964
20.571
Tonn.
dereg.
30.111
20.808
Tonn.
de reg.
46.338
11.729
Tonn.
dereg.
60.569
11.811
Tonn.
de reg.
38.775
13.100
Tonn.
de reg.
26.732
11.347
Tonn.
dereg.
35.900
44.833
Tonn.
dereg.
16.959
42.934
TABLEAU DE LA VALEUR OFFICIELLE
Des importations et exportations intérieures de lu province de liio-Grande-du-Sud
de 1878-1879 à 1881-1882.
EXERCICES
IMPORTATION
EXPORTATION*
1878-187!)
1 s. i; 15. 900 OOOréis.
18.749.700 000
1!). 031. 700 000
21.100.700 000
14.493.800 OOOrcis.
12.138.000 000
14.641.400 000
14.737.400 000
1879-1880 . .
1880-1881
L881-188 i
LES ZONES AGRICOLES. 269
COMMERCE Al LONG COURS DE RIO-GUANDE-DU-SUD
Valeur de Vim
portation et de Vex
oortation de 1888-
s ; à 1886-87.
l M PORTATION
1883-1881
1884-1885
1SS5-168G
1SN0-18S7
11.192.156 s
11.785.704 s
14.714.517 s
19.632.135 $
EXPORTATION
1883-1884
1884-1885
1S85-1886
18S6-1887
2.887.704 s
3.239.728 $
3.549.789 $
3.734.760 $
Nota. — Sans les droits perçus à Uruguayana et quelques autres bureaux.
COMMERCE MARITIME INTERPROVINCIAL
Valeur de l'importation et de l'exportation de 1883-84 à 1886-87.
IMPORTATION
1883-1884
1S84-1885
1885-1886
1886-1887
12.016.900 S
12.100.400 $
9.122,200 $
9.708.533 g
EXPORTATION
1-3-1884
1884-1885
1685-1886
1886-1887
8.061.100 S
7.653.GO0 $
8.724.500 $
8.525.725 $
TARLEAU DES RECETTES
D'importation et d'exportation des douanes de Porto- Alegre et Rio-Grande, des
bureaux des recettes générales des municipes de Pelotas, San-José-do-Norte,
Jaguar So et Santa Victoria do Palmar, pendant les exercices de 1869-70 à
L880-8I, avec leur valeur officielle.
EXERCICES
Importation.
Valeur officielle.
Exportation.
Valeur officielle.
Réis.
Réis.
Réis.
Réis.
1869-1^70
4.010.501 345
13.368.347 816
1.106.260 452
15.803.720 742
L871
4.049.953 998
13.499.864 660
887.813 068
12.683.043 828
1871-1872
3.517.322 399
11.724.407 996
1.027. 314 955
14.675.927 928
1872-1873
3.370.540 353
11.235.137 843
1.142.596 279
16.322.803 985
1873-1874
3.151.406 727
10.514.689 090
877.856 880
12.540.812 571
1874-1675
2.908.094 664
9.693.648 880
774.351 215
11.062.160 214
1875-1876
3.049.470 325
10.164.901 883
570.307 898
8.147.255 685
1876-1877
3.014.698 199
10. 048.993 996
606.153 484
8.659.335 485
1877-1878
2.510.651 491
8.368.838 313
638.217 509
9.117.392 985
1878-1879
3.465.6.1 695
11.551.538 983
700.855 191
766.527 891
10.012.217 014
10.950.398 442
1879-1880
3.951.537 751
13.171.792 513
1880-1881
3.726.730 483
12.422.434 943
640.781 934
9.156.027 628
LE BRÉSIL EN 18 89.
NAVIliKS ENTRÉS ET SORTIS
ENTRÉS
ANNÉES
H A 1 1
) .N A l' X
É r H A
Total
Tonnage
Tirant
d'eau
maximum
Navires a
Nai ires à
voile
\ apeurs
voile
\ apeurs
en palmes
1873....
200
G 9
329
5
603
152.841
16.5
1874....
2(js
99
217
:;
557
164.576
i ;.5
1875....
186
12:;
207
9
5 s:,
HiO.821
16.5
1876....
186
130
257
3
576
186.833
10.5
1877....
151
128
219
1
529
184.119
10.5
1878....
103
118
321
6
608
175.101
17
L879
157
107
321
0
584
131.272
17
1880
116
133
322
18
019
150.587
10.5
L881
128
137
270
1!)
55 1
133.779
10
1882....
170
131
301
•10
Ool
147.442
11.5
1883
Total..
91
61
101
30
355
15
1.789
1.236
3.051
152
6.231
1.69S.751
SORTIS
ANNÉES
NATIl
N A L' X
ÉTRAl
< G E R S
Total
Tonnage
Tirant
d'eau
maximum
Naviresà
Navires a
voile
\ apeurs
voile
\ apeurs
en palmes
1873....
215
69
313
0
633
171.172
16.5
1871....
189
99
266
2
556
171.081
16.5
1875....
196
123
257
9
585
201.101
10.5
1876....
186
130
219
1
566
1'. 13. 023
li.. 5
1877....
119
127
230
»
506
183.883
17
1878....
101
Ils
311
5
598
175.815
16.5
1879....
166
105
311
7
592
134.842
16
1880....
119
134
323
18
621
150. 0S1
16.5
1881....
127
138
272
18
555
133.276
15.5
1882....
161
131
311
11
653
115. OIS
11.5
1883....
Total..
81
02
183
37
306
82.119
11
1.789
1.239
3.059
117
6.231
1.738,951
LES ZONES AGRICOLES. 271
1\. — La Mne Auro-Ferrifëre. — La grande province
m Minas- G raet occupe toute la neuvième zone agricole du
Brésil, caractérisée par son abondance en minerais d'or et de
fer. Sa surface est de 571.855 kilomètres carrés ; sa population
de 2.200.000 à 2.300.000 habitants.
Saint-Hilaire a écrit: « S'il existe un pays qui jamais puisse
si' passer du reste du monde, ce sera certainement la province de
Minus. » Ces mois prophétiques de l'illustre savant sont encore
aujourd'hui la plus belle synthèse de la superbe zone agricole de
Minas-Geraes. On y trouve tout: depuis l'or et les diamants
jusqu'aux plus beaux cristaux déroche; depuis le fer, qui y
forme des montagnes, jusqu'aux plus rares métaux qui accompa-
gnent les minerais d'or, d'argent, de plomb et de platine. On
peut y cultiver tous les produits agricoles: depuis le café, la
canne à sucre, le coton et le tabac, jusqu'au blé, la vigne, la soie,
l'olivier et tous les fruits de France et de l'Italie. Tout cela sous
le beau ciel du Brésil, dans un climat qui fait les délices des
voyageurs, dans un climat qui a doublé la vie du savant anthro-
pologiste danois Peter Wilhelm Lund, si renommé par la décou-
verte de l'Homme Fossile dans les grottes calcaires de la province
de Minas-Geraes.
Terre. — La province de Minas possède les plus hautes
montagnes et les plateaux les plus élevés de tout le Brésil. Les
aborigènes leur donnaient le nom d'Itatiaya, qui veut dire: —
'Pierre qui distille une eau pure et salubre. Ainsi on compte dans la
province de Minas trois Itatiayas, c'est-à-dire, trois points culmi-
nants, à savoir: 1° l'Ftatiaya de Rezende, appelé aussi l'Itatiaya-
Assiï d'Ayruoea, qui se trouve sur la chaîne de montagnes de la
Manliqueira; il contient les Agulhas-Negras (Aiguilles-Noires) qui
s'élèvent de 2.990 à 3.000 mètres et qui sont les plus hautes
montagnes du Brésil ; 2° l'Itatiaya du grand massif, entre les
villes dOuro-Branco (Or-blanc) et d'Ouro-Preto (Or-noir), capitale
de la province de Minas ; 3° FItatiaya-Assû [Assit veut dire grand)
de San-Joào-do-Kio-Acima, qui forme une immense montagne
de minerais de fer sur gangue d'argile, placée entre les fleuves
paré >'t JNiraopeba, deux grands affluents du majestueux San-
Francisco.
Sur une carte en relief de la province de Minas-Geraes on
verrait immédiatement ces trois Itatiayas, et on distinguerait, en
même temps, les grands plans inclinés, qui jettent leurs eaux
LE BRÉSIL EN 1889.
dans les fleuves Parahyba-du-Sud, Ilio-Doce, San-Francisco et
Elio-Grande, qui finit par avoir le nom de Paranâ, et arrive h
l'i » . ( - ; 1 1 1 par le grand estuaire de la Plata.
On comprend bien que tous ces points culminants, tous ces
plateaux, tous ces thalwegs possèdent des terrains de toutes les
espèces possibles et imaginables. Leur énumération sera toujours
incomplète ; nonobstant nous signalerons comme roches-mères :
neiss granits, des granitoïdes, des granits, des pegmatites,
des syénites, des diorites et des diabases et tous les congém-i-c-
dans les montagnes de la Mantiqueira, d'Ouro-Branco et d'Ouro-
Preto. Des calcaires et du gypse dans la vallée du San-Francisco
et à San-José-d'El-Rey.
Toute la région des Campos-Gcraes possède des grottes cal-
caires, à stalagmites et à stalactites, quelquefois d'une grande
beauté. C'est dans ces grottes que le savant Lund a fait ses études
si célèbres de paléontologie. Encore dernièrement le Dr Gorceix
l'infatigable directeur de l'École des Mines d'Ouro-Preto, a fait la
découverte d'une grotte abondante en fossiles. La Casa Encantada
(Maison Enchantée) est une merveilleuse grotte calcaire tout prèg
de la ville de Sào-Joâo-d'El-Rey. La grotte de Carandahy a un
volume de 60.000 mètres cubes. Elle a fourni une belle pierre de
taille gris-perle pour le viaduc de Carandahy, sur le chemin de
fer de Dom Pedro II. Tout près de la ville de Baepcndy, on a décou-
vert deux grottes appelées Grula d'Urubu et Grula-da-Pedra.
La grotte de Carandahy est aujourd'hui exploitée par la Com-
pagnie Industrial de Cal e Marmores de Carandahy, fondée en
octobre 1888 au capital de 200 conlos de reis (56G.600 francs).
Dans cette grotte se trouve le stéatite ou pierre-à-savon, qui est
employé comme pierre réfractaire dans les fours à chaux. Le
stéatite est très commun dans la province de Minas-Geraes : dès
les temps primitifs les aborigènes en faisaient des marmites et
d'autres objets de ménage.
C'est dans la province de Minas qu'on rencontre Yltacolumite,
le grès flexible, ou le quarzite granulaire, si demandé par les
savants el par les musées d'Europe. Le professeur Gorceix croit
cet Itacolumite la roche-mère du diamant et du topaze. Les
marbres verts de Ponte-Alta, tout près de Passa-Tempo ; les
marbres blancs et verts du municipe d'Oliveira, employés à
l'ornementation de la Cathédrale; les marbres de Gandarella, de
toutes couleurs, excellents pour l'architecture polychrome,
doivent être comptés parmi les richesses naturelles de cette belle
LES ZONES AGRICOLES. 273
zone agricole. Il ne Tant pas oublier l'abondance d'argiles, depuis
la Terra Rôxa, chargée de fer et si renommée pour la production
du café, jusqu'aux argiles plastiques pour briques, tuiles,
poterie, etc. Les massapês^ les argiles blanches et grises si esti-
mées pour la culture de la canne à sucre, abondent dans les
vallées et dans les zones humides.
Province de Minàs-Geraes.
Tableau des altitudes les plus remarquables.
[tatiaya-Assû (Agulhas Negras), la plus haute
montagne du Brésil 3.000 mètres.
Campos-do-Jordâo (prairies et pâturages du
Jordan). Climat superbe et très recommandé
aux poitrinaires 1 . 700 —
Ouro-Preto, capitale de la province de Minas. . . 1.145 — •
Diamantina, ville de commerce et entrepôt
important au nord de Minas 1 . 132 —
Ayruoca, sur le versant nord de l'Itatiaya 1 . 100 —
Campos de Caldas (eaux thermales) 1 . 100 —
Victoria (village) 1 .088 —
Barbaccna (ville sur le chemin de fer D. Pedro II). 1.076 —
Serranos (village) 1 .070 —
Lagôa-Dourada (village) 1 .056 —
Caldas (ville) 1 .040 —
Or et Diamants. — Si l'on voulait éblouir les émigrants
d'Europe par des histoires merveilleuses à'El-Dorado, il suffirait
de dire que dans la province de Minas les villes s'appellent Ouro-
Branco (Or-Blanc); Ouro-Prêto (Or-Noir); Ouro-Fino (Or-Fin);
Diamantina (Vllle-aur-Diamants) ; qu'on y voyage, pendant des
journées, sur des terrains tourmentés par les exploitations d'or
depuis les temps coloniaux, etc.,» etc. Mais nous croyons pré-
férable ne faire l'éloge que de la fertilité de la Terra Boxa et du
Massapê, des terres qui donnent le café et le sucre et tous les pro-
duits de France et d'Italie.
Si nous voulions faire des idylles pour les émigrants, nous
n'aurions qu'à décrire leur belle maisonnette, entourée de
palmiers et d'orangers, toute garnie d'orchidées, d'aroïdées et de
18
274 LE BRÉSJ l. EN 1889.
broméliacées aux feuilles brillantes el aux fleurs splendides, sur
un terrain planté d'un millier de caféyers; el de leur dire que les
belles cerises rouges et jaunes du caféyer ont des noyaux, qui se
vendent, même à Rio, un à deux francs le kilo, s'ils sont bien
préparés...
En Angleterre, nous l'avons déjà dit, on fait la propagande de
la Petite Propriété avec les mots : A cotv and an acre (une
vache et quarante ares de terre). Dans la province de Mina-, es
pays d'or et de diamants, on sera plus généreux : on donnera
aux immigrants vingt à trente hectares de terre, trois ou quatre
vaches et quelques centaines de caféyers.
Fer. — Les minerais de fer de la province de Minas-Geraes
sont aussi riches que les plus beaux de Suède et de Norwège, de
l'île d'Elbe et des gisements les plus renommés du Vieux .Monde. Il
faudrait remplir des pages avec les analyses faites à l'Ecole des
Mines d'Ouro-Preto ; mais il vaut mieux recommander les
Années de cette école, brillamment dirigée par le professeur
Gorceix. On y trouvera d'intéressants rapports et mémoires,
donnant la description de tous les procédés employés clans la pro-
duction du fer, depuis les temps coloniaux jusqu'à nos jours; et
aussi toute l'histoire de la fabrique de fer d'Ypanema, à San-Paulo,
exploitée par le Gouvernement, et qui est le plus important éta-
blissement métallurgique du Brésil.
Bois de Construction, de Menuiserie et d'Ébénisterie. —
Les plus belles forêts de la province de Minas se trouvent sur ses
limites avec les provinces de Bahia, d'Espirito-Santo et de Rio-
de- Janeiro. Les forets du Manhuassû, un des plus beaux aflluents
du Etio-Doce, sont comptées parmi les plus remarquables du
Brésil.
Aussi les espèces de bois de Minas sont-elles les mêmes que
celles des provinces de Bahia, de Rio et d'Espirito-Santo : palis-
sandres, cèdres, uinhaticos, perobas, cannellas, tapinhoâes, etc., déjà
décrits dans leurs zones respectives.
Dans les chaînes de montagnes de Minas : Serra-da-Manti-
queira, Serra-das-Taipas, Serra-das-Vertentes, S erra-do- Esp in -
haç >, etc., on voit toujours des Araucarias, à des altitudes
de 500 à 800 mètres.
Agriculture. — Dans la province de Minas on distingue deux
LES /.OMIS AGRICOLES. 275
Eones parfaitement caractérisées : l°la zone delà Mat la ondes
bois et forêts; -" la zone des Campos ou des pâturages et prai-
ries naturelles.
L'agriculture 3e fait dans la zone de la Mat ta ; l'élevage
du bétail, bœufs et chevaux, principalement dans les Campos.
Dans les terres limitrophes de Rio et d'Espirito-Santo, la grande
culture est le café; dans les vallées des llcuves et dans les terres
humides, on cultive la canne à sucre et le riz; au sud de la pro-
vince, dans les vallées du Rio-Verde et du Sapucahy, le tabac
est la culture prédominante. Le maïs, les haricots et les céréales
se cultivent partout, et donnent des rendements extraordinaires
Coton. — Partout, dans la province de Minas, on trouve des
lorrains excellents pour la culture du coton. L'industrie du tissage
date des temps coloniaux. Encore aujourd'hui on file et on tisse
à domicile, et le voyageur voit partout des métiers à tisser et
entend toujours le tic-tac de la navette, en traversant les villages
des Campos-Geraes. La province de Minas-Geraes compte déjà
vingt fabriques de coton, outillées à la moderne, avec des machines
importées d'Angleterre et des États-Unis. Ces fabriques donnent
de jolis rendements; elles achètent le coton immédiatement aux
planteurs, et ont leurs débouchés garantis sur les marchés des
provinces centrales de Goyaz et de Matto-Grosso.
Ces fabriques utilisent les chutes d'eau en turbines et en
roues hydrauliques. Il va sans dire que la province de Minas
possède des cascades de toute beauté pour les applications indus-
trielles.
Vigne. — La culture de la vigne est déjà très étendue dans
la province de Minas-Geraes, surtout au sud, dansle Sapucahy et
dans le Rio-Yerde ; et au centre, dans le Para et dans le Parao-
péba, affluents duSan-Francisco. On y commence déjà à distinguer
les crus, et à signaler aux voyageurs les villes et les villages où
on trouve les meilleurs vins.
Il faut bien comprendre qu'on ne possède pas encore des
Chàteaux-Laffite, des Ghàteaux-Margaux et des Glos-Vougeot;
mais les résultats obtenus font déjà espérer qu'on y arrivera par
rimmigration des vignerons les plus habiles de France, de
Hongrie et d'Italie.
L'Australie, avec des raisins de souche bourguignone et bor-
delaise, est déjà arrivée à imiter les meilleurs crus de la Cote-
276 LE BRÉSIL EN 18 80.
d'Or et du Médoc. Il en sera de même au Brésil. Bientôt, les pro-
vinces de Minas, de San Paulo, de Santa-Catharina et de ltio-
Grande-du-Sud exporteront des vins pour les provinces du nord
du Brésil. A Kio, on trouve déjà dans les magasins des vins de,
Rio-Grande-du-Sud et de San-Paulo.
Pour Le moment, toute la question de la viticulture a princi-
palement pour but le bien-être de l'immigrant. Nous désirons
pouvoir dire : « Venez au Brésil... Vous y trouverez du pain et du
vin comme en France, comme en Hongrie, comme en Italie. »
Jusqu'à présent les vignes du Brésil n'ont ni phylloxéra, ni
mildew, ni black root, ni oïdium, ni aucune autre maladie. On
plante surtout la cynthiana et la northon's Virginia, qui résistent
fort bien aux parasites de toute espèce.
Bétail. — A l'époque de la découverte du Brésil, on allait
à la recherche des Campos ou des pâturages et prairies natu-
relles, comme à la recherche des mines d'or et des diamants. La
forêt-vierge est un obstacle pour l'immigrant. Presque toujours
elle sert de muraille qui empêche d'avancer vers l'intérieur. Le
Campo abcrto, la campagne ouverte, au contraire, offre des
routes toute faites, des pâturages pour les bœufs, les chevaux « !
les moutons. Rarement les Campos sont des surfaces planes;
presque toujours ce sont des mamelons et des collines à surfaces
bombées et aplaties. Ce qui distingue vraiment le Campo c'est
l'absence de bois et forêts. Les Campos sont recouverts par
un tapis de graminées, qu'on appelle, au Brésil, Capins. Les
Capins les plus remarquables sont : le Capim d'Angola, classifié
Panicum spectabilc ; le Capim mellado, classifié Melinis glutinosus
ou Tristiges glutinosus. Dans la province de Minas, on dit :
Capim-gordura fgraissc), parce que les prairies de ce C<i/>>m
sont très estimées pour engraisser les animaux. Le Capim-Barba-
de-Bôde, classifié Aristida pollens; le Capim-gramma, Gramma de
Pasto, Gramma de Prado, ou simplement, Gramma, classifié Triti-
cum repens, dans le genre Paspalum. Dans ces dernières années,
on a planté des prairies arliiicielles, composées de graminées
et de légumineuses, comme en France. On a aussi acclimaté
VAlfafa de la Plata, <|iii est à peu près la luzerne (Modicago
sativa), si employée dans les pâturages d'Europe. Les races de
bœufs et de chevaux, introduites au temps de la conquête,
étaient celles du Portugal et de l'Espagne. Ces races, qui ont a
peu près trois siècles d'acclimatation, sont appelées Creôlas
LES ZONES AGRICOLES. 277
Créoles) pour Les distinguer dos races introduites tout dernière-
ment de L'Europe el même des Indes. Les bœufs de la province
de Minas se distinguent par leur belle taille et par leur force.
Ces! dans cette province qu'on achète presque tous les bœufs
pour les abattoirs de la ville de Rio. Les chevaux de la province
de Minas ont un peu de sang arabe; il y en a quelques-uns d'assez
élégants. Dans la province de Minas, comme à Paranâ et à
Rio-Grande-du-Sud, on élève une énorme quantité de mules et
de mulets pour le service des transports sur les routes et dans
L'intérieur des villes.
Immigration. — Il faut encore une fois répéter les belles
paroles de Saint-Hilaire : « S'il existe un pays, qui jamais puisse se
passer du reste du monde, ce sera certainement la province de Minas. »
Eh bien!... Ce paradis est, à présent, tout à fait ouvert aux
immigrants. On les reçoit, aux gares des chemins de fer, avec
des hurrahs et des feux de joie. On les loge dans les palais aban-
donnés par les propriétaires des mines d'or, et on les établit immé-
diatement comme immigrants-propriétaires. Nulle part l'immi-
grant-propriétaire ne se trouvera mieux que dans la province de
.Minas. Sur ces plateaux superbes on jouit des plus doux climats
du monde; les eaux minérales ferrugineuses, alcalino- gazeuses,
salées, sulfureuses, thermales, arsenicales, etc., etc., abondent à
Ouro-Preto, à Marianna, à Alambary, à Caxambû, à l'Araxâ, au
Uin-Yerdc, à Lagôa-Santa, à Caldas, etc., etc. Le bétail y est proli-
fique et la viande excellente. L'élevage des porcs est une industrie
générale dans toute la province de Minas. L'immigrant peut y
continuer ses cultures d'Europe : le blé, l'orge, l'avoine, le
seigle, la vigne, l'olivier, etc., etc. Il peut essayer les cultures
brésiliennes : le café, le sucre, le tabac, le coton, le manioc,
le maïs, etc., etc. L'abondance de fer, de bois de construction,
de calcaires et de marbres lui facilitera l'exercice des arts et des
métiers. Nous dirons encore que l'immigrant ne se trouvera pas
mécontent si, par hasard, il rencontre un joli diamant ou
quelques pépites d'or.
Chemins de fer. — Le principal chemin de fer de la province
de Minas est le Dom Pedro II, qui relie déjà Ouro-Preto, sa capi-
tale, à Rio-de-Janeiro. Les autres sont cités plus loin. Mais, il
faut bien le répéter, les chemins de ferles plus intéressants pour
l'immigration et pour le commerce sont ceux qui relient les
278 il- BRÉSIL EN 18 89.
superbes plateaux de la province de Minas aux ports de mer de
l'Océan. Ces ports sont tout préparés par la nature dans les
provinces de Bahia et d'Espirito-Santo ; les tracés de ces chemins
de fer sont parfaitement indiques par les vallées perpendiculaires
des fleuves Jequitinhonha, Mucury, Rio-Doce, Rio Benevente
etc., etc. Le Parlement vient justement de concéder une garan-
tie d'intérêts au chemin de fer de Benevente à Santa-Luzia-
do-Garangola , dans la province de Minas-Geraes , de 180
kilomètres de longueur. Benevente est un beau port de la
province d'Espirito-Santo, étudié par l'amiral Mouchez, et qui
peut recevoir des vapeurs de 7m00 de tirant d'eau. La vallée du
Benevente possède des terres à cajté aussi fertiles que la célèbre
Terra Rôxa de la province de San-Paulo. Ce sont des chemins de
fer ainsi étudiés qu'il faut construire pour ouvrir la province de
Minas au commerce et à l'immigration.
Exportations. — La liste des produits delà province de Minas
est très longue ; nous nous bornerons à citer les suivants : café,
qui est exporté par les ports de Rio et de Santos et qui est pro-
duit par la zone de la « Matta » ou des bois et forêts; tabac, qui
est produit principalement dans les vallées du Sapucahy et du
Rio-Verde; cigares et cigarrettes; coton brut et préparé dans
ses 20 fabriques; fer forgé dans ses HOfabriqucs ; or et diamants;
cristaux de roche, améthistes, topazes, etc., etc. ; bœufs, moutons
et chevaux pour la ville; porcs, lard, saindoux, porc-salé, etc. ;
cuirs, cornes, os, etc. ; maïs, haricots, riz, farines de manioc, etc. ;
caoutchouc de Hancornia (Borracha de mangabeira).
X. — L-a zone centrale. — La province de Goyaz, qui
occupe rigoureusement le centre du Brésil, a une surface de
7ï7.:Ul kilomètres carrés. Sa population est de 180 à 200 mille
habitants. La province de Matto-Grosso possède l'énorme surface
de 1.379.651 kilomètres carrés. Seule la province de l'Amazone,
avec ses 1.81)7.020 kilomètres carrés, lui est supérieure. Sa popu-
lation est à peine de 90 à 100 mille habitants.
La zone centrale, qui se compose des deux provinces de Goyaz
et de Matto-Grosso, a donc une surface totale de 2.126.962 kilo-
mètres carrés. C'est vraiment tout un monde offert à l'immigration
européenne. Peuplée, comme la France, à raison de 72 habitants
par kilomètre carré, la zone centrale aurait une population de
LES ZONES AGRICOLES. 279
L 53. 141. 264 habitants, c'est-à-dire qu'on pourrait y loger confor-
tablemenl le tiers de l'Europe. Cette immense surface de terre
contient Les plus beaux affluents de L'Amazone et de la Plata. Elle
possède tous les climats possibles entre 5° et 24° degrés de lati-
tude, el dans des altitudes qui s'élèvent presque à 3.000 mètres
dans les montagnes des Pyrénéos, dans la province de Goyaz.
Terre. — L'immense territoire de la province de Goyaz peut
être défini en deux mots: il est la double vallée des fleuves
Tocantins et Araguaya. C'est une Egypte qui a deux Nils, mais
qui n'a pas des déserts de sable, qui est partout fertile, qui a de
L'or et des diamants, des cristaux de roche à l'infini, des mon-
tagnes et des plateaux superbes de 1.000 à 3.000 mètres d'alti-
tude, couverts de bois et forets peuplés des plus riches arbres du
monde.
Quel que soit le pays qu'on mette en comparaison avec le
Brésil. — la Chine et l'Inde elle-même, — ils restent plats et secs,
stériles et arides, en face du merveilleux continent aux monta-
gnes toujours vertes, de toute forme et de toute grandeur, aux
forêts de palmiers, de cèdres, d'araucarias et des plus admirables
espèces du règne végétal. Au milieu de l'Araguaya, il y a une île, Ilha
de Santa Anna ou Ilha do Bananal (parce qu'on y voit des forêts de
Bananiers), qui est comptée au nombre des plus grandes beautés du
Brésil central. Nous avons proposé, en 187G, la création de Parcs
nationaux dans cette île et dans sa rivale — l'Ile de Guayra — dans
le fleuve Paranâ, afin de perpétuer la Flore et la Faune primitives
du Sertào du Brésil. Cette idée a été déjà réalisée par les Yankees
dans la fameuse vallée de Yellow-Stone et des Geysers améri-
cains. Si l'on veut se faire une idée rapide de l'énorme territoire
de la province de Matto-Grosso, il faut s'imaginer deux immenses
plans inclinés: l'un jetant ses eaux dans les affluents de l'Amazone,
l'autre dans la Plata par l'entremise des fleuves Paranâ et Para-
guay. Entre les deux plans inclinés il existe un grand plateau qui,
par erreur, est figuré comme une chaîne de montagnes dans les
vieilles cartes géographiques.
Dans la province de Goyaz on voit des zones de Terra Boxa,
formée par la décomposition de diorites et de diabases, où les
caféyers sont grands comme des orangers. Dans la province de
Matto-Grosso il y a du riz natif; la canne à sucre y arrive à des
diamètres impossibles pour les machines à vapeur.
C'est à Matto-Grosso qu'on peut admirer les forêts de bana-
280 LE BRÉSIL EN 188 9.
nier brésilien [Bananeira da terra, Bananier du pays), classifié
Musa sapientum, sous le genre-type des Musacées. Ces bananiers
sonl hauts comme les plus beaux palmiers el rivalisent avec eux
en élégance el en majesté. Leurs fruits sont réunis eu ('normes
grappes, nommée"? Cachos de banana, d'un mètre de hauteur.
Chaque fruit, long de 20 à 30 centimètres, fournit une masse
jaune or, riche en sucre et en amidon et très nutritive. On les
mange d'une infinité de manières ; on les exporte sèches au soleil,
préparés comme les ligues d'Espagne. On comprend bien que
dans les deux millions de kilomètres carrés de la Zone centrale
— Goyaz, Matto-Grosso — on doit trouver tous les terrains possi-
bles et imaginables, argileux et calcaires, produits par la décom-
position de gneiss, de granits, de diorites, de diabases, de serpen-
tines, etc., etc. A Gorumba il existe une exploitation de calcaires
très importante, qui exporte la pierre de taille et la chaux p >ur
les villes de la Plata, jusqu'à Buenos-Ayres et .Montevideo. Les
grottes calcaires à stalactites et stalagmites, les Lapas, comme
on dit au centre du Brésil, sont toujours mentionnées parmi les
beautés naturelles de Matto-Grosso.
Les argiles plastiques, excellentes pour briques, tuiles et
toute espèce de poterie, abondent dans la Zone centrale, comme
dans tout le Brésil.
Forêts et gibier. — Notre antipathie pour la chasse ne nous
empêchera pas de dire qu'il n'y a pas de forets au monde compa-
rables aux forêts de Goyaz et Matto-Grosso pour la beauté, la
richesse et la variété du gibier de toute espèce. Si l'on veut voir
des jaguars superbes, aux grands yeux éblouissants et fascina-
teurs, à la belle peau tigrée, aux tons d'ébène et d'or, il faut aller
au Sertâo du Brésil, dans les vallées de l'Araguaya et du Tocan-
tins. Si l'on a la fantaisie de voir des troupeaux de cerfs, élé-
gants, légers et rapides, non pas en parc fermé comme en Europe,
mais en champ ouvert et infini, il faut aller aux grands plateaux
entre Goyaz et Matto-Grosso.
Des oiseaux du Brésil, des colibris et des papillons, tout le
monde connaît la beauté sans pareil. A l'Exposition de Vienne,
en 1873, Jes éventails en plumes d'oiseaux des forêts brésiliennes,
furent vendus par centaines, et ont eu un succès énorme Mais
c'est en foret vierge qu'on doit voir ces oiseaux magnifiques, aux
couleurs splendides, grimpés sur les palmiers, sur les cèdres et
sur les jequitibâs, mangeant les fruits des myrtacées, vifs el
LES ZONES AGRICOLES. 281
contents, chantant à l'unisson, formant un orchestre infiniment
supérieur auï énormes orchestres des fameux Festivals de Londres
et de New-York. Du reste, c'est un l'ail biologique bien avéré : à
nue Flore riche correspond Infailliblement une Faune richissime.
Toutes ces fleurs, Ions ces fruits sont nécessairement la nourri-
ture d'une infinité d'insectes, d'abeilles, d'oiseaux et d'animaux
de toute espèce.
Tous ces grands fleuves, l'Araguaya surtout, sont peuplés de
poissons délicieux; de dourados, de surubys, de lucunarés, de
matrinchans, de pirahybas, de pirararas, de mundys, jurupensens,
etc., etc. A Matto-Grosso il abonde même une espèce de saumon,
nommé pirapitanga et classifîé salmo pirapitanga.
Nous mentionnerons, comme curiosité pour les amateurs de
la (liasse, une liane qui fournît de l'eau fraîche et sucrée, nommée
Cipé-do-Caçador, liane du chasseur, et classifiée dans le genre
Cissus, de la famille des Ampellldées ou Vinifères; et la plante
gigantesque, nommée Buxa-do-Cacadoi\ bourre du chasseur, et
classifiée Momordica operculuta, dans la famille des cucurbitacées.
Mais, ayant en vue surtout les immigrants, nous devons
leur dire que la chasse au Brésil est une espèce de Circé aux
séductions très dangereuses. Ainsi on raconte qu'une bande
d'immigrants, arrivée à Paranâ, s'est mise à chasser des perdreaux
dans les champs de Curitiba, pendant des mois et des mois, sans
jamais finir, et qu'il ne fut jamais possible de les établir sur leurs
lots de terre. Aussi, pour la chasse et pour le gibier, faut-il répéter
aux immigrants le conseil de Dante : Non raggionar di lor, ma
guarda e passa.
Or et Diamants. — Le savant Eschwege a écrit dans le Pluto
Brasiliensis: « De tout le Brésil, c'est la province de Goyaz une des
plus riches en mines d'or. Ses montagnes n'ont pas encore été
fouillées ; tout au plus dans certains endroits en a-t-on gratté les
surfaces. Le jour où la population sera plus dense et les Brési-
liens plus habiles dans l'exploitation régulière des mines, ils en
tireront des profits qui aujourd'hui ne seraient possibles qu'au
prix d'immenses sacrifices. » Actuellement nos idées sont tout
autres. L'or n'a jamais fait le bonheur d'aucun pays. La recherche
de l'or et des diamants pousse au jeu et à la débauche, aux
luttes armées et aux crimes. L'or a son ananké.
Ce qu'il faut à l'immigrant, c'est la propriété d'un joli lot de
terre saine et fertile, bien arrosée d'eau pure et bien boisée ;
282 LE BRÉSIL EN 1889.
c'esl le travail régulierde tous Les jours ; c'est la tranquillité el
la paix ; c'est la vente assurée de ses produits agricoles et indus-
triels ; c'esl le confort chez soi; c'est le doux bien-être en
famille, entre sa femme et ses enfants.
Aussi passerons-nous sons silence les histoires de ces barbares
chercheurs d'or qui ont traversé, comme an horrible cyclone, les
provinces de Goyaz et de Matto-Grosso, en remuant le sol et en
déplaçant les fleuves ; — de ces Anhangueras, de ces Hommes-
Diables, au dire des aborigènes; — de ces Viradores-de-rio, qui
enlevaient les grands fleuves de leurs lits pour en extraire l'or
et les diamants ; qui, dans quelques jours, amassaient des cen-
taines de kilogrammes d'or, et qui plus tard finissaient tristement
dans la misère et le suicide. Du reste, c'étaient des misérables,
qui n'ont légué à l'humanité que l'horreur de leur égoïsme atroce,
de leur cupidité insatiable, de leurs crimes et de leurs forfaits à
tout jamais abominables....
Fer. — Les minerais de fer de Goyaz et de Matto-Grosso sont
aussi riches que ceux de Minas-Geraes. Aux temps de l'exploita-
tion de l'or, on travaillait ce fer pour en faire des outils. Tout le
travail était fait au charbon de bois. Le charbon d'Angico
(Piptadenia sp., Pitkocolobium gummiferum), fameux bois de la
richissime famille des Légumineuses, était le préféré. On produi-
sait, à la même époque, des aciers naturels, des aciers de forge, et
même des aciers-poules ou aciers à cémentation. L'excellence
des minerais et du charbon produisait des armes et des outils
d'une force extraordinaire ; encore aujourd'hui on les préfère,
dans le centre du Brésil, au Sertdo, à tout ce qu'on reçoit
d'Angleterre.
L'immigration européenne fera ressusciter, à Goyaz et à Matto-
Grosso, l'industrie du fer, et certes elle y fera de grands progrès
sous l'impulsion de la science et de la technologie modernes.
Bois de Construction, de Menuiserie et d'Ébénisterie. —
La flore brésilienne a déjà 22.000 espèces classifiées en 1.000
genres et en 155 familles. Nonobstant on peut dire que la flore de
la zone centrale est à peine connue. Aucun botaniste n'a jamais
pénétré dans les immenses forets arrosées par le Madcira, parle
Tapajôs et par le Xingû. Ces 22.000 espèces sont rigoureusement
la flore du littoral du Brésil et des rives de ses grands fleuves.
Freire Allemâo, le grand botaniste brésilien, l'homme qui a
LES ZONES AGRICOLES. 283
mieux connu la flore brésileDne, nous disait toujours qu'il était
tout honteux de son ignorance quand il se trouvait en face de
l'innombrable forêl brésilienne. Charles Darwin, qui, à peine, a
pu voir Bahia et Rio-de-Janeiro, a écrit :
« L'île Maurice est en somme un pays fort agréable, mais
qui n'a ni les charmes de Tahiti ni la grandeur du Brésil. »
Ces! vraiment le grandiose qui est le trait caractéristique du
Brésil en tout et partout. Territoire, fleuves, montagnes, arbres,
toul y est énorme, d'une grandeur vraiment écrasante. La dernière
phrase de Charles Darwin sur le Brésil est pleine d'amour et de
passion :
« Pendant ma dernière promenade, je tâchais de m'enivrer
pour ainsi dire de toutes ces beautés; j'essayais de fixer dans
mon esprit une impression, qui, je le savais, devait un jour
s'effacer. »
George Gardner s'est fait un devoir de prouver que les forêts
du Brésil sont infiniment plus parfumées que les fameuses forets
de Ce vlan.
Achille Richard appelait le Brésil : LEden du naturaliste.
On sait bien que Martius, l'organisateur de la Flora brasiliensis, a
recommandé à ses élèves de mettre sur son tombeau des feuilles
des palmiers du Brésil qu'il avait tant étudié et tant aimé.
Dans ces 22.000 espèces classifîées prédominent les grandioses
légumineuses brésiliennes, où se trouvent le bois-brésil, le palis-
sandre, le vinhatico, le pau-ferro (bois-fer), les Oleos, et dont les
troncs ont des diamètres d'un à deux mètres et s'élèvent à 20 et
30 mètres de hauteur.
Après les Légumineuses, les Rubiacées, riches en matières colo-
rantes et en alcaloïdes de toute espèce ; les Myrtacées, élégantes
et parfumées, aux troncs d'ivoire, aux feuilles brillantes, aux
fruits délicieux ; les Melastomacées, qui couvrent les forêts de
Rio de fleurs violet-rouge, grandes comme des papillons ; les
Synanihéracées qu'on rencontre partout, mais qui donnent sur la
chaîne maritime (Serra-do-Mar) la fameuse Plasia brasiliensis ou
Stiflia chrysantha aux belles feuilles vert foncé, avec des grands
bouquets de fleurs jaune or. En orchidées on compte déjà le
chiffre énorme de 1.600 espèces ; on découvre tous les jours de
nouveaux palmiers, ces princes du règne végétal, — Principes
vegetabilàun, — comme disait l'immortel Linné.
.Mais ce qui fait le charme des botanistes, ce sont les lianes,
les Cipôs, comme on dit au Brésil, qui vont de branche en branche,
284 LE BRÉSIL EN 18S9.
d'arbre en arbre, conduites par la navette mystérieuse d'un tisse-
rand divin. Ces lianes sont des bignoniacées, qui portent la croix
do Malle à la section transversale de La tige, et se chargent de
fleurs jaunes el rouges d'une beauté indescriptible, ou des Sapin-
s, ou des Malpighiacées, ou des Légumineuses, ou des Ampelli-
dacées ou des Gnétacées, etc., etc. Il y a même une aroïdée qui est
une liane: le Cipô-Imbé, classifié Pkilodendron-imbê... ou encore
un C issus qui fournit de l'eau sucrée à boire aux chasseurs...
A tout moment, le botaniste s'arrête et dit: Impossible ! Une
dicotyledonée chargée de fleurs monocotyledonées.... Une fougère
arborescente, grande comme un palmier, portant des fleurs dico-
tyledonées.... Impossible !...
Tous ces miracles sont faits tout simplement par les lianes et
par les épiphytes, qui grimpent partout, qui s'introduisent entre
Les brandies et entre les feuilles, et qui s'épanouissent en fleurs,
ou se chargent de fruits dans l'exubérance d'une flore au-dessus
de toute imagination.
Après des années d'étude, on commence à voir clair dans ce
cahot ; on prend des jalons pour se guider; on fait connaissance
avec certains arbres, qui sont les caractéristiques de la llore brési-
lienne. D'abord, on se passionne pour les palmiers, et on apprend
à les distinguer de leurs rivales, les fougères arborescentes. Il y a
une légumineuse — le Bacurubû, classifié Skisolobium excelsum —
qui a en mémo temps l'aspect d'un palmier et d'une fougère arbo-
rescente, et qui joue de mauvais tours aux botanistes qui débutent
dans la forêt brésilienne.
Les cèdres brésiliens, classifîés Cedrela fissilis, Cedrela brasi-
liensis. Cedrela vellosiana, Cedrela Glasiovii, etc, dans la famille des
Méliacées, parcourent tout le Brésil, depuis l'Amazone jusqu'à
l'Uruguay.
Ce sont des arbres superbes, en forme d'énormes bouquets,
s'ils sont isoles ; hauts, comme des sapins, s'ils vivent en forêt,
quand ils sont forcés dans le struggle-for-life à dépasser leurs
rivaux pour avoir le grand air et le soleil direct. Les troncs des
cèdres vont jusqu'à trois mètres de diamètre et à 30 mètres de
hauteur : un seul tronc peut fournir un canot pour 20 personnes,
Le bois, parfumé et satiné, est couleur de rose sèche, et sert pour
toute sorte de constructions, pour la menuiserie et pour l'ébé-
nisterie.
Le JatobâoYX ieJetahy excède même les limites du Brésil, et se
voit jusqu'aux Antilles: il est classifié Hymena-Courbaril ou
LES ZONES AGRICOLES. 285
Hymena mirabilis, dans la famille des légumineuses. Le Guarabû,
connu encore sous les noms d'Amarante, de Rôxinho, est un bois
violet -pourpre, d'une résistance et d'une élasticité extraordi-
naires, employé de préférence pour les trains d'artillerie. Il appar-
tient aux légumineuses brésiliennes à gros troncs ; il est classifîé
Peltogyne guarabû, Peltogyne discolor, Peltogyne confertiflora. Les
Louros sont des arbres de tout le Brésil. Ils appartiennent à la
famille des Borraginacées qui, en Europe, ne possède que des
herbes et des végétaux sans tronc. Il y a une grande variété de
Louros, classifîés: Cordia excelsa, Cordia o^coca///ie(Louro-branco,
Pau branco de Cearâ), Cordia alliadora (Louro-amarello) ; Cordia
frondosa (Frei-Jorge) etc., etc.
La belle famille des Lauracées produit l'infinie variété des
Canne lias, arbres qu'on rencontre dans toutes les forets du
Brésil, depuis la vallée de l'Amazone jusqu'à la vallée de l'Uru-
guay. Les Ganellas appartiennent presque toujours au genre
Nectandra; la plus célèbre est la Canella-prêta [Nectandra amara),
qui est employée avec la Peroba dans toute espèce de construc-
tions sur terre et sur mer.
Les forêts de la Zone Centrale touchent aux forets de tout
le Brésil depuis l'Amazone jusqu'au Paranâ: aussi ses bois sont-ils
les mêmes que ceux que nous avons déjà mentionnés. Mais les bois
de la Zone Centrale, les bois du Sertâo, comme on dit au Brésil, se
distinguent par leur parfum et par leur résistance vraiment
extraordinaires. Il y a même des essences de bois qi^on ne ren-
contre, dans toute leur beauté, qu'à Goyaz et à Matto-Grosso.
Nous devons, pourtant, augmenter la liste des bois, déjà cites,
des suivants :
Aroeira do Sertao, Aroeira, Aroeira vermelha (rouge) ; Uran-
dey au Paraguay; arundeûva dans la province de Baliia, classifîée
dans la famille des Térébinthacées; schinus terebentifolius, astro-
nium urundeûva, schinus aroeira. C'est un bois d'une force et
d'une résistance admirables. Les paysans du Centre du Brésil
disent que personne ri a jamais vu un bois iï aroeira pourri.
V Aroeira est vraiment incorruptible. On dirait que la nature
l'a i • réosotée par la térébenthine, qui remplit les fibres et les vases
de son tissu ligneux. Il faut des haches et des scies du meilleur
acier pour débiter P aroeira.
Gonçalo-Alves, classifîé astronium fraxinifolium, astronium
gravcolens, dans la même famille des térébinthacées ; bois précieux
que nous avons déjà décrit dans la province de Bahia, et qui
286 LE BRÉSIL i.N 1880.
excelle dans Les forêts de Goyaz el de Matto-Grosso par sa liaute
taille, par Le beau moiré de son bois et par son extraordinaire
résistance :
Balsamo, Oleo-Bn/sam» Olno-vcniicllio (rouge), Cafnrnrn, l>m'i-
Santo (Bois-Saint) ; une des superbes Légumineuses brésiliennes,
classifiée myrospermum erythroxylum par Freire Allemâo; myroxy*
Ion peruiferum (baume du Pérou). C'est vraiment un bois
merveilleux. Il distille une résine, la cabuerieica, d'un parfum dé-
licieux. C'est un produit hors ligne à recommander aux parfu-
meurs, à Piver, à Lubin, à Atkinson, à Rimmel, à Pinaud,etc.,etc.
Uoleo-vermelko esl employé partout; c'est le bois préféré pour
turbines et roues hydrauliques. Dans la province de Goyaz ob
l'ait d'oleo-vermelho les chars à bœufs, qui traversent tout le
Sertâo du Brésil et viennent jusqu'à Rio. .Nous avons essayé le
bois d'un de ces chars patriarchaux ; il gardait sa belle couleur
rose et son parfun incomparable, bien plus exquis que le cèdre,
le sassafras, le sandale et la cannelle.
.Nous nous bornerons à ne citer plus que le piqui, clas-
silié caryocar brasiliense, caryocar butyrosum^ dans la famille
des rhizobolacées, dont les fruits se préparent au riz, et forment
an des plats favoris du Sertâo du Brésil. Sur la résistance des
bois du Brésil, on pourra consulter l'ouvrage d'André llebouças :
Guia para os Alumnos de Engenharia cioil — (Guide pour les élèves
du Génie civil), — et surtout l'ouvrage de l'ingénieur brésilien
Adolpho José Del Yecchio, qui a étudié la résistance de 108 bois
brésiliens.
La Société anonyme de Travaux Dyle et Bacalan a demandé
des essais de résistance et d'élasticité, qui ont été faits, à la
machine Kirkaldy, au banc d'épreuves de l'État, dans l'Arsenal
des chemins de fer belges.
Les conclusions de ces essais sont la consécration de la supé-
riorité universelle des bois du Brésil. Le rapport, daté de Lou-
vain le 6 octobre 1882, dit en conclusion :
« Quant aux bois du Brésil, il faut vraiment les mettre hors
de pair; les résultats ont été surprenants. Si on a pu comparer
le chêne et Le teak à du fer nerveux et à de l'acier dur, on peut
assimiler, avec beaucoup de raison, Yoleo au bronze. C'est une
observation que nous avons entendu faire, et qui nous a paru
juste. Voici un bois qui ne se rompt que sous une charge de
13 kil. 880 grammes par millimètre carré; ses déformations ne
sont réellement presque pas apparentes, et vraiment il ne cède
LES ZONES AGRICOLES. 287
que devant an effort tout à fait supérieur. Seulement il est un
peu lourd, et, sous ce rapport, on peut lui préférer le peroba, qui,
proportionnellement à son poids, arrive à donner une forte
tension moléculaire. »
En effet le Brésil possède des bois-aciers et des bois-bronzes :
Les bois-bronzes, soumis aux grands efforts des machines
d'essai à la presse hydraulique, résistent héroïquement, sans
se déformer, jusqu'au moment de la rupture.
Les bois-aciers, au contraire, se conduisent comme s'ils
étaient faits de lames élastiques ; ils se courbent dès les premiers
efforts et suivent toute la progression des forces fléchissantes
jusqu'à la rupture.
Si, par exemple, on prend une lame de genipapo (classifié
genipa brasiliensis, famille des rubiacées) on en peut réunir les
deux bouts et former un cercle, exactement comme on essayait
autrefois les épées des aciers célèbres de Damas, de Milan et de
Tolède.
Pendant l'Exposition il sera très intéressant de faire voir la
résistance admirable des plus fameux bois du Brésil, savoir :
De l'Acapou {andira aubletii, wacapoua americana).
De l'Angico (dicorenya paraensis) ;
Des Jacarandâs ou Pallissandres {dalbergia, machœrium , etc.).
Des Oleos (myrospermum ; myroxylon).
Des Aroeiras (astronium, schinus).
Des Tapinhoans (silvia navalium).
Des Araribâs (controlabium robustum).
Des Araucarias [araucaria b?"asiliensis).
Des Ipès (Tecomas, bignoniacées).
Des Perobas (aspidosperma), etc., etc.
Agriculture. — Comme la Californie, les provinces aurifères
de Goyaz et de Matto-Grosso ont un avenir assuré par l'agricul-
ture et par l'industrie. Nulle part, même au Brésil, on ne trouve
des terrains plus fertiles pour le caoutchouc, pour le cacao, pour
la vanille, pour le café, pour le tabac, pour le sucre et pour tous
les produits tropicaux.
La province de Matto-Grosso a des forêts de caoutchouc, de
siphonia elastica ou Hevea Guianensis, de Hevea Brasiliensis, de
Hevea discolor, etc., aussi belles que celles des provinces de Para
et de l'Amazone. La vanille ^de Matto-Grosso produit de belles
288 LE BRÉSIL EN 1889.
gousses «l'un parfum délicieux, chargées de cristaux d'acide
benzoïque.
Le cacao, dans les terres chaudes de Goyaz et Matto-Grosso,
donne le même rendement qu'à Paré et à Maragnon.
Les caféyers sont grands comme des orangers, et ils trouvent
à Goyaz et à Matto-Grosso la fameuse Terra Rôxa, si recherchée
par les agriculteurs de la province de San-Paulo.
Le tabac de Goyaz est peut-être le meilleur du Brésil.
La canne à sucre, dans les vallées de Matto-Grosso, arrive à
des proportions gigantesques. Si Ton remonte aux plateaux de
Goyaz, aux Pyreneos, à la Serra Dourada^ chaîne des montagnes
dorées (car leur talc et leur mica brillent au soleil comme de l'or)
à la Serra de Santa-Martha, à la Cordilheira Grande, etc., etc., on
se trouve à des altitudes de 1.000, 2.000 et presque 3.000 mètres,
climats délicieux, où on cultive la vigne, le blé, toutes les céréales
et tous les fruits de France et d'Italie.
C'est cette superposition de climats qui fait du Brésil le pays
le plus propre pour l'immigration. La nature y a préparé de
vrais jardins d'acclimatation pour les races d'Europe. Les immi-
grants peuvent commencer par les climats de la Méditerranée,
et descendre, peu à peu, jusqu'à arriver aux terrains prodigieux,
qui rapportent le caoutchouc, le cacao et la vanille.
Viticulture. — La culture de la vigne et la production du vin
sont très anciennes dans la province de Goyaz. L'illustre savant
Saint-Hilaire a fait dès 1819 l'éloge des vins de Goyaz par leur
excellent goût et par leur fin bouquet. On les envoyait en cadeau
aux rois de Portugal dans les temps coloniaux. La vigne donne
deux récoltes à Goyaz, si elle est taillée après la première ré-
colte, au mois de février. On y distingue le raisin de la saison
sèche, mai à octobre (Uoa-da-Sêcca), et le raisin de la saison des
pluies, novembre à avril (Uvadas aguas). C'est le premier qui
donne les meilleurs vins ; l'autre est réservé pour la préparation
du vinaigre. Dans les forêts de Goyaz et de Matto-Grosso on
trouve plusieurs espèces de raisins sauvages. Le raisin appar-
tient au genre vitis, de la famille des ampeliidacées ou vinifères ;
près de ci> genre se trouve le genre cissus, que nous avons déjà
mentionné à propos du cipô-do-caçador ou liane du chasseur.
Le cissus discnlnr et le (issus antarcticus, si connus des bio-
logistes par les expériences de CHARLES Darwin sur la sensibilité
de leurs vrilles, ne sont que des espèces célèbres de ce y;v\\vc
LES ZONES AGRICOLES. 289
botanique. Le docteur Sace a porté dos ceps des vignes natives
des forêts de .Matto-Grosso pour des essais à Paris; ces vignes
sont des vitis ou des cissus suivant les botanistes. Du reste, révo-
lution et le transformisme ont fait justice à ces infinies questions
taxonomiques. Il vaut mieux citer encore un Indigo-Liane (Anil-
trepadôr)) c'est-à-dire une belle liane qui produit l'indigo, et
qui a été classifîée cissus tinctoria.
On voil donc que botanistes et les viticulteurs ont énormément
à faire dans les provinces de Goyaz et de Matto-Grosso.
Tabac. — Le tabac a ses crus au Brésil comme le vin en
France. Tous les amateurs connaissent les tabacs de Borba, dans la
vallée de l'Amazone, qui est encore préparé à la mode des abo-
rigènes; les tabacs de la province de Bahia, de Gachoeira et de
San-Félix, en première ligne ; les tabacs de la province de Minas,
du Rio-Novo, du Pomba, de Barbacena, du Sapucahy, du Rio-
Verde, du Piumhy etc.; mais ils disent qu'aucun tabac au Brésil
n'est supérieur au tabac de Goyaz. La culture du tabac est excel-
lente pour les immigrants-propriétaires. La famille de Timmi-
grant peut fabriquer immédiatement des cigares etdes cigarettes,
et en tirer un magnifique revenu. Le tabac, ainsi préparé, obtient
des prix si élevés qu'on l'exporte de Goyaz, malgré les distances
énormes, jusqu'à Rio-de-Janeiro.
Bétail. — Les prairies et les pâturages de Goyaz et de Matto-
Grosso sont parmi les plus beaux et les plus productifs du Brésil.
Malgré la distance, une Compagnie anglaise a préféré les pâtura-
ges de Matto-Grosso pour y fonder un grand établissement pour
la préparation de viandes, de langues salées et fumées, et de
l'Extrait dans le genre de Liébig.
La Compagnie américaine The Para Transportation and
Trading Company va faire naviguer sur les Tocantins et sur
L'Araguaya des bateaux à vapeur, construits exprès pour trans-
porter le bétail sur les marchés de Para et de la province de
LAmazone, car la province de Goyaz est pour le Brésil Central ce
que le Périgord est pour la France. N'oublions pas qu'à Goyaz
on excelle dans le tannage de peaux de bœufs, de jaguars, de
cerfs, etc., et que cette industrie est favorisée par l'abondance
de matières tannantes, dans les familles des Légumineuses, des
Rubiacées, des Apocgnacées, etc., de l'inépuisable flore brésilienne.
19
290 LE BRÉSIL EN 18
Apiculture. — Les forêts de Goyaz, de Matto-Grosso et de
toul le Brésil abondent en abeilles de toute '--pèce et d'une
grande variété. Les voyageurs aiment surtout la Mandury el la
Jatany, dont le miel garde le parfum des fleurs des orang
des myrtacées qui leur onl donné pâture.
Les abeilles d'Europe sont acclimatées très facilement et
rapportenl extraordinairement. Nous recommandons de tout
cœur l'apiculture aux immigrants. Aux Etats-Unis cette industrie
se chiffre par des millions. Du reste, on sait bien que Les abeilles
fonl augmenter toutes les récoltes, en transportant le pollen de
plaide en plaide c'est-à-dire, en faisantla fécondation entrecroiséet
comme on dit en biologie.
Voies de communication. — Pour arriver à comprendre
L'admirable réseau de voies de communication que la nature a
préparé dans la zone centrale du Brésil , il faut prendre la carte
de l'Amérique du Sud et étudier attentivement son système hy-
drographique :
D'abord, il n'y a nulle part, pas même dans l'Amérique du Nord,
des Ûeuves comme l'Amazone et le Paranâ-Plata. Le Mississipi-Mis-
souri est très inférieur à l'Amazone; le Saint-Laurent, même
avec ses beaux lacs, ne vaut pas la Plata, enrichie par l'Uruguay,
parle Paranâ et par le Paraguay. Les grands affluents de l'im-
mense Amazone convergent vers l'île de Marajô, comme les grandes
lignes des chemins de fer français vers Paris. Cette merveilleuse
orientation hydrographique se répète, sur une échelle réduite,
dans la province de Maragnon, ; ses beaux fleuves, navigables à
vapeur, convergent vers l'île de Saint-Louis, où se trouve la
capitale de la province.
Nulle part au monde on ne peut voir des fleuves qui sem-
blenl avoir été tracés, comme les chemins de fer de France, par
un corps de ponts et chaussées, sur un programme de centrali-
sation économique, financière et administrative parfaitement
médité.
Dans le bassin de l'Amazone on parcourt :
Kilomètres
i" De Belem à Manâos 1.720
2° De Manâos à Iquitos (Fleuve Solimôcs) 2.260
3° De Manâos à Santa Isabel (Rio-Negro, Rivière Noire) 780
i° De Manâos à Hyutanahan (Rivière Purûs) 1 .800
.1 reporter 6.560
LES ZONES AGRICOLES. 291
Report 6. 560
5° De Manâos a Sainto Antonio ^Kio Madeira) 780
6° D«> Belôm à Bayâo (Rio Tocantins) •- 260
T'1 De Leopoldina à Santa-Maria (Tocantins-Àraguaya) 950
Somme 8.550
L'énorme chiffre de 8.550 kilomètres !!. .
11 faut bien remarquer que, dans ce résumé, on ne compte
pas la na\ igation :
1° Du Guaporé, affluent du Madeira, qui pénètre jusqu'au
cœur de Matto-Grosso, navigables tous deux sur 4.334 kilomè-
2° Du Tapajôs et de ses affluents ;
3e Du Xingù, dont les sources se trouvent tout près de
Cuyabâ, capitale de Matto-Grosso ;
4° Des affluents de FAraguaya, comme le Rio das Mortes,
qui débouche en face de l'île du Bananal, et qui peut être navigué
par des bateaux à vapeur d'un mètre de tirant d'eau.
Il faut encore prendre note que les fleuves du Brésil ont des
s doubles et triples de navigation à cause de la quantité énorme
d'iles, de furos (canaux entre les îles), d'igarapés (culs-de-sac) qui
en font un vrai canevas hydrographique. Ainsi, dans la vallée
de l'Amazone, avec un Stem Wheel Steamer, un bateau à vapeur
d'une seule roue à l'arrière, on peut aller partout, on peut faire
des visites, comme avec un cab à Londres ou un coupé à Paris.
On vient d'organiser, à New-York, une Compagnie, The Para
Transportation and Trading Company, au capital de dix millions
de dollars pour naviguer le système fluvial Tocantins-Araguaya-
Vermelho jusqu'à la capitale de la province de Goyaz.
Cette Compagnie est en connexion avec la The Goyaz Mining
Company, qui a acheté les fameuses mines d'or des fleuves
Maranhâo et Cayapô en amont de la ville de Goyaz. Ces deux
Compagnies se sont chargées aussi de l'immigration sur les rives
admirablement fertiles du Tocantins et de l'Araguaya.
Vm singularité du système hydrographique brésilien, qu'on
doit bien étudier, c'est que tous les affluents de ses grands fleuves
s'entrecroisent, de manière qu'il sera facile dépasser d'un bassin à
l'autre par des plans inclinés à l'américaine, par des canaux à
point de partage, et même, quelquefois, par des canaux sans
écluses dans les grandes vallées.
292 LE BRÉSIL EN 1889.
Nous-même, nous avons étudié, de 1883 à 1884, une de ces
extraordinaires Lignes de faîte, qui se trouve tout près de la ville
de Oliveira, entre les eaux des derniers affluents des grands
fleuves Parané et San-Franciseo.
Au centre du Brésil, au Seftâo, on appelle ces lignes de faîte :
Varadouros, parce que on peut passer un canot d'un fleuve à
l'autre sans rompre le chargement.
A Mat to-Grosso, le plus célèbre des Vm-adouros est celui du
Alegre, découvert en 1733, long de H à 12 kilomètres, par
l'entremise duquel on projeté, depuis le ministère du Marquis DE
Pombal, de relier les eaux, de la Plata aux eaux de l'Amazone.
En exécutant ce projet on fera du Brésil une immense île, et
un bateau à vapeur pourra aller de Para à Buenos-Ayres, en navi-
guant toujours sur des fleuves, des rivières et des canaux.
Le Varadouro de Camapuan, entre les provinces de Goyaz
et de Matto-Grosso, a une étendue de 18 à 20 kilomètres. Il va
du Sangpesuga, affluent du Rio-Pardo et du Paranâ, au rio
Camapuan, affluent du Coxim et du Paraguay.
La ligne de la Plata à Cuyabâ se divise en deux sections :
1° Montevideo à Corumbâ. . 3.100 kilomètres.
2° Corumbâ à Cuyabâ. ... 800 —
Somme 3.900 kilomètres.
Extraordinaire ligne de navigation de 3.900 kilomètres de
longueur, sans compter la ligne du Paranâ, depuis le confluent
du Paraguay jusqu'à la cataracte du Guayra ou des Sete-Quédas!...
Le système hydrographique du Haut-Paranâ est une des mer-
veilles du Brésil central.
On a déjà étudié les lignes suivantes :
1° Paranapanema à Juru-mirim. .
2° Paranapanema à Salto-Grandc .
3° Paranapanema au Tibagv- • •
4° Paranapanema au Paranâ.
5° Paranâ, Ivinheima et Brilhante.
6° Mogy-Guassû (Porto-Ferreira
Pontal)
Somme. . . .
200 kilomètres.
120 —
110 —
192
528
205
1.353 kilomètres.
LES ZONES AGRICOLES. 293
Il faut encore additionner la navigation du Tiéte, du Tibagy,
du Piracicaba, du lvahy,du Piquiry, du Iguassû, et d'une infinité
d'affluents des deux rives de l'immense Paranâ, qui, sous le nom
de Rio-Grande, pénètre jusqu'au cœur de la province de Minas,
et entrecroise ses affluents avec le San-Francisco, la Méditerranée
Brésilienne, qui, lui-même, rivalise en affluents navigables à
vapeur, avec les plus beaux fleuves du Brésil.
Nouveaux ports de commerce. — La côte maritime du Brésil
a 7.920 kilomètres d'extension. Aucun pays ne possède une aussi
Longue et une aussi belle façade sur l'Océan Atlantique.
L'Océan brésilien est le vrai Océan Pacifique et Tranquille.
Les tempêtes et les naufrages y sont très rares. Ni fogs, ni
brumes, ni icebergs, ni glaciers flottants. Les ports du Brésil
sont ouverts et francs pendant toute l'année ; la plupart, à toute
marée, à toute heure du jour et de nuit.
Tout le monde sait que le port de Rio est le chef-d'œuvre de
la nature en fait de ports de mer. Décrire la baie de Rio, c'est
faire un cours complet de ports de mer. Rade foraine, rade in-
terne, avant-port, arrière-port, tout, absolument tout, y a été
fait par la nature avec une majesté, une grandeur et une beauté
sans pareilles.
Les ports de Bahia, de Santos, de Paranaguâ et de Antonina,
de San-Francisco, sont à peine inférieurs au merveilleux port
de Rio.
Depuis Cabo-Frio jusqu'à Santa-Catharina il y a une infinité
de rades, de baies, de canaux maritimes abrités, qui sont aussi
admirables par leur pittoresque et par leur beauté que par leurs
avantages économiques et techniques.
Actuellement on compte 42 ports de mer sur la côte du
Brésil.
Mais nous travaillons pour doubler et pour décupler même
ce chiffre.
Les ports du Brésil sont vraiment les ports de toute l'Amé-
rique du Sud, depuis les Andes jusqu'à l'Océan. La plupart des
territoires des Républiques de Venezuela, de Colombie, de l'Equa-
teur, du Pérou et de Bolivie exporteront et importeront les produits
d'Europe et des Etats-Unis par les ports de l'Amazone, qui est
vraiment une prolongation de l'Atlantique.
Nous aurons des chemins de fer interocéaniques, allant de
l'Atlantique au Pacifique. Le beau port de Bahia sera relié à
LE BRÉSIL EN 18 89.
Cailâo, le premier porl du Pérou; le superbe port de Rio Bera
relié à Cobija, le seul port de Bolivie, et aux ports du oord du
Chili. Il faut marcher directement de Test à l'ouest, des ports de
Bahia vers le Sàn-Francisco ; des ports de San-Paulo vers le
Paranâ : des poils de Santa-Catharina et du Rio-Grande vers
l'Uruguay.
Quand la locomotive sera arrivée à ces grands fleuves, le
problème des communications de la zone centrale du Brésil sera
complètement résolu. Alors il faudra marcher vers les Andes,
pour se mettre en communication avec les voies ferrées, qui seront
déjà sur les hauts plateaux du Pérou, de la Bolivie et du Chili.
Dans ce bel avenir, on aura perdu même la mémoire du
barbare esclavagisme. On fera le commerce avec l'Afrique, qui
nous peste en face ; nos arrière- neveux iront au continent de l'or,
Ses diamants et de l'ivoire payer La dette de gratitude du Brésil
à la race qui a travaille, pendant trois siècles, pour la richesse
et la prospérité de leurs ancêtres. Pour accélérer ce glorieux
avenir nous demandions, dès 1804, la création de nouveaux ports
de commerce sur la cote du Brésil, et des ports francs sur les
affluents de PAmazone et sur les rives brésiliennes de l'Uru-
guay et du Paraguay. On sait bien que tous les grands ports de
commerce d'Europe ont été des ports francs : Liverpool, Ham-
bourg, Marseille, Livourne, Trieste, etc., etc., et que Michel
Chevalier conseillait incessamment des ports francs pour civiliser
et enrichir l'Algérie.
Immigration. — L'immense zone centrale du Brésil sera
peuplée : directement par les affluents de l'Amazone et par les
affluents du Paranâ et du Paraguay brésilien ; indirectement par
le surplus de l'immigration des provinces de Minas, de San-Paulo
et de Paranâ. Il y a souvent parmi les immigrants des gens qui
ont la passion du Far-West, qui veulent toujours marcher vers
l'occident, qui sont avides de voir les fameuses forets et les
belles prairies du Sertâo du Brésil. Même à présent, on rencontre
des Allemands, des Italiens, des Français, des Belges, voire même
des Danois et des Suédois, dans les derniers villages et sur les
routes de Goyaz et de Mal to-Grosso. L'immigration commencera,
à Matto-Grosso, par les beaux plateaux de Maracajû et par la
vallée de TAquidauana, si poétiquement décrits par Tauxay ; à
Goyaz, par les plateaux des Pyreneos, des montagnes de Santa-
Martha, du Estrondo, de Tabatinga, etc., etc., et par les belles
LES ZONES AGRICOLES. 295
collines, qui bordenl V iraguayaetle Tocantins. Il faudra toujours
utiliser los Qeuves el l<is rivières navigables, les routes qui
marchent, selon le mol de Pascal; il faudra construire des
plank-roads et des tramways, en attendant les chemins de fer et
1rs locomotives.
C'est à Goyaz, c'est à .Matto-Grosso, qu'on devra incessamment
réaliser les nouveaux principes de Centralisation agricole et
dte Centralisation industrielle. Le café, le tabac, le cacao, le
sucre, etc., etc., devront être toujours exportés tout préparés
pour la vente en détail et pour la consommation immédiate.
Ainsi les immigrants de Goyaz et de Matto-Grosso obtiendront
des revenus aussi forts que s'ils étaient établis dans les provinces
maritimes du Brésil. Les fabriques de fer, de coton, de cuirs, etc.,
jouiront des meilleures conditions pour la production et pour la
consommation.
A présent, nos chemins de fer marchent bravement vers le
Far-West du Brésil. Nous ferons grandement et rapidement
comme aux Etats-Unis. Rien n'est impossible à un pays qui
reçoit une armée de 150.000 immigrants tous les ans. Le capital
suit l'homme et l'homme suit le capital. Hommes et capitaux
chercheront à l'envi le pays fertile et tranquille, le pays préparé
pour tous les progrès. On demande souvent à ceux qui font
la propagande en faveur de l'immigration :
— Est-ce que vous ne craignez pas que votre pays devienne
allemand ou italien? — Pas du tout... Pas le moins du monde... Il
faut méconnaître la force d'assimilation que possède le Brésil, pour
avoir des craintes aussi puériles... Nos colons allemands en 1866,
au temps de la guerre du Paraguay, se sont empressés d'envoyer
une batterie d'artillerie à l'armée brésilienne. L'autre jour, un
Allemand, revenu de Berlin, nous disait : — « Je vous avoue que
j'ai trouvé mes anciens compatriotes bigrement (sic) barbares... »
L'expérience a été faite aux États-Unis. Les Allemands.
les Irlandais, les Anglais s'y trouvent partout, jusqu'au minis-
tère. Nonobstant, qui oserait dire que les États-Unis sont
allemands, sont irlandais ou sont anglais?... La vérité est qu'ils
sont américains. Ils ont été européens ; aujourd'hui ils ne sont
que Yankees.
Il en sera de même au Brésil. Quelques jours après son arri-
vée, l'immigrant sera déjà Brésilien....
Mais, vraiment, quel est l'immigrant qui, ayant joui de nos
institutions et de nos habitudes si bonnes, si simples, si tran-
LE BRÉSIL EX 18 89.
quilles, voudra se rejeter dans l'affreux tourbillon européen de
baïonnettes, de canons, de cuirassés, de mélinites et de robu-
rites?!!...
Qui donc, après avoir traité avec notre empereur et avec nos
princes, si obligeants et si aimables, voudra retourner en Europe
pour subir la morgue humiliante des rois et des aristocrates, et
voir dil près les horripilants contrastes de la misère et de
l'opulence ?
Il faut dire et redire des histoires d'immigrants pour qu'on
puisse en Europe comprendre l'Amérique.
J'étais, le 5 juin 1873, sur VOeeanic, un superbe bateau à vapeur
de la White Star Line, et j'arrivais à New-York. Sur le pont du
paquebot, je regardais La foule immense des immigrants irlan-
dais qui se pressaient à l'avant. Un vieux monsieur était tout
près de moi, en proie à une commotion profonde. Je le regarde,
toul donné lime dit d'une voix encore coupée par l'émotion :
— 11 y a vingt ans, j'arrivais ici... non en paquebot à vapeur
et en première classe, comme aujourd'hui... Mais là-bas... comme
ces pauvres Irlandais... en navire à voile... entassé sur le pont
avec les autres... A présent... Dieu bénisse les États-Unis!... Et il
fondit en larmes...
Voyez-vous!... C'est ce sentiment sublime de gratitude,
qui fait V américanisation de l'immigrant, bien mieux encore que
toutes nos lois de grande naturalisation et dénationalisation...
Oh ! Bien sûr ! Nous n'avons pas la moindre crainte des
immigrants. Nous sommes sûrs qu'ils seront des Brésiliens aussi
dévoués que nous-mêmes. Et nous sommes encore plus sûrs que
le Brésil n'aura pas son pareil sur la terre quand il sera arrivé à
s'assimiler les meilleurs éléments ethniques de l'Europe, épurés
dans le Struggle for life pendant des siècles, et passés par le
grand creuset de l'émigration au-delà de l'Océan.
Oh ! Il n'y a pas à en douter. Le monde ira infiniment mieux
quand L'Europe comprendra l'Amérique. Si, devançant les siècles,
l'Europe consentait à envoyer en Amérique ses six millions de
soldats, transformés en immigrants ; si des navires cuirassés on
faisait des paquebots transatlantiques, l'humanité serait bien
vite transformée. Malheureusement l'humanité n'a pas encore
évolué assez pour éliminer les individus qui ont les instincts
barbares de la guerre et du sang, de la violence et de la mort...
Que ceux-là n'émigrenl pas au Brésil...
Nous avons été élevés, pendant quarante-huit ans, par un
LES ZONES AGRICOLES. 297
empereur savant et bon, qui a aboli la peine de mort, la torture,
tes peines barbares et l'esclavage... Victor Hugo Ta comparé à
Rfarc-Àurèle... C'est Numa Pompilius qu'il devait dire... Il a fondé
au Brésil le culte de la science et des arts, le culte du beau en
tout et partout... Il n'est satisfait et content que dans les écoles
au milieu des enfants; dans les académies au milieu des hommes
îence ; dans les salons au milieu des artistes ; dans les
fabriques au milieu des industriels; dans les chantiers et dans
les ateliers au milieu des ouvriers... Il aie mépris du luxe et de
l'ostentation... Il aime la simplicité et la modestie... Il a compas-
sion de la vanité des aristocrates...
L'orientation humanitaire et altruiste de la nation brésilienne
lui a été donnée par lui et par sa fille, à jamais célèbre par son
courage, par son héroïsme et par son dévouement.
CHAPITRE IX
INSTITUTIONS AGRICOLES
Par M. J.-M. LEITAO DA CUNHA1
Il est clair que dans les différents pays le développement des
institutions agricoles doit être en raison inverse de la fertilité du
sol. Au Brésil, dont le sol est d'une fertilité proverbiale, le
nombre de ces institutions n'a donc pas pu répondre à l'immensité
de l'étendue du territoire. Le Brésil, en effet, est un pays à
culture extensive, dont l'activité agricole s'est bornée jusqu'ici à
la production d'un petit nombre de matières premières au moyen
de méthodes rudimentaires ; il n'avait pas senti le besoin devoir
recours à des procédés perfectionnés et à des moyens artificiels
pour augmenter la productivité de son sol.
Dernièrement, cependant, une révolution économique s'y est
produite qui va transformer forcément son régime agricole. La
loi du 13 mai 1888 a affranchi heureusement les derniers serfs
delà glèbe qu'il possédait encore. Cette loi donnera sans doute
un grand élan aux institutions agricoles, en obligeant la grande
propriété, aussi bien que la petite culture, à y chercher toutes
deux une nouvelle source de rénovation. Pour maintenir l'exploi-
tation extensive des terres, la grande propriété devra puiser dans
le choix judicieux des méthodes et dans l'instruction scientifique
les moyens de compenser le manque de bras serviles grâce aux-
quels elle s'était constituée. De son coté, la petite propriété, qui
1. Député à l'Assemblée générale législative pour la province de Para,
dont son père, M. le baron de Mamoré, sénateur et ancien ministre d'État, est
originaire.
300 LE BRÉSIL EN 18 89.
esl entrain de s'établir graduellement par l'arrivée d'immigrants-
propriétaires, voil son avenir lié à ces institutions, dont le con-
cours peut seul pendre fructueuse la culture intensive à laquelle
elle devra s'astreindre, et qui serait impossible si elle s'avisait de
conserveries anciens procédés.
En outre, la polyculture, corollaire immédiat de la transfor-
mai ion des conditions de travail et de l'élargissement des surfaces
cultivées, dépend essentiellement de l'aide de ces institutions,
qui, par L'étude de la physiologie des différentes espèces et par
l'analyse des terrains, établiront l'adaptation de chaque culture
au sol qui lui conviendra le mieux, et, par l'application des prin-
cipes de chimie agricole et d'économie rurale, assureront le
bon résultat des cueillettes et des récoltes.
Le ministre de l'agriculture a compris tout cela. Pendant la
session de l'année 18SS, il ne s'est pas borné à solliciter des
Chambres des mesures pour l'introduction d'immigrants, pour
le développement des voies de communication et pour la réduc-
tion des prix de transport. Il a insisté aussi en faveur de la créa-
tion de nouvelles institutions agricoles aussi bien qu'en faveur
de l'amélioration de celles que nous possédons déjà. — « Le
gouvernement, a dit le ministre, est décidé à créer des écoles
agricoles, dont il lui semble inutile de faire ressortir les avan-
tages, car l'enseignement professionnel est le meilleur moyen de
donner à l'agriculture d'autres conditions et d'autres habitudes,
et, partant, un autre avenir. » Et le ministre a demandé tout de
suite un crédit da -48 contos (environ 138.000 fr.) pour la fonda-
tion d'une station agronomique et d'écoles pratiques d'agricul-
ture.
La commission du budget de la chambre des députés a large-
ment secondé les vues du ministre, en proposant d'augmenter
le crédit demandé. Le Sénat est entré dans la même voie, de sorte
que, dans le budget pour l'exercice 1889, une somme de 408 contos,
environ 1 million 159.000 fr., a été mise à la disposition du
ministre pour la création d'une ferme expérimentale dans la
province de Ilio-de-Janeiro, sur la lisière du chemin de fer de
Dom Pedro II, pour la fondation d'une école scientifique de viti-
culture dans l.i province de San-Paulo et pour l'établissement
d'une station agronomique dans la province de Minas-Geraes.
Une ère nouvelle s'annonce donc pour ces utiles institutions.
lài attendant faisons connaître rapidement celles qui existent
actuellement :
INSTITUTIONS AGRICOLES. 301
Institut agricole de Rio-de- Janeiro (Impérial instituto flu-
minense de Agricultura). — Fondé par S. M. l'empereur et sous sa
protection immédiate, il a pour but, conformément à ses statuts,
approuvés par le décret n° 2681 du 3 novembre 1800, d'aider au
développement do L'agriculture dans le Municipe Neutre et dans
La province de Rio-de-Janeiro : 1° en facilitant la substitution
des bras par des machines et dos instruments appropriés, et en
essayant Le meilleur système de colonisation nationale et étran-
gère : 3° en Tondant des établissements normaux pour des expé-
riences de machines et instruments agricoles, pour des essais
de systèmes de cultures, des méthodes de fabrication, perfec-
tionnement et conservation de produits agricoles et procédés
pour l'extinction des vers et insectes nuisibles ; 3° en procurant
l'acquisition de semences, graines et plants de plantes qui seront
distribués aux cultivateurs ; 4° en cherchant l'amélioration des
races d'animaux et la généralisation des meilleures espèces ;
5° en venant en aide à l'administration dans le perfectionnement
des moyens de transport ; G0 en organisant une exposition an-
nuelle des produits agricoles ; 7° en procédant tous les ans à la
statistique rurale, et en exposant la situation de l'agriculture,
ses progrès ou sa décadence, et les causes permanentes ou tran-
sitoires de ces phénomènes ; 8° en publiant une Revue destinée
aux choses de l'agriculture étala vulgarisation des bons principes
d'économie rurale ; 9° en créant des établissements normaux,
des écoles d'agriculture, et, à leur défaut, en entretenant des agri-
culteurs professionnels qui fournissent les instructions qui
pourraient leur être demandées et qui visitent les établissements
particuliers.
L'Institut est administré par une direction de neuf membres
et par un conseil de vingt-huit membres, ayant l'un et l'autre
des attributions clairement définies ; des commissions munici-
pales ont pour mission d'étudier les nécessités de l'agriculture
dans leur municipe respectif, en présentant à la direction des
rapports semestriels, d'organiser la statistique rurale de ces
municipes et d'étudier l'état de ses routes et cours navigables.
Le patrimoine de l'Institut, formé parles droits d'entrée et les
cotisations annuelles de ses membres, par une subvention an-
nuelle du gouvernement se montant à 48 contos, par un subside
de la province, et par des dons spontanés, parmi lesquels il faut
citer l'un de 108 contos fait par l'empereur, se monte aujourd'hui
à 349 contos, un peu plus d'un million de francs en titres de l'État.
LE BRÉSIL EN 1889.
La Revista Agricoia (Revue Agricole), paraissant tous les trois
mois, compte plusieurs années d'existence.
Pour répondre aux exigences de son programme, l'Institut a
fondé et entretient un asile agricole el une Ferme Normale; il
dirige également le jardin Botanique, dont l'administration lui
a été confiée par un contrat en date du 17 août 1861, moyennant
la subvention annuelle de 12 contos.
V asile Agricole fonctionne depuis le 21 juin 1868. Le 28 novembre
L884 il a été installé dans un bâtiment construit à cette fin et
situé sur une des collines les plus pittoresques de la ferme du
Macaco, 60 mètres au-dessus du niveau de la nier, à 2 kilomètres
du Jardin Botanique, auquel il se trouve relié par une ligne de
chemin de fer à voie étroite. Le bâtiment se compose d'un corps
principal, d'une véranda et d'une chapelle ; il y a un salon pour
les classes, une bibliothèque contenant plus de 100 volumes d'ins-
truction primaire et de connaissances agricoles, quatre dortoirs
spacieux, deux lingeries, réfectoire, cuisine, office, et deux salles,
Tune pour la classe de musique, l'autre pour l'élève du ver à
soie. Dans les annexes, on trouve un jardin, des étables et des
écuries, une grande cour, un étang pour des bains, des niches à
lapins, des poulaillers d'après le système allemand etc. Le com-
partiment des machines possède une machine demi-lixe de la
force nominale de 0 chevaux-vapeur, un appareil en fer pour
moudre jusqu'à 5.000 kilogs de canne par jour, un alambic pou-
vant distiller ^2.000 litres par jour, des engins pour la fabrication
delà farine de manioc, un moulin à blé, un décotirqueur de
coton, une scie circulaire etc. etc.
Le règlement expédié le 15 octobre 1881- fixe à quatorze ans
l'âge maximum des élèves qui seront admis dans l'asile. Ils
doivent être orphelins et d'une constitution appropriée aux tra-
vaux des champs. Ils sont entretenus entièrement aux frais de
l'asile, et ont droit à un salaire et à une partie du pécule cons-
titué dans la Caisse d'Épargne. Le programme de l'enseignement
comprend les matières suivantes : instruction primaire, lecture,
calligraphie, orthographe, grammaire, géographie, mathéma-
tiques élémentaires, comptabilité, catéchisme, dessin linéaire ;
agriculture pratique, connaissance des instruments agricoles et
des machines, manipulations pour préparer les terrains aux di-
verses cultures, traitement des végétaux, cueillette des produits,
études pratiques sur les engrais, soins aux animaux domestiques,
notions sur les aliments, horticulture ; études sur les tissus des
INSTITUTIONS AGRICOLES. 303
végétaux, leurs organes el leurs fonctions, greffe, coupe et au-
tres opérations analogues, jardinage, embellissement des parcs,
drainage et irrigation : gymnastique, natation, musique, métiers
se rapportant à l'agriculture, serrurier, maçon, charpentier etc.
L'asile compte présentement ^8 élèves, mais des demandes sont
faites pour 1rs places vacantes, le nombre maximum des élèves de-
van I être de M).
La Ferme Normale (Fazenda Normal), composée d'une bande
de terrain entre le Jardin Botanique et la montagne de la Gàvea,
aune superficie de 4 hectares. Elle s'occupe de la culture des
diverses espèces de plantes économiques, principalement de celles
qui sont les plus recherchées par les agriculteurs, telles que
canne-à-sucre, coton, tabac, manioc, arrowroot, café, cacao, va-
nille etc. Elle cherche aussi à acclimater et à propager la jute,
la ramie, le mûrier, le sorgho, le thé, et d'autres plantes d'une
valeur industrielle, soit indigènes soit exotiques.
La Ferme emploie pour toutes ces cultures les instruments les
plus récents, en suivant autant que possible la méthode ration-
nelle. Dernièrement les travaux y ont été poussés avec une grande
activité. L'administration se trouve en état, non seulement de déve-
lopper la culture de la vigne dansdes terrains aptes pour l'étude
des engrais et des divers genres de tailles, mais encore d'initier
des cultures comparatives en soumettant les végétaux de la
grande culture à des expériences faites principalement avec des
engrais minéraux. On y prépare aussi un terrain pour un champ
de manœuvres, où Ton pourra apprécier l'application des meil-
leurs instruments aratoires, et l'on y songe à la création de prai-
ries artificielles.
Le Jardin botanique est connu de tous ceux qui visitent Rio-
de-Janeiro, et la photographie a vulgarisé sa fameuse allée des
palmiers. On y trouve une pépinière comptant 350.000 plantes,
dont on a commencé à dresser le catalogue.
Institut agricole de Bahia {Impérial Instituto Bahiano de agri-
culture). — 11 a été fondé en vertu du décret n° 2.500 du 1er no-
vembre 1850, et rappelle la visite que l'empereur fit à Bahia à
cette époque. Son but est analogue à celui de l'institut agricole
de Hiu-de-Janiro. 11 est administré par une direction de sept mem-
bres, aidés par des commissions municipales. Son patrimoine
se monte à un peu plus de 96 contos, environ 276.000 francs. Il
est forme par les cotisations de ses membres, par une subven-
:;nl LE BRÉSIL EN 18 89.
l'h.ii annuelle de -<> contos fournie par L'État, par une subvention
de -i contos fournie par La province et par des dons volontaires.
Ces modestes ressources n'onl pas permis à l'Institut de réa-
Liserson vaste et beau programme. Il n'en a pas moins rendu des
servie- signalés à la |)iD\ ince. C'est ainsi qu'il y a créé en 1870
V École agricole de San-Bento-de-Lages.
Cette École est installée dans un vaste édifice, le plus beau
peut-être que nous ayons dans ce -cure, et qui a coûté plus de
de 315 contos, près d'un million de francs. Ce bâtiment était
autrefois une terme appartenant aux bénédictins. L'école est
située dans le municipe de San-Francisco, dans la comarque de
Santo-Amaro, à trois heures de voyage, par mer, du chef-lieu de
la province. Le décret n° 5.957 du 23 juin 1875 a approuvé les
statuts de l'École, qui se propose de généraliser dans le pays les
connaissances agricoles en recevant des externes et des internes.
L'enseignement professionnel de l'agriculture s'y trouve divisé
en deux degrés : l'un élémentaire et l'autre supérieur ; celui-ci
destiné à former des agronomes, des ingénieurs agricoles et
forestiers et des vétérinaires ; celui-là destiné à former des ou-
vriers et des contre-maîtres agricoles et forestiers. L'enseigne-
ment es! essentiellement pratique, et on l'accompagne de notions
théoriques et élémentaires indispensables de sciences naturelles,
de zootechnie, etc., etc. Il y a quatre cours : de sylviculture, de
génie agricole, d'agronomie et d'art vétérinaire. Aux élèves qui
ont terminé l'un des cours on accorde soit un brevet d'ingénieur
agricole, soit un certificat d'études, soit un diplôme d'élève. La
direction de l'établissement consacre une attention toute parti-
culière aux travaux des champs, qui se font sur des terrains
expressément préparés dans ce but; ils consistent en exercices
pratiques de culture, de chimie analytique et industrielle, de
topographie et de nivèlement. L'établissement possède des cabi-
nets de physique et de chimie, des collections d'anatomie, de
zoologie et de minéralogie, et une bibliothèque contenant envi-
ron dix mille volumes. Le personnel se compose d'un directeur,
qui réside dans l'établissement même ; de professeurs, qui peu-
vent aussi y loger ; d'un secrétaire, d'un économe, d'un aumô-
nier et du personnel subalterne nécessaire. On accorde aux pro-
fesseurs qui ont de la famille les matériaux et la main-d'œuvre
dont ils pourraient avoir besoin pour se faire bâtir un logement
sur les terres de l'établissement. Les cours sont ouverts du
15 février au 15 décembre. L'école est fréquentée assez réguliè-
INSTITUTIONS AGRICOLES. 3Û5
rement; toutefois, elle n'a pas encore atteint le nombre maxi-
mum des élèves qu'elle peut recevoir, et qui est de 100 pour l'in-
ternat. Pour L'externat le nombre des élèves à recevoir n'est pas
limité.
Institut agricole de Sergipe {Impérial Instituto Sergipano de
agricuUura). — Il a été créé par le décret n° 2.521 du 20 janvier
1860, sur les mêmes bases et avec le môme but que l'Institut de
Bahia. Leurs règlements étaient identiques. Dès qu'il eût orga-
nise sa direction et son conseil de surveillance, il tacha de fon-
der une école rurale modèle ; il importa des semences et des
graines de végétaux utiles, fît venir des machines et des usten-
siles perfectionnés pour les revendre aux agriculteurs au prix
d'achat, et essaya de faire paraître une Revue consacrée à l'éco-
nomie agricole. Ces bonnes intentions ne furent pas couronnées
de succès, et cet établissement semble appelé à échouer comme
les Instituts de Pernambuco et de Rio-Grande, créés par les dé-
crets du 23 décembre 1859 et du 14 août 1861, qui ne purent
réussir, malgré l'aide de l'Etat et de l'administration provin-
ciale.
Établissement rural de San-Pedro-d'Alcantara. — Le dé-
cret n° 5.392 du 10 septembre 1873 autorisa la fondation de cet
établissement dans la province de Piauhy. Il devait comprendre
les fermes nationales appelées Guaribas, Serrinhas, Mattas, Algo-
dùes et Olho-d'Agua. Le ministère de l'agriculture, qui s'en réser-
vait le contrôle immédiat, s'engageait à lui fournir, outre les
fermes dont il vient d'être parlé, une somme de 30 conlos ou
86.000 francs pendant la première année, de 57.000 francs pen-
dant les cinq années suivantes; en outre, il payerait les appoin-
tements du directeur, auquel serait allouée une partie des béné-
fices nets de l'établissement. Le directeur avec lequel on avait
traité pour la fondation de cet établissement étant décédé, un
autre décret, du 27 septembre 1884, promulgua un nouveau Règle-
ment à ce sujet. L'établissement devenait une école profession-
nelle pour les affranchis et les enfants libres nés de mères es-
claves ; le gouvernement le dotait largement, et tout semblait
annoncer qu'il deviendrait prospère en peu de temps. Il n'en a
rien été. Après avoir eu jusqu'à 89 élèves, dont 59 internes, il
n'en avait plus que 29 en 1886. Le gouvernement, voyant que ses
sacrifices ne répondaient pas aux résultats obtenus, vient de
20
306 LE BRÉSIL EN 1889.
décider qu'on Le transformerai! en un établissement de zoo-
technie, avec an subside annuel de 22.000 francs. Cet établisse-
ment <li<|)"-'1 de tous les éléments pour réussir sous sa nouvelle
forme; il y a environ 10.000 têtes de bétail, 1.000 chevaux et
mulets, 122 moulons et des oiseaux de basse-cour en grand
nombre.
Orphelinat Isabel (Colonia orphanologica Fzabel). — Cette
colonie a été fondée en 1871 à Pernambuco par L'administration
provinciale sur les terres de l'ancienne colonie militaire de Pi-
menteiras. Elle a pour but de recueillir des orphelins el des
mineurs sans protection pour leur donner des connaissances
agricoles. Elle reçoit des élèves-boursiers et des pensionnaires
payants. Ses ressources, qui lui ont permis de dépenser jusqu'à
ce jour plus de 1.700.000 francs, se composent dune subvention
de l'état et d'une partie des dons et legs faits à l'assistance
publique de Etecife, de même que des bénéfices de l'exploitation
d 3 terres de la colonie. Elle possède des cultures assez vastes
manioc, canne à sucre, maïs, haricots, pommes de terre, etc.),
et une usine pour la fabrication du sucre de canne. L'usine est
desservie par une voie ferrée agricole de 12 kilomètres, qu'on va
prolonger. Elle compte 150 élèves, et ses produits sont bien cotés
sur le marché. La prospérité de cette colonie est due principale-
ment à son directeur, le II. P. Fidelis de Fazuano, qui l'admi-
nistre depuis plus de treize ans.
École agricole de Piracicaba (Escola Agrlcola do valle de
Piracicâba). — Elle a été établie dans lemunicipe d'Itabira, dans
la province de Minas-Geraes, en vertu de la loi provinciale du
20 novembre 1875. D'après son règlement, en date du 18 octobre
1880, elle a pour but de répandre dans la province les connais-
santes de science agricole et l'usage des instruments aratoires,
de pousser à la création de petites fermes-écoles pour les fa-
milles d'immigrants, en même temps que d'enseigner— 'prati-
quement L'agriculture perfectionnée et la fabrication de produits
agricoles. Elle reçoit des boursiers et des élèves payants ayant
moins de 12 ans. L'enseignement est théorique et pratique ; le
premier dure trois années. L'établissement est entretenu aux
frais du trésor provincial; il a un directeur, des professeurs, un
comptable, un mécanicien, un agent et un infirmier, et il est
placé sous le contrôle d'un conseil composé de cinq membres,
INSTITUTIONS AGRICOLES. 307
L'école est bien installée; elle possède deux corps de bâtiment
avec les annexes Indispensables, des étables, des instruments de
travail, dos machines et un terrain de 0-4 hectares. — Elle a
rendu de grands services à l'agriculture locale, au moyen des
conférences que fait son directeur aidé par les élèves qui en-
seignent aux agriculteurs l'usage des meilleurs appareils. Les
essais de culture de blé, faits par l'école, ont donné d'excellents
résultats, et tendent à propager cette culture. Les immigrants
et leur famille trouvent gratuitement à Vécole, pendant une
année, leur entretien, leur habillement et les moyens de s'ins-
truire dans les cultures du pays.
Colonie Blaziana. — Cette colonie est établie dans la ferme
de la Conceiçâo, sur la rive gauche du rio Gorumbâ, à 18 kilomè-
tres de la ville de Santa-Luzia, dans la province de Goyaz. Outre
l'enseignement élémentaire, les élèves y reçoivent une instruction
agricole théorique et pratique. Le local et les dépendances sont
vastes. On y trouve des plantations assez étendues : 600 cognas-
siers, 800 mûriers, 1.500 vignes, 4.600 bananiers, 8.000 caféiers,
la canne à sucre, la vanille, le manioc, le lin, le blé, le coton, le
tabac, etc. Le nombre des élèves est de 70 à peu près, dont 34
orphelins. L'Etat alloue à cette colonie une subvention annuelle
de 17.000 francs environ (6 contos).
Asile agricole de Sainte-Isabelle (Asylo Agricola de Santa-
Isabel). — Il a été fondé, le 28 avril 1886, dans le municipe de
Desengano, province de Rio-de-Janeiro, par l'Association protec-
trice de l'enfance, qui elle-même est une création de S. A. Mgr. le
comte d'Eu. L'enseignement y est théorique et pratique ; mais
l'instruction théorique n'y est pour ainsi dire qu'au second plan,
car l'asile a pour mission principale de former, non pas des
agronomes, mais des ouvriers agricoles parfaitement au courant
des procédés modernes de culture. L'établissement est parfaite-
ment outillé ; dix hectares servent à des essais de cultures variées,
et quatre hectares sont occupés par les jardins et les enclos fruitiers.
Une quarantaine d'enfants s'y trouvent recueillis. L'Association
qui a fondé cet excellent asile reçoit une subvention de l'Etat se
montant à 28.000 francs environ, et, grâce aux dons qu'elle a
recueillis, son patrimoine se compose déjà de 570.000 francs
environ.
SOS LE BRÉSIL EN 18 89.
Orphelinat Christina [Colonia orphanologica Christ ina). — Il a
été installé dans une ferme, nommée Canaûstula, dans la province
de Céara, et est bien monté. 11 se compose de dix maisonnettes et
de plusieurs machines agricoles, des instruments de labou-
rage, du bétail, des moulons, etc. Une quarantaine d'orphelins
v reçoivent une instruction agricole théorique et pratique.
Institut de la Providence Instituto Providencia). — Il est
situé sur la lisière du chemin de fer de Bragança, dans la province
de Para, à (j kilomètres de Belem, le chef-lieu, sur des terres
fertiles et bien choisies. Il a été fondé par le saint et savant évoque
de ce diocèse, Mgr de Macedo, comte do Belem, qui a voulu créer
un centre d'éducation chrétienne et d'instruction agricole en
faveur des indigènes des deux provinces qui forment son diocèse.
Les enfants, au nombre de 75, y reçoivent l'instruction élémen-
taire et apprennent un métier manuel tout en s'exerçant dans les
cultures locales. Une scierie à vapeur s'y trouve installée et
permet de débiter les précieuses essences des forets environ-
nantes, qui sont transportées au chemin de fer de Bragança par
un petit chemin de fer Decauville. Cet Institut reçoit une petite
subvention provinciale et doit ses moyens d'existence principa-
lement à l'inépuisable charité de son illustre fondateur.
Station agronomique de Campinas. — L'Etat a résolu d'éta-
blir une station agronomique dans la ville de Campinas, province
de San-Paulo, centre agricole de premier ordre. Pour mener à
bonne fin cette institution qui peut rendre de grands services à
cette riche province, le gouvernement impérial a fait venir d'Alle-
magne M. F. -M. Dafert, de l'Université de Bonn, auteur d'un
grand nombre d'ouvrages et spécialiste distingué. Au mois d'oc-
tobre 1SS7, on a commencé à construire la station sur une colline
admirablement choisie; les travaux, terminés à l'heure qu'il est,
ont été faits sous la direction de l'architecte Florencio et tous les
appareils ont été fournis à la station par la maison Jerhards, de
Bonn. Le personnel de rétablissement se compose d'un directeur,
le docteur Dafert, d'un secrétaire, de deux aides et d'employés
subalternes. La station compte quatre bureaux distincts. L'un
d'eux est consacré aux analyses et forme un véritable laboratoire
analytique à l'usage des planteurs, des négociants et des tribu-
naux. L'autre se livre à des expériences sur les engrais néces-
saires aux plantes du pays, sur la culture de nouvelles plantes
INSTITUTIONS AGRICOLES. 309
et sur L'amélioration dos cultures existantes. Le troisième s'occupe
de météorologie et est en correspondance avec l'Institut météoro-
logique de Hambourg. Le dernier est un bureau œnologique, placé
sous la direction d'un spécialiste autrichien, qui se propose de
s»» livrer à des études pratiques de viticulture.
École vétérinaire et agricole de Pelotas. — Cette école,
établie à Pelotas, dans la province de Rio-Grande-du-Sud, est
entretenue par la chambre municipale de Pelotas, qui lui a fait
don d'un excellent bâtiment et des terrains nécessaires. Elle a
pour but de répandre les connaissances agricoles et principale-
mont l'art vétérinaire, si utile dans une province qui tire sa
richesse de l'élevage.
Outre les établissements que nous venons d'énumérer rapide-
ment, il y en a d'autres du môme genre ayant pour but d'encou-
rager le développement de l'industrie agricole. Nous ne saurions
les citer tous. Il est impossible, cependant, de passer sous silence
la Société agricole de Pernambuco (Sociedade auxiliadora d'agri-
cultura), qui a son siège dans le chef-lieu de la province : et,
surtout, la Société industrielle de Rio-de-Janeiro (Sociedade
auxiliadora da industria nacional). Cette dernière remonte à 1820,
et, pendant sa longue existence, elle a rendu de grands services
à l'agriculture du pays, soit en publiant de beaux. Rapports sur
différents sujets se rattachant à l'agriculture nationale, soit en
faisant paraître, depuis plus d'un quart de siècle, une intéres-
sante Revue à laquelle l'Etat accorde un subside annuel de 6 contos
ou environ 17.000 francs.
CHAPITRE X
POIDS ET MESURES — SYSTEME
MONÉTAIRE
Poids et mesures. — Le système métrique décimal a été
établi au Brésil en vertu d'une loi en date du 26 juin 1863 ; il est
effectivement obligatoire depuis le 1er janvier 1874. Cependant,
les poids et mesures anciens, hérités du Portugal pour la plupart,
sont encore en usage entre particuliers dans quelques provinces
reculées de l'empire. Aussi croyons-nous utile de les faire
connaître ici, d'après VAnnuario do Impérial Observatorio, de Rio-
de-Janeiro :
POIDS
Tonclada (Tonneau), 54 arrobas 793\ 2384
Quintal (Quintal), 3 arrobas 1/2 58 7584
Arroba (s'écrit aussi Ab.), 4 arrobas métriques 14 6896
Arroba métrique, 32 livres 15
Libra (Livre), s'écrit aussi Lb., 2 Marcs 459g, 050
Marco (Marc), 8 onces 229 825
Onça (Once) s'écrit aussi on., 8 octaves 23 691
Oitava (Octave), 3 scrupules 3 586
Escrupulo (Scrupule), 24 grains 1 195
Grâo (Grain) 0 04981
Libra de Pharmacia (Livre de pharmacie) 344 288
312
LE HRKSIL EN 18S0.
MESURES DE LONGUEUR
Unira (Brasse), s'écrit aussi B. 2 vares 2m, 20
\ 'ara ( Vare), 5 palmes 1 10
Pé (Pied), s'écrit aussi / 2 pi., 1 1/2 palme 0 33
Palmo (Palme), s'écrit aussi pm., 8 pouces 0 22
Pollegada (Pouce), s'écrit aussi /?/., 12 lignes 0 0275
Linha (Ligne), s'écrit aussi In. 12 points 0 00228
Ponlo (Point) 0 000191
Côvado 0 08
Passo geometrico (Pas géométrique; 1 65
MESURES ITINÉRAIRES
Légua (Lieue), 3 milles
Milita (Mille)
Légua geometnca (Lieue géométrique).
Milha geometrica (Mille géométrique)..
2
6
9.
G00
200
MESURES DE SUPERFICIE AGRAIRE
Légua qwidrada (Lieue carrée), 9 milles carrés 43km2, 56
Milha quadrada (Mille carré), 100 alqueires 4 81
Ahjueire, de Minas-Geraes et de Rio-de- Janeiro, s'é-
crit aussi 10.000 br2 8ha, 81
Alqueire, de San-Paulo (5.000 b2) 2 42
Geira (100 b2) 19*, 36
Tare fa, de Bahia (900 b2) 43 56
MESURES DE SUPERFICIE
Braça quadrada (Brasse carrée), s'écrit aussi 100 pm2. 4m2, 84
Pé quadrado (Pied carré), s'écrit aussi 141 pm2 0 1089
Palmo quadrado (Palme carré) 0 0484
Pollegada quadrada (Pouce carré; 7cm2, 5625
Linha quadrada (Ligne carrée) 5mmî, 2533
Ponto quadrado (Point carré) 0 0305
POIDS ET MESURES — SYSTÈME MONETAIRE 313
MESURES DE VOLUME
Braça cubica (Brasse cubique) ou 1.000 pi3 10m3, 648
Pi cubico I Pied cubique) ou 1.728 pi3 35dm3,957
Palmo cubico (Palme cubique) 10 648
Pollegada cubica (Pouce cubique) 20cm379G875
Linha cubica (Ligne cubique) 12mm3(H0i81
Ponto cubico (Point cubique) 0 00G9G8
MESURES DE CAPACITE POUR LES MATIERES SECIIES
Moio, 15 fangas 21hl, 762
Fanga, 4 alqueires 1451, 08
Alqueire, 4 quartas 36 27
Quarta, 8 selamins 9 0675
Selamim 1 1334
MESURES DE CAPACITE POUR LES LIQUIDES
Tonel (Tonneau), 2 pipes 840\
Pipa (Pipe) 420
Almude 31 944
Canada, 4 quartilhos 2 662
Quart ilho 0 6655
MESURE POUR LE DIAMANT
Quilate (Carat) ldff, 922
:i I LE BRÉSIL EN 1889.
SYSTÈME MONÉTAIRE
Le système monétaire du Brésil est assez compliqué. L'unité
monétaire est le réal, qui n'existe pas en réalité. En général, le
milréis est pris comme base du système ; on l'écrit : i # OOO réis.
l ii million de réis (1. 000. 000) s'appelle un conlo de réis, ou simple-
ment un conto. — Dans la circulation ordinaire, on trouve rare-
ment des pièces d'or ou d'argent. Partout, au contraire, on trouve
des pièces en nickel et en cuivre, de la monnaie de billon.
Les monnaies métalliques existantes sont les suivantes :
Or: 20 ,$000 réis. — 10 #000. — 5 #000.
Argent: 2 #000 réis. — 1 # 000. — #500. — #400. — #200.
Nickel: #200 réis. — #100. — #050.
Cuivre: #010 réis. — #020. — #010.
Toutes les opérations qui dépassent # 500 (cinq cent réis)
s'effectuent le plus souvent en papier-monnaie, en billets de
banque du Trésor National ou de la Banque du Brésil (Banco do
Brazil). Ces billets de banque ont cours forcé.
Presque toujours l'or et l'argent font prime. Cependant,
depuis le mois d'août 1888, c'est le papier-monnaie qui fait prime
au Brésil.
La valeur du papier-monnaie est déterminée par le change, qui
varie constamment.
Actuellement les billets de banque qui existent en circulation
au Brésil, sont les suivants : billets de banque (on les appelle
notas là-bas) de 500 #000 réis, de 200 #000, de 100 #000, de
50#000, de30#000, de 25#000, de20#000, de 10 j 000, de
5#000, de 2#000, de 1#000 et de #500 réis.
POIDS ET MESURES — SYSTÈME MONÉTAIRE 315
VALEUR DES MONNAIES DE DIFFÉRENTS PAYS DE L'EUROPE
COMPARÉE AUX MONNAIES DU RRÉSIL
(Change au pair).
ANGLETERRE
Livre sterling de 20 schellings vaut 8$889 réis.
Demi-livre ou 10 schellings 4$ 444 —
Florin ou 2 schellings (argent) $864 —
Schelling $407 —
Penny $037 —
FRANCE
Pièce de 20 francs 7$060 réis.
— 10 — 3$530 —
— 5 — (or) 1$765 —
— 5 — (argent) 1$750 —
2 — $700 —
— 1 — $350 —
— 50 centimes $1^3 —
ITALIE
La valeur de l'argent italien est la même que celle de l'argent
français ; une lire vaut un franc.
HAMBOURG
Ducat neuf 4$ 153 réis.
Marc d'argent $540 —
ESPAGNE
Once ou doublon de 8 écus 29$640 réis.
Doublon de 100 réaux 9$ 126
Piastre (cinq réaux) 1$918
Real (1/5 de piastre) $384
Duro de 20 réaux 1#842
31 G LE BRÉSIL EN' 1889.
PRUSSE
Frédéric (or) 7#339 réis,
Thaler 10 310 —
SUEDE
Ducat (or) 4J134 n'-is.
1/2 ducat (or) 2#069 —
Riksdaler de 400 réis (couronne. 1#981 —
I'OIUTUAL
L'argent monnayé portugais a une valeur double de celle de
l'argent du Brésil.
La valeur spécifiée ci-dessus peut varier selon le cours du
change. Ces calculs ont été faits au pair, c'est-à-dire au taux
d'après lequel l'argent (papier) brésilien est complètement équi-
valent à l'argent étranger avec lequel il est comparé. Ainsi, à
partir du prix indiqué, la valeur de l'argent étranger hausse à
proportion que le change baisse, et par suite l'argent (papier)
brésilien a moins de valeur et réciproquement.
Par exemple : le change sur Londres est actuellement à 27 1/2
c'est-à-dire que, s'il était au pair, il faudrait donner 27 pence
pour 1$000 brésiliens, représentés par le papier-monnaie qui est
en circulation, tandis que, d'après le cours indiqué, il faut donner
27 pence 1/2 pour avoir les mêmes 1 #000 réis.
De là résulte la diminution graduelle de la valeur de toutes les
monnaies étrangères qui ont un étalon fixe.
Dans ces conditions, le franc vaut actuellement 345 réis à peu
près, au lieu de 350 réis, valeur au pair.
CHAPITRE XI
FINANCES
Par M. A. CAVALCANTI
Notre travail est une simple revue, renfermant la plus grande
somme possible de données, basées sur des faits bien constatés
et tirées de l'histoire financière du Brésil pendant les dix aimées
écoulées de 1877 à 1887. Pour la rendre plus claire, nous la
diviserons en trois parties, comprenant: les recettes de l'Etat,
les dépenses de -l'Etat, et la situation financière actuelle. Nous
nous bornerons à des chiffres et à des informations positives,
laissant le soin d'en tirer les conclusions à ceux qui nous liront.
I. Les Recettes de l'État. — Les ressources dont dis-
pose l'Etat pour faire face aux besoins de ses services forment la
recette générale de l'Etat ou les revenus publics, distincts de
ceux des provinces et des municipalités. La recette générale de
l'Etat provient : 1° des biens du domaine public national, ou plus
exactement, de cette partie du domaine appelée domaine privé ou
fiscal ; 2° des impôts ; 3° du crédit public. Nous allons examiner
successivement ces trois sources de recettes.
1. M Amaro Cavalcanti, connu au Brésil par d'autres travaux, s'est signalé
dernièrement par des études économiques d'une grande valeur. Il a écrit ce
travail en quelques jours, à la prière de M. le Baron de Paranapiacaba, à
•qui nous l'avions demandé, et qui a bien voulu l'en charger.
318 LE BRÉSIL EN 188 9.
Biens du domaine de l'État. — Le domaine public national
ou domaine de L'Etal comprend : a. Le domaine public proprement
dit, embrassant Les biens de FEtat qui, tout en étant réservés à un
service public spécial ou a la jouissance de la collectivité sociale,
sont par cela même imprescriptibles, inaliénables, c'est-à-dire
qu'il ne sont pas susceptibles de devenir une propriété exclusif
et privée, comme, par exemple, les églises consacrées au culte
public, les routes, les ponts, les ports, les places, les jardins
publics etc. Le public eu général en a L'usage et la jouissance,
chacun en a L'usufruit individuellement et collectivement, selon
L'occasion, etl'Etatne peut exercer sur eux un droit de propriétaire
parfait et exclusif; il n'en est que le conservateur et l'intendant
pour ainsi dire. L'étude du domaine public ainsi limité relève
plutôt de la sociologie et de la science politique, b. Le Domaine
delà Couronne, qui embrasse espécialeme nt les biens, palais,
terres, etc., réservés au service ou à la récréation particulière
du souverain et de la famille impériale. Les privilèges inhérents
à la forme monarchique exigent que l'on maintienne cette dis-
tinction entre le domaine de la couronne et les autres espèces de
domaine public national, à cause de la destination particulière et
exclusive des biens de ce domaine, c. Le Domaine Fiscal, appelé
aussi domaine privé de l'Etat. Il embrasse les biens qui non seu-
lement appartiennent à l'Etat à titre exclusif, mais dont il a la
jouissance et l'usufruit, comme s'il était un propriétaire ou pos-
sesseur privé, tout en étant obligé d'observer certaines formes
légales. C'est de la science financière que relève l'étude de ce
dernier domaine.
Nous ne nous occuperons ici que des biens du domaine fiscal ,
car seuls ils donnent un revenu à l'Etat et figurent ou doivent
figurer dans son budget comme des sources directes ou indirectes
de recettes. Au Brésil, le Domaine Fiscal, compris et défini comme
nous venons de l'indiquer, comprend :
1° Des biens Immeubles: terres publiques, îles, terrains mari-
times et d'alluvion ; terrains diamantifères et concessions miné-
rales ; propriétés urbaines et rurales, généralement connues sous
le nom de « Proprios Nacionaes » ;
~±° Des biens ma/h/rs : bibliothèques, musées et laboratoires ;
matériel disponible; de l'armée et de la marine, armements, muni-
tions, chevaux, navires, etc. ; mobilier des administrations publi-
ques ; fonds existants dans les caisses de l'Etat; titres de la dette
active, provenant d'emprunts faits aux Républiques de l'Uraguav
LES FINANCES 319
et du Paraguay et à des Compagnies particulières; actions des
Chemins de fer de Bahia et de Pernambuco et de la Compagnie
« Pastoril et [ndusirial, » etc. ;
3° Certaines industries ou services industriels de VEtaty dont
les uns constituent pour lui un monopole, comme la frappe de la
monnaie, Les postes, la fabrication de la poudre, la concession de
robinets d'eau potable dans la ville de Rio-de- Janeiro, les établis-
sement^ d'enseignement supérieur1, la vente du bois-de-Brésil
(monopole abandonné aujourd'hui] ; et dont les autres ne forment
pas un monopole, tels que ceux-ci : les ateliers et fabriques
établis dans les arsenaux et ailleurs; les télégraphes; les
chemins de fer ; la fabrique de fer d'Ipanéma ; l'Imprimerie
Nationale ; divers établissements agricoles, institués sous le nom
de colonies ou d'instituts agricoles2; certaines institutions de
crédit ou de banque, telles que les Caisses d'Epargne et les
Monts-de-piété3.
a. Des biens immeubles. — Dès les premiers temps de l'indé-
pendance du Brésil ont paru divers ordres et arrêtés destinés à
définir les biens immeubles du Domaine privé de l'Etat. Mais
depuis bientôt soixante-dix ans qu'on en parle, on n'est pas encore
parvenu à en connaître la valeur d'une manière exacte.
Cependant, tout le monde sait que l'Etat possède de très-vastes
étendues de terres de première qualité, dont la plupart sont
encore inoccupées ou peu peuplées, et qu'il en a dans toutes les
provinces de l'empire. Pour régler ce service, il y a trente ans
que l'Etat possède une administration spéciale (l'Inspection des
terres et de la colonisation), et il ne se passe pas d'année sans
que l'on nomme des commissions techniques pour démarquer et
délimiter ces terres.
La plupart de ces terres sont couvertes d'immenses forêts où
abondent les bois précieux ; d'autres renferment des carrières
importantes, etc. Dans bien des endroits, elles sont coupées par
des ccurs d'eau navigables, et chacune de ces circonstances en
augmente la valeur. Selon la loi du 18 septembre 1850, les terres
publiques inoccupées peuvent être vendues aux enchères ou de
1. Les conditions que la loi impose aux particuliers qui voudraient fonder
des Facultés sont telles que, dans la pratique, l'Etat jouit d'un véritable
monopole. Seul d'ailleurs il dispose de la collation des grades.
2. Voir, à ce sujet, le chapitre relatif aux Institutions agricoles.
3. Comme sources de recettes, les caisses d'épargne seront étudiées lorsque
nous parlerons du Crédit Public.
LE BRÉSIL EN 1889.
gré à gré. Dans ce dernier cas, le prix ne pourra pas être infé-
rieur à 1 - réal par brasse carrée. La loi autorise aussi le gouver-
nement à les concéder à titre gratuit : quand elles sont situées
sur les frontières de l'empire avec les pays étrangers, dans une
zone de dix Lieues; quand elles sont destinées à des colonies, à
des chemins de fer, à la fondation de centres de population et à
(I is établissements d'utilité générale. Le gouvernement s'est
toujours montré très-libéral dans l'application de cette loi,
surtout quand les concessions avaient pour but rétablissement
d'immigrants ou d'industries nouvelles. 11 y a même des sociétés
dont le capital a été réalisé immédiatement à cause de ces avan-
tages accordés par l'Etat gratuitement, en leur donnent d'im-
menses étendues de terres.
Outre ces terres publiques, l'Etat possède un grand nombre
d'Iles de diverse étendue. Les unes renferment des gisements
précieux ; les autres sont situées tout près des côtes ; d'autres
encore se trouvent au milieu de grands cours d'eau navigables.
Rien que dans l'Amazonie on en compte un nombre considérable
el d'une étendue assez vaste. Quelques-unes de ces îles, l'Etat les
emploie pour divers services. C'est ainsi que celle de Fernando-
de-Noronha sert de prison pour les galériens et les contreban-
diers. Dans d'autres, il a installlé des établissements spéciaux.
Mais la plupart de ces îles ne sont pas encore utilisées; elles
demeurent inoccupées ou sont occupées illégalement par des
intrus.
A l'heure actuelle, au moment où le gouvernement cherche
par tous les moyens à développer le courant d'émigration vers le
Brésil, il devient urgent de procéder à une refonte des lois rela-
tives aux terres du domaine de l'Etat, et le gouvernement s'en
occupe activement. Il sait qu'il y trouvera de nouvelles terres à
concéder aux immigrants et de nouvelles sources de recettes
pour le Trésor public.
Les recettes provenant de la vente des terres publiques pen-
dant les dix années écoulées de 1877 à 1887 ont été de 802
nui/os1, donnant une moyenne annuelle- de plus de 80 contos.
On appelle « Marinhas », terrains de marine ou maritimes, les
terrains qui sont baignés par les eaux de la mer ou des cours
1. Le conto de réis vaut, en moyenne, présentement, 2.860 francs.
2. Désormais nous indiquerons la moyenne annuelle par ces Bimplea
lettres : m. a.
FINANCES. 321
d'eau navigables et s'étendent jusqu'à la distance de 33 mètres
(15 brasses craveiras) vers le côté de la terre, en les comptant du
point auquel arrive la marée moyenne. Ces terrains sont destinés
en grande partie à des servitudes publiques, et, dans ce cas, ils
font partie du domaine public proprement dit. Cependant, la loi
permet de les concéder à des particuliers à titre de fermage per-
pétuel, et cela se pratique couramment, de sorte qu'on peut les
regarde!-, également, comme des biens du Domaine Fiscal. La
taxe de fermage au canon est de 2 i/2 pour cent de la valeur du
terrain, à moins de dispositions exceptionnelles différentes.
Les terrains abandonnés par la mer, appelés terrains d'allu-
vion, ceux conquis sur la mer d'une manière naturelle ou artifi-
cielle, et les terrains inondés à proximité des endroits habités, et
appartenant à l'État, peuvent également être affermés sous les
mêmes conditions.
Le canon emphytéotique ou taxe de loyer perçue par l'État
sur tous ces terrains et d'autres semblables constitue une partie
spéciale des recettes, quoiqu'elle soit insignifiante. Pendant les
dix années de 1877 à 1887, ces recettes n'ont été que de 141 contos,
m. a. 14 contos. A partir de Tannée 1888, ces revenus sont
devenus des revenus municipaux. Dans un pays où il y a
1.300 lieues de côte maritime, renfermant de grandes baies et de
vastes anses, dans lesquelles se déversent de nombreux fleuves,
possédant des fleuves où la marée se fait sentir à des centaines
de kilomètres de leur embouchure, les terrains de cette espèce
sont fort étendus. Peu à peu ils deviendront très-précieux, et dès
aujourd'hui ceux qui sont situés à proximité des ports de mer
ont acquis une grande valeur.
Les terrains diamantifères appartiennent au domaine de l'État.
Dès qu'ils sont déclarés tels après examen sur place, le proprié-
taire du sol voit son domaine limité, bien qu'il ait la préférence
pour l'exploiter. Jadis l'exploitation et le commerce des diamants
était un monopole exclusif de l'Etat. Jusqu'en 1832, nous avions
une « Junta da Administraçâo do Tejuco », chargée de ce service.
Aujourd'hui ces terrains sont peu exploités, et les recettes des
terrains diamantifères n'ont été, de 1877 à 1887, que de 173
contos, m. a. 17 contos. Outre le canon perçu par l'État, il est perçu
un droit dans le cas d'aliénation de la part de l'emphytéote. Ce
droit a rapporté à la recette de l'État, de 1877 à 1887, 226 contos^
m. a. plus de 22 contos et demi.
On considère aussi comme propriétés de l'État les terrains
21
322 LE BRÉSIL EN 1880.
miniers à métaux précieux. Le gouvernement en donne la conces-
sion par étendues de 141.750 brasses ou 686.070 mètres carrés,
ocessionnaire paye une taxe fixe de 3 réis par brasse carrée
(4mï,84), payée tous les ans, et une taxe proportionnelle de 2
pour 100 du revenu net de la mine. Comme les recettes prove-
nait de ces terrains figurent dans le Budget, au chapitre des
« impôts sur concessions minières », nous en parlerons au cha-
pitre (1rs Impôts. D'ailleurs, les recettes provenant de cette
source sont peu importantes. Le Brésil renferme des richesses
minières qui ont été exploitées au temps du domaine colonial. De
nos jours, il a préféré demander sa prospérité à la culture de
son sol fécond plutôt qu'à l'exploitation de son sous-sol, et en
cela il a agi prudemment. Lorsqu'il sera plus peuplé, il pourra
commencer l'exploitation régulière de ses vastes richesses mi-
nières.
Sous le nom de « Proprios nacionaes », on désigne des immeu-
bles, urbains ou ruraux, et des portions de terrains, situés sur
différents points du pays, que L'Etat a acquis par des lois ou en
vertu de contrats. La plupart des propriétés urbaines de l'État
sont utilisées pour des services publics. Si elles ne constituent
pas une, recette directe, du moins épargnent-elles à L'Etat des
dépenses qu'il devrait supporter s*il ne les possédait pas. Le
nombre des « Proprios nacionaes » relevé par le Ministère des
Finances dans son dernier Rapport aux Chambres est de plus de
300, dont quelques-uns d'une grande valeur, et il est certain
que ce relevé ne les mentionne pas tous. D'après le tableau
numéro 38 annexé au Rapport dont nous venons de parler, la
valeur localive des propriétés de l'Etat situées seulement dans la
capitale de l'Empire s'est élevée pendant l'exercice 188G-87 à la
somme de -4.166 contos! — L'Etat possède encore, dans différentes
provinces, et spécialement dans celles de l'Amazone, de Para et
de Piauby, plus de 60 fermes à bétail, qu'il a affermées, et dont
le Trésor ne retire pas tout le profit désirable. Aussi, le gouver-
nement cherche-t-il à s'en défaire. — Les recettes provenant
des « Proprios nacionaes » ont été, de 1877 à 1887, de 1.249
contas, m. a. 12i contas.
Si nous additionnons cette recette avec celles des autres biens
immeubles dont nous venons de parler, nous avons un total de
2.593 contos pour les dix années de 1877 à 1887, et la m. a. de
259 contos. En comparant cette moyenne à la recette de la môme
source pendant l'exercice 1877-78, recette qui a été de 228 contosy
FINANCES. 323
nous remarquons une augmentation de 31 contos à peine. Mais il
est facile de constater également que, le jour où l'État voudra
prendre des mesures énergiques au sujet de ses biens immeubles,
il y trouvera une nouvelle source de revenus.
b. Des biens meubles. — Sous ce titre nous avons classé un
certain nombre de biens qui ne donnent pas à l'Etat un revenu
positif. Mais ils représentent une somme considérable et lui
épargnent des dépenses nécessaires qu'il devrait solder forcément
s'il ne les avait pas. D'ailleurs, il ne s'écoule pas un seul exercice
financier sans qu'on voit figurer au Budget, sous la rubrique des
recettes extraordinaires ou éventuelles, quelques revenus prove-
nant de ces Biens. C'est à ce titre que nous en parlons.
Les revenus de cette provenance se sont élevés de 1877 à 1887
à 5.824 contos, m. a. 582 contos. A ces revenus il faut ajouter
encore 1.442 contos d'intérêts des actions des chemins de fer de
Bahia et de Pernambuco que l'Etat possède. Le total s'élèvera
ainsi, pour les dix ans, à 7.267 contos, m. a. 726 contos.Ce second
total n'est pas encore complet. En effet, l'État perçoit, en outre,
des intérêts de capitaux nationaux, représentés non seulement
par des actions de la Compagnie « Pastoril e Industrial », mais
encore de prêts qu'il a faits, etc. Ces revenus ne figurent pas au
Budget sous des titres distincts. Ils sont mentionnés pêle-mêle
sous la rubrique : revenus extraordinaires, éventuels ou non
classés. Aussi ne pouvons-nous pas les distinguer ici non plus.
En additionnant les revenus des Biens meubles et immeubles,
nous obtenons pour la dernière période de dix ans, un total de
9.860 contos, soit une m. a. de 986 contos.
c. De certaines industries ou services industriels de l'État. —
Nous avons déjà fait connaître les services qui forment et ceux
qui ne forment pas un monopole de l'État. Il nous reste à en faire
connaître les revenus de 1877 à 1887 :
Parlons d'abord des revenus des industries qui forment un
monopole :
Hôtel de la Monnaie.. . 188 contos. m. a. 18 contos.
Postes 15.093 — — 1.509 —
Poudres 4.373 — — 437 —
Établissements d'ensei-
gnement supérieur.. 3.086 — — 308 —
324 LE BRÉSIL EN 1889.
Formant un total, avec les fractions que nous avons négligées,
de 22.73:2 contos pendant dix ans, m. a. 2.275 contos.
Les industries qui ne constituent pas un monopole de l'État
ont donne les revenus suivants pendant les dix dernières
années :
Ateliers nationaux l. . .. 608 conlos. m. a. Go contos.
Télégraphes 6.337 — — G33 —
Chemins de fer 117. 0G7 — — 11.706 —
Fabrique de fer 399 — — 39 —
Imprimerie nationale. . . 2.564 — — 25G —
Établissements d'ensei-
gnement secondaire et
professionnel2 611 — — Gl —
Formant un total (avec les fractions que nous avons négligées)
de 127.639 contos en dix ans, m. a. 12.763 contos.
Si nous réunissons les revenus des industries qui forment un
monopole à ceux des industries qui n'en forment pas un, nous
aurons un total de plus de 150.000 contos, et une m. a. de plus de
15.000 contos. Si nous y ajoutons les 9.860 contos provenant des
Biens meubles et immeubles, nous avons le revenu total de l'État
provenant du domaine fiscal de l'État, Il s'élève, de 1877 à 1887,
à 160.252 contos, m. a. 16.025 contos.
Or, ce revenu a été, pendant l'exercice financier de 1877-78,
de 16.773 contos. Non seulement il n'a pas augmenté depuis dix
ans, mais encore il a diminué de 748 contos. Cependant, comme
les recettes de l'Etat ont augmenté depuis dix ans, il est clair
que l'augmentation constatée n'est pas duc aux revenus du
Domaine Fiscal de l'État, mais bien à d'autres sources de reve-
nue, c'est-à-dire aux Impôts et au Crédit Public.
Nous avons mentionné également les Colonies et les Instituts
agricoles, de même que les Caisses d'Épargne, parmi les services
industriels de l'Etat. Leurs revenus ne figurent pas sous une
rubrique distincte dans le Budget brésilien.
Lorsque nous aurons à parler des Dépenses de l'État, nous
dirons quelques mots des Colonies. Pour le moment, bornons-
1. Ateliers des arsenaux, de la prison correctionnelle, lithographie mili-
taire, etc.
2. Collège [mpéria] de Dulu Pedro II, Institut des aveugles et sourds-
muets de llio-de-Janeiro, etc.
FINANCES. 325
nous à dire que les centres coloniaux relevant de VEtat ne lui four-
nissent aucune ressource financière. Ils ne sont que des moyens,
et des moyens puissants, de développer le progrès économique
du pays. La loi dispose que les revenus de chaque centre colonial
d'immigrants fondé par l'Etat se composent : 1° des sommes que
Le gouvernement fournit pour son entretien; 2° du produit des
lots de terres vendus aux immigrants; 3° des avances faites aux
immigrants, etc.. etc. Dans chaque centre colonial, il y a une
Chambre Coloniale (Junta) qui décide de l'application des revenus;
mais ceux-ci ne peuvent être employés qu'aux fins suivantes :
1° Construction, réparation, etc., des immeubles destinés au
culte, à l'instruction, à l'administration, aux routes et ponts; 2°
Ouverture de chemins coloniaux, construction de ponts provi-
soires et passerelles, arpentage des lots, maisonnettes provi-
soires, etc., secours et avances aux immigrants; 3° Acquisition
d'animaux de race, de plants, graines et semences, essais de
nouvelles cultures, etc.
Quant aux Caisses d'Epargne (Caixas Économicas), l'État s'en
occupe depuis plusieurs années, et il cherche à les développer de
plus en plus. Il a aussi établi des Monls-de-Piété (Montes de
Soccorro) dans les villes de Rio-de-Janeiro, Bahia et Récife, trois
en tout. Le public n'en a pas encore compris toute l'importance,
quoique le gouvernement ait tout fait pour améliorer cette insti-
tution.
En 1882, M. le baron de Paranapiacaba, vice-président actuel
du Tribunal du Trésor national, l'un des plus éminents financiers
de notre pays, a présenté un Rapport remarquable sur les Caisses
d'Epargne.
Les sommes nettes de ces établissements sont recueillies dans
les caisses de l'État ; elles y perçoivent un intérêt de 4 1/2 pour
100, sont capitalisées tous les six mois. Ces dépôts nets sont
appliqués aux dépenses publiques, de sorte que ces Caisses
fournissent une recette, quoique temporaire. Elles figurent dans
le Budget sous la rubrique : recette extraordinaire.
La somme totale des versements dans les Caisses d'Épargne, de
1876-77 à 1886-87, a été de 77.279 contos, et celui des rembourse-
ments a été de 63.293 contos pendant la même période, de sorte
que le solde en caisse a été de 13.975 contos.
Le mouvement des trois « Montes de Soccorro » a été, pen-
dant la même période décennale, de 1.206 contos à l'entrée, 1.143
contos à la sortie, laissant un solde en caisse de 61 contos.
32G LE BRESIL EN 18S9.
II. Impôts. — Nous ne nous occuperons ici que des impôts
perçus par VÉtal ou pour son compte, sans nous occuper des
impôts provinciaux et municipaux. Tout le système des impôts
généraux ou de l'Etat rentre dans l'une des trois catégories sui-
vantes : impôts sur la possession de la richesse foncière et sur la
production, dont les uns grèvent la propriété foncière et sa jouis-
sance, et dont les autres frappent les profits industriels et le
revenuou les revenus en général ; impôts sur la circulation, maté-
rielle ou immatérielle ; impôts sur la consommation. — Dans cette
classification, qui est analogue à celle adoptée par M. de Parieu
dans son Traité des Impôts, nous n'avons pas mentionné une
quatrième espèce d'impôts dont il parle : l'impôt sur les per-
sonnes ou impôt de capitation. En effet, nous n'avons pas au
Brésil, de contribution de ce genre, au moins avec un caractère
spécial et distinct.
En 18G7, alors que le Brésil était obligé de faire face aux dé-
penses extraordinaires de la guerre du Paraguay, on créa un
impôt personnel, qui rentrait jusqu'à un certain point dans la
catégorie des impôts de capitation graduée. Mais cette contribu-
tion se trouve abolie chez nous.
a. Impôts sur la richesse foncière et sur la production. — La
propriété foncière est soumise, on le sait, dans différents pays à
deux sortes de contributions bien distinctes : l'impôt sur la pro-
priété rurale ou sur les terres cultivées, et l'impôt sur la propriété
urbaine, en y comprenant les habitations de plaisance et d autres
immeubles analogues. C'est ainsi que Ton a en France l'impôt
foncier, en Italie l'impôt sur les terrains, en Angleterre la land-
tax, etc., appartenant à la première catégorie , et l'impôt de
portes et fenêtres, en France, l'impôt sui fabbricati en Italie, etc.,
appartenant à la seconde catégorie. — Le premier de ces impôts,
Y impôt territorial proprement dit, n'existe pas au Brésil. Il ne
s'écoulera pas longtemps sans doute sans qu'il soit adopté parmi
nous. Dès 1833, il a été étudié parmi nous, et il semble à la veille
d'être adopté. Quant à la seconde espèce d'impôt foncier, l'impôt
sur la propriété bâtie, frappant les immeubles situés dans une
certaine zone urbaine, nous l'avons depuis de longues années
chez nous. Autrefois, il y était connu sous le nom de décima
urbana. On l'appelle- maintenant imposto predial.
Si l'on parcourt les législations fiscales des grands États et si
Ton consulte les meilleurs auteurs, on arrive à cette conclusion:
FINANCES. 327
l'impôt prtdial&u Brésil est l'un des plus corrects et des plus
logiques. Il ne frappe que la valeur locatiue des immeubles, et si
Le gouvernement employait des moyens de contrôle plus sévères,
cet impôt pourrait rapporter sans doute un tiers de plus au Trésor.
La recette provenant de cet impôt s'est élevée, de 1877 à 1887,
à 33.429 contos, m. a. 3.342 conlos.
La seconde espèce de contributions de cette catégorie grève les
profits industriels, et prend chez nous le nom d'impôt sur les
industries et professions. Il ressemble assez à l'impôt des patentes
qui existe en France. Il date des temps coloniaux, quoiqu'il ait
pris diverses formes. Cet impôt se compose de taxes fixes et de
taxes proportionnelles.
Les taxes fixes ont pour base la nature et la classe des in-
dustries et professions, l'importance commerciale des endroits où
elles sont exercées, et aussi, lorsqu'il s'agit d'établissements
industriels, le nombre des ouvriers, l'importance des machines,
etc. Les taxes proportionnelles ont pour base la valeur locative
du local où l'imposé exerce son industrie ou sa profession. Quel-
ques industries et quelques professions sont soumises aux deux
taxes.
On perçoit encore au Brésil d'autres impôts d'une nature iden-
tique à l'impôt sur les industries et les professions. Ce sont :
l'impôt sur les subsides et appointements des fonctionnaires pu-
blics (ce n'est pas un impôt ordinaire) ; l'impôt sur les brevets
d'invention ; l'impôt sur les concessions minières, dont nous avons
parlé précédemment.
Nous n'avons pas au Brésil Y impôt sur le revenu, et, quand on
considère que le pays a besoin d'accumuler des capitaux suffi-
sants pour parfaire son outillage, on ne peut que louer les légis-
lateurs de n'avoir pas songé à cette source de recettes.
Pendant les dix années écoulées de 1877 à 1887, les divers
impôts dont nous venons de parler ont produit les recettes sui-
vantes :
Impôt sur les industries et professions . . 37.058 contos.
Impôt sur les subsides et appointements. 5.674 »
Impôt sur les brevets d'invention 15 »
Impôt sur les concessions minières 2 »
Formant un total, avec les fractions que nous avons négligées,
de près de 42.741 contos, soit une m. a. de 4.274 cantos.
32S LE BRÉSIL EN 1889.
b. Impôts sur la circulation. — Dans cette seconde catégorie
sont compris tous les impôts qui grèvent la richesse proprement
dite, non seulement dans sa circulation matérielle, quand elle
apparaît sous la forme de transports, trcmsmissions, etc., mais
aussi dans sa propre circulation immatérielle, lorsqu'elle ail'ecte
'la forme de transfert de droits, jouissance, usage, etc. Ces
impôts, qui existent aujourd'hui à peu près dans tous les pays
civilisés, sont : l'impôt du timbre, de la transmission des proprié-
tés, de transport, d'enregistrement, des douanes ; de même que les
taxes des Postes et Télégraphes, si on les considère comme impôts.
Nous les avons classées autrement, et nous en avons déjà
parlé.
L'impôt du timbre date des temps coloniaux ; il a déjà subi
plus d'une révision dans notre législation fiscale. Il se divise en
impôt fixe et en impôt proportionnel, et il s'applique présente-
ment à presque tous les papiers et documents qui doivent être
présentés à la justice et à l'administration publique. C'est un de
ceux qui donnent les plus beaux résultats. Pendant la période
de 1877 à 1887, il a produit 45.500 contos, soit la m. a. de
•4.500 cantos. Si on compare cette moyenne à celle de la recette
de l'exercice 1877-78, qui a produit 3.528 cantos seulement, on
remarque une plus value de 972 cantos.
L'impôt sur la transmission des propriétés a été établi au Brésil
en 1809. Il s'applique aussi bien à la transmission entre vifs qu'à
la transmission causa mortis, et il frappe, non seulement la valeur
des immeubles transférés, mais aussi les embarcations nationales
ou étrangères qu'on aliène. Son rendement décennal a été de
40.964 contos, avec une m. a. de 4.696 contos. Si on com-
pare cette moyenne au produit de l'exercice 1877-78, qui a
été de 4.471 contos, on remarque une petite augmentation de
225 contos.
S'il s'agit d'aliénation de biens du domaine utile de l'Etat, on
perçoit le droit dont nous avons parlé précédemment.
L'impôt sur le transport est de date plus récente ; il est perçu
en vertu d'une loi en date du 31 octobre 1879. A ses débuts, il
fut très mal accueilli. Il est payé par tous les voyageurs des che-
mins de fer subventionnés par l'Etat, de même que par tous les
passagers des bateaux à vapeur des Compagnies subventionnées
par l'État. Depuis 1879-80, cet impôt a produit 2.934 contos, soit
la m. a. de 293 contos.
Nous n'avons pas au Brésil un bureau spécial & Enregistre-
FINANCES. 329
ment comme il y en a dans quelques pays étrangers. Ce service
est fait parmi nous par des officiers publics divers ayant une
compétence relative et limitée, tels que les tabellions ou notaires,
les officiers de l'Enregistrement hypothécaire, les officiers de la
provedoria, etc., qui perçoivent à leur profit certaines taxes,
fixées par la loi, en rétribution de leurs services. Outre cela,
dans certaines administrations de l'État, il y a des fonctionnaires
chargés accidentellement d'enregistrer certains documents, aux-
quels il faut cette condition complémentaire pour en constater
l'authenticité. Comme ils perçoivent, en faveur du Trésor, une
taxe légale pour ces enregistrements ou pour ces copies cer-
tifiées conforme, on pourrait également y voir une espèce de
taxe d'enregistrement. Cette taxe a produit de 1877 à 1880
1.007 contos. Depuis 1880, elle est perçue comme taxe de timbre.
Les droits de douane sont classés en général au nombre des
impôts sur la consommation, car on a égard surtout au but final
des marchandises qui entrent dans un pays ou qui en sortent.
Mais, comme ces impôts frappent ces marchandises à leur
passage par les douanes, avant qu'elles soient arrivées sur le
marché, au moment où elles passent d'un pays à un autre, on
pourrait tout aussi logiquement les considérer comme des impôts
sur la circulation. Les droits sur l'exportation, surtout, consti-
tuent de véritables impôts sur la circulation des produits natio-
naux, à tel point que nos gouvernants cherchent à les atténuer
de plus en plus. Néanmoins, pour nous conformer à la classifi-
cation généralement adoptée, nous les rangeons au nombre des
impôts sur la consommation.
Le produit total des impôts de cette seconde catégorie a été,
de 1877 à 1887, de 95.906 contos, avec une m. a. de 9.590
contos.
c. Impôts sur la consommation. — Les impôts de consommation,
perçus par l'État, qui figurent dans le budget sous des rubriques
spéciales sont les suivants : l'impôt de 20 réis par litre, sur les
boissons alcooliques fabriquées dans le pays ; l'impôt sur le bétail,
perçu sur chaque tête de bétail abattu pour la consommation
dans la capitale, et qui est de 2.000 réis sur les bœufs, de 400 réis
sur les porcs, et de 200 réis sur les moutons ; l'impôt additionnel
de 40 pour 100 sur le tabac importé; l'impôt appelé des pennas
d'agua (concessions d'eau), que nous avons classé précédemment
paroles services industriels de l'État ; les impôts d'importation,
S30 LE r.RESIL EN 1880.
appelés droits de consommation, et les autres droits des douanes.
Nous n'avons presque rien à dire au sujet des trois premiers
impôts que nous venons d'énumérer. Celui sur les boissons
alcooliques ne ligure pas parmi les recettes de la période décen-
nale de 1877 à 1887 ; il a été créé postérieurement. Celui sur le
bétail a produit pendant la dernière période décennale 2.445
contos, soit la m. a. de 244 contos et demi. Celui sur le tabac fait
partie des revenus des douanes qui rencaissent.
Quant aux concessions d'eau, c'est une taxe obligatoire dans la
ville de Rio-de Janeiro. Envisagée comme impôt, elle semble être
une contribution directe qui frappe le propriétaire de l'immeuble
et qui en est exigée en récompense d'un service rendu. Elle n'en
opère pas moins comme un impôt sur la consommation, grevant,
d'ailleurs, une substance de première nécessité. On peut objecter
que cette taxe fait partie intégrante aujourd'hui de l'impôt sur
les immeubles (imposto predial) ; qu'elle est payée par le pro-
priétaire, et qu'il serait illogique, par conséquent, de la classer
au nombre des impôts sur la consommation Ce n'est là qu'une
fiction. En réalité, cette taxe est payée par le locataire, c'est-à-
dire par le consommateur, car le propriétaire a soin de relever
le prix du loyer en conséquence. Il s'agit donc bien d'un impôt
sur la consommation.
Passons aux droits d'importation. Sans entrer ici dans une
discussion oiseuse au sujet des avantages ou des inconvénients
du protectionnisme ou du libre-échange, disons tout d'abord
qu'au Brésil jamais aucun gouvernement n'a eu le propos déli-
béré d'adopter systématiquement l'une ou l'autre de ces mé-
thodes financières. Nos hommes d'État n'ont jamais eu en vue
que les intérêts fiscaux du pays, et la plupart du temps ils se sont
montrés libéraux et n'ont procédé à des réformes sur cette ma-
tière qu'avec les plus grands ménagements.
En 1808, alors que le Brésil faisait partie des domaines de
la couronne de Portugal, ses ports furent ouverts au commerce
étranger. On établit alors un droit d'importation de 24 pour 101)
sur la valeur de toutes les marchandises introduites dans le
pays. Le prince-régent Dom Jean (qui fut plus tard le roi Dom
Jean VI de Portugal) expliquait ainsi sa conduite : « Ma résolution
souveraine est basée sur un grand et libéral système d'économie
politique. »
En 1822, le Brésil devint indépendant. Néanmoins, ce droit
subsista, quoiqu'il fût diminué. Les choses continuèrent ainsi
FINANCES. 331
jusqu'en 1828. Cette année-là, on promulgua la loi du 24 sep-
tembre qui rendit uniformes les droits d'importation, les fixant
à 15 pour 100 à peine, pour toutes les marchandises de prove-
nance étrangère.
Depuis lors, nos tarifs de douane ont subi plusieurs révi-
sions, selon le développement industriel du pays, selon les cir-
constances financières et selon ses relations avec le commerce
extérieur. Le tarif en vigueur actuellement classe les marchan-
dises en 36 classes, qui comprennent 1.104 articles. Les droits
perçus sur la valeur de ces articles d'importation sont de 60, 50,
48, 30, 20, 10, 5 et 2 pour 100, selon leur espèce et leur qualité.
Si l'on compare ce tarifa celui d'autres grands États, et spécia-
lement à celui de la France, on constate que, le plus souvent,
c'est le tarif du Brésil qui est le plus libéral.
On peut aussi classer au nombre des droits d'importation
certaines autres taxes, telles que celles d'expediente des marchan-
dises exemptes de droits, des magasinage, de despacho mari-
time, comprenant les contributions des phares et des docks, etc.
Certains produits nationaux sont assujettis à des droits d'expor-
tation, et les douanes perçoivent sur leur valeur des droits de 9,
7, 5, 2 1/2, 1 1/2 et 1 0/0, selon le cas.
Le produit des impôts des douanes que nous venons d'énu-
mérer, pendant la dernière période décennale, se répartit comme
il suit :
Impôts d'Importation... 690.074 contos. m. a. 69.007 contos.
Impôts de Despacho mari-
timo 3.526 — — 352 —
Impôts d'Exportation... 175.058 — — 17.505
Formant, avec les fractions que nous avons omises, un total de
plus de 868.659 contos, soit la m. a. de près de 86.866 contos. Cette
moyenne forme plus de la moitié de toute la recette annuelle de
l'Etat. C'est, en effet, à ses impôts de douane, et surtout aux
impôts d'importation, que le Brésil demande la plus grande
partie de ses revenus ordinaires.
Si l'on compare cette moyenne de 86.866 contos au produit du
premier exercice financier de notre période décennale, c'est-à-
dire au produit de l'année 1877-78, qui a été de 73.343 contos, on
constate une plus-value de 13.522 contos. Si on compare cette
même moyenne de 86.866 contos au produit du dernier exercice
332 LE BRÉSIL EN 1889.
de notre période décennale, c'est-à-dire au produit de Tannée
1886-87, qui a été de 99.774 contos, on constate une moins-vaine
de 12.908 contos. Ces deux chiffres comparatifs font voir claire-
ment que cette source de recettes prend un essor admirable dans
le pays, et croit progressivement tous les ans.
Si l'on ajoute à ce total de 8G8.G59 contos, provenant des
impôts des douanes, le produit de l'impôt sur le bétail, qui a été
de 2.445 contos, on a un total de 871.105 contos, avec les fractions
omises. En récapitulant les recettes des trois catégories, nous
avons donc :
Impôts sur la richesse foncière et
sur la production 42.740 contos.
Impôts sur la circulation 95.906 —
Impôts sur la consommation 871.105 —
Formant, avec les fractions omises, un total de 1.009.752
contos, soit un change de 350 rets par franc, à peu près deux
milliards huit cent quatre-vingt-cinq millions de francs.
La moyenne de cette période décennale donne par an plus de
100.975 contos, soit la moyenne annuelle de 288.500.000 francs.
En additionnant avec cette somme celle des revenus du domaine
fiscal, dont nous avons parié précédemment, et qui est de 160.252
contos, nous avons un total de 1.169.004 contos pendant la période
décennale de 1877 à 1887, c'est-à-dire la m. a. de 116.900 contos
représentant la recette ordinaire du Brésil, telle qu'elle ressort
des budgets pendant les dix dernières années. Il faudrait encore
pour être complet, que nous citions comme faisant partie de la
recette ordinaire, la somme de 6.796 contos, montant de la dette
active, provenant d'impôts, perçue pendant cette môme période
de dix ans.
Comme nous aurons l'occasion de le constater tout à l'heure,
la recette générale de l'Etat a été et est encore bien supérieure à
ce total, à cause des contributions qu'on y ajoute sous le nom de
recettes extraordinaires, etc.
III. Crédit public. — Le crédit public ou crédit de l'État a
été utilisé au Brésil de plusieurs manières, et il comprend : 1° La
dette de l'État, comprise d'une manière restreinte et embrassant :
a Les emprunts au moyen d'obligations amortissables: b La dette
consolidée : c La dette flottante ; 2° d'autres moyens et opérations
FINANCES. 333
de crédit, tels que ceux-ci : a Émission de papier-monnaie parle
Trésor: b Dépôts faits dans les caisses du Trésor national, sous
divers titres (Caisse des orphelins, Caisse d'épargne, etc.)
a. Obligations amortissables. — L'emprunt au moyen d'obli-
gations amortissables consiste, on le sait, dans la vente de titres
de rente, émis à un certain taux, avec intérêts payés régulière-
ment, et rachetables dans un certain délai par achat ou par
tirages. La dette extérieure du Brésil, qui compte déjà 15 em-
prunts, tous émis sur la place de Londres, à partir de 1824, a
toujours adopté cette forme. Hâtons-nous d'ajouter que l'État a
toujours tenu ses engagements de la manière la plus scrupuleuse.
Aussi, non-seulement a-t-il gardé toujours son crédit intact
sur les grands marchés étrangers, mais aussi a-t-il pu négocier
ses emprunts dans des conditions toujours plus favorables.
Pendant les dix années que nous passons en revue, le Brésil
a émis trois emprunts à l'étranger. Ce sont :
L' Emprunt de 1883 : Capital réel 4.000.000 de livres ster-
ling ; capital nominal 4.599.600 livres sterling ; taux d'émission
89 pour 100 ; délai 38 ans ; taux d'intérêts 4 1/2 pour 100 ; taux
d'amortissement 1 pour 100, l'amortissement devant s'effectuer
par achat ou par tirages. Cette opération a été exécutée à un
moment difficile de notre vie financière par l'un des chefs les
plus éminents de notre parti libéral, M. le marquis de Paranaguâ,
alors ministre des finances.
Emprunt de 1886: Capital réel 6.000.000 de livres sterling ;
capital nominal 6.431.000 livres sterling ; taux d'émission
95 pour 100; taux d'intérêts 5 pour 100; taux d'amortissement
1 pour 100, l'amortissement devant s'effectuer dans les mêmes
conditions que le précédent. Cet emprunt a été négocié par
M. le conseiller F. Belisario Soares de Souza, ministre des finan-
ces du cabinet Cotegipe.
Emprunt de 1888: Capital réel 6.000.000 livres sterling;
capital nominal 6.297.300 livres sterling ; taux d'émission
97 pour 100 ; taux d'intérêts 4 1/2 pour 100 : taux d'amortisse-
ment 1 pour 100, l'amortissement devant s'effectuer dans les
mêmes conditions que précédemment. — Ce dernier emprunt,
dont les conditions ont été les plus avantageuses de toutes pour
le crédit public du Brésil, mérite d'attirer l'attention à un autre
point de vue. Le cabinet Joâo-Alfredo venait d'être organisé,
le 10 mars 1888. L'homme d'État éminent qui prenait le
334
LE BRÉSIL EN 1S89.
pouvoir annonçait dès le premier jour qu'il ferait immédiate-
ment L'abolition intégrale et inconditionnelle de l'esclavage.
Cette grande réforme économique était commentée dans tous les
sens par la presse nationale et étrangère. Les partisans du slalu quo
habitués à regarder le travail servile comme la base nécessaire de
la production agricole du pays, prophétisaient la ruine du Brésil,
et pré .'oyaient la banqueroute. C'est dans ces conditions que le
ministre des finances, M. Joâo-Alfredo, eut l'habileté de mener à
bonne fin lemeilleur emprunt extérieur que le Brésil ait jamais
fait.
L'abolition a été faite le 13 mai 1888, et les événements ont
démontré la sagesse de cette grande réforme, qui a été le com-
mencement d'une nouvelle ère de prospérité pour le pays (1).
L'état de la dette extérieure du Brésil était le suivant au 31 dé-
cembre 1887.
EMPRUNTS
CAPITAL
PRIMITIF
CAPITAL
AMORTI
CIRCULATION
nominale.
Réel.
Nominal.
Réel.
Nominal.
1S63 à racheter en
1865 —
1871 —
1875 —
1883 —
1886 —
1893.
1902.
1909.
1913.
1922.
1923.
Liv. slerl.
3. 300. 000
5.000.000
3.000.000
5.000.000
4.000.000
6.000.000
Liv. slerl.
3.85
6.963.600
3.459.600
5.: 01.200
4.590.000
6.431.000
Liv. sterl.
2.994.336
2.530.000
774.536
688.108
201.822
32.062
Liv. sterl.
3.340.000
2.536.000
803.700
717.100
229.700
32.100
Liv. sterl.
515.300
4.427.600
2.655.900
4.584.100
4.369.
6.398.900
26.300.600
30.610.300
7.226.864
7.658.600
22.951.700
Gettedette se trouve élevée présentement à près de 29.000.000
à cause de l'opération réalisée dans le courant de l'année 1888.
Yoici, d'autre part, l'état de la dette extérieure au 31 octobre
1878.
Capital primitif.
Réel : liv. st. 20.397.250. — Nominal : liv. st. 24.027.800.
Capital amorti
Réel: liv. st. 5.344.959. — Nominal: liv. st. 5.991.800.
Capital circulant {nominal.)
Liv. st. 18.036.000.
1. Voir à ce sujet les études publiées par M. de Santa-Anna Nery dans
Y Économiste français du 30 Juin 18S3 et du 12 Janvier 1889.
FINANCES. 335
b. Dette consolidée. — La dette intérieure consolidée de l'État
au Brésil consiste en titres de rente, amortissables et perpétuels.
Leur création remonte à 1827. Leur valeur en circulation en
monnaie brésilienne, était, au 31 mars 1888, de un peu plus de
437.306 contos, distribués de la manière suivante :
LOI DU 15 NOVEMBRE 1827.
Titres 6 pour 1 00 [convertis en 5 pour 100, en 1886).
Émission 339.675 contos.
Amortissement (voirie total).
Circulation actuelle 329.479 —
Titres 5 pour 100.
Émission 52. 158 contos.
Amortissement (voir le total).
Circulation actuelle 51 . 997 —
Titres 4 pour 100.
Émission 119.600 contos,
Amortissement (voir le total).
Circulation actuelle 119.600 —
En tout : 391.953 contos d'émission ; 10.357 d'amortissement ;
et 381.595 de circulation actuelle.
DÉCRET DU 15 SEPTEMRRE 1868.
Titres ou Apolices 6 pour 100.
Émission 30.000 contos.
Amortissement 10.161 —
Circulation actuelle 19 . 838 —
DÉCRET DU 19 JUILLET 1879.
Émission 51 . 885 contos.
Amortissement 16 . 012 —
Circulation actuelle 35 . 872 —
Le total complet donne :
Émission 473 . 838 contos.
Amortissement 36 . 531 4 —
Circulation actuelle 437 . 306 —
1. Y compris 5.519 contos provenant de la conversion des titres 6 pour 100
en 5 pour 100.
33G LE BRÉSIL EN 1889.
Le mouvement de cette dette était, au 31 octobre 1878, le
suivant :
LOI DU 13 NOVEMBRE 1827.
Titres ou Apolices 6 pour 100, 5 pour 100, 4 pour 100.
Émission 301 .328 contos.
Amortissement 3.833 —
Circulation 297 . 494 —
DÉCRET DU 25 SEPTEMBRE 1868.
Titres 6 pour 100.
Émission 30 . 000 contos.
Amortissement 3 . 925 —
Circulation 26.075 —
Formant en tout :
Émission 331 . 328 contos.
Amortissement 7.758 —
Circulation 327 .494 —
11 y avait donc en moins qu'au 31 mars 1888: 109.812 contos, soit
une moyenne annuelle de 10.781 contos.
La dette intérieure, établie en vertu de la loi de 1827, est en
titres perpétuels. Les emprunts réalisés en vertu des décrets de
1868 et de 1879, Font été en obligations amortissable^.
Les conditions principales de l'emprunt de 1868 ont été les
suivantes : émission au taux de 90 pour 100 ; intérêts de 6 pour
100 ; amortissement semestriel de 1 pour 100, le tout payable
en monnaie courante au pair, c'est-à-dire à raison de 27 d. pour
1.000 réis brésiliens. On établit l'annuité de 2.100 contos pour le
service de cet emprunt, qui devait être éteint en 33 ans. Cette
opération a été réalisée par feu le vicomte d'Itaborahy, alors mi-
nistre des finances, au moment où le Brésil se trouvait engagé
dans la guerre contre le Paraguay.
Le second emprunt, celui de 1879, a été fait au moyen d'une
émission dans le pays et à Tétranger. Les principales conditions
étaient les suivantes : émission à 96, 96 1/10, 96 1/5, 96 1/4,
961/2, 96 3/4, 96 5/8, 97, 98, 99 et 100 pour 100; intérêts
4 1/2 pour 100. Pour le payement des intérêts et de l'amortisse-
ment on établit une annuité de 3.976 contos, de manière à l'é-
teindre en vingt années. Cette opération a été effectuée avec une
FINANCES. 337
grande habileté, si l'on tient compte des circonstances du pays,
par M. le conseiller Affonso Gelso, aujourd'hui vicomte d'Ouro-
Preto, alors ministre des finances.
c. Dette flottante. — La dette flottante de l'État consistait en
billets du Trésor. Elle était au 31 mars 1888 de 31.351 contos.
Pendant l'exercice 1886-87 le taux de l'intérêt oscillait entre
5 et 5 1/2 pour 100, et les échéances entre 6 et 12 mois. Au 31 oc-
tobre 1878, cette dette s'élevait à 42.551 contos ; le taux de l'in-
térêt se maintenait entre 3 et 3 3/4, 4 et 4 1/2, 5 et 5 1/2 et
6 pour 100, et les échéances étaient de 2, 4, 6 et 12 mois. Elle
n'existe plus.
De l'ensemble de ces chiffres il est aisé de conclure que la
dette de l'État est relativement très peu considérable, si l'on
réfléchit aux nombreux éléments de fortune dont dispose ce grand
pays. On peut même dire hardiment que le gouvernement impé-
rial a devant lui une large marge dans le crédit public pour
réaliser de nouveaux emprunts qui lui permettent de donner un
essor plus merveilleux encore à la prospérité d'un pays qui
possède tant et de si abondantes ressources naturelles.
Autres moyens et opérations de crédit. — Sous cette dénomina-
tion nous parlerons de certains moyens financiers ou de certaines
institutions qu'on classifie différemment le plus souvent. Nous
avons eu de bonnes raisons pour en agir ainsi, comme on va le
voir.
a. D'abord, le papier-monnaie en circulation, émis directe-
ment par le Trésor, constitue un véritable emprunt dont est
Trappe tout le public. Les banknotes circulent avec promesse de
payement, quoique sans échéance déterminée. C'est donc une
opération de crédit.
On peut calculer le mouvement du papier-monnaie pendant
la dernière période décennale d'après les chiffres suivants, qui
donnent la circulation aux différentes époques :
31 Octobre 1878 181 . 279 contos.
31 Mars 1880 189.199 -
31 Mars 1885 187.343 —
31 Mars 1886 194.282 —
30 Avril 1888 188.861 —
9£
^38 LE BRÉSIL EN J 8
Ce dernier chiffre a subi des réductions sensibles depuis lors,
et, depuis le mois de septembre 1888, la valeur du papier-mon-
naie a dép issé le pair et le papier fait prime sur l'or.
A. Les caisses d'épargne, le Monte-Pio et autres Caisses de
dépôts à la charge de l'Etat sont des institutions créées et entre-
tenues dans un but social élevé. Sans aucun doute elles ne sont
à lui procurer d*^ ressources financières propre-
ment dites. Mais il n'en est pas inoins vrai que le produit des
dépôts figure, quoique d'une manière temporaire, au nombre -des
recettes de l'Etat, et, en deiinitive, les Caisses de l'Etat qui re-
cueillent ces dépôts fonctionnent comme autant d'institutions de
crédit, et l'Etat lc^ applique à solder l\i>± dépenses publiques,
quoiqu'il soit tenu de les restituer. Mais cette dernière circons-
tance ne change rien aTaffaire, car il est de l'essence de toute
dette qu'elle soit soldée à un moment donné.
Le chiffre de la recette totale des dépôts publics de toute
provenance a été pendant la dernière période décennale de
175.604 a c une m. a. de 17.5GO conlos. Le chiffre total
delà dépensea été pendant la même période de 155.00,'] conlos,
avec une m. a. de 15.500 conlos. La différence en faveur de la
recette donne un moyenne annuelle de 2.0G0 conlos.
Les différentes sommes de la recette publique que nous
venons d'énumérer, sous les titres généraux de domaine public
fiscal, d'impôts et de crédit public, ne sont pas les seules qui
contribuent à former la somme totale du budget de l'Empire. Il
y en a d'autres qui, tout en ne figurant pas dans le budget sous.
des titres spéciaux, ont parfois une certaine importance. Si on
les examinait de près, chacune d'elles rentrerait dans l'une des
brods catégories dont nous venons déparier. Mais, à cause de
leur incertitude, de leur valeur restreinte ou de certaines con-
venances de comptabilité, selon le cas, elles sont mentionnées
généralement sous les titres de revenu extraordinaire, évenlucl,
non classé, qu'on lit constamment dans nos budgets. On y trouve
également un chapitre comprenant la Recette spéciale, embras-
sant certains impôts ou certains dons. Le produit de cette
recette était appliqué jusqu'en 1888 à l'affranchissement des
esclaves qui existaient encore ou à la colonisation du pays.
\m urd'hui, elle n'est plus appliquée qu'aux besoins de l'immi-
FINANCES. 339
En tenant compte de toutes ces sources de revenus, nous
trouvons que la Recette générale de l'État a été, pendant les dix
années écoulées de 1877-78 à 1886-87, de 1.496.921 contos, don-
nant une m. a. de 1-49.692 contosi. Cette moyenne est supérieure
de 29.059 contos à la recette do la première année de notre pé-
riode décennale, c'est-à-dire à celle de 1877-78, qui n'a produit
que 120.632 contos. Elle accuse donc une progression de 24,8
pour 100.
Remarquons encore que nous avons omis de parler des re-
cettes provinciales et des recettes municipales. Les premières dé-
passent 30.000 contos, et les secondes sont de 10.000 contos à peu
près.
On peut donc dire que toute la recette publique nationale s'élève
au Brésil à près de 200.000 contos en monnaie du pays, soit à
plus de cinq cents soixante-un millions de francs, au change de
350 réis par franc.
II. Les dépenses de l'État. — Les recettes dont nous
venons de parler servent à solder les dépenses qui incombent à
l'État. Nous avons au Brésil sept départements ministériels entre
lesquels se distribuent les dépenses auxquelles l'État doit satis-
faire. Yoici les sommes totales dépensées par chacun de ces dépar-
tements ministériels pendant les dix années écoulées de 1877
à 1887 :
Ministère de V Intérieur (Imperio.)
Total : 155.597 contos; m. a. 15.559 contos.
Ministère de la Justice.
Total : 67.258 contos; m. a. 6.725 contos.
Ministère des Affaires Étrangères,
Total : 8.864 contos ; m. a. 886 contos.
Ministère de la Marine.
Total : 125.384 contos; m. a. 12.538 contos.
Ministère de la Guerre.
Total : 154.941 contos; m. a. 15.494 contos.
1. Il est vrai de dire que cette moyenne se trouve un peu augmentée,
car les chiffres de l'exercice financier 1886-87 comprennent le rendement
de trois semestres. En effet, depuis lors, l'année financière coïncide avec
Tannée civile.
310 LE BRÉSIL EN 18S9.
Ministère de î 'Agriculture , Commerce et Travaux Publics.
Total : 444.559 conlos; m. a. 44.455 contos.
Ministère des Finances.
Tolal : 777.709 contos; m. a. 77.770 4 contos.
Toutes ces dépenses réunies forment un tolal décennal de
1,734,313 contos, en y comprenant les fractions omises, et donnent
une m. a. pour la dépense publique de 173.431 contos 2. Or, comme
la moyenne annuelle de la recette générale est de 149. G94 contos,
comme nous venons de le voir, il s'en suit que la dépense a
excédé la recette de 23.739 contos. — La somme totale de la
dépense de l'État pendant la période décennale antérieure, c'est-
à-dire de 18G7-G8 à 1876-77, n'avait été que de 1.344.554 contos,
avec une m. a. de 134.455 conlos. Elle était donc inférieure à
celle de la période décennale suivante de 38.975 contos ou de
28,3 pour 100.
La marche ascendante des dépenses publiques dans tous les
grands États du monde, est un fait caractéristique qui semble
suivre le développement de la richesse et de la civilisation géné-
rales. Si ce fait s'explique chez la plupart des nations, il est tout
naturel dans un pays tel que le Brésil. Pays jeune, né d'hier à la
vie civilisée, disposant d'un territoire immense qui a besoin
d'être mis en valeur, manquant encore d'un outillage intellectuel
et matériel normal, le Brésil est obligé de supporter des dépenses
exceptionnelles pour grandir et prendre sa place dans le monde.
Si, d'un côté, il doit dépenser beaucoup, du moins ses dépenses
sont-elles reproductives, et n'est-il pas obligé d'engloutir l'argent
qu'on lui prête dans des armements ruineux, comme il arrive en
Europe. Pendant de longues années encore, il ne pourra pas
restreindre ses dépenses sans sacrifier ses intérêts réels dans le
présent et dans l'avenir et sans retarder d'une manière désas-
treuse les améliorations dont il a besoin. Mais, tout ceux qui
suivent de près son développement économique peuvent cons-
tater qu'il est toujours prudent dans l'emploi des ressources que
lui fournissent les contribuables aussi bien que les prêteurs
étrangers.
1 . Dans ce chiffre sont compris les dépôts faits dans les Caisses de l'État.
2. Cette moyenne se trouve un peu augmentée, car l'exercice financier
1886-87 comprend la dépense de trois semestres.
FINANCES. 341
Nous ne voulons pas entrer ici dans l'examen détaillé de
l'emploi de ces ressources. La lecture de notre dernière partie
suffira, espérons-le, à montrer quel est l'état actuel de nos
finances, qui subissent en ce moment-ci le contre-coup de la
prospérité générale qu'on remarque dans tout le pays.
III. L.a situation financière actuelle. — Après le
vote de la loi du 13 mai 1888 qui a aboli les derniers vestiges
de l'esclavage au Brésil, on a constaté dans tout le pays un
réveil général. L'esprit d'initiative et de progrès y a pris un
nouvel essor, et le gouvernement a su seconder admirablement
ce réveil au moyen de mesures sages et libérales. Au point de
vue économique, aussi bien qu'au point de vue politique et
social, on a pu dire avec raison qu'une nouvelle vie a commencé
pour le pays. L'analyse du budget pour l'année 1889 va nous
fournir un argument de plus en faveur de cet essor si remar-
quable à tous les points de vue.
Au mois de mai 1888, le ministre des finances, M. le conseiller
Joâo-Alfredo, évaluait la recette pour l'exercice 1889 à
148.000 contos. Après l'examen de la Commission du budget, et
après de nouvelles autorisations financières, la loi budgétaire,
portant la date du 24 novembre 1888, estimait la recette pour
l'exercice 1889 à 147.200 contos. On a toute raison de croire
que le résultat de l'exercice produira une recette encore supé-
rieure. Néanmoins, nous ne retiendrons pour le moment que le
chiffre de 140.000 contos présenté par le ministre des finances.
Cette recette doit être fournie d'après lui par les sources sui-
vantes :
Impôts: 120.200 contos, soit 85,8 pour 100 de la recette totale,
dont 100.600 contos ou 71,8 pour 100 fournis par les impôts ou
droits des douanes, et 19.000 contos ou 14 pour 100 fournis par
d'autres impôts intérieurs, y compris le recouvrement de la dette
active.
^ Domaine fiscal, en y comprenant les services industriels de
VÈlat : 17. 900 contos.
Revenu extraordinaire : 1.900 contos.
Ces deux derniers chapitres fournissent donc 14,2 pour 100 à
peine de la recette totale. Les trois chapitres réunis donnent la
recette prévue de 140.000 contos.
Mais la proposition ministérielle elle-même comprenait
encore, sous le nom de recette spéciale, une somme de 6.210
3 12 LE BRÉSIL EN 1889.
contas, de sorte qu'elle n'était guère Loin de la recette définitive
il.- 1 17.200 contos, qui a été votée par Les Chambres.
D'un autre côté, la loi budgétaire a voté, pour 1889, une
dépense de 153.118 eéwfos, répartie comme suit entre les divers
ministères :
Ministère des Finances 02.193 contos, soit 08,3 pour 100.
— de l'Agriculture. .. . 46.873 — soit 44,1
— de la Guerrrc 15.031 — soit 11,0
— de la Marine 11.313 — soit 7,9 —
— de l'intérieur 0.228 — soit 6*4 —
— delà Justice 7.680 — soit 5,2 —
— Aiï'aires Étrangères. 771 — soit 0,5 —
Nous avons négligé les fractions.
Cette dépense se répartit d'une manière plus détaillée comme
suit :
Administration centrale supérieure, comprenant l'Empereur
et la famille impériale, le secrétariat d'Etat des affaires de l'in-
térieur, le conseil d'État, les deux Chambres, les présidents des
20 provinces : 2,550 contos, soit 16 pour 100 de la dépense totale.
Dette publique, comprenant la dépense de la dette conso-
lidée et de la dette flottante, de diverses origines, la différence
du change pour le payement de la dette extérieure : 47.769
contos, soit -45,3 pour 100.
Administration des finances, comprenant le Trésor National
et 1rs administrations de l'État chargées de la perception des
impôts : 9.539 contos, soit 6,6 pour 100.
Force armée, en y comprenant les deux ministères de la
marine et de la guerre : 26.345 contos, soit 19,6 pour 100.
Culte public, y compris la dépense faite avec l'instruction
ecclésiastique : 879 contos, soit 0,5 pour 100.
Instruction publique, en y comprenant renseignement supé-
rieur dans tout le Brésil, sans excepter l'enseignement des beaux-
arts et renseignement primaire, secondaire et professionnel dans
la capitale de L'Empire, mais n'y comptant pas l'enseignement
primaire et secondaire dans les provinces, car il est supporté par
Le budget de chaque province : 3.027 contos, soit 2,01 pour 100.
Hygiène publique, y compris le service de la santé des ports,
les hospices et hôpitaux et l'assistance publique : 597 contos, soit
0,4 pour 100.
FINANCES. 343
Nettoyage, voirie et embellissements de la ville de Rio-de-
Janeiro, y compris les jardins et autres dépenses d'utilité géné-
rale ou d'agrément, telles que les égouts, l'illumination, les
musée?, bibliothèques, archives, l'observatoire astronomique, le
corps des pompiers : 4.464 contos, soit 3 pour 100.
Services industriels de l'État, en y comprenant seulement
ceux qui figurent au budget sous des rubriques distinctes, tels
que les ce Biens Nationaux », l'Administration des Diamants, la
Monnaie, l'Imprimerie Nationale, l'Institut agricole de Rio-de-
Janeiro, la fabrique de fer d'Ypanema, les Postes (2,986 contos),
les Télégraphes (2.468 contos), l'approvisionnement d'eau potable
de la ville de Rio-de-Janeiro : 7.247 contos, soit 4,1 pour 100.
Les chemins de fer de l'État, y compris les crédits votés
comme autorisation (11.520 contos), les crédits spéciaux (16.661
contos), les garanties d'intérêts selon l'estimation budgétaire
(8.221 contos), les garanties d'intérêts sur crédits spéciaux
(2.035 contos) : en tout, plus de 38.438 contos, soit 31 pour 100.
Terres publiques, immigration étrangère et colonisation na-
tionale, y compris tous les services qui en dépendent : 10.000
contos, soit 7 pour 100.
Autres subsides directs aux industries, y compris les subven-
tions aux lignes de navigation à vapeur (2.736 contos), les garan-
ties d'intérêts aux Usines centrales de sucre (500 contos), cer-
taines faveurs accordées à l'agriculture et à l'enseignement
agricole (662 contos), mais sans mentionner les crédits et les
autorisations des dépenses pour les ports de mer et les cours
d'eau navigables : 3.898 contos, soit 2,6 pour 100.
Ces chiffres spéciaux et distincts permettront sans doute au
lecteur d'apprécier assez exactement l'emploi actuel des revenus
publics de l'État au Brésil. Il suffit de les parcourir pour qu'on
voie tout de suite la préoccupation constante du gouvernement
pour développer autant que possible tous les éléments de richesse
matérielle du pays, base solide et indispensable de sa grandeur
morale.
Dans l'énumération que nous venons de faire, nous avons
omis les chemins de fer. D'après le rapport présenté au mois de
mai 1888 par M. Rodrigo A. da Silva, ministre de l'agriculture,
du commerce et des travaux publics, il y avait au 31 décembre
1887, 62 voies ferrées en exploitation, ayant ensemble une étendue
de 8.486 kilomètres. De ces 62 chemins de fer, 9 appartiennent à
l'État, 32 reçoivent une garantie d'intérêts ou une subvention
344 LE BRÉSIL EN 1SS9.
kilométrique soif de l'État, soil des administrations provinciales,
~l\ n'onl ni garantie d'intérêts ni subvention, et 7 sont urbains ou
suburbains. Le nombre des lignes de voie ferrée qui sont en
construction, qui sont étudiées ou qui sont en projet d'une ma-
nière sérieuse est bien supérieur. Plusieurs de ces lignes qui
seront ouvertes au trafic à l'heure où paraîtront ces lignes,
jouissent d'une garantie d'intérêts de 6 pour 100 et même davan-
ou d'une subvention kilométrique, soit de l'État soit des
provinces. Nous avons vu que la dépense autorisée pour tout ce
service, pendant Tannée 1889, s'élève à 38.438 contos, soit
35 pour 100 de la recette générale du même exercice.
En additionnant cette dépense à celle des autres subsides di-
rects des industries et à celle consacrée à l'immigration, nous
aurons en tout 51.336 contos affectés spécialement au développe-
ment économique et industriel du pays, c'est-à-dire plus d'un
tiers de toute la recette calculée pour l'exercice 1889. En effet, les
chemins de fer et l'immigration européenne forment la base des
autres améliorations industrielles dont le gouvernement impérial
est fermement résolu à doter le pays. Pour s'en convaincre, il
suffit de rappeler ici que dans la loi budgétaire de l'exercice
1889, il y a plus de vingt-cinq nouvelles autorisations pour des
garanties d'intérêts et pour d'autres faveurs à accorder, soit à
des lignes nouvelles, soit au prolongement des lignes existantes,
soit à des embranchement de ces lignes. Il n'est que justice d'at-
tribuer la plupart de ces grandes mesures de progrès à M. le con-
seiller Antonio da Silva-Prado, ministre de l'agriculture du
cabinet Joâo-Alfredo.
D'un autre côté, on a élargi les crédits destinés à l'immigra-
tion européenne, à la démarcation et à la concession des terres
de l'État. Le nombre des centres coloniaux fondés par l'État
dépasse 50, et celui des centres coloniaux entretenus aux frais des
provinces est encore plus grand peut-être. Tandis que pendant
la dernière période décennale, de 1878 à 1887, le nombre des
immigrants entrés au Brésil était, en moyenne, de 27.221 par an,
en 1888 les deux seuls ports de Rio-de-Janeiro et de Santos ont
reçu 132.000 immigrants de toute provenance. En 1889, le nom-
lire des immigrants atteindra un chiffre encore plus considérable
sans doute, et le gouvernement a déjà signé des contrats ou
accordé des faveurs spéciales pour l'introduction de 600.000 im-
migrants d'Europe.
Au point de vue financier, l'administration du cabinet Joâo-
FINANCES. 345
Alfredo a donné les résultats les plus satisfaisants, soit en prenant
des mesures de précaution pour éviter une crise à la suite de
l'abolition de l'esclavage, soit en améliorant notre système d'im-
pôts, soit en donnant une nouvelle impulsion à toutes les branches
de l'activité nationale. Sans doute la substitution du travail libre
au travail servile a amené une crise partielle dans la production.
Mais il n'en est pas moins vrai que la recette de l'État a eu une
plus-value remarquable, et que notre marché monétaire et finan-
cier (titres de la dette publique, actions et obligations des Com-
pagnies, traites, etc.), présente une animation de bon augure.
Au point de vue monétaire, nous assistons même à un fait carac-
téristique : après l'abolition de l'esclavage et après les premières
mesures financières du gouvernement actuel, le change extérieur
s'est tenu dans les environs du pair (27 deniers pour 1,000 réisj;
dès septembre 1888, le papier-monnaie a fait prime, et cette
situation se maintient depuis lors.
La nouvelle loi sur les Banques d'Émission à base métallique
ou sur dépôt de titres de la dette publique créées sur le modèle
des banques nationales des États-Unis, contribuera encore,
surtout si l'on y apporte des modifications de détail, à rendre la
situation de notre marché plus favorable, et déjà on cherche à
l'appliquer dans diverses provinces.
De cet ensemble de faits on peut conclure que la situation éco-
nomique et financière du Brésil, présente à l'heure qu'il est,
l'aspect le plus flatteur, et que les capitaux étrangers peuvent y
trouver un placement aussi sûr que rémunérateur.
CHAPITRE XII
BANQUES ET INSTITUTIONS I>E CRÉDIT
Par M. LUIZ RODRIGUES D'OLIVEIRA1
Des vingt provinces qui composent l'empire, huit seulement
possèdent des banques. Ce sont : Minas-Geraes, San-Paulo, Rio-
Grande-du-Sud, Bahia, Pernambuco, Para et Maranhao, sans
parler du Municipe Neutre, Rio-de-Janeiro, la capitale de l'Empire.
Dans les autres provinces il n'y a que les agences du Trésor qui
rendent quelques services du ressort des maisons de banque.
Quant aux autres institutions de crédit du Brésil, il n'y a guère à
citer que les Caisses d'épargne et quelques maisons de commerce
faisant les affaires de banque. La majeure partie des affaires du
pays sont liquidées à Rio-de-Janeiro, qui dessert les provinces
les plus prospères et les plus peuplées de l'empire.
Nous annexons à notre travail un tableau où se trouvent résu-
mées les données principales concernant les banques établies sur
cette place, ainsi que dans les provinces de San-Paulo et de
Minas-Geraes. L'ensemble de leurs affaires représente d'une
manière très rapprochée les quatre cinquièmes du négoce de
banque de tout le pays.
Afin que ce travail puisse présenter quelque attrait pour les
économistes, les banquiers et les hommes d'affaire en général, il
nous a semblé intéressant de mentionner ici quelques faits écono-
1. Ancien vice-président de la chambre syndicale des négociants-commis-
sionnaires de Paris, membre-correspondant de l'Institut historique et géo-
graphique de Rio-de-Janeiro, membre-fondateur de la Société de géographie
commerciale de Paris.
31S Lï BRÉSIL EN 1SS0.
miques qui leur permettront de juger du développement du pays
et pourront même les engager à entamer des affaires plus
suivies avec le Brésil.
Tout d'abord disons deux mots sur le système monétaire du
payS : _ 11 :i pour base la loi n° 401 du 11 septembre 1846, le
décrel u° 487 du 28 novembre 1846, le décret n° 2008 du 24 octo-
bre 1857, la loi du n° 1507 du 26 sftptembre 1867, la circulaire
ministérielle n° 468 du 28 décembre 18G7. De cet ensemble de
dispositions il résulte que l'étalon monétaire est basé sur l'or
de ±2 carats de fin. Le poids d'une oitava (octave) d'or (3 gr. 586]
équivaut à 4 milréis. Le milréis (1.000 réis) est notre unité moné-
taire pour les petites sommes; pour les grosses sommes nous
avons une unité mille fois supérieure, le con/n de réis (1.000.000
réis . k la suite de la guerre du Paraguay (1865-1870), les mon-
naies d'or ont presque entièrement disparu de la circulation.
Aujourd'hui, notre circulation monétaire se compose de 204.277
conlos en papier monnaie, ainsi divisés : Billets au parleur et à
vue émis par le Trésor Public... 190.660 contos; Billets émis par
la Banque du Brésil et ses succursales... 13.617 contos, formant un
total de 204.277 contos. Tous ces billets ont actuellement cours
forer.
Le Parlement et le gouverment se préoccupent de rétablir la
convertibilité de la monnaie fiduciaire. La discussion d'un projet
de loi sur les banques d'émission1 peut être considérée comme
1. Depuis que notre collaborateur, M. L.-R. d'Oliveira, nous a envoyé
son travail, le projet de loi sur les banques d'émission, présenté et soutenu
par trois sénateurs libéraux, MM. le vicomte d'Ouro-Preto, le vicomte de
Cruzeiro et le conseiller L. Rodrigues-Pereira, est devenu la loi n° 3.403 du
24 novembre 1888. Voici les principales dispositions de cette loi :
Article premier. — Pourront émettre des billets au porteur et à vue,
convertissants en monnaie courante de l'empire, moyennant autorisation
préalable du pouvoir exécutif, les sociétés anonymes qui auront en vue de l'aire
des opérations de banque et qui, pour garantir le payement de ces billets,
déposeront dans la caisse d'amortissement une valeur suffisante en titres de
la dette intérieure. Ces sociétés désignées dans l'article 2 de la présente loi,
pourront se livrer à ces opérations en observant les dispositions suivantes :
§ 1er. L'émission de billets ne sera permise que pour une somme t
celle de la valeur nominale des titres déposés; 1° le montant des titres dépo-
sés ne pourra dépasser les deux tiers du capital réalisé ; 2° l'autorisation
d'émettre des billets ne sera concédée qu'aux sociétés anonymes dont le fonds
social souscrit ne sera pas inférieur à cinq mille contos dans la capitale de
L'Empire, à deux mille contos dans les chefs-lieux des autres provinces et à
mille contos dans les municipes. Quel que soit, cependant, le fonds social
souscrit de chaque société, le montant des titres qu'elle déposera ne dépas-
sera pas la valeur de vingtmille contos; 3° le montant des titres déposés par
t mtes les sociétés ne dépassera en aucun cas le maximum de deux cent
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CREDIT. 349
achevée, et le but en est le retrait du papier-monnaie de l'État et
son remplacement par des billets de banque convertibles en or.
Le pays ayant prospéré à. tel point que le papier-monnaie se change
au pair contre de l'or et arrive même a faire prime, l'opération de
la conversion ne parait pas devoir rencontrer des difficultés trop
grandes.
En ce moment, les traites sont cotées comme suit :
Sur Londres — à 90 jours de vue pour 1000 réis : 27 deniers
sterling.
Sur Paris — à 90 jours de vue pour 1 franc : 350 réis.
Sur Hambourg — à 90 jours de vue pour 1 reichsmark : 436
réis.
Sur Y Italie — à 3 jours de vue pour 1 lire : 353 réis.
Sur le Portugal — à 3 jours de vue : 200 0/0.
Sur New-York — à vue pour 1 dollar : 1.860 réis.
La conversion du papier-monnaie se trouve facilitée par
l'abolition complète de l'esclavage, proclamée le 13 mai 1888.
L'abolition a fait rentrer dans l'activité des échanges près de
mille contos. Une fois ce maximum atteint, le gouvernement n'accordera
plus de nouvelles autorisations, sauf pour les sommes correspondantes aux
autorisations antérieures qui auront été assemblées par la liquidation des
sociétés respectives et seulement après le rachat des billets qu'elles auront
émis; 4° les billets émis conformément aux dispositions de la présente loi
seront reçus et auront cours dans les administrations publiques de l'État, des
province? et des municipes, excepté pour le paiement des droits d'importa-
tion et pour celui des intérêts de la dette extérieure fondée, qui seront payés
en monnaie courante. Les sociétés ayant fait des émissions seront obligées
de recevoir les billets des autres sociétés sous peine de liquidation forcée ;
5° les porteurs de billets auront un privilège pour leur payement, à l'exclusion
•de tous les autres créanciers, sur les titres déposés et sur 20 p. 100 en monnaie
courante que les sociétés seront obligées de conserver en caisse, conformé-
ment au § II, n° 1 de cet article. Le refus de payer à vue et en monnaie
courante les billets donne droit au porteur de protester contre le non-paye-
ment pardevant l'officier chargé du protêt des traites de l'endroit et servira de
base légale pour l'ordre de la liquidation forcée de la société ; 6° les billets
pour l'émission sont fournis par la caisse d'amortissement, aux frais de la
société intéressée (sur les indications relatives à leur forme, etc.). Ils auront
une valeur de 10.000, 20.000, 30.000, 50.000, 100.000 et 500.000 réis.
D'après d'autres articles, l'émission des sociétés ayant leur siège à Rio-
de-Janeiro ne devra pas dépasser cent mille contos, et aux sociétés qui s'éta-
bliront dans les provinces et les municipes il pourra être permis d'émettre
une somme égale en la répartissant entre toutes les sociétés. Le gouverne-
ment est autorisé à émettre au pair des titres (apolices) de la valeur nomi-
nale de 1 conto à 4 1/2 p. 100 pour le dépôt dont parle l'article premier. La
moitié du prix de ces titres servira au rachat des titres 5 p. 100 de l'État, et
l'autre moitié à la suppression du papier-monnaie. Le gouvernement peut
traiter, avec l'une des sociétés qui s'organisent en vertu de la présente loit
par le rachat du papier-monnaie.
350 LE BRÉSIL KM 1S89.
700.000 affranchis, et couséquemment elle a augmenté la
recherche de papier-monnaie en circulation, que l'on considère
comme insuffisant depuis quelque temps déjà. La conversion est
également facilitée par L'introduction d'immigrants. L'immigra-
tion de calons européens au Brésil est régulièrement établie à
l'heure qu'il est. Deux cents mille s'y sont fixés pendant les deux
dernières années, et le gouvernement prend des mesures pour en
introduire cinq cent mille dans le courant des cinq années qui
vont suivre. Le dernier recensement de la population de l'empire
a été fait en 1872, et, bien que très-incomplet, il a donné le chiffre
de 10 millions d'habitants. Si nous admettons une augmentation
annuelle de 3 pour 100, cette population s'élèverait aujourd'hui
à 10 millions. En comparant ce chiffre à celui de la circulation
fiduciaire (204.277 contos), il en résulte, comme chiffre de la
quantité de numéraire par tête, le chiffre de 12.767 réis,
soit au change actuel de 351 réis par franc : $6 fr. 37 c.
La valeur de l'exportation des produits du pays dépasse la
valeur d-es marchandises importées de l'étranger; mais le pays a
une dette extérieure provenant d'emprunts de l'État ou de compa-
gnies (compagnies de chemins de fer et autres), et quelques-unes
de ces compagnies sont entre les mains de capitalistes étran-
gers. De là la nécessité pour nous d'envoyer en Europe des inté-
rêts et des revenus, ce qui provoque dans le taux du change des
oscillations parfois violentes.
Le Brésil possède de très grands capitaux immobilisés dans
l'agriculture, mais il manque de fonds de roulement. En se repor-
tant au tableau que nous donnons plus loin et qui est un extrait
des bilans de 19 banques établies à Rio-de-Janciro et dans les
provinces de San-Paulo et de Minas-Gcraes, on voit que leur
capital versé s'élève à 1 01 .884.380.004 réis, et que leurs
réserves montent à j 9 .548 .449 .55 8 réis; ensemble :
121.432. 829. 562réis, soit, à330 réis par franc : 345.962.477
francs. — Au même taux, le montant des dépôts (132.471.494.365
réis) s'élève à 377.41 1 .664 francs.
Faisant la somme du capital versé, des réserves et des dépôts,
nous arrivons au chiffre de : 7 23.374.141 francs, qui repré-
sente sensiblement les quatre cinquièmes du fonds de roulement
du pays.
Le manque de fonds de roulement fait que le taux de l'es-
compte et des prêts est élevé. A Bio-dc-Janciro, le taux est assez
régulièrement de 8 à 10 pour 100. Dans les provinces où il y a des
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CREDIT. 351
banques, le taux varie de 10 à 12 0/0. Dans les provinces dépour-
vues de banques, le- (aux monte de 12 à 18 0/0.
La dette de l'Empire, intérieure et extérieure, y compris le
papier-monnaie, s'élève en chiffres ronds à : 1.164.000 contos de
réis, soîl environ 72.750 réis ou 207 fr. 26 par tète d'habitant, en
prenant le chiffre de 16 millions pour la population.
Le service d'intérêts et d'amortissement de la dette est évalué
à 41 .100 contos de réis. En nous reportant à la rédaction finale du
budget pour l'année financière de 1889, nous trouvons que les
recettes sont évaluées à 147.200 contos de réis et les dépenses à
173.315 contos, en chiffres ronds. Il y a donc un déficit de 26.115
contos, que le ministre espère combler sans imposer de nouvelles
charges aux contribuables. Il convient d'ajouter que ce déficit
provient de dépenses extraordinaires, dont le montant est compris
dans/le chiffre de il 3 .Si 5 contos de réis et qui ont été votées pour
donner un grand développement aux voies de communication rapide,
à la colonisation nationale et étrangère et à V immigration.
Après ces considérations générales, nous allons entrer dans le
vif de notre sujet et passer en revue les différentes banques et
institutions de crédit, sans rien dire des caisses d'épargne, qui
ne sont à proprement parler que des dépôts où l'Etat puise pour
faire face à sa dette flottante.
I. Rio - de - Janeiro . — Banco- do- Brazil. — Sous le
nom de Banco -do- Brazil , trois banques ont successivement
fonctionné à Rio -de -Janeiro. La première ne servit qu'aux
affaines du gouvernement du roi Dom Joâo VI et finit après
quelques années d'existence. La deuxième fut fondée par le
vicomte de Mauâ, l'homme qui a le plus contribué au progrès
économique du pays, et fonctionna, comme banque de dé-
pôts et d'escompte, de 1852 à 1854, distribuant à ses action-
naires de beaux dividendes et atteignant un chiffre d'affaires de
trois cent mille contos de réis. Ases côtés prospérait le premier
établissement de banque fondé au Brésil au profit du commerce,
la banque dite « Banco commercial do Rio-de-Janeiro », création
de François Ignace Ratton, en 1838. Mettant à profit la loi n° 683
du 5 juillet 1853, le Ministre des finances Joaquim José Rodrigues
Torres, plus tard vicomte d'Itaborahy, signa avec ces deux im-
portants établissements une convention ayant pour butleur fusion
en une seule banque de dépôts, d'escompte et d'émission. Le
décret n° 1223 du 31 août 1853 ratifia cette fusion, en même
S 52 LE I'.kksiI EN 1889.
temps qu'il approuvait les statuts de la Banque du Brésil actuelle,
née de cette fusion et troisième du nom. Préoccupées de la néces-
sité de la création d'une banque d'émission, les Chambres légis-
latives avaient voté la loi n° 083 du 5 juillet 1853, sanctionnée
par l'Empereur, à laquelle nous venons de faire allusion. Cette
Loi autorisait la création d'une banque au capital de trente mille
contos de réis, divisé en cent cinquante mille actions, et pour
une durée de trente ans. La banque pourrait émettre des billets
à vue et au porteur jusqu'à concurrence du double de son fonds
disponible ; au-delà de cette limite un décret du Gouvernement
devenait nécessaire pour une nouvelle émission. La banque
pourrait augmenter son capital et créer des succursales dans
l'Empire, après en avoir obtenu l'autorisation du Gouvernement.
Elle aurait un président et un vice-président nommés par l'Em-
pereur parmi les actionnaires détenteurs d'au moins cinquante
actions. Les billets de la Banque seraient convertibles en papier-
monnaie de l'État ou en métal, et ils auraient le privilège exclusif
d'être reçus dans les caisses publiques aussi bien àRio-de-Janeiro
que dans les provinces où la Banque aurait des succursales. La
Banque s'engagerait à opérer le retrait du papier-monnaie de
l'État et à prêter au Gouvernement à cet effet une somme de dix
mille contos de réis, sans intérêts, pendant la durée du privilège
de la Banque. L'excédent du papier-monnaie racheté par la
Banque lui serait remboursé par l'État tous les trois mois. Le
Gouvernement était autorisé à garantir sur un marché étranger
quelconque le crédit dontlaBanque aurait besoin jusqu'à concur-
rence de la dette de l'Etat envers la Banque. Cette loi est, comme
nous l'avons vu, la véritable origine de la Banque du Brésil
actuelle.
Le 10 avril 1854, la Banque commençait ses opérations; elle
compte donc plus de 23 années d'existence. Durant ce laps de
temps, elle a traversé des crises sérieuses, qu'elle a vaincues
grâce à sa liaison intime avec le Gouvernement ; elle a subi des
modifications fréquentes, parfois profondes, dans ses statuts et
ses privilèges. En 1862, par le décret n° 2970 du 9 septembre de
la même année, le Gouvernement approuvait une convention
passée entre le « Banco-do-Brazil » d'une part et le « Banco
llural e hypothecario » et le « Banco commercial e agricola »
d'autre part, ayant pour but : 1° le transfert au « Banco-do-
Brazil » du droit d'émission que possédaient les deux autres
Langues et le retrait des billets émis par elles; 2° la fusion du
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CRÉDIT. 353
« Banco commercial e agricola » avec le « Banco-do-Brazil ».
— Le « Banco rural e hypothecario » vendit son droit d'émission
pour quatre cents contos de réis. En compensation de son droit
d'émission et à valoir sur la liquidation de son actif, le « Banco
commercial e agricola » reçut vingt-quatre mille actions de la
Banque du Brésil, libérées de 80 p. 100. Le capital de la Banque
du Brésil, dont 9.000 actions restaient alors à émettre, fut ainsi
porté à 33.000 contos de réis représentés par 16.500 actions. —
En 1864, toutes ces actions se trouvaient intégralement libérées,
et constituent le capital actuel de la Banque. Cette même année
survint une crise commerciale dont les effets se sont fait sentir
pendant dix à douze ans. A cette occasion, la Banque, autorisée
par le Gouvernement, éleva son émission à 85.000 contos de
réis environ. En 186G, elle renonça à ce droit d'émission par
suite d'une convention passée avec le Gouvernement et en exé-
cution de la loi n° 1349 du 12 septembre 1866. L'État devait alors
à la Banque environ 15.000 contos de réis, provenant du rachat
du papier-monnaie, et 25.000 contos pris au fonds métallique de
la Banque pour faire face aux besoins de la guerre du Paraguay.
Pour liquider ces dettes, le Gouvernement retira delà circulation
les billets de la Banque du Brésil jusqu'à concurrence d'environ
40.000 contos de réis. La Banque s'engagea à retirer de la circu-
lation le solde de ses billets, qui s'élevait alors à 45.600 contos.
Le retrait devait s'opérer par des amortissements annuels, qui
ont été de 5 à 8 p. 100 jusqu'en 1873.
A cette époque, la Banque fut autorisée à réduire l'amortis-
sement annuel à 2 1/2 0/0 du solde primitif de 45.600 contos,
soit 1140 contos de réis, en vertu de la loi n° 2.400 du 17 septem-
bre 1873 et d'une nouvelle convention passée avec le gouverne-
ment en date du 24 décembre 1873, La circulation des billets de
la Banque équivalait pour elle à la jouissance d'une forte somme
sans intérêts ; aussi le gouvernement n'accorda-t-il le retrait par
amortissements annuels que moyennant réciprocité de services,
et la Banque s'engagea parla même convention de 1866 à créer
une caisse de prêts sur hypothèque de propriétés rurales jusqu'à
concurrence de 2.500 contos de réis et à raison de 6 0/0 d'intérêts
annuels. Le montant des prêts devait être maintenu à ce chiffre
minimum, et, au cas où il ne le serait pas, une forte amende se-
rait imposée sur le montant non prêté et appliquée à l'amortisse-
ment plus rapide des billets de la Banque.
Craignant les conséquences de l'abolition del'esclavage au point
23
354 LE 13HES1L EN 1889.
de vue de la solvabilité des cultivateurs, la Banque rossa dans ces
res années d'accorder de nouveaux prêts à L'agriculture et
préféra se soumettre aux amendes prévues, qui ont contribué à
■ le solde de ses billets en circulation à la somme de 13.617
contosde réis, d'après son bilan arrêté au 30 juin 1888. La loi
du 13 mai 1888 a déclaré l'esclavage aboli au Brésil. Il en résulte
de nouveaux besoins d'argent pour les cultivateurs forcés dès lors
à payer des salaires. Pour leur venir en aide, le gouvernement a
avec la Banque du Brésil une nouvelle convention, en date
du 3 août 1888, ayant pour but la création d'une caisse de crédit
agricole dans le département hypothécaire de la Banque, au ca-
pital de 12.000 contos de réis, dont 6.000 contos fournis par le
Trésor Public sans intérêts pendant cinq ans et remboursables
à l'État à l'expiration de ce délai. Le taux de l'intérêt à payer par
le cultivateur est limité à 6 0/0 pour toute la durée du contrat
de prêt. Cette convention n'a trait qu'aux avances à faire aux
cultivateurs de la zone caféière des provinces de Rio-de-Janeiro.
Minas-Geraes, Espirito-Sant© et San-Pauio. Une nouvelle conven-
tion de même nature, en date du 9 octobre 1888, a été signée entre
l'État et la Banque pour venir en aide à l'agricukure des pro-
vinces de Pernambuco,Alagôas,Parahyba-du-Nord et Rio-Grande-
du-Nord qui produisent plus spécialement la canne à sucre.
Depuis 1807,1e gouvernementa cessé d'intervenir directement
dans la nomination du Président et du Yice-président de la Ban-
que. Il a ainsi fait cesser sa responsabilité morale relativement à
la bonne gestion des affaires de la Banque. La portée de ce fait
ne parait pas avoir été suffisamment remarquée par les actionnaires
qui ne prennent pas à la nomination du Conseil d'Administration
la part active qu'ils devraient prendre, s'ils n'étaient pas dans
la croyance que le gouvernement veille toujours à la sécurité de
leur établissement.
La Banque est en même temps Banque de dépôts et d'escompte
et Banque hypothécaire et agricole. D'après le contrat passé avec
le gouvernement, le portefeuille de prêts sur hypothèques
et de crédit agricole est complètement séparé du portefeuille
commercial. Or, pour constituer le portefeuille de prêts sur
hypothèques et de crédit agricole, on a pris, sur le capital social
de 33.000 contos de réis, la somme de 25.000 contos de réis, lais-
sant au portefeuille commercial 8.000 contos seulement pour
garantir ses opérations dont la grande importance ressortira des
chiffres suivants, extraits du bilan au 30 juin 1888.
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CRÉDIT. 355
La totalité des dépôts à cette date s'élevait en chiffres ronds à
58.000 contos de réis, dont :
6.000 contos au crédit du compte courant de l'État, et
21.000 contos au crédit des comptes courants des autres ban-
ques et des négociants.
Soit 27.000 contos, qui pouvaient être retirés à tout moment.
Le restant, soit 31.000 contos, consistait en dépôts à échéances,
rentes déterminées.
Le solde de l'émission, soit 13.617 contos, peut être considéré
comme une dette remboursable par annuités et peu inquiétante.
Par contre, la Banque doit à l'État un emprunt de 10.664
contos, garanti par des rentes de l'État, qui ne peut pas être
considéré comme une ressource normale. Il a été accordé en vertu
de la loi de 1883 qui a autorisé le gouvernement à faire au besoin
une émission extraordinaire de papier-monnaie jusqu'à concur-
rence de 25.000 contos de réis, pour venir en aide aux banques en
cas de crise, moyennant des intérêts de 6 0/0 et la garantie de
de l'État.
Du bilan au 30 juin 1888, nous extraierons encore les chiffres
suivants :
Billets de la dette flottante 20.985 contos de réis.
Effets escomptés 18.958 —
Prêts sur garantie de rentes, d'ac-
tions, etc 1.020 —
Effets à recevoir 927 —
Avances en comptes courants nantis. 23.335 —
Immeubles 974 —
Bâtiment de la Banque et mobilier. . . 764 —
Fonds publics 14.128 —
Actions et obligations de Compagnies
diverses 2 . 670 —
Succursale de San-Paulo, capital et
dette en compte courant 1 . 560 —
Divers : solde de divers comptes 3 . 199 —
Encaisse 7 . 443 —
Fonds de réserve 7.408 —
Créances douteuses 6.821 —
35G Li; BRÉSIL EN 18 89.
Le mouvement de caisse durant l'année 1887-1888 a été de
1.063.944 contos de réis, présentant une diminution de 403.U0O
COntos sur l'année antérieure.
11 y a également de fortes diminutions sur le chiffre des
escomptes, à savoir : 25.000 contos de réis sur les billets de La
dette flottante, et 33.400 contos sur les effets de commerce.
Nous compléterons ces chiffres par quelques données sur les
opérations du portefeuille des hypothèques, jusqu'à la date du
30 juin 1888.
Les prêts consentis depuis la création de ce portefeuille en
1867 se chiffrent par 76.263 contos de réis, dont il reste dû 19.120
contos, montant de G09 contrats. Les pertes n'ont été que de un
et vingt-trois centièmes pour cent sur les 609 débiteurs.
298 doivent 8.313 contos de réis et sont à jour ;
46 doivent 1.474 contos de réis et sont en retard d'une demi-
annuité ;
29 doivent 935 contos de réis et sont en retard d'une annuité;
23 doivent 072 contos de réis et sont en retard d'une annuité
et demie ;
213 doivent 7.726 contos et sont en retard de deux annuités
et plus.
Ces retards sont attribués en partie à la mauvaise récolte de
café en 1887, et en partie à la désorganisation du travail agricole
causée par l'affranchissement des esclaves.
Les intérêts échus et non payés s'élèvent à 2.116 contos de
réis. Les prêts sur propriétés urbaines sont presque liquidés, car
il n'en reste que pour la somme de 456 contos de réis. Les
propriétés rurales, que la Banque a dû acquérir en paiement de
ses prêts, sont au nombre de 16 et représentent un capital de
633 contos de réis. La Banque attend une amélioration du marché
pour vendre ces propriétés sans perte. La bonne récolte de café
en 1888 doit amener une réduction des dettes des cultivateurs.
Le Conseil de surveillance de 1887 ne s'est pas montré rassuré
sur la sécurité de la Banque, et, conjointement avec d'autres
membres spécialement nommés par l'Assemblée générale des
actionnaires, il a présenté un projet de modification des statuts,
dans le double but de donner à la Banque une administration
plus ferme et de transférer le portefeuille des hypothèques à une
caisse de crédit hypothécaire mutuel. Le projet discuté et adopté
par l'Assemblée générale des actionnaires fut soumis à l'appro-
bation du gouvernement au mois d'avril 1888. Une nouvelle
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CRÉDIT. 357
assemblée générale vient d'annuler le projet antérieur en votant
le 20 octobre de nouvelles modifications des statuts qui ne chan-
gent rien au portefeuille des hypothèques, bien que la mobilisa-
tion du capital engagé dans ce portefeuille paraisse désirable
pour que la Banque maintienne sa situation de première Banque
d'escompte et de dépôts de la place de Rio-de-Janeiro.
Par décret du n° 10.077 du 17 novembre 1888, le gouverne-
ment a approuvé les nouveaux statuts votés le 20 octobre dernier.
Banco rural e Hypothecario. — La banque dite « Banco rural
e Hypothecario » a commencé à fonctionner le 1er mai 1854, un
an environ après l'approbation de ses statuts par le décret n° 1136
du 30 mars 1853. Le capital social était de 8.000 contos de réis,
divisés en 40.000 actions de 200.000 réis chaque, qui se trouvaient
entièrement libérées en 1857. Le décret n° 2111 du 27 février
1858 modifia les statuts et éleva le capital social à 16.000 contos.
Ce même décret donnait à la banque le droit d'émettre des billets
au porteur et à vue jusqu'à concurrence du capital réalisé.
L'émission était garantie moitié en titres de rentes de l'État et
en actions de compagnies de chemins de fer jouissant de la
garantie d'intérêts de l'État, moitié en titres de portefeuille de
la banque. Les billets seraient échangeables contre de la monnaie
métallique ou des billets du Trésor et ne pourraient avoir une
valeur inférieure à 20.000 réis. Le décret n° 2192 du 12 juin 1858
mit la rédaction des statuts d'accord avec le décret précédent.
La crise commerciale de 1864 amena de nouvelles modifications
dans les statuts, modifications sanctionnées par les décrets
n° 4210 du 13 juin 1868 et n° 4508 du 22 avril 1870, et d'accord
avec les dispositions de la loi n° 1083 du 22 août 1860 et le décret
n°2711 du 19 décembre 1860. Après la promulgation de la loi sur
les sociétés anonymes n° 3150 du 4 novembre 1882, l'Assemblée
générale des actionnaires adopta les nouveaux statuts actuelle-
ment en vigueur, qui furent enregistrés le 13 septembre 1883 à
la chambre de commerce de Rio-de-Janeiro. Le capital social
resta fixé à 16.000 contos de réis, dont 8.000 étaient versés. Le
19 mars 1886 l'assemblée générale votait la distribution aux action-
naires de 2.000 contos tirés du fonds de réserve et créait à cet
effet 10.000 actions nouvelles de 200.000 réis chacune. Le capital
versé s'est ainsi trouvé porté à 10.000 contos de réis divisés en
50.000 actions. Les principales opérations de la banque ont trait
aux dépôts en compte courant et à terme, à l'escompte des effets
353 LE BRÉSIL EN 1S89.
de commerce, aux prêts sur hypothèques de propriétés urbaines
et aui avances contre garantie de titres de rentes de l'État ou
titres de compagnies de crédit notoire. Le taux de ses dépôts et
escomptes se règle sur le taux de la banque du Brésil. La banque
ne peut pas faire d'opérations de change. Nous avons vu qu'elle
a renoncé depuis 1862 à son droit d'émission et Ta cédé à la
Banque du Brésil, moyennant une compensation en argent de
400 contos de réis. Cette banque a été un puissant auxiliaire pour
deux importantes compagnies de chemins de fer, la « Leopol-
dina » et la « Macahé e Campos »; elle a également prêté son
concours à la création et au développement de la compagnie des
Docks D. Pedro II et accorde maintenant son appui aux industries
naissantes du pays, telles que les filatures et tissages, etc.
Pour faire face au retrait de ses dépôts en cas de crise, elle
conserve toujours une forte somme employée en titres de la dette
publique. La crise de 1857 a été peu sensible pour la banque, qui
débutait pour ainsi dire, et elle a pu, sans grandes pertes, liquider
ses créances douteuses qui s'élevaient à ce moment à 1.647.420.000
réis. La crise de 1864 faillit amenor la liquidation funeste de la
banque. Elle dut son salut à la banque du Brésil, qui lui a\
13.226 contos de réis pour faire face au retrait de ses dépôts. Elle
a traversé sans encombre la crise de 1875, grâce au crédit dont
elle jouissait auprès du Trésor national, qui lui avança directe-
ment une somme de 3.480.300.000 réis contre garantie de 3.857
titres de rente de la dette publique.
Depuis lors la banque n'a cessé de prospérer, et ses actions
de 200.000 réis sont actuellement cotées 309.000 réis. Elles sont
d'ailleurs entre les mains de capitalistes qui les considèrent
comme titres de rente et non de spéculation. Le dernier divi-
dende a élé à raison de 10 pour 100 Fan, et il en est ainsi depuis
longtemps. Au 30 juin 1888, le bilan contenait les chiffres
suivant- :
Mouvement de caisse à l'entrée durant
le semestre 126.357.381.929 réis.
Dépôts 28. 174. 731 . 127 —
Créances douteuse^ 227 . 222 . 709 —
Fonds de réserve 2.560.000.000 —
Encaisse 1.768.039.520 —
Titres de la dette publique 8.904.641.000 —
Billets du trésor 1.500.000.000 —
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CRÉDIT. 350
Effets escomptés 3.608.016.812 réis.
Effets a recevoir 635.226.590 -
Comptes-courants nantis 19 . 416 . 569 . 122 —
.Vlions et obligations de compagnies
diverses 4.451.621.520 —
Édifices et propriétés de la banque 397.185.392 —
M. le conseiller Thomas Alves junior, avocat de la banque, a
bien voulu nous donner de précieux renseignements sur cette
banque.
Banco commercial do Rio-de-Janeiro. — Création du comte
de San-Salvador-de-Mattosinhos, le « Banco commercial do Rio-
de-Janeiro » existe depuis près d'un quart de siècle. Son fonda-
teur a su le diriger avec succès à travers les crises qui sont venues
troubler le marché de Rio-de-Janeiro, et en a fait un établisse-
ment de premier ordre. C'est une banque de dépôts et d'escompte.
Elle peut au besoin accorder des prêts à court délai sur hypo-
thèque d'immeubles situés dans la capitale. La première assem-
blée générale des actionnaires fut tenue le 11 mai 1866, et dès le
4 juillet suivant la banque entamait ses opérations avec un capi-
tal versé de 1.200 contos de réis, représentant 20 pour 100 du
capital souscrit (6.000 contos de réis) et 10 pour 100 du capital
nominal (12.000 contos de réis). En 1884, le capital souscrit se
trouvait intégralement versé. En 1886, il était porté à douze mille
contos de réis, soit à la totalité du capital nominal. A cet effet
on fit l'émission d'une nouvelle série de 30.000 actions, d'une
valeur de 200.000 réis chacune, sur lesquels 120.000 réis furent
successivement appelés et versés en 1886 et 1887. En 1888,
l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires du 29 février
réduisit à 20.000 le nombre des actions sur lesquelles 180.000
réis au lieu de 120.000 réis se trouvèrent alors effectivement
versés. Le solde de 20.000 réis fut appelé et le capital souscrit se
trouva réduit à 10.000 contos de réis, mais intégralement versés.
Cette même assemblée autorisa le conseil d'administration, après
entente avec le conseil de surveillance, à élever le capital social
à 20.000 contos de réis, à l'époque et de la manière qu'il jugerait
préférable, en sauvegardant les dispositions de la loi n° 3150 du
4 novembre 1882 sur les sociétés anonymes. Mettant à profit cette
autorisation, le conseil d'Administration a émis en octobre
dernier des actions pour une valeur nominale de 5.600 contos,
360 LE BRÉSIL EN 1889.
qui ont été souscrits et sur lesquels 10 pour 100 ou 500 contos
Ont été versés.
Nous croyons savoir de bonne source que l'Assemblée géné-
rale «les actionnaires sera appelée sous peu à voter l'émission de
tout le capital de 20.000 contos de réis, divisé en deux séries de
10.000 contos, dont la première se trouve libérée et dont la
seconde aura versé 20 pour 100. Le capital versé ainsi sera porté à
douze mille contos.
Durant les vingt-deux années d'existence de cette Banque, ses
dividendes se sont élevés à une moyenne de 10 4/5 pour 100 Tan,
sans compter une somme de 1.000 contos de réis prise en 1881
au fonds de réserve et portée au crédit des actionnaires pour
parfaire le versement dû sur les actions. L'action de 200.000 réis
est cotée245.000 réis. Le mouvementde la caisse à l'entréedurant
le semestre de janvier à juin 1888 a été de 48.930.531.698 réis.
Au 30 juin 1888, les dépots s'élevaient à 10.249.000.809 réis; les
profits en suspens, à 1.000.000.000 réis; le fonds de réserve était
de 1.956.075.516 réis; les créances douteuses se chiffraient par
748.437.949 réis. En dehors d'un solde en caisse de 692. 164.520 réis,
la Banque avait en dépôt et compte courant, à la Banque Inter-
nationale du Brésil 2.505.106.900 réis; à la Banque du Brésil,
2.002.583.740 réis. Le montant de ses prêts en comptes courants
garantis par titres divers était de 6.474.483.539 réis, et en
comptes courants simples, 2.928.813.373 réis. La somme en
effets de commerce escomptés s'élevait à 3.620.055.953 réis. La
Banque possédait en actions et obligations de sociétés diverses
3.593.549.429 réis, et en fonds publics 1.913.156.200 réis. Cet
établissement entretient des relations importantes et suivies avec
l'étranger. Ses principaux correspondants sont :
A Lisbonne et Oporto : « O Banco do Portugal. » — A
Londres : « The London and County Bank Led », « The Mer-
chant Banking Company Led. » — A Paris : « Le CompUir d'Es-
compte » « André, Girod et Compagnie. » — A Gênes, Milan et
Rome : « Banca Générale. » — A Naples : « Società di Credito
Méridionale. »
La Banque vient de faire une perte cruelle dans la personne
de son fondateur, le comte de San-Salvador-de-Mattosinhos,
décédé le 25 octobre 1888, et qui était son président depuis 1877
d'une façon ininterrompue. Sous sa direction, la Banque a rendu
de grands services.au commerce de Rio-de- Janeiro et même à l'in-
dustrie nationale.
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CRÉDIT. 361
Banco do Commercio. — Cette Banque a été fondée en 1874
et ses premiers statuts ont été approuvés par le décret impérial
n° 5742 du 16 septembre de la même année. Parmi les fondateurs
se trouvait le négociant Manuel-José Soares, aujourd'hui sénateur
de l'Empire et président de la Banque. En février 1875, la Banque
commençait ses opérations. Dès 1878 elle adoptait de nouveaux
statuts, qui furent approuvés par le décret n° 7168 du 15 février
1879. En dépit de dissensions intestines qui donnèrent lieu à des
procès retentissants et retardèrent le développement régulier de
l'institution, les dividendes se sont élevés régulièrement à 8, 9
et 10 pour 100. Le capital souscrit est actuellement de
12.000.000.000 de réis, dont 10.500.000.000 sont effectivement ver-
sés; le solde est appelé dès maintenant. L'ensemble des réserves
s'élève à 1.235.000.000 de réis. Ces chiffres sont postérieurs à la
date du 30 juin. On trouvera dans le tableau général les chiffres
au 30 juin.
Par de nouveaux statuts tout récemment adoptés dans l'Assem-
blée générale des actionnaires du 5 novembre 1888, la Banque
se soumet au régime de la loi n° 3150 du 4 novembre 1882 et du
décret n° 8821 du 30 décembre de la même année. Cette loi et ce
décret fixent la législation des Sociétés anonymes et la plupart
des Banques anciennes ont adapté leurs statuts à ce nouveau
régime. En vertu des nouveaux satuts, le « Banco do Commer-
cio » demeure autorisé à élever son capital à vingt mille contos
de réis; la durée de la Société est fixée à trente ans; la direction
se compose d'un président et d'un directeur. Le sénateur Manuel-
José Soares vient d'être réélu président avec des pouvoirs presque
illimités. Bien que la Banque ait des correspondants à l'étranger
sur lesquels elle fait traite, elle paraît se borner à faire traite pour
satisfaire ses clients qui ont besoin d'envoyer des fonds en
Europe à un moment donné. Par contre, elle fait l'escompte sur
place de papier ayant jusqu'à six mois d'échéance. Elle ouvre des
comptes courants aux négociants avec ou sans cautionnement.
Elle avance des fonds sur des acceptations de négociants de
l'intérieur du pays, quand ces acceptations proviennent d'achat
de marchandises et sont payables à Rio-de-Janeiro. Elle peut
prêter sur hypothèque d'immeubles sis à Rio-de-Janeiro, Nitheroy
et Petropolis, ainsi que sur fonds publics, actions et obligations
de sociétés anonymes et sur des warrants. Elle opère généralement
comme Banque de dépôts, d'escompte et de commission. Elle
peut se charger aussi de lancer des affaires. Elle possède un
362 LE BRESIL EN 1889.
conseil de surveillance composé de quatre membres qui doivent
tenir séance une fois par semaine et sont payés par des jetons de
présence. C'est la première Banque du Brésil qui accorde des
jetons de présence aux membres de son Conseil de surveillance.
Ses actions, de la valeur nominale de 200.000 réis, sont cotées
aujourd'hui 222.000 réis.
Banco industrial e Mercantil do Rio-de-Janeiro. — Sous
le nom de « Banco industrial e Mercantil do Rio-de-Janeiro », le
conseiller Jeronymo-José Teixeira junior et ses amis fondaient en
1872 un établissement de Banque de dépôts et d'escompte, ayant
pour but de concourir au développement industriel et commer-
cial du pays. Les statuks furent approuvés par le décret impérial
n° 4.969 du 29 mai 1872. En 1875, ils subissaient une première
modification, ratifiée par le déeret impérial n° 5.988 du 8 sep-
tembre 1875. Une nouvelle modification des statuts fut votée par
l'Assemblée générale des actionnaires du 25 octobre 1884, afin de
mettre les statuts d'accord avec la loi n° 3.150 du 4 novembre 1882
qui régit les sociétés anonymes. Nous ne citons ces diverses
modifications qu'au point de vue historique car elles n'ont
changé ni le but ni les moyens d'action de la Banque. Le capital
souscrit et versé est de 6.000 contos de réis et peut être élevé à
20.000 contos, quand l'Assemblée générale des actionnaires le
jugera opportun. Le fonds de réserve, qui était de 980 contos au
30 juin 1888, est porté maintenant à 1.250 contos. Cette somme
est quelque peu supérieure au montant des créances douteuses
qui figuraient au bilan du 30 juin dernier pour une somme de
1.149.459.834 réis.
Depuis sa création, la Banque a payé en dividendes un total
représentant 114 pour 100 du capital versé. Actuellement, elle
restreint le dividende à 6 pour 100 par an, dans le but de fortifier
ses réserves par l'excédent des bénéfices.
Le mouvement de caisse à l'entrée durant le semestre écoulé
du 1er janvier au 30 juin 1888 s'est chiffré par 37.850.135.803 réis.
Le solde en caisse à cette dernière date était de 1.144.691.296
réis, et le montant des dépôts, de 5.066.450.911 réis. L'action de
200.000 réis, intégralement versés, est cotée 180.000 réis.
La Banque a commandité diverses entreprises ; le capital
ainsi immobilisé s'élevait au 30 juin 1888 à 471.551.500 réis. A la
même date, les propriétés appartenant à la Banque représentaient
un capital de 2.094.920.358 réis.
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CRÉDIT. 3G3
Les correspondants de cette Banque à l'étranger sont : « The
Union Bank of London » ; « 0 Banco de Portugal » ; « 0 Banco
Lusitano ».
Banco Predial. — Cette Banque a été fondée à Rio-de-Janeiro
en 1871 au capital nominal de 4.000 contos, sur lesquels 2.000
eontos ont été souscrits et versés. Ses opérations consistent en
prêts sur hypothèque de propriétés rurales et urbaines et en
prêts de crédit agricole. Pour réaliser ces opérations, elle s'est
créée des ressources par l'émission d'obligations foncières de la
valeur nominale de 100.000 réis, rapportant 6 pour 100 d'intérêts
annuels, payables par semestre. Le remboursement des obliga-
tions se fait par tirages annuels, au mois d'octobre. Les prêts sur
hypothèque sont accordés comme suit : à raison de 50 pour 100,
pour les propriétés rurales, de la valeur de ces propriétés estimées
par experts, et 75 pour 100 pour les propriétés urbaines, qui
doivent être assurées contre les risques d'incendie et autres.
Nous avons dit que la Banque fait également des prêts de
crédit agricole. Au Brésil, ces prêts offrent toute garantie, grâce
à la loi de 1885. Cette loi permet d'accorder aux cultivateurs des
avances pour un ou deux ans au maximum sur garantie de leurs
récoltes pendantes ou à venir ; elle assimile ces récoltes à un
dépôt entre les mains du débiteur ; les contrats de prêts agri-
coles doivent être enregistrés comme les contrats de prêts hypo-
thécaires, et, en cas de violation par le débiteur dépositaire,
celui-ci encourt la peine de prison.
Cette Banque est autorisée à créer un portefeuille commercial,
mais actuellement elle paraît s'occuper d'une manière exclusive
de la consolidation de son actif, qui s'est trouvé en partie com-
promis par l'abolition de l'esclavage.
Au 30 juin 1888, les prêts sur propriétés rurales s'élevaient
à 5.847.216.578 réis, et les prêts sur propriétés urbaines à
304.980.550 réis. Les avances sur récoltes pendantes ou à venir
montaient à 709.650.150 réis. L'émission d'obligations foncières
avait une valeur nominale de 6.996.800.000 réis, dont 590.000.000
réis, soit 5.907 titres, se trouvaient dans le portefeuille de la
Banque.
Depuis 1883, la Banque a cessé de payer des dividendes à ses
actionnaires.
Les actions de 200.000 réis intégralement versés sont actuel-
lement cotées 60.000 réis.
3G4 LE BRESIL EN 1SS9.
Le service des obligations foncières a toujours été réguliè-
rement l'ait, et ces titres sont cotés en ce moment environ 62
pour 100.
Banco Internacional do Brazil. — La Banque internationale
du Brésil a été fondée le 12 novembre 1886, sous le régime de la
loi des sociétés anonymes n° 3.150 du 4 novembre 1882, au capital
de 20.000 contos de réis et pour une durée de cinquante ans.
Ses statuts portent la date du 25 novembre 1886 et sont signés
par les six fondateurs, qui forment le conseil d'administration et
représentent les trois nationalités les plus actives dans le com-
merce brésilien. Ces six fondateurs sont MM. le vicomte de Figuei-
redo et Pedro Gracie, Brésiliens; Manuel Salgado-Zenha et Manuel
Moreira da Fonseca, Portugais ; William H. Holman et Edward
lïerman, Anglais. Ouverte le 13 novembre 1886 et close le môme
our, la souscription des actions fut un succès brillant: le mon-
tant souscrit dépassa de 30 pour 100 le capitaldemandé. C'est que,
d'un côté, les fondateurs inspiraient la plus grande confiance, et, de
l'autre, l'institution de cette Banque répondait à une véritable
aspiration du commerce, en contribuant à donner plus de stabi-
lité au taux de change, dont les incessantes oscillations, parfois
peu motivées, entravaient le développement régulier des tran-
sactions commerciales et industrielles. Les opérations de la
Banque embrassent toutes les branches de l'activité commerciale
et industrielle. La Banque fait les opérations d'escompte et de
reescompte. Elle prête sur garantie de métaux précieux, titres
de la dette publique, actions de banques et compagnies, et autres
titres commerciaux. Elle peut souscrire, acheter ou vendre pour
son compte ou pour le compte de tiers des titres de la dette
publique de l'État, des provinces, des obligations foncières, des
actions et obligations d'entreprises commerciales ou industrielles
de crédit notoire. Elle peut négocier au dedans ou au dehors de
l'empire le placement d'emprunts de l'État, des provinces ou des
municipalités, et aussi d'établissements financiers ou industriels.
Elle peut faire pour son compte ou pour le compte de tiers des
opérations de change et de mouvement de fonds, et accorder des
lettres de crédit contre garantie convenable. Elle peut avancer de
l'argent sur du café et autres marchandises peu sujettes à dété-
rioration, en magasin dans les entrepôts de la douane ou de parti-
culiers, ou en route contre la remise des connaissements lorsque
le remboursement est à court délai et entouré de garanties ell'ec-
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CRÉDIT. 365
tives. Elle peut ouvrir des comptes courants contre garanties ;
recevoir de l'argent en compte courant ou à terme; se charger
de l'organisation des sociétés ; recevoir des dépôts et entreprendre
des recouvrements de toute sorte, etc., etc. D'après l'article X de
ses statuts, la Banque ne peut accepter d'hypothèques d'immeu-
bles que pour se garantir de prêts faits antérieurement, c'est-à-
dire qu'elle opère seulement comme Banque d'escompte, de
dépôts et de commission, et non pas comme Banque hypothé-
caire.
En vertu de la délibération des actionnaires du 18 juillet
1887, le capital de 20.000 contos de réis a été divisé en deux
séries d'actions : la première de 50.000 actions de la valeur de
200.000 réis chacune entièrement payés ; la seconde de 50.000
actions également, de la même valeur nominale, avec 20 pour
100 seulement de versés. Le capital versé est ainsi de 12.000 con-
tos de réis. Les actions de la première série sont cotées 270.000
réis, et celles de la seconde 70.000 réis. Les dividendes ont tou-
jours été de 10 pour 100 sur le capital versé. Le fonds de réserve
qui atteint 240 contos de réis est constitué par une retenue de
10 pour 100 sur les bénéfices nets en vertu de l'article 40 des
statuts. Le mouvement de la caisse est presque aussi important
que celui du « Banco rural e hypothecario » et s'élevait, pour le
semestre terminé au 30 juin 1888, à la somme de 123.216.726.460
réis à l'entrée. La somme des mouvements de caisse à l'entrée et
à la sortie atteignait 245.482.690.830 réis. A la même date, les
dépôts confiés à la Banque internationale du Brésil représentaient
une valeur de 9.124.341.241 réis, soit en chiffres ronds
1.000.000 livres sterling.
Les correspondants de la Banque en Europe appartiennent à
la haute banque. En dehors de ces correspondants, elle a égale-
ment des agences. Elle a même créé une succursale à Londres,
où elle jouit des mêmes avantages que les banques anglaises.
A la tête de cette succursale, qui fonctionne depuis le 18 février
1888, se trouvent MM. Herdman et Holman, membres du Con-
seil d'administration, qui ont acquis une grande expérience
des affaires du pays par le long séjour qu'ils ont fait au Brésil.
La Banque possède déjà des succursales à Pernambuco et à
Belem do Para, créées récemment, et sous peu elle aura des suc-
cursales ou des agences dans les autres provinces de l'Empire.
Bien que la Banque Internationale n'ait que deux années d'exis-
tence, elle occupe déjà la position de leader du marché, grâce au
366 LE Biu'. s il EN 1S89
prestige de son Conseil d'administration, grâce surtout à l'ini-
tiative, au courage et a l'activité exceptionnelle du vicomte de
Figueiredo. C'est avec le concours de cet éminent banquier que
fut réalisée en 1886 la conversion en 5 pour 100 de la rente bré
silienne G pour 100. Cette opération, menée avec rapidité,
augmenta son prestige et lui facilita la réunion des capitaux
nécessaires à la création de la Banque Internationale. Comme
résultats acquis par les efforts de cette banque, nous devons citer
les faits suivants : le relèvement de la valeur du papier-monnaie,
qui se trouve au pair maintenant et ne parait plus soumis
aux violentes oscillations qui troublaient auparavant les transac-
tions commerciales ; la fusion de compagnies de chemins de fer
et leur cession à des capitalistes européens; la consolidation de
diverses compagnies brésiliennes par le placement de leurs obli-
gations à des taux d'intérêts modérés ; la création de sociétés
industrielles aussi bien avec des capitaux nationaux qu'avec des
capitaux européens ; les services rendus à l'État en lui prêtant un
important concours financier.
li nous revient que le vicomte de Figueiredo s'occupe de la
conversion du papier-monnaie et va dans ce but entreprendre
un nouveau voyage en Europe, le troisième depuis la création de
la Banque. Le projet de loi sur la création de banques d'émis-
sion, déjà voté par les chambres législatives, autorise la conver-
sion du papier-monnaie et vient d'être approuvé par l'Empereur.
La Banque Internationale du Brésil se présente donc comme une
création de la plus grande utilité pour le progrès économique du
pays.
Banco Uniâo do Credito. — Créée en 1885, la Banque
« Unîao do Credito » a travaillé jusqu'au 30 septembre 1888 sous
la double forme de banque par actions et de banque de crédit
mutuel. Les dividendes obtenus ont été splendides grâce au bon
fonctionnement du principe de la mutualité. Ils ont été pour la
première année : de 40 pour 100 pour les actionnaires et de
25 85/100 pour 100 pour les adhérents du crédit mutuel ; pour la
deuxième année : 21 23/100 pour 100 pour les actionnaires, et
13 GO/100 pour 100 pour les adhérents du crédit mutuel; pour la
troisième année: 10 75/100 pour 100 pour les actionnaires, et
10 95/100 pour 100 pour les adhérents du crédit mutuel. Le
capital-actions était de 1.000 contos, dont le cinquième, soit
200 contos, a été versé. Les fonds de garantie versés par les
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CRÉDIT. 367
adhérents du crédit mutuel étaient de 10 pour 100 du montant de
leur responsabilité. Les versements effectués par eux se présen-
taient comme suit :
Au 30 septembre 1886 469.500.000 réis.
Au 30 septembre 1887 566.800.000 —
Au 30 septembre 1888 532.800.000 —
Les soldes de leurs engagements étaient conséquemment :
Au 30 septembre 1886 4.225.500.000 réis.
Au 30 septembre 1887 5.101.200.000 —
Au 30 septembre 1888 4.795.200.000 —
Les capitaux effectifs dont disposait la Banque « Uniâo do
Credito » au 30 septembre 1888 étaient donc de 200.000.000 réis,
versés par les actionnaires, plus 532.800.000 réis, versés par les
membres du crédit mutuel; soit ensemble: 732.800.000 réis,
sans compter le fonds de réserve qui s'élevait à 95.999.650 réis.
Et, en dehors de ces capitaux, la banque offrait comme garantie
à ses créanciers le solde des engagements des adhérents au crédit
mutuel, soit 4.795.200.000 réis. Les engagements de la Banque,
suivant son bilan du 30 septembre 1888, ne s'élevaient qu'à
2.246.101.870 réis, en tenant compte aussi bien de ses endosse-
ments que de ses emprunts, comptes courants et effets à payer. Les
opérations de la Banque présentaient donc une base bien solide.
Cependant telle ne paraît pas avoir été la manière de voir des
grandes banques qui prenaient du papier endossé par « l'Uniâo
do Credito », et cet établissement a dû renoncer au principe de
la mutualité pour pouvoir négocier le papier qu'elle prenait à ses
adhérents. Ceux-ci sont devenus ses actionnaires, en appliquant
au paiement partiel de nouvelles actions le fonds de garantie
qu'ils avaient fourni au Crédit Mutuel. Ils ont dû apporter en
outre au fonds de réserve 5.000 réis par action. Le capital-
actions se trouve élevé à 4.000 contos, soit 20.000 actions de la
valeur nominale de 200.000 réis chacune sur lesquelles 20 pour
100 sont versés. Au fond, rien n'est changé : les garanties offertes
aux créanciers sont égales à celles qui existaient auparavant,
mais c'est regrettable que l'on ait arrêté cet essai de crédit
mutuel, qui promettait de devenir un très-grand succès. Les
anciens adhérents au crédit mutuel, devenus actionnaires, conti-
3G8 LE BRÉSIL EN 1889.
Duent à trouver auprès do la banque les facilités que celle-ci leur
accordait pour des prêts en compte courant et pour Tescoinpir
de leur cllets. Cette banque a fait des émissions pour le compte
de tiers en actions et obligations pour une somme de
11.000.000.000 réis. Les actions, de 200.000 réis, avec 20 pour
100 versés, sont cotées 65.000 réis. Il a été crée 100 parts de fon-
dateurs avec droit à 10 pour 100 sur les bénéfices nets, jusqu'à
concurrence de 10 contos de réis par an. Ces parts de fondateurs
ne sont pas cotées sur le marché.
Banco de Credito Real do Brazil. — Parmi les Banques de
création récente figure la banque dite « Banco de Credito Real do
Brazil » fondée en 1883, au capital nominal de 20.000 contos de
réis, dont 2.500 ont été souscrits, et 1.250 ont été versés. Cette
institution se propose, comme le « Banco Predial », d'accorder
des prêts sur hypothèque de propriétés rurales et urbaines, et
des avances sur récoltes pendantes ou à venir (crédit agricole)
suivant la loi du 5 octobre 1885. Elle émet des obligations fon-
cières de deux types, payables les unes en or, les autres en
monnaie courante.
Les obligations du premier type sont d'une valeur nominale
de £ 11. 5 sch. 0 den., rapportant 5 pour 100 d intérêts payables
à Rio-de-Janeiro, Londres, Paris et en Portugal. — Au 30 juin
1888, la valeur nominale de l'émission de ce type s'élevait à
3.894.279.000 réis ou £ 43$. 1 06.7 sch. 9 den., dont la banque
possédait en portefeuille 21.600.000 réis ou £ 2430.0 sch. 0 den
Les obligations du second type sont d'une valeur nominale de
100.000 réis, rapportant 6 pour 100 d'intérêts annuels payables
à Rio-de-Janeiro. Au 30 juin 1888, la valeur de l'émission de ce.
type s'élevait à 4.327.900.000 réis, dont la banque conservait en
portefeuille 114.643.000 réis, représentant la valeur réalisable à
ce jour de 1.352 obligations. Le paiement des intérêts a lieu
le 2 janvier et le 1er juillet de chaque année. Les tirages d'amor-
tissement se font chaque année au mois d'août et le paiement du
capital et des intérêts des titres sortis au tirage s'effectue à partir
du 1er octobre suivant. Les prêts sur hypothèque sont accordés
jusqu'à concurrence de 50 p. 100 de la valeur des propriétés ru-
rales et de 75 pour 100 de la valeur des propriétés urbaines. Ces
dernières doivent être assurées contre les risques d'incendie et
autres. Au 30 juin 1888 les prêts hypothécaires représentaient
un total de 8.247.179.000 réis, ainsi répartis :
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CREDIT. 360
Prêts sur propriétés rurales :
En or 2.968.579.000 réis.
En papier 4.239.100.000 réis.
Prêts en propriétés urbaines :
En or 925.700.000 réis.
En papier . , 113.800.000 réis.
Les prêts en comptes courants s'élevaient à 198.935.006 réis,
et les prêts de crédit agricole à 108.050.580 réis. Le fonds de
réserve était de 119.249.657 réis, et les profits en suspens mon-
taient à 418.521.586 réis.
Le dividende a été de 4.000 réis par action, soit à raison do
10 pour 100 Tan. L'action, avec 40 pour 100 versés, est cotée ac-
tuellement 80.000 réis. Les obligations foncières, payables en
or, sont cotées 82.000 réis, et les obligations payables en papier
78.000 réis.
L'abolition de l'esclavage n'a pas eu d'influence sensible sur
la valeur de la garantie des prêts hypothécaires, car la banque a
toujours eu pour principe de n'accorder des prêts que sur la
valeur de la terre, à l'exclusion de la valeur des esclaves qui
la travaillaient.
Banco del Credere. — Cette banque a été créée le 11 mars
1886, au capital de 2.000 contos qui a été complètement versé
tusqu'au 24 novembre 1887. La création de cette banque étant
postérieure à la promulgation de la loi sur les Sociétés anonymes
•1882), elle n'a pas eu besoin de faire approuver ses statuts par
un décret impérial, et, fonctionne sous le régime de la nouvelle
loi. Le « Banco del Credere » est venu combler une lacune qui
existait dans les rapports des négociants avec les banques. Celles-
ci réclament généralement deux signatures de la place de Rio-
de-Janeiro sur les effets qui leur sont présentés à l'escompte. Le
« Banco del Credere » fournit la seconde signature, après s'être
fait accorder des garanties collatérales de toute nature, y inclus
l'hypothèque sur immeubles sis à Rio-de-Janeiro. Il se porte aussi
garant de contrats passés entre des particuliers, des établisse-
ments commerciaux, industriels ou de crédit, et entreprend
même la garantie de contrats passés avec les départements pu-
blics. Cette banque fait également des avances contre des mar-
24
LE DHL SI L EN 1889.
chandises en roule ou en entrepôt, et d'une façon générale toutes
les opérations d'une banque d'escompte, de dépôts et de com-
mission. Le fonds de réserve s'élève à 100 coiitos de réis, e1
doit être porté à 50 pour 100 du capital par an i retenue de 10
pour L00 des bénéfices nets annuels. Au 30juin 1888, les endos-
sements en cours montaient à 3.947.601.2^ réis, et les prêts en
cours sur garanties commerciales à 2.050.025.390 réis. Les am-
endes ont été de 10 pour 100 l'an. Les actions de 200.000 réis
g ut cotées actuellement 216.000 réis.
Banco Auxiliar. — Le « Banco Auxiliar », création récente,
a pour but de prêter son concours au commerce intermédiaire et
de détail ainsi qu'à la petite industrie. 11 a été autorisé à fonc-
tionner parle décret n° 7897 du 15 novembre 1880. Ses premiers
statuts sont datés du 12 mars 1883 et ont subi les modifications
votées par l'assemblée générale des actionnaires du 28 décembre
1886, afin de les mettre d'accord avec laloi n° 3150 du 4 novembre
1882 qui régit les Sociétés anonymes. La durée de la Société
est fixée à 30 ans. Le capital est de 500 contos, entière-
ment versés. Les actions, de 200.000 réis, rapportent 10 pour 100
d'intérêts annuels et sont cotées 190.000 réis. Les entrées dans
la caisse du 1er janvier au 30 juin 1888 se sont élevées à
2.720.838.878 réis. Le solde en caisse à cette dernière date était
de 133.908.345 réis.
Le montant des dépots, de : 422.513.494 réis. Le fonds de
réserve de 28.220.915 réis était supérieur au montant des
créances douteuses, chiffrées par 16.044.101 réis.
Gaixa de Credito Commercial. — Sous le nom de « Caixa de
credito commercial », il vient de se former à Rio-de-Janeiro une
nouvelle banque qui a déjà ouvert ses guichets au public. Son
capital souscrit est de 500 contos sur lesquels 30 pour 100
ou 150 contos ont été versés. La durée de la Société est
fixée à 30 ans. Elle prête au petit commerce sur marchandises
et autres garanties, pour un délai maximum de 6 mois, jusqu'à
concurrence de 60 pour 100 de la valeur estimée par les experts
de la banque, en cas de prêts sur marchandises. Elle fait
également d particuliers contre garanties diverses, y
inclus les mobiliers. Elle l'ait les opérations d'escompte, de rées-
compte et du croire (del credere). Elle reçoit de l'argent en compte
courant et à terme. Les actions sont de 100.000 réis.
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CRÉDIT. 311
Banco Popular. — Cette banque, distincte du « Banco Popu-
lar de San-Paulo, » vient également de se fonder sous le régime
de la législation actuelle des sociétés anonymes. Son siège est à
EUo-de-Janeiro. Sa durée est fixée à 30 ans. Le capital souscrit
est de 1.000 contos de réis, divisé en 10.000 actions de 100.000 réis.
D'après ses statuts, c'est une banque d'escompte, de dépôts et
de commission.
Banques étrangères. — En ce moment il y a trois banques
étrangères établies a Rio-de-Janeiro; deux figurent sur le tableau
annexé : ce sont les banques anglaises The English Bank of Rio-de-
Janeiro Led et The London and Brazilian Bank Led. La troisième
est une banque allemande, dénommée : Brasilianische Bank fur
Deutschland. Cette dernière ne fonctionnait pas encore au 30 juin
dernier, et c'est pour cette raison qu'elle ne figure pas sur noire
tableau. Depuis lors elle a rempli les formalilés exigées parles
lois du pays et a entamé les opérations de banque ordinaires en
concurrence avec les banques plus anciennes et sous les meilleurs
auspices. La « Brasilianische Bank fur Deutschland » a un capital
souscrit de 10.000.000 marks, dont la moitié est versée
Il nous revient cependant que cette banque peut disposer de
très gros capitaux, car elle est une création de deux des plus
importants établissements de banque de l'Allemagne : la « Direc-
tion der Disconto-Gesellschaft in Berlin » et la « Norddeutsche
Bank in ilamburg ». L'immigration allemande a déjà créé des
relations suivies et importantes entre le midi du Brésil et l'Alle-
magne ; les échanges commerciaux entre les deux pays atteignent
des chiffres élevés. Dans ces conditions, la « Brasilianische Bank
fur Deutschland » vient combler une lacune et facilitera l'éta-
blissement de rapports directs entre le Brésil et l'Allemagne, au
grand avantage des deux pays, d'autant plus qu'elle pourra créer
des succursales dans les provinces et même dans les centres
coloniaux. Nous aurons bientôt aussi des banques italiennes, car
la colonisation du pays par des Italiens prend un grand développe-
ment, et le commerce entre l'Italie et le Brésil augmente à vue
d'oeil.
Pourquoi les Français ne créent-ils pas aussi une banque
Franco-Brésilienne, qui vienne concourir avec les autres banques
étrangères et retenir pour la France une clientèle qu'elle se voit
enlever tous les jours? Les banques anglaises multiplient leurs
succursales dans les provinces.
372 LE BRÉSIL EN 18 89.
La « Loiulon and Brazilian Bank I."1 » fut établie à Rio-de-
Janeiro eD 1862, avec son centre d'opérations à Londres. Ayant
subi des pcilcs sensibles, elle dut se reconstituer en 1873, sous le
nom de rhe New Londonand Brazilian Bank Led ». L'établisse-
ment ayant de nouveau prospéré, la banque a repris, en 1886, son
nom primitif de « Tbe London and Brazilian BankLc,i, et sous ce
nom elle fonctionne à Londres, Rio-de-Janeiro, Para, Pernam-
buco, Bahia, Santos, San-Paulo, Rio-Grande-du-Sud, Pelotas et
Porto-Alegre. Elle a également des succursales à Lisbonne, Porto,
New-York et Montevideo, sans compter de nombreux, correspon-
dants dans tous les ports de mer du Brésil et dans les villes prin-
cipales de l'intérieur. Son capital souscrit est de £ 1.250.000. Son
capital versé, de £ 025.000. Son fonds de réserve, de £ 325.000.
En dehors du dividende ordinaire de 8 pour 100, cette banque
distribue un dividende additionnel, qui a été de 4 pour 100 depuis
plusieurs années. Aussi ses actions sont-elles recherchées et font
une forte prime.
La banque dite « The English Bank of Rio-de-Janeiro Led » a
été créée à Rio-de-Janeiro en juillet 1803, sous le nom de « Brazi-
lian and Portuguese Bank », nom qu'elle garda jusqu'en avril
1866, époque à laquelle elle adopta sa dénomination actuelle.
Son capital souscrit est de £ 1.000.000, dont la moitié est versée.
Le fonds de réserve, après avoir subi une forte réduction à la suite
de pertes, s'élève encore ࣠140.000. En dehors du dividende de
6 pour 100, cette banque donne aussi un dividende additionnel
qui élève généralement à 8 pour 100 le revenu des actions. La
caisse principale est à Londres. Les succursales au Brésil sont au
nombre de sept, établies à Rio-de-Janeiro, Para, Pernambuco,
Bahia, Santos, San-Paulo et Porto-Alegre. 11 y a également des
succursales à Montevideo et Buenos-Ayres.
Les banques étrangères fournissent des données très-laco-
niques, ce qui nous empêche de donner de plus grands détails
sur leur mouvement d'affaires, d'ailleurs très important.
II. Province de San-Paulo. — La province de San-Paulo
est la mieux pourvue d'établissements de banque. C'est que sa
production de café s'est développée d'une façon merveilleuse et a
provoqué un grand mouvement d'affaires dont les banquiers n'ont
pas manqué de tirer parti.
Dans le tableau n° 2, annexé à notre travail, nous avons
mentionné cinq banques établies dans la province de San-Paulo,
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CRÉDIT. 373
savoir : Banco de Credito Real de San-Paulo, Banco Mercantil de
Santos, Banco Commercial de San-Paulo, Banco da Lavoura de
San-Paulo, Banco Popular de San-Paulo. En parlant des banques
étrangères nous avons indiqué que la « London and Brazilian
Bank L^1 » et la « English Bank of Rio-de-Janeiro Led » possé-
da:! des succursales à San-Paulo et à Santos. La Banque du
Brésil a également une succursale à San-Paulo, qui est le plus
ancien établissement de banque de la province. Il y a en outre
dans la capitale une société en commandite intitulée : « Casa
bancaria da Provincia de San-Paulo » Nielsen et Gic.
Banco de Credito Real de San-Paulo. — Cette institution de
crédit doit son origine à un contrat, en date du 18 octobre 1881,
signé par le président de la province de San-Paulo avec José-
Antonio Moreira pour la création d'une banque de crédit foncier.
Ce contrat garantissait à la banque les privilèges spécifiés dans
la loi provinciale n° 145 du 25 juillet 1881, c'est-à-dire la garantie
d'intérêts de 7 pour 100 annuels, sur un capital de 5.000 contos
de réis, pendant une durée de 30 ans, pour la banque en société
de crédit foncier qui viendrait à s'établir dans la province, sui-
vante plan tracé dans la loi de l'Empire n° 1237 du24 septembre
1864 et dans le règlement relatif à cette loi, approuvé par le
décret du 3 juin 1885. En vertu de la loi provinciale n° 145, la
garantie d'intérêts était accordée aux conditions suivantes : 1° les
prêts hypothécaires seraient accordés sur propriétés sises dans la
province de San-Paulo ; 2° la banque ou société ne pourrait
entamer ses opérations avant d'avoir versé la moitié du capital ;
3° l'émission d'obligations foncières ne pourrait dépasser cinq
fois le capital versé qu'après le versement delà totalité du capital;
4° le taux d'intérêts pour les prêts hypothécaires ne pourrait
être supérieur à 9 pour 100 par an; 5° la durée des prêts ne
dépasserait pas 20 années ; 6° un contrôleur serait nommé par
le président de la province pour contresigner les obligations
foncières, contrôler toutes les estimations de propriétés, veiller
sur l'exécution des statuts de la banque et des lois qui régissent
les sociétés de crédit foncier. Ce contrôleur, payé par la Société
de crédit foncier, restait responsable envers le gouvernement
des fautes qu'il commettrait. Modifiant ces conditions, la loi
provinciale n°32, du 24 mars 1882, autorisala banque à commencer
ses opérations dès que le quart du capital serait versé. Les statuts
ont été approuvés par le décret impérial n° 8647 du 19 août 1882.
374 LE BRÉSIL EN 18 89.
Sous le régime de cet ensemble de dispositions, la banque fut
établie bous I»4 nom de « Banco de Crcdito Real de San-Paulo »
ave. h , ipital de 5.000 contos de réis, divisé en 100.000 actions
de 50.000 réis chacune. La durée de la société est de 30 années à
compter du 10 août 1882. L'objet principal de le société est de
prêter sur hypothèques de propriétés rurales et urbaines, mais
elle peut également faire des prêts agricoles, suivant la loi de
L'Empire n° 3272 du 5 octobre 1885. La banque peut recevoir de
l'argent en dépôt, avec ou sans intérêts, jusqu'à concurrence de
la moitié de son capital versé, mais ces dépots ne peuvent être
retirés sans avis préalable donné 00 jours avant le retrait. Ces
dépôts peuvent être prêtés par la banque pour un délai de OOjours
et contre garantie d'obligations foncières, de rentes de l'État ou
de billets de la dette flottante. Les prêts sont accordés sur pre-
mière hypothèque seulement, et dans la proportion de 50 pour 100
de la valeur des propriétés rurales et 75 pour 100 de celles des
propriétés urbaines. Le capital au 30 juin était représenté par
25.000 actions de 50.000 réis entièrement libérées et 75.000 actions
de la même valeur avec 20 pour 100 versés, soit 2.000.000.000,
moinsle versement dû sur deuxactions (20.000 réis) : 1.999.980.000
réis. Sur ce capital, la banque a payé des dividendes qui se sont
élevés à il pour 100 l'an, en 1887, et 12 pour 100 Tan pour le
dernier semestre. La garantie donnée par la province reste donc
nominale.
Au 30 juin 1888 les prêts s'élevaient au total de 6.959.031.509
réis, ainsi répartis :
Prêts sur hypothèques rurales. . . 6.567.291.449 réis.
Prêts sur hypothèques urbaines. . 111.417.110 réis.
Prêts de crédit agricole 108.021.770 réis.
Prêts en comptes courants nantis . 112.271.180 réis.
Les créances douteuses s'élevaient à 201,420,007 réis. Le fonds
de réserve était de 146.780.527 réis. L'émission d'obligations fon
cières atteignait 6.666.600.000 réis. Ces obligations, d'une valeur
nominale de 100.000 réis, rapportent 6 pour 100 l'an, payables
par semestre, en avril et octobre ; les tirages ont lieu au 31 juillet
de chaque année ; elles sont cotées actuellement 83 pour 100.
Le fondateur de la banque a droit à la moitié des bénéfices quand
ceux-ci dépassent 8 pour 100 l'an. D'après le bilan du 30 juin
1888, la part revenant au fondateur était de 40 contos de réis.
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CREDIT. 375
Banco Mercantil de Santos. — C'est la Banque la plus
ancienne de la ville de Santos, qui est, comme on le sait, le grand
entrepôt et le principal marché d'exportation des cafés de la
province de San-Panlo. Établie le 3 octobre 1872, au capital de
1.000 contos de réis, elle n'a cessé de rendre d'importants services
au commerce de Santos, comme Banque de dépôts, d'escompte
el <\^ commission, tout en distribuant à ses actionnaires des
dividendes à raison de 10 pour 100 l'an, à l'exception de Tannée
1887-1888 où le dividende a été à raison de 8 pour 100. Le
10 novembre 1883 les statuts ont subi les modifications prescrites
par la loi n° 3.150 du 4 novembre 1882 qui régit les sociétés
anonymes. La Banque a des agences à San-Paulo et Campinas,
dans la province de San-Paulo, et à Rio-de-Janeiro. Au 30 juin
1888, le fonds de réserve était de 50 pour 100 du capital, soit 500
contos ainsi distribués: réserve statutaire, 375 contos, réserve
spéciale, 125 contos. Après prélèvement du dividende du semestre,
à raison de 8 pour 100, un solde de bénéfices de 112.253.824 réis
a été porté à nouveau et peut être considéré comme un renfort
des réserves. Nous extrayons du bilan à la même date les chiffres
suivants :
Créances douteuses 287.482.233 réis.
Mouvement, de la caisse à l'entrée du-
rant le semestre 33.625.937.389 —
Effets en portefeuille 1.363.480.605 —
Prêts en comptes courants 3.126.021.128 —
Dépôts 2.186.964.206 —
Solde en caisse 353.111.207 —
En présence de ce grand mouvement d'affaires, le conseil
d'administration, dans son rapport du 16 juillet 1888, a proposé
aux actionnaires de voter l'élévation du capital au chiffre de
5.000 contos de réis, et l'assemblée générale tenue en septembre
dernier a accepté cette proposition. Les actions de 200.000 réis
sont cotées au pair. Elles n'ont pas été l'objet de spéculations et
se trouvent presque toutes entre les mains de capitalistes qui les
gardent comme titres de rentes.
Succursale du « Banco do Brazil » à San-Paulo. — Nous
avons sous les yeux le bilan de cette succursale de la Banque du
Brésil au 30 juin 1888, et nous en extrayons les chiffres suivants:
37G LE BRÉSIL EN 188 9.
Capital 800.000.000 réis.
Solde de son omission envoie d'amor-
tissement 43.5-40.000 —
Dette envers la Banque du Brésil 711.841.662 —
Sommes en dépôts à
terme 4.516.212.812
En comptes courants 3.622.822.522
8.139.035.334 réis.
Bénéfices 214.619.842 —
Effets escomptés 4.313.200.300 —
Prêts en comptes courants nantis 3.409.049.793 —
Créances douteuses 3G9 . 095 . 300 —
Actions et obligations 894.883.672 —
Solde en caisse et chez ses corres-
pondants 656.689.378 —
Banco da Lavoura de San-Paulo. — C'est la première Banque
qui ait été spécialement fondée pour les prêts agricoles autorisés
par la loi n° 3.272 du 5 octobre 1885. Elle a débutée au mois de
mai 1886, mais tout d'abord ses opérations se sont limitées à
l'escompte des effets de commerce. Les prêts agricoles ne figurent
encore au bilan du 30 juin 1888 que pour la somme de 399 contos
de réis, tandis que les avances au commerce en comptes courants
y sont portées pour une somme de 769.362.518 réis et les effets
escomptés pour 1.047.841.737 réis. Les créances douteuses s'éle-
vaient à 19.143.900 réis. Le capital de la Banque se compose de
3.000 actions de 100.000 réis libérées et de 5.000 actions de même
valeur nominales sur lesquelles 20 pour 100 ont été versés. Le
capital souscrit est donc de 1.000 contos de réis, et le capital
versé est effectivement de 600.250.000 réis. Le fonds de réserve
s'élève à 12 contos. Le dernier dividende a été à raison de
8 pour 100 l'an.
Banco commercial de San-Paulo. — Fondée en mars 1886,
cette Banque a tenu son assemblée générale constitutive le
15 avril de la même année. Son siège principal est dans la ville
de San-Paulo. Elle a une succursale à Santos et une agence à
Campinas ; ses statuts l'autorisent à créer d'autres agences en
divers points de la province. Elle a pour correspondant à Rio-de-
Janeiro le « Banco commercial de Rio-de-Janeiro » qui est son
principal actionnaire avec deux mille actions. La Banque a pour
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CRÉDIT. 377
objet toutes les opérations ordinaires d'escompte, de dépôts et de
commission et il lui est défendu de faire des prêts sur hypothè-
ques d'immeubles. Le capital souscrit est de 2.000 contos de réis
dont la moitié est versée.
Au 30 juin 1888, les créances douteuses étaient de 283.843.600
réis. Les dépôts étaient de 1.816.524.508 réis. Les entrées dans
la caisse durant le semestre montaient à 9.880.197.194 réis. Le
fonds de réserve était de 8.187.730 réis, et le solde en caisse de
179.135.568 réis. Le dernier dividende a été à raison de 6 pour 100.
Les actions de 200.000 réis avec 50 pour 100 versés sont cotées
100.000 réis.
Casa Bancaria da provincia de San-Paulo Nielsen et Cia. —
Bien que cette Société en commandite soit de création récente,
elle occupe déjà une position importante. Voici quelques chiffres
extraits de son bilan arrêté au 30 juin 1888 :
Capital des associés en commandite,
souscrit 1.800.000.000 réis.
Versé 1.440.000.000 —
Les associés solidaires, responsables
de la gérence, ont versé 13.104.000 —
Le dépôts et les soldes dûs aux comptes
courants s'élevaient à 6.779.072.216 —
La société devait à ses correspondants
à Londres, Paris et Rio-de-Janeiro 1.216.690.689 —
Son portefeuille d'escompte et effets à
recevoir présentait un solde de 2 . 710 . 660 . 683 —
Ses avances en comptes courants à
Santos, San-Paulo et Campinas montaient à 5.137.502.827 —
Les bénéfices nets du semestre à 226.758.519 —
Banco popular de San-Paulo. — C'est une Banque de dépôts,
d'escompte et de commission qui vient d'être fondée en jan-
vier 1888, sous le régime delà loi n° 3150 du 4 novembre 1882,
au capital de 500 contos de réis, dont il a été versé
31 1.750. 000 réis. Ses opérations sont encore de peu d'importance.
III. Province de Minas Geraes. Banco-Territorial-
e-Mercantil-de-Mînas. — Bien que des statuts n'aient pas
encore été imprimés, la Banque dite « Banco Territorial e Mer-
LE BRÉSIL EN J889.
eantil de Minas » fonctionne, depuis octobre 1887, comme banque
d'escompte et de commission. Son siège social esta Juiz-dc-Fura.
Elle a une agence à Rio-de-Janeiro, qui effectue aussi directe-
iinnl toutes les opérations de la Banque. Le capital souscrit est
de 1.000 contos, dont les 7/10, soit 700 contos, ont été versas et
dont le solde est appelé. La Banque escompte les billets du Trésor
et autres effets; prête sur cautions de toute sorte; se charge,
contre commission, de recouvrements et paiements, de vente et
achats de titres publics et autres ; reçoit de l'argent en compte
courant et à terme, à raison de 4 pour 100 Fan pour 3 mois,
5 pour 100 Tan de 4 à 6 mois, et G pour 100 Tan pour 7 à 12 mois.
11 paraît que les fondateurs désireraient en faire une Banque de
crédit hypothécaire et agricole dès que la loi en élaboration à la
Chambre des députés sur les Banques régionales agricoles aura
été appliquée.
Au 30 juin dernier, le bilan de cette banque présentait les
chiffres suivants:
Capital versé 496.560.000 réis.
Fonds de réserve 2.943.938 —
Dépôts 1 . 199 . 527 . 776 —
Solde en caisse 71 . 410 . 795 —
Un dividende a été payé à raison de 8 pour 100 Fan.
L'action, avec 110.000 réis versés, était cotée 120.000 réis au
10 novembre 1888. C'est la seule banque qui existe dans la pro-
vince de Minas-Geraes, où l'on est en train d'en créer une autre.
IV. Province de Maranhao. — Nous avons à citer dans
cette province : l'ancien « Banco commercial » aujourd'hui dis-
paru ; le « Banco commercial » actuel ; le « Banco do Maranhao ;
le « Banco hypothecario ». Nous avons appris que la Banque du
Brésil avait également possédé une succursale à Maranhao et
avait jugé convenable de la supprimer.
Cette succursale était précisément l'ancien « Banco commer-
cial ». L'ancien « Banco commercial » a été fondé en avril 1846,
comme Banque d'escompte, de dépôts et d'émission. Le capital
social était de 800 contos, divisés en 4.000 actions de 200.000
réis chacune. La moitié seulement fut versée. Les dividendes s'éle-
vèrent en moyenne à 22 pour 100 Fan de la valeur normale des
actions, et ces actions atteignirent une prime de 56 et demi
pour 100.
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CRÉDIT. 379
Le « Banco commercial » actuel a été fondé par MM. Mar-
tinus Hoyer, J. Pedro Ribeiro et Joaquim Marques lioiz. Les
statuts ont été approuvés par le décret n° 4.390 du 15 juin 1869.
11 a commencé à fonctionner le 1er octobre de la même année. Le
Banco do Maranhâo est également une création du négociant
Joaquim Marques Iloiz. Les statuts, datés de Maranhâo le 17
juillet 1857, ont été approuvés par le décret n° 3.085 du 25 novem-
bre 1857. C'est une banque de dépôts et d'escompte, dont son
fondateur voulait également faire une banque d'émission. Le
capital social est de 3.000 contos de réis, dont un tiers est versé
et représenté par 10.000 actions de 100.000 réis chacune. La
banque a commencé à fonctionner le 12 mai 1858. Au 25 octobre
suivant, elle payait déjà un premier dividende de 1.150 réis par
action, et depuis lors ses dividendes ont été en moyenne à raison
de 13 pour 100 Tan de la valeur nominale des actions qui ont
actuellement une prime de 50 pour 100. Le Banco hypothecario a
été fondé par le Danois Martinus Hoyer, dont nous avons déjà
parlé à propos du « Banco commercial » actuel.
V. Province de Para. — Dans cette province, il existe à
notre connaissance: 1° La banque dite « Banque commercial do
Para » avec un capital de 2.000 cantos de réis ; 2° la banque dite
« Banco do Para novo » avec un capital de 1.000 contos de réis ;
3° une succursale du « Banco international do Brazil » ; 4° une
succursale de la « London and Brazilian Bank Led » ; 5° une
succursale de la banque « English Bankof Rio-de-Janeiro Led ».
VI. Province de Bahïa. — La banque du Brésil y a possédé
une succursale qu'elle a supprimée. Il existe actuellement quatre
banques : le « Banco da Bahia » au capital de 8.000 contos de
réis; le «Banco Mercantil»; la « Caixa hypothecaria », et la
« Sociedade de commercio ». Nous devons également mentionner :
1° une succursale de la « London and Brazilian Bank Led » ;
2° une succursale de 1' « English Bank of Rio-de-Janeiro Led »
VIL Province de Pernambuco. — Ici encore nous en
sommes réduits à citer simplement des noms. Il existe dans la
capitale de la province : 1° le « Banco hypothecario » ; 2° une suc-
cursale du « Banco international do Brazil » ; 3° une succursale de
la « London and Brazilian Bank Led » ; 4° une succursale de
F « English Bank of Rio-de-Janeiro Led ».
3S0 LEBRÉSIL EN 18 89.
VIII. Province de Rio-Grande-du-Sud. — Il existe
dans celle province une banque nationale déjà ancienne; c'est la
banque dite : « Banco da Provincia », établie à Porto-Alegrc. Nous
avons déjà vu, en parlant des banques anglaises établies au
Brésil, que Y « English Bank of Bio-dc-Janero Lcd » possède
une succursale à Porto-Alegrc, chef-lieu de la province, et que la
« London and Brazilian Bank Led » possède trois succursales
à Porto-Alegre, Pelotas et Rio-Grande-du-Sud (ville).
Nous voici arrivés au terme de notre travail. Nous regrettons
de n'avoir pu fournir des données assez complètes que sur les
trois provinces de Rio-de-Janeiro, San-Paulo et Minas-Geraes, et
d'avoir dû borner à une simple nomenclature les informations
relatives aux banques et institutions de crédit des autres
provinces, faute de temps pour réunir les éléments nécessaires.
Quoiqu'il en soit, nous espérons avoir fait œuvre utile en contri-
buant à rendre notre pays un peu plus connu au point de vue
financier et économique. Nous souhaitons que ce modeste travail
attire plus particulièrement l'attention des économistes, des
banquiers et des hommes d'affaires en général, et nous serons
heureux s'il en résulte quelque avantage pour le Brésil et pour les
pays qui auront entamé avec lui de nouvelles relations d'affaires.
Deux tableaux résument notre étude dans ses lignes princi-
pales. Dans l'un, nous mentionnons à côté du nom de chaque
province les noms des diverses iustitutions de crédit qui la
desservent. Dans l'autre, nous résumons les données les plus
intéressantes, extraites des bilans respectifs, concernant les 19
banques des provinces de Rio-de-Janeiro, San-Paulo et Minas-
Geraes, en fonctionnement régulier au 30 juin 1888.
PROVINCES
BANQUES ET INSTITUTIONS DE CRÉDIT
Amazonas .
Grào-Parâ.
Marannio
Piauliy
Coar.'i
Rio-Grande-do-Noi te
Parahyba-do-Norte . .
Pernambuco
Alagôas
Sergipe
Bahia..
Espirito-Santo ,
Rio-de-Janeiro.
Sào-Paulo.
Paranâ
Santa-Calharina
Sâo-Pedro do Rio-Grande-do-Sul .
Mmas-Geraes,
Goyaz
Malto-Grosso .
Banco Commercial do Para. — Banco do Para novo. —
Succursale à Belem-do-Pari de la « London and
Brazilian Bank Lcd ». — Succursale à Belem-do-Parâ
de la banque « English Bank of Rio-de Janeiro Lad ».
— Succursale à Belem-do-Parâ du « Banco Inter-
nacional do Brazil ».
Banco do Maranhào. — Banco Commercial do Maranhào.
— Banco hypothecario.
Banco Hypothecario. — Succursale à Pernambuco de
la « London and Brazilian Bank Led ». — Succur-
sale à Pernambuco de la Banque « English Bank of
Rio-de-Janeiro LeJ ». — Succursale à Pernambuco
du « Banco Internacional do Brazil ».
Banco da Bahia. — Banco Mercanlil. — Sociedade de
Commercio. — Caixa Hypothecaria. — Succursale
à Bahia de la « London and Brazilian Bank Led ». —
Succursale à Bahia de la Banque « English Bank of
Rio-de-Janeiro Led ».
Banco do Brazil. — Banco Internacional do Brazil. —
Banco do Commercio. — Banco commercial do Rio-
de-Janeiro. — Banco Industrial e Mercantil. — Banco
Rural e Hypothecario. — Banco Predial. — Banco
de Credito Real do Brazil. — Banco Uniâo do Cré-
dite — Banco del Credere. — Banco auxiliar. —
Caixa de Credito Commercial. — Banco popular. —
London and Brazilian Bank L«d. — English Bank
of Rio-de-Janeiro Le '. — Brasilianische Bank fur
Deutschland.
Banco de Credito Real de Sào-Paulo. — Banco Mer-
cantil de Santos. — Succursale à Sâo-Paulo du
« Banco Mercantil ». — Banco Commercial de Sào-
Paulo. — Banco da Lavoura de Sào-Paulo. — Suc-
cursale du « Banco do Brazil » à Sào-Paulo. —
Deux succursales de la Banque « English Bank of
Rio-de-Janeiro Led ». — Une succursale à Santos
et une agence à Sào-Paulo de la « London and
Brazilian Bank Lcd ». — Société en commandite
« Niclsen e Cia -:.
Banco da Provincia. — Succursales de la « London
and Brazilian Bank Lsd », à Rio-Grande-do-Sul,
Pelotas et Porto-Alcgre. — Succursale à Porto-
Alcgre de la Banque « English Bank of Rio-de-
Janeiro Led ».
Banco Territorial e Mercantil de Minas.
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CHAPITRE XIII
CHEMINS DE FER
Par M. FERNANDES PINHEIRO1
I. Aperçu général. — Au Brésil, le grand problème des
chemins de fer s'impose comme partout ailleurs. Si Ton consi-
dère l'énorme étendue de ce pays, si Ton considère, à côté de
la nécessité de procurer à l'industrie, là où elle est déjà forte, et
a l'utilisation du sol, là où il est déjà en large exploitation, des
moyens rapides et économiques de transport, la politique même
qui s'impose à tout pays nouveau de porter l'industrie et l'ex-
ploitation du sol à ses régions les plus reculées, qui, par le
propre fait d'énormes distances, n'en pourraient profiter que
sous la garantie de transports rapides et économiques, on voit
que le problème y acquiert une importance de premier ordre.
Il n'y va pas seulement améliorer ; il y va créer. En Europe, le
chemin de fer est un outillage perfectionné, qui est venu à
l'appel de l'industrie, des transactions déjà largement établies,
d'un progrès déjà considérable. Dans un grand pays neuf comme
le Brésil, il est, en plus, le facteur principal, indispensable, de la
création môme de l'industrie. Aussi, quand, dans la vieille Eu-
rope, ce besoin de perfectionnement dans les moyens de trans-
1. Chef de la Commission du Ministère des travaux publics du Brésil
en Europe et aux États-Unis d'Amérique, ancien président de la Société des
Ingénieurs du Brésil, membre de l'Institut polytechnique du Brésil, de la
Société des Ingénieurs civils de France et de la Société The Institution of
Civil Engineers d'Angleterre.
384 LE BRÉSIL EN 1SS9.
ports commença à se généraliser, le Brésil, bien jeune alors, et
avec une industrie à peine naissante, une agriculture dans l'en-
fance, et des ressources budgétaires encore bien faibles, n'a-t-il
pas été long à suivre l'exemple et à profiter de la leçon. Notre
loi du 31 octobre 1835 a été le premier signal de cette grande
transformation de la voirie chez nous. Par cette loi le Gouverne-
ment fut autorisé à faire la première concession d'un chemin de
fer, une ligne qui devait partir de la capitale de l'Empire et se
diriger vers les trois provinces voisines, Rio-de-Janeiro, Minas-
Geraes et San-Paulo. Le 1er juillet 1839, un étranger entrepre-
nant, Thomas Gockrane, domicilié au Brésil, où il a fait souche
honorable et honorée, demandait cette concession et l'obtenait
le 4 novembre de l'année suivante ; mais cette concession
n'ayant pas été mise à profit jusqu'en 1852, se trouva frappée de
déchéance.
Jusqu'en 1852, le problème avait été mal engagé. Les res-
sources du Brésil, bien faibles en ce temps-là, et encore moins
connues alors des grands marchés monétaires européens, n'of-
fraient pas assez de confiance aux capitaux étrangers pour ces
grands travaux publics et ces grandes entreprises; et dans le
pays môme on se demandait à cette époque-là, étant donnée la
puissance de transport qui était le propre du nouveau système,
si ce chemin de fer ne transporterait pas dans quelques jours
toute la production de la région d'une année, et si le reste du
temps il n'aurait pas à faire circuler ses trains vides. Aussi la
période de 1835 à 1852 ne se traduisit-elle que par le travail lent
qui se faisait clans les esprits, mais pas un rail ne fut posé.
Comme partout, dans les premiers temps de la campagne en
faveur de ce nouveau mode de locomotion on n'y voyait que le
côté spéculatif et qui devait être laissé absolument aux efforts
et risques privés. On ne se rendait pas compte de la puissance
énorme que présenterait un jour cette grande réforme de la
voirie, comme aussi on ne s'apercevait pas encore que ce nou-
veau système de transportsétait le plus sûr moyen de développe-
ment d'un pays, et que partout il sortait des domaines de la
simple spéculation privée pour prendre le caractère d'une raison
d'État.
Le travail dans les esprits a été long. Le Gouvernement et le
Parlement n'étaient pas sans méfiance, et justement parce que
c'était l'inconnu, on s'en méfiait; mais comme la vérité et le bon
sens ont leurs droits, le patriotisme aidant, on eut bientôt raison
CHEMINS DE FER. 385
de cette première indécision, on comprit que nos premiers
grands chemins de fer ne seraient possibles qu'avec l'appui ma-
tériel de l'État, et que la simple permission pour construire et
exploiter des chemins de fer n'était possible que là où l'indus-
trie est puissante et la culture du sol largement développée,
conditions que ne pouvait pas présenter un pays tout jeune. On
comprit alors qu'il fallait la garantie d'intérêts ou la subvention
de l'État, et de ce travail dans les esprits naquit le projet de loi
présenté au Parlement brésilien et voté en sa législature de 1852.
Le décret n° 641 du 26 juin 1852, qui a donné la sanction à
cette loi, marque le vrai point de départ de la voirie ferrée au
Brésil. Par cette loi le Gouvernement était autorisé à accorder
certaines faveurs, et notamment la garantie d'intérêts, au che-
min de fer qui, partant delà capitale de l'Empire, et après avoir
traversé la province de Rio-de-Janeiro, devait se développer à
travers la province de Minas-Geraes, ce grand empire inté-
rieur, et de la province de San-Paulo, cette terre de progrès qui,
après avoir été le berceau de l'indépendance du Brésil, a su con-
quérir un nouveau fleuron, en donnant à ses sœurs l'exemple
du développement industriel et de la puissance de l'initiative
privée. En même temps, cette mémorable loi de 1852 posait les
bases générales pour la concession des mêmes faveurs à d'autres
lignes ferrées dans d'autres contrées de l'Empire. Le grand prin-
cipe ainsi posé dans ses vrais termes ne pouvait manquer de
réussir, et la Législature et le Ministère de 1852 ont bien mé-
rité de la patrie.
La Compagnie du chemin de fer de Récife San-Francisco
(décret n° 1299, du 19 décembre 1853), la Compagnie du chemin
de fer Dom Pedro II (décret n° 1598 du 9 mai 1855) et la Compa-
gnie du chemin de fer de Santos-Jundiahy (décret n° 1759 du
26 avril 1856) furent les premiers fruits de la sage loi de 1852.
De ces quatre premières grandes lignes, deux, la lre et la 4e,
donnent aujourd'hui des résultats remarquables ; une, la 3e, est
en bonne voie de prospérité; il n'y a que la 2e qui ait été une
méprise.
A côté de ces premières quatre grandes concessions de l'État,
— fait remarquable à cette époque-là — un petit chemin de fer
d'intérêt local, avec moins de 17 kilomètres, sans garantie d'in-
térêts ni subvention (concession de la province de Rio-de-Janeiro
du 27 avril 1852) prenait sa place au soleil, et venait démontrer
que si pour les grandes lignes l'intervention et l'appui de l'État
3SG LE BRÉSIL EX 18S9.
s. »nt nécessaires, les petites lignes doivent se contenter de l'ini-
tiative et de L'appui exclusivement privés, et qu'elles ne sont
possibles que là où elles peuvent trouver dès leur début un
trafic rémunérateur, pour ne pas distraire les ressources de
l'État qui sont nécessaires pour les grandes entreprises. C'est
à ce petit chemin de fer, appelé alors — chemin de fer de Mauâ —
et aujourd'hui — clic ni in de fer du Prince de Gram-Parâ — que
revient l'honneur d'avoir lancé en marche le premier train de
chemin de fer dans la grande Amérique du Sud.
Aujourd'hui, trente-sept ans après, quand le réseau brésilien
compte environ 19.000 kilomètres, dont 8.890 déjà en exploi-
tation ; quand nos grandes lignes se prolongent chaque fois da-
vantage dans l'intérieur du pays ; quand nos compagnies de che-
mins de fer et lignes de l'État s'élèvent déjà à 83; aujourd'hui eue
la semence, si bien lancée jadis, germe, féconde et belle, le Brésil
répète avec reconnaissance les noms de ses grands ouvriers de la
première heure : Dom Pedro II, qui, dès les premiers jours, a
donné son appui fort et constant à la grande cause ; Irixeu Evax-
GEMSTA de Souza (vicomte de Mauà), qui, le premier, a mis en
exploitation un chemin de fer au Brésil ; Luiz Pediœira do Couto-
Ferraz (vicomte de Bom-Retiro), qui a eu l'honneur de régle-
menter cette grande industrie naissante, en lui imposant les
conditions de sécurité et de surveillance si nécessaires pour
qu'elle ne dégénérât pas dans l'industrie des procédés disparates
ou ne tombât pas dans les dangers de l'inexpérience ; Ghristiaxo-
Bexedicto Ottoxi, dont le nom restera à jamais gravé sur
les travaux gigantesques du percement de la grande ligne Dom
Pedro II, à travers des difficultés sans nombre de l'imposante
Cordillère de la Mer ; Mariaxo-Procopio Ferreira-Lage, qui a eu
la force et le mérite de briser les préjugés et les craintes qui
tenaient jusqu'alors la partie technique de nos chemins de fer
dans les mains du génie étranger, et a ouvert la voie aux ingé-
nieurs brésiliens ; Bexto Sobragy, Oliveira-Bulhôes, Ferreira-
Pexxa, Pereira-Passos, ingénieurs remarquables qui, dans la
première phase de nos chemins de fer, ont su montrer combien
il y avait à espérer de la direction technique brésilienne, et qui
forment aujourd'hui notre vieille garde respectable et respectée.
Nous avons employé jusqu'ici le mot réseau brésilien ; ce
mot y est plutôt pour indiquer l'ensemble de nos voies ferrées
que leur enlacement. Il suffit de jeter un coup d'œilsur une carte
du Brésil pour comprendre immédiatement que nos grandes
CÏÏEMINS DE EER. 3S7
lignes sont destinées à devenir les artères principales d'autant de
réseaux distincts, plutôt que les artères d'un seul réseau. Super-
ficie énorme, avec un développement de côtes considérable et
d'excellents ports, voilà le Brésil. Il fallait donc donner à chaque
contrée son débouché le plus naturel et le plus prompt sur la
mer, sans s'inquiéter, si ce n'est que dans un avenir lointain, si
ces différentes grandes voies pourraient prendre contact et venir
ainsi à constituer un seul réseau. Aujourd'hui on commence déjà
à songer à les raccorder, d'abord par groupes, pour finir plus
tard par raccorder ces groupes entre eux ; mais il ne faut pas ou-
blier, quand on serait tenté de critiquer tant de lignes encore
isolées, dont chacune est obligée d'avoir ses réserves de matériel
et son administration propre, que ce raccordement au Brésil se
chiffrera par des milliers et des milliers de kilomètres.
Au 1er janvier 1889, la longueur totale des chemins de fer
brésiliens était de 18.790 kilomètres, dont :
En exploitation 8.890 kilom.
En construction 2.000 —
Avec études approuvées pour entrer en cons-
truction 3.400 —
Concédés 4.500 —
Total 18.790 kilom.
Ils sont, en règle générale, à voie unique, et, la grande majo-
rité, à la voie de un mètre.
II. Renseignements et statistique. — Nous venons de
donner l'étendue des chemins de fer au 1er janvier 1889, mais dans
les renseignements et statistiques que nous allons produire
nous sommes obligé de nous arrêter au 1er janvier 1888, les rap-
ports de 1889 n'étant pas encore publiés et ne devant pas l'être
avant quelques mois.
Au 1er janvier 1888, il y avait au Brésil 13.481 kilomètres de
chemins de fer en exploitation, en construction ou avec études
approuvées pour entrer en construction, dont :
En exploitation 8#486 kilom>
En construction 1.398
Avec études approuvées 3.597
Total 13.481 kilom.
388 LE BRÉSIL E.\ 18 89.
Dont :
I. — Propriété de l'Etat :
En exploitation 2.013 kilom.
En construction 250 —
Avec études approuvées 2.:i(>l —
Total 4.0:>i kilom.
II. — Propriété de Provinces :
En exploitation 95 kilom.
Avec études approuvées 150 —
Total 245 kilom.
III. — Propriété de Compagnies :
En exploitation 6.378 kilom.
En construction 1.148 —
Avec études approuvées 1.08G —
Total 8. 612 kilom.
Des lignes appartenant à des Compagnies, il y a :
I. — Avec garantie d'intérêts accordée par VElat :
En exploitation 2.585 kilom.
En construction 191 —
Avec études approuvées 21 —
Total 2.797 kilom.
II. — Avec garantie d'intérêts ou subvention accordée par des
Provinces :
En exploitation 1.552 kilom.
En construction 486 —
Avec études approuvées 767 —
Total 2.805 kilom.
III. — Sans garantie d'intérêts ni subvention :
En exploitation 2.241 kilom.
IJi construction 471 —
Avec études approuvées 298 —
Total 3.010 kilom.
CUEMINS DE FER. 389
Dans tous ces chiffres ne sont pas comprises les lignes concé-
dées ou la partie des lignes concédées dont les études définitives
ne sont pas encore faites ou approuvées.
Au 1M janvier 1888, les chemins de fer se divisaient comme
suit :
U Lignes appartenant ù, l'État; 2 Lignes appartenant aux
Provinces; 30 Compagnies avec garantie d'intérêts ou subvention
kilométrique; 37 Compagnies sans garantie ni subvention.
En ce qui concerne la largeur de la voie S les lignes se
divisent comme suit :
Voie large 1-366 kilom.
Voie étroite 12.115 —
Total 13.481 kilom.
A VOIE LARGE I
I. — En exploitation :
Lignes de l'État 725 kilom.
Lignes des Provinces 0 —
Lignes des Compagnies. . . . 641 —
Total 1.366 kilom.
A VOIE ÉTROITE :
I. — En exploitation :
Lignes de l'État 1.288 kilom.
Lignes des Provinces 95 —
Lignes des Compagnies 5.737 —
Total 7.120 kilom
IL — En construction :
Lignes de l'État 250 kilom.
Lignes des Provinces 0 —
Lignes des Compagnies. . . . 1.148 —
Total 1 398 kilom.
1. Pour voie large nous entendons les deux types de voie employés au
Brésil, 1-60 et 1-40.
90 LE BRÉSIL EN 1889.
III. — Avec études approuvées:
Lignes de l'État 2.361 kilom.
Lignes des Provinces 150 —
Lignes des Compagnies. . . . 1.080 —
Total 3.507 kilom.
EN RÉSUMANT :
I. — Voie large :
En exploitation 1.3G0 kilom.
En construction 0 —
Avec études approuvées. ... 0 —
Total 1.3GG kilom.
II. — Voie étroite :
En exploitation 7.120 kilom.
En construction 1.308 —
Avec études approuvées. . . . 3.507 —
Total 12.115 kilom.
Total général 13.481 kilom.
La voie large, sauf pour une petite ligne de 12 kilomètres, est
partout de lm60. C'était le type des quatre premières grandes
concessions et il a été suivi pour le prolongement de l'une d'elles ;
mais on en est resté là, et pour toutes les autres concessions qui
se sont suivies, ainsi que pour le prolongement des lignes
anciennes, on a donné la préférence à la voie étroite. La voie
étroite prédomine donc au Brésil aussi bien dans les petites que
dans les grandes lignes.
Une autre tendance s'y accentue fortement, c'est dans la voie
étroite le type à lm00 d'écartement des rails. Ainsi dans les
12.115 kilomètres de voie étroite, il y avait à la fin de 1887 :
Avoiede0mG6 G kilom.
— 0 76 377 —
— 0 05 151 —
— 1 00 11.282 —
— 1 10 200 —
Total 12.115 kilom
CHEMINS DE FER. 301
Eu ce qui regardelea rayons des courbes et les déclivités, notre
sol en général très accidenté, nos vallées très sinueuses, nos
grandes chaînes de montagnes ne nous permettent pas d'être
trop difficiles dans la fixation des limites pour ces conditions
techniques.
Dans la voie large on est descendu facilement au rayon de
181 mètres, et on a monté jusqu'à la pente de 18 millimètres par
mètre, et exceptionnellement à 23 millimètres par mètre.
Sur une partie de la voie large (8 kilomètres) nous avons
même la pente de 97 1/2 millimètres par mètre, mais là, la
traction se fait par câble avec machines fixes.
Dans la voie étroite nous descendons facilement au rayon de
80 mètres, et exceptionnellement jusqu'à 40 mètres, et nous
montons non moins facilement jusqu'à la pente de 35 millimè-
tres par mètre et exceptionnellement à 83 millimètres par mètre.
Nous avons encore des lignes avec pentes de 150 et de 300 milli-
mètres par mètre, mais sur des lignes à crémaillère.
Nos courbes à petit rayon n'ont pas, cependant, une influence
grandement fâcheuse pour l'effet utile du matériel et sa durée
ainsi que pour la sûreté du trafic, grâce au type du matériel
roulant que nous employons en général, c'est-à-dire, — locomo-
tives américaines, moins rigides que les types européens, avec
base rigide réduite, ou, s'il faut plus de trois essieux moteurs,
les roues intermédiaires sans retard, et truck ou train articulé à
l'avant; — wagons et voitures sur trucks à pivot, où l'empatte-
ment de chaque truck est bien moindre que celui d'un véhicule à
deux esssieux tout en permettant de longues caisses ; — meilleur
rapport entre le poids mort et le poids utile des wagons, et plus
de commodité dans les voitures à voyageurs.
La question des pentes se liquide naturellement par un rende
ment moindre de la machine, et on est bien forcé d'en passer par
là, soit quand il n'y a pas, comme il nous arrive bien souvent,
moyen de faire autrement, soit quand les ressources de l'entre-
prise imposent la triste nécessité de sacrifier l'économie du
premier établissement, ce qui, tout en étant un mal, permet
d'avoir tout de même un chemin de fer qui, malgré tout, fait
encore le transport à meilleur compte et plus rapide qu'on ne le
faisait par le roulage ordinaire ou à dos de mulets.
Le coût des lignes en exploitation au 1er janvier 1888, y compris
les dépenses préliminaires, les expropriations, le premier établis-
302 LE BRÉSIL EN 1889.
Bernent, le matériel fixe et roulant, bâtiments, ateliers et tout
l'outillage, peut être estimé à fr. 1. 371.203. 1681 dont :
2013 kilomètres de l'État 453.052.600
95 — Provinces 10. 9 12.373
6378 — Compagnies 907.208.195
8486 kilomètres. Francs 1 .371.203.168
Ce coût donne la moyenne kilométrique de fr. 161.584, le
prix ayant varié de fr. 50.000 à 494.000.
Dans les tableaux 1, 2 et 3 ci-joints, nous donnons les détails
de chaque ligne.
Dans le tableau n° 1, on rencontrera, pour chaque ligne,
l'indication de sa propriété, son capital, le capital jouissant de
garantie, le taux de la garantie, les conditions techniques du
trace et la longueur en exploitation, en construction et avec
études approuvées pour entrer en construction. Le tableau n° 2
donne, pour chaque ligne, la statistique du service de transport,
voyageurs et marchandises. Le tableau n° 3 donne les résultats
financiers de l'exploitation. Tout pour l'année 1887. Ces tableaux
pourront être étudiés avec profit par ceux qui désireront connaî-
tre un peu en détail la question des chemins de fer au Brésil.
On verra ainsi, que, si l'ensemble des lignes en exploitation en
1887 a donné en moyenne :
Recette brute kilométrique. . . . 14.200 fr.
Dépense kilométrique 9.488
Bénéfice net kilométrique 4.752
il s'y trouve des lignes avec :
Recette kilom. 16.090 fr. Bénéfice kilom. 5.211 fr.
— 17.791 — 8.252
25.935 — 9.840
— 26.511 — 11.446
— 33.919 — 19.331
— 39.421 — 14.236
— 128.910 — 69.445
comme aussi des lignes malheureuses pour le moment.
1. Pour toutes les conversions en monnaie française, nous avons pris, et
prendrons dans le cours de ce travail, le change pair, soit 1 franc = 3oG réis.
CUEMINS DE FER. 393
Pour l'ensemble des lignes, le bénéfice moyen correspond à
2,8 pour 100 sur le capital employé dans la partie en exploita-
tion; mais le tableau n° 3 montre des lignes donnant 3, 4, 5, 7,
10, 14 et jusqu'à 14,9 pour 100 de bénéfice sur le capital
employé.
Mais ne nous arrêtons qu'à la moyenne qu'on a déjà de 2,8
pour 100. N'est-il pas vrai que, même sans parler de la grande
somme de bien-être et de développement industriel et agricole
que ces chemins de fer procurent au pays, ce résultat est déjà
assez engageant, si on considère que dans les pays jeunes les
chemins de fer ont à traverser une première phase très difficile?
La pensée qui doit dominer la création de chemins de fer diffère
beaucoup d'un pays de la vieille Europe à un pays de la jeune
Amérique. Dans le premier, le chemin de fer va à la rencontre d'un
trafic déjà assuré, et si ses résultats ne se traduisent pas, dès les
premiers temps, par de bons bénéfices, c'est une entreprise mes-
quine ou même ruineuse. Dans un pays jeune et de grand avenir
comme le Brésil, il marche enéclaireur ; c'est lui qui, semblable à
ces hardis explorateurs que l'Europe civilisée lance à travers les
déserts de Y Afriqu e, doit mettre au jour et faire valoir nos richesses
sans nombre; c'est lui qui va donner à l'agriculture le courage de
profiter de la fertilité sans pareille de notre sol béni ; c'est lui qui
va faciliter à l'industrie les moyens de s'interner, de se répandre,
de se développer. Il crée ainsi son futur trafic, mais, jusque-là, il y
a une phase difficile à traverser, phase plus ou moins longue
suivant le choix même de la direction.
Plusieurs de nos lignes ont déjà traversé cette phase difficile,
et les chiffres de leurs bénéfices, que nous avons cités plus haut,
5, 7, 10, 14, 14,9 pour 100, en sont la preuve. Cependant à leurs
débuts ces mêmes chemins de fer ne donnèrent que de faibles
bénéfices, et c'était dans la garantie d'intérêts que leurs action-
naires voyaient alors le plus clair de leurs dividendes.
C'est donc une politique toute différente de celle des pays
déjà très avancés qui commande si hardiment chez nous la
création de chemins de 1er
Dans ces conditions, le chiffre moyen que nous avons cité
plus haut n'a que la portée spéculative de la statistique et pas
davantage. Quand on voudra étudier le côté financier des chemins
de fer brésiliens et se faire une idée de leur passé, de leur pré-
sent et de leur avenir, il faudra, pour ne pas s'égarer, tout un
394 LE BRÉSIL EN 18S9.
travail d'économiste; il faudra d'abord bien se pénétrer du rôle
tout à fait spécial des chemins de fer dans un pays jeune, et, une
fois cela bien établi, il faudra prendre chaque chemin de fer sépa-
rément, étudier la zone qu'il traverse, le plus ou moins de pru-
dence qu'on a eu dans le choix de ia direction, et voir jusqu'à
quel point l'économie a présidé à l'exécution des travaux ; il
faudra ensuite mettre en ligne de compte le travail du temps, la
progression du développement dans la zone traversée et comment
celle-ci a répondu aux espérances qu'on y a mises. Surtout, pas
de moyennes ; qu'on oublie l'ensemble des lignes pour ne fixer
l'attention que sur chaque ligne séparément. Et, si on se livre à ce
travail, on verra des lignes ayant vaincu en peu de temps la pre-
mière phase, et se trouvant aujourd'hui avec un rapport magni-
fique; d'autres, en passe de la vaincre ; d'autres enfin, les mau-
vaises, heureusement en petit nombre, pour lesquelles cette
phase devra encore se prolonger pendant une période de temps
plus ou moins longue ; et on reconnaîtra que nous avons bien
agi en escomptant l'avenir.
III. Régime légal. — La construction et l'exploitation d'un
chemin de fer destiné à servir le public sont toujours précédées
d'une concession, soit du gouvernement central, soit d'un gou-
vernement provincial.
Est du ressort du gouvernement central la concession des
lignes : a. Devant mettre en communication deux ou plusieurs
provinces entre elles; b. Devant mettre en communication la
capitale de l'Empire avec une ou plusieurs provinces ; c. Devant
mettre en communication n'importe quelle partie de l'Empire
avec un ou plusieurs Étals limitrophes ; cl. Celles qui, môme si
elles ne devaient pas sortir des limites d'une province, auraient
un caractère d'intérêt général par leur affectation spéciale au
service de l'administration générale ; e. Celles qui seraient cons-
truites directement par l'Etat; f. Celles qui seraient un prolon-
gement des lignes de l'Etat ou des lignes concédées par l'État.
Est du ressort des gouvernements provinciaux la concession
des lignes : a. D'intérêt exclusivement provincial, c'est-à-dire
celles qui, tout en ne sortant pas des limites de la province,
respectent les droits de zone privilégiée des concessions déjà
existantes du gouvernement général ou des lignes de l'État;
b. Affluentes aux lignes concédées par l'État ou appartenant à
l'État, à condition de se tenir dans les limites de la province ;
CHEMINS DE FER. 395
h. Devant être construites ou exploitées par la province et com-
prises exclusivement dans ses limites.
Pour la concession des lignes provinciales, il n'y a pas de
législation type, chaque concession ayant été faite par une loi
provinciale ad hoc ; mais toutes sont plus ou moins calquées sur
1rs types dos concessions de l'État. Les concessions de l'État se
rangent en quatre types qui, tout en conservant dans l'ensemble
une grande identité, diffèrent cependant beaucoup en ce qui
concerne le délai du privilège, la propriété, les faveurs, et le
mode de fixation du capital quand il y a la garantie d'intérêts.
Ces quatre types ne constituent pas un tableau dans lequel le
umivernement choisit, au moment de faire une concession, mais
bien la transformation successive des bases des concessions,
transformation amenée successivement par l'expérience acquise,
aussi bien que par les idées personnelles des hommes dirigeants
à chaque époque. On voit là un travail du temps, et nécessaire-
ment chaque concession a suivi les bases en vigueur à l'époque
où elle a été faite. De là une certaine diversité de régimes. A ceux
qui seraient tentés d'y voir une certaine confusion, nous rappelle-
rons que toute concession de chemin de fer constituant un mono-
pole ou entraînant des faveurs de l'État, il devient un devoir
pour l'État de tenir la question toujours ouverte, et de profiter
pour les nouvelles concessions de l'expérience acquise avec les
précédentes. Dans ces conditions, quand la vieille Europe et
l'Amérique du Nord ont tant tâtonné et tâtonnent encore en
matière de régime de concessions de voies ferrées, il n'est pas
étonnant que dans un pays jeune, où nécessairement la fièvre du
développement prend un caractère plus aigu, et où les aspira-
tions sont plus bouillantes, on ait un peu essayé de tous les systè-
mes de concessions.
Les quatre types dont nous avons parlé sont :
1° Concession perpétuelle ; garantie d'intérêts pour 90 ans
sur un capital estimé d'abord à un maximum, et à arrêter défini-
tivement après la construction, jusqu'à concurrence de ce maxi-
mum, au vu des preuves des dépenses faites bonâ fiole ; privilège
de zone de 66 kilomètres (moitié de chaque côté de l'axe du
chemin de fer), ce privilège limité au même délai de la garantie ;
exemption de droits d'entrée pour le matériel nécessaire à la
construction, aux ateliers et à l'entretien ; exemption des mêmes
droits pour le charbon nécessaire pour les 30 premières années
d'exploitation ; autres faveurs dont nous traiterons plus tard ;
3% LE BRÉSIL EN 1889.
droit absolu de rachat passés 30 ans de l'entrée en exploitation de
toute la ligne. C'est le régime de la loi du 2Gjuin 1852
2° Concession perpétuelle ou temporaire, et dans ce second
cas rétrocession à l'État, à la fin de la concession ; garantie d'in-
térêts pour un délai à fixer dans chaque concession, ne pouvant
pas dépasser 90 ans ; capital garanti estimé d'abord à un maxi-
mum, et à fixer après la construction comme il vient d'être dit
pour le régime précédent ; privilège de zone de GO kilomètres
(moitié de chaque côté de l'axe du chemin de fer), ce privilège
limité au délai de la garantie ou tout au plus à 90 ans ; les autres
faveurs comme pour le régime précédent ; droit absolu de rachat
passé les premières 15 années. C'est le régime du décret du
28 février 1874.
3° Concession perpétuelle ou temporaire, et, dans ce second
cas, rétrocession à l'État à la fin de la concession ; garantie
d'intérêts pour un délai maximum de 30 ans; capital garanti fixé
en présence des études, projets et devis, ce capital ainsi fixé
restant invariable, quel que soit, après, le coût effectif de la ligne,
tant que le plan approuvé sera maintenu, ou pouvant être majoré
du montant des modifications exigées par l'État, ou diminué
de moitié de l'économie résultant des modifications propo-
sées par la compagnie et approuvées par l'Etat, ou encore
diminué du total correspondant aux modifications faites par la
compagnie sans l'assentiment de l'État ; privilège de zone de 40
kilomètres (moitié de chaque côté de l'axe du chemin de fer), ce
privilège limité au délai de la concession temporaire, et en tout
cas jamais pour plus de 90 ans; exemption des droits d'entrée
pour le matériel destiné à la construction et à l'équipement de la
ligne; même exemption pour le combustible nécessaire pour les
20 premières années d'exploitation ; autres faveurs comme pour
les régimes précédents ; droit absolu de rachat passé les 30 pre-
mières années comptées de l'achèvement de toute la ligne. C'est
le régime du décret du 10 août 1878.
4° Concession temporaire et pour un déLai maximum de
90 ans ; rétrocession à l'État ; capital garanti variable suivant le
coût réel de la ligne, cette garantie pour un délai maximum de
30 ans ; privilège de zone de 20 kilomètres (moitié de chaque côté
de l'axe du chemin de fer), ce privilège limité à la durée de la
concession ; les autres faveurs comme dans le 3e régime ; droit
de rachat passé un délai à fixer dans chaque concession ; droit
absolu d'expropriation par cause d'utilité publique.
CHEMINS DE FER. 397
Les concessions sans garantie d'intérêts suivent les clauses
des concessions avec garantie, sauf en ce qui concerne celle-ci,
ainsi qu'aux autres faveurs qui ne s'entendent accordées que si
la concession en fait mention expresse.
Nous n'avons fait ressortir ici que les caractères généraux des
différents types, en réservant pour plus tard l'étude des détails.
En comparant les quatre types ci-dessus on s'aperçoit:
1° Du chemin qu'a fait la question de délai de propriété de la
concession. Perpétuelle dans toutes les concessions faites sous
le régime de la loi de 1852 ; perpétuelle ou temporaire suivant
les conventions à partir de la loi de 1874 : encore perpétuelle ou
temporaire par la loi de 1878; enfin, exclusivement temporaire
à partir de la loi de 1880. On a payé d'abord l'impôt de l'inexpé-
rience ; on a essayé après, pour les nouvelles concessions, d'im-
planter des principes plus rationnels ; on a fini en 1880 par fixer
ces principes, et depuis lors on n'a plus fait de concessions per-
pétuelles; le principe de la temporariété s'est définitivement
imposé, et, quel que soit dans l'avenir le régime des concessions
de chemins de fer, elles seront toujours temporaires, avec rétro-
cession à l'État.
2° Le capital garanti est pour les premières concessions
estimé à un maximum sans bénéfice de règlement postérieur au
vu des preuves des dépenses faites bonâ fide ; il passe après, au
régime du capital fixé d'avance, pour revenir après au capital
définitif à fixer, mais non plus avec une limite maximum. Sur ce
point les idées ne sont pas aussi fixées que pour le délai de
concession : chaque système a dans les sphères dirigeantes des
défenseurs convaincus, et la question est loin d'être jugée.
Certes, le système delà loi de 1880 est théoriquement le plus
raisonnable, mais politiquement est-il le plus convenable ? Nous
n'avons ici qu'à faire le relevé des systèmes, mais s'il nous était
permis de donner notre opinion personnelle nous dirions que le
système du capital fixé d'avance, avec les sages tempéraments de
la loi du 10 août 1878, c'est-à-dire, le troisième régime, est en
ceci encore le plus prudent dans l'intérêt de l'État garant.
3° La zone privilégiée a descendu successivement de 66 à 60,
à 40 et à 20 kilomètres. C'était là une nécessité imposée par le
besoin même de doter le pays de chemins de fer, et d'assurer à
chaque contrée son débouché le plus naturel. Plus tard nous
dirons ce qu'on entend par zone privilégiée, mais rien que ce
mot impliquant par lui-mêisa ne t^anopole, il est facile de com-
3CJ8 LE Bit ES IL ES 1889.
prendre, même en absolu, la grande portée de la rédaction de la
1 trgeur de la zone donnée en apanage à chaque chemin de for.
4° Lo délai de la garantie d'intérêts a subi non moins de
réductions ; de 90 ans pour les premières concessions il est
descendu à 30 ans, au maximum, à partir de la loi du 10 août
1S7S, ce qui diminue considérablement la responsabilité de
l'État pour les concessions qui ont suivi ce décret.
5° Le droit de rachat a été toujours maintenu, et nous dirons
dans la suite comment il s'exerce ; mais, à côté de ce droit, la
loi de 1880 fait pour la première fois mention du droit d'expro-
priation pour cause d'utilité publique, quoique en bonne justice
on soit en droit de comprendre que cette réserve a été toujours
tacitement comprise.
Dans tous les régimes, l'État se réserve toujours le droit
d'examiner et d'approuver les plans, projets et devis, d'y exiger
des modifications, de fixer la nature et la capacité du matériel,
de fixer, d'accord avec les Compagnies, les tarifs de transports de
surveiller l'exécution et l'entretien des travaux et du matériel,
de surveiller l'exploitation en imposant des règlements pour
l'entretien, police, sûreté et exploitation, de fixer les délais pour
la présentation des plans, pour l'entrée en construction, pour la
conclusion des travaux et pour l'entrée de la ligne en exploita-
tion, enfin, pour le contrôle des Compagnies avec la garantie
dintéréts.
Les faveurs accordées, en règle générale, par tous les régimes,
outre la garantie d'intérêts, sont :
1° L'exemption de droits d'entrée pour tous les matériaux et
outillage nécessaires à la construction, au premier équipement
de la ligne, et de ses ateliers ;
2° La même exemption pour le combustible nécessaire à l'ex-
ploitation et aux ateliers pendant un certain délai ;
3° Les bénéfices d'une loi spéciale d'expropriation des terrains,
etc., nécessaires au passage du chemin de fer, ses ouvrages,
stations et autres dépendances ;
4° La cession gratuite, pour le même effet, des terrains de
propriété nationale ou encore non possédés ;
5° L'usage, pour les travaux du chemin de fer, des bois et
autres matériaux se trouvant sur ces terrains nationaux ou
encore non possédés ;
6" Le bénéfice de l'exception faite dans les donations territo-
riales en faveur du libre passage des routes d'intérêt public ;
CUEMINS DE FER. 399
7° La cession, à un prix infime, des terrains nationaux margi-
naux, avec clause d'y établir la colonisation;
8° La préférence, à égalité de circonstances, pour le prolon-
gement de la ligne et pour ses embranchements ;
9° La préférence pour l'exploitation des mines et des voies
navigables existant dans la zone qui fait l'apanage du chemin
de !
10° La reconnaissance de la qualité de colons, avec tous ses
avantages et exemptions, pour le personnel étranger employé par
le chemin de fer, et l'exemption du service militaire pour le
personnel national qui s'y trouve employé ;
11° Le droit de siège social à l'étranger, mais avec représen-
tant muni de pleins pouvoirs résidant au Brésil, et attribution
aux tribunaux brésiliens pour toute question intéressant le
Brésil ainsi que ses nationaux et résidants en ce qui regarde
les faits passés au Brésil ;
12° Payement en or ou au change pair de la garantie pour les
compagnies formées à l'étranger ;
13° Droit d'arbitrage pour les questions intéressant l'interpré-
tation des contrats, et les droits et devoirs des parties contrac-
tantes ;
14° Exemption des taxes générales imposées par l'État aux
autres compagnies, et, d'après la loi qui vient d'être votée l'année
dernière, la même exemption pour les taxes provinciales et
municipales ;
15° Payement de la garantie d'intérêts par semestres échus,
et sur le capital garanti au fur et à mesure de son versement chez
le banquier de la Compagnie, d'où il ne peut sortir qu'au fur et à
mesure des besoins des travaux, et en créditant en décharge de
la garantie d'intérêts payée par le banquier.
Par contre, outre le droit d'approbation des projets, devis et
tarifs, et du contrôle, surveillance etc., ainsi que des autres
dispositions des concessions, l'État se réserve le droit, dans le
cas où il s'agirait de Compagnies avec garantie d'intérêts, d'en-
caisser la moitié des bénéfices quand la Compagnie donne plus
de 8 pour 100 jusqu'à 12 pour 100, et de faire baisser les tarifs dès
que le bénéfice atteint 12 pour 100.
Pour compléter ce chapitre, et avant d'entrer dans l'exposition
détaillée des quatre lois formant les quatre régimes de conces-
sions, nous mentionnerons les décrets :
1° Du 27 octobre 1855, réglementant le procès d'expropria-
400 LE BRÉSIL EN 1S89.
lions des terrains, elc,... pour le passage et les besoins des che-
mins de fer. Ce décret établit une procédure sommaire pour les
expropriations des terrains, etc, nécessaires pour les chemins de
fer, leurs ouvrages, stations et dépendances. Il se résume comme
suit: La Compagnie commence parfaire à l'amiable son offre ;m
propriétaire ou aux ayant-droit; si cette offre est acceptéf, la
loi n'a pas à intervenir. Si l'offre n'est pas acceptée, elle est re-
nouvelée par exploit d'huissier et dans les cinq jours le proprié-
taire est tenu de déclarer s'il l'accepte ou non : s'il l'accepte, la
cause est jugée sommairement ; s'il ne l'accepte pas, il est tenu
de nommer sans relard deux arbitres, la Compagnie en nomme
deux autres et le Gouvernement un cinquième. Ces cinq arbitres
se réunissent sous la présidence du « Juge de Droit » du district
ei procèdent sans retard à l'estimation de l'indemnité, en
prenant comme limite l'offre et la demande, et le juge homologue
la décision du tribunal arbitral. Ce jugement prononcé, la Com-
pagnie, même si le propriétaire ne s'y conforme pas, a le droit
de verser aux mains de la justice le montant jugé, et le juge, en
lui en donnant acte, l'investit du droit d'entrer en possession des
lieux cl d'y poursuivre les travaux. Le procès suit alors son cours,
mais sans plus entraver l'exécution des travaux.
2° Du 26 avril 1857 ; il réglemente la construction, l'entretien,
l'exploitation, la police et la sécurité des chemins de fer. Ce rè-
glement, par la date où il a été fait, c'est-à-dire quand on n'avait
au Brésil que des idées assez vagues en matière de chemins de
fer, prouve une étude très intelligente et très consciencieuse des
règlements européens, une fermeté et une prévoyance qui font
honneur au ministre qui l'a promulgué. Il a été, plus tard, com-
plété, amélioré, en certaines de ses dispositions, réformé dans
d'autres, mais encore aujourd'hui il est la base de tout, et le
jour où l'on fera une consolidation de toutes les dispositions
prises à différentes époques pour le compléter ou l'interpréter,
c'est lui-même qui fournira le plus large et le plus succulent
subside. C'est Luiz Pedreira do Couto-Ferraz quil'afait, et c'est
tout dire.
Nous terminerons ce chapitre par une exposition, avec commen-
taires, de la loi du 26 juin. 1852, qui permettra de mieux saisir
l'importance de cette loi, laquelle marque le point de départ de l'in-
dustrie des chemins de fer au Brésil. Cette exposition complétée
par ce que nous venons de dire sur les divers régimesde concessions
et les faveurs accordées, permettra de bien comprendre tous les
CHEMINS DE FER. 401
quatre régimes, sansque nous ayons besoin d'allonger cette notice
en faisant la même exposition commentée pour chacun d'eux.
Régime de la loi du 26 juin 4 852. — Cette loi, faitepar l'As-
semblée générale et promulguée par le décret n° 641 du 26 juin
1852, est la première qui ait établi des bases générales pour la
concession des chemins de fer. Elle constitue le premier régime.
L'article 1er :
a. Autorise le Gouvernement à faire la concession d'un chemin
de fer partant du municipe de Rio-de-Janeiro, et terminant aux
points qui seraient reconnus les plus convenables dans les pro-
vinces de Minas-Geraes et de San-Paulo.
En exécution de cette disposition le Gouvernement a
fait, par décret et contrat du 9 mai 1855,1a concession à la
Compagnie Dom Pedro II, après l'échec des concessions et
contrats précédents qui ont été annulés. Cette première
grande Compagnie a été formée à Rio-de-Janeiro, avec des
capitaux nationaux, par MM. le vicomte de Rio-Bonito,
Furquim de Almeida, Joâo-Baptista-da-Fonseca, José-Carlos
Mayrink, Militâo-Maximo-de-Souzaet Christiano-Benedicto-
Ottoni.
Le 10 juillet 1865, le Gouvernement l'a rachetée à
l'amiable et lui a donné après, un grand développement.
Ce chemin de fer est aujourd'hui la plus importante ligne
de l'Ëtât, et de tout le réseau brésilien. Il a sa première
partie (725 kilomètres) à voie de lm60 et son prolongement
à. voie de lm00.
b. Fixe la durée du privilège à 90 ans au maximum.
Dans le contrat pour ce chemin de fer, ainsi que pour
les autres prenant leur origine dans cette loi, le privilège
a été fixé à 90 ans, mais la propriété restant perpétuelle
pour les compagnies concessionnaires.
c. Accorde à la Compagnie le droit d'expropriation pour cause
d'utilité publique et lui fait cession des terrains nationaux et des
terrains non possédés nécessaires pour la ligne, ses ouvrages et
dépendances.
Plus tard, la loi du 27 octobre 1855 a donné à l'expro-
priation des terrains, etc., pour les chemins de fer, unré-
26
LE BRÉSIL in 18 89.
gime spécial et sommaire, comme nous l'avons montré
plus haut. Outre les terrains nationaux ou non possédés,
les compagnies sont encore, par bénéfice des anciennes
donations aux particuliers, exonérées du payement du sol
là où l'origine de la propriété est la « Sesmaria » (dona-
tions du temps colonial), et à plus forte raison la « Posse »
(droit du premier occupant). Dans ces cas, qui sont les
plus fréquents, les compagnies n'ont à payer aux proprié-
taires que les cultures, constructions et autres améliora-
tions de la main de l'homme. Dans les procès d'expropria-
tion les arbitres n'ont pas à tenir compte de la plus-value
que la chose acquiert ou pourrait venir à acquérir par le
propre fait du passage du chemin de fer.
d. Permet d'accorder à la Compagnie l'usage, pour la cons-
truction, des bois et autres matériaux se trouvant dans les
terrains nationaux et dans les terrains non possédés, traversés
par la ligne.
Cette concession aété faite dans tous les contrats passés
en vertu de cette loi. De plus, il s'entend aussi pour les
carrières se trouvant dans la zone à exproprier dans les
terrains de « Sesmaria » et « Posse », sans que l'exis-
îce de ces carrières soit un motif de majoration de l'in-
lemnité, sauf si elles sont déjà en exploitation.
c. Permet d'accorder à la Compagnie l'exemption de droits
d'entrée sur les matériaux à importer de l'étranger pour la
construction et l'équipement du chemin de fer, et aussi, pour
un délai à fixer, pour le charbon nécessaire à l'exploitation et aux
ateliers.
Cette autorisation a été utilisée dans tous les contrats
de concessions faits en vertu de cette loi. Elle Ta été dans
la mesure la plus large, comprenant non seulement les
matériaux de construction, mais le matériel fixe, roulant
et accessoire, l'outillage pour l'exécution des travaux et
pour les ateliers. Pour le combustible il a été fixé une
exemption pour 33 ans.
f. Accorde un monopole de zone de 33 kilomètres de ch p que
côté de J'axe du chemin de fer et cela pour un délai de 90 ans.
Ce privilège a pour but de mettre la concession plus
CHEMINS DE FEU. 403
ancienne à l'abri de nouvelles concessions dans la zone
qui lui a été accordée. Dans la pratique, cette restriction
au droit de concessions nouvelles ne s'entend pas en
absolu, mais en tant que ces nouvelles lignes pourraient
avoir le même point de départ et d'arrivée que la plus
ancienne, ou qui, parlant d'un point de la zone de celle-ci,
finirait dans un autre point, de la même zone, ou à son
point de dépari ou d'arrivée. Elle n'exclue pas les nouvelles
lignes qui, commençant et finissant aux mêmes points,
ou commençant ou finissant au même point que l'ancienne,
sortiraient, dans le développement de leur tracé, en dehors
de la zone de celle-ci, à condition de n'établir dans cette
zone d'autres stations que leurs stations de départ ou
d'arrivée. Elle n'exclue pas non plus les prolongements,
et encore moins les embranchements convergents. Elle
exclue encore moins les lignes transversales qui ont besoin
de croiser l'ancienne, mais qui n'ont pas le même objectif
que celle-ci. En un mot, l'objet de la restriction est d'as-
sureràlalignelaplus ancienne sa clientèle naturelle et non
pas une clientèle forcée qui pourrait avoir avantage à
trouver un autre débouché à ses produits que celui que lui
donne la ligne ancienne, Autrement compris, le privilège
de zone serait révoltant et deviendrait une sérieuse entrave
au développement de la zone qui aurait reçu en cadeau la
première ligne.
g. Donne au Gouvernement le droit de fixer les tarifs jusqu'au
maximum d'après les moyens de transports existant dans la zone
traversée au temps de la concession.
Dans les concessions faites en vertu de cette loi les
tarifs de marchandises ont été fixés par lieue (6.600 mètres)
et par « arrôba » (14 kilogrammes 688 grammes) comme
suit :
§ 15, ce qui revient à fr. 154 par tonne et kilomètre,
les produits d'exportation en général.
$ 30, ce qui revient à fr. 309 par tonne et kilomètre,
pour les produits d'importation.
Pour les voyageurs de lrc, 2e et 3e classe respectivement
600, 400 et 200 # par lieue (6.600 mètres), ce qui revient
à 0 fr. 25 1/2, 0 fr. 17 et 0 fr. 08 1/2.
Aujourd'hui les tarifs sont en général bien en-deçà.
404 LLI BRÉSIL EX 1889.
de ces limites de 18o2, et le gouvernement, à qui appartient
l'approbation des tarifs, a constamment le soin de les faire
baisser chaque fois davantage.
h. Garantît un intérêt de 5 pour 100 au capital engagé, le délai
de garantie et le maximum du capital garanti restant à fixer.
Dans les concessions faites sous le régime de cette loi,
la garantie a été portée de 5 à 7 pour 100, attendu que les
provinces en ont donné 2 pour 100 et que l'État a pris sur
lui la responsabilité de la garantie provinciale. Le capital
garanti est d'abord estimé à un maximum, et, une fois le
chemin de fer terminé, il est fixé en présence des comptes
de dépenses faites bond flde, et jusqu'à concurrence dudit
maximum. Ce n'est pas une garantie de dividendes, mais
l'obligation de parfaire jusqu'à 7 pour 100 du capital les
bénéfices nets de l'exploitation, quand il y a bénéfice, ou,
de payer 7 pour 100 du capital quand il y a déficit, de sorte
que, sil'exploitation se fait en déficit, la Compagnie prélève,
sur le montant payé des 7 pour 100, les sommes nécessaires
pour couvrir sa dette occasionnée par cette situation, et
l'actionnaire ne touche que le restant.
i. Fixe à 8 pour 100 la limite des dividendes à partir de la-
quelle l'excédent des bénéfices est réparti avec l'Etat, comme
compensation de sa responsabilité de garantie, et ordonne de
fixer une limite des dividendes à partir de laquelle ies tarifs
doivent être réduits.
Nous avons déjà montré plus haut que, de 8 à 12
pour 100, moitié de l'excédent sur 8 revient à l'Étal, et
que 12 pour 100 ont été fixés comme limite entraînant de
droit l'abaissement des tarifs, de sorte que jamais les béné-
fices ne puissent dépasser 12 pour 100.
j. Défend à la Compagnie de posséder ou d'employer des
esclaves.
Aujourd'hui qu'il n'y a plus d'esclaves au Brésil, cette
disposition n'a plus de raison d'être ; mais, établie en
1H.V2, elle prouve que depuis longtemps les Pouvoirs pu-
blics au Brésil ont toujours cherché, par tous les moyens, à
restreindre les maux de cette institution, triste héritage
des temps coloniaux.
CIIEMINS DE FER. 405
k. Garantit aux ouvriers et employés des chemins de fer
l'exemption du service militaire et de la garde nationale pour
les indigènes, et des facilités et avantages comme colons pour les
étrangers.
Ayant déjà parlé plus haut de cette garantie, il nous
reste à peine à dire qu'elle a été maintenue dans toutes
les concessions faites sous le régime de cette loi.
/. Exige l'approbation du Gouvernement pour les statuts de
la Compagnie, et ne reconnaît à celle-ci d'existence légale avant
cette approbation.
Le principe établi est celui-ci : toute Compagnie, na-
tionale ou étrangère, formée pour l'exploitation d'une
concession, doit soumettre ses statuts à l'approbation du
Gouvernement, qui peut exiger la modification de tout
ce qui ne serait pas d'accord avec la loi et la concession.
De plus, toute disposition des statuts contraire aux clauses
et conditions du contrat de concession et qui pourrait
passer inaperçue au Gouvernement, lors de l'approbation
de ces statuts, est, de droit, tenue pour non avenue. Au-
cune modification aux statuts approuvés n'a de valeur
légale sans l'approbation préalable du Gouvernement.
m. Défend à la Compagnie de mettre obstacle de quelque
nature que ce soit au libre transit par les routes existantes à
l'époque de la concession ou qui viendraient à être établies dans
l'intérêt public à côté du chemin de fer, ainsi que de s'opposer
au croisement de ces routes avec le chemin de fer, ou de perce-
voir des taxes pour ce croisement.
En conséquence, les Compagnies ont toujours été
tenues, quand leur tracé doit couper une route publique
ou privée déjà existante, d'y établir, à leurs frais, soit un
passage en dessous ou en dessus avec raccordements.
Pour les routes publiques qui s'établissent après la cons-
truction du chemin de fer, le croisement est toujours
garanti, mais les frais des ouvrages pour ce croisement ne
sont plus à la charge de la Compagnie du chemin de fer.
Pour les chemins privés qui pourraient s'établir après la
construction du chemin de fer, il faut l'assentiment de
celui-ci pour le croisement, tant à niveau qu'au dessous ou
au dessus.
4ÛG LE BRÉSIL Elf 1889.
». Prescrit qoe, dans le contrai à intervenir, le Gouvernement
fixera des délais pour le commencement des travaux et pour
l'achèvement de la ligne, el établit le principe d'amendes et de
déchéance pour les cas de retard.
Cette clause a été maintenue dans toutes les conces-
sions. La ligne est divisée en sections, et pour chaque
section on fixe un délai pour le commencement des travaux
et un autre pour leur achèvement, avec amendes pour les
cas de retard. S'il y a relard, on fixe un nouveau délai:
pendant ce temps on compte l'amende, et si, passé ce
nouveau délai, la Compagnie est encore en faute, la
déchéance est prononcée.
o. Réserve au Gouvernement le droit de rachat de la conces
sion, passé un délai à fixer dans le contrat.
Pour les concessions faites sous le régime de cette loi,
il a été convenu que, sauf accord à l'amiable, ce droit de
rachat ne pourrait être exercé que passés 30 ans de l'entrée
de toute la ligne en exploitation. Dans ces conditions, le
prix à payer pour le rachat est un capital en titres de la
dette publique brésilienne donnant un revenu égal au
revenu net moyen des cinq dernières années précédant la
dénonciation du contrat.
p. Donne au Gouvernement le droit de faire et d'imposer les
règlements nécessaires pour la construction, l'entretien et l'exploi-
tation, ainsi que pour l'imposition, contrôle, police et sûreté.
En exécution de cette clause, le Gouvernement a pro-
mulgué les règlements dont nous nous sommes déjà
occupé ; il a commissionné un ingénieur fiscal auprès de
chaque ligne, et il a, en Europe, un agent pour le règle-
ment des comptes de garantie des Compagnies qui ont
leur siège à l'étranger. Les questions de détails sont réglées
par des arrêtés spéciaux.
Article 2. — Étend les dispositions de cette loi à d'autres
compagnies qui se formeraient pour l'exécution de chemins de
fer dans d'autres contrées du pays, sauf ratification, par le Par-
lement, des concessions en ce qui concerne la convenance
de la ligne concédée, son opportunité et la responsabilité de
l'État.
CHEMINS DE FER. 407
Cet article a élargi considérablement la portée de la
loi que nous commentons : il a fait de cette loi le point de
départ des concessions des premières grandes lignes et a
donné un grand élan à l'industrie nouvelle des chemins de
Un-, et implanté la voirie perfectionnée au Brésil. Comme
conséquence de cet article de la loi, trois autres grandes
lignes ont été concédées, toutes à voie de lm60 : une dans
lvi province de San-Paulo, une autre dans la province de
Bahia et l'autre dans la province de Pernambuco.
Articles 3 et 4. — Ces articles, dont le 4° est le dernier de la
loi, n'intéressent pas cet exposé. Le 3e est une mesure transitoire
et le 4e est à peine la formule qui termine toutes les lois.
IV. Principaux chemins de fer dans une situation
prospère. — Nous venons de donner une notice générale sur
les chemins de fer au Brésil; nous croyons utile de la compléter
en appelant l'attention du lecteur sur celles de nos lignes les plus
importantes qui se trouvent déjà dans une situation prospère.
Chemin de fer Dom Pedro II. — C'est la plus importante ligne
du Brésil, aussi bien par son grand trafic et les grands intérêts
économiques qu'elle dessert, que parle caractère imposant de ses
ouvrages, les difficultés de son tracé, et le matériel dont elle
dispose. L'idée de ce chemin de fer remonte à l'année 1835, et sa
première concession à l'année 1840; mais, de 1835 à 1852, on n'y
a rien fait d'utile, et le temps s'est passé en essais de formation
Je Compagnies, en concessions et prorogations infructueuses,
jusqu'à ce que la loi du 26 juin 1852 vint imprimer avec la
garantie d'intérêts une nouvelle face à la question. Il a fallu alors
déblayer le terrain encombré par les essais précédents et ce n'est
que le 9 mai 1855 quon a pu former une compagnie viable. Cette
compagnie a entrepris les études de la ligne et l'a mise en cons-
truction dans ses deux premières sections; et, le 28 mars 1858,
elle livrait à l'exploitation un premier tronçon de 48 kilomètres.
Ln 1860 toute la première section, 62 kilomètres, qui, sans
présenter des travaux remarquables, avait eu, cependant, dans sa
deuxième partie, à traverser de grandes étendues inondables,
était livrée à l'exploitation. On attaquait déjà alors la 2e section
qui se développe à travers la Cordillère de la Mer (Serra do Mar),
où des travaux gigantesques ont dû être faits.
408 LE BRÉSIL EN 1889.
En 18G3, la ligne avait en exploitation 133 kilomètres, mais la
compagnie était à bout de forces à cause des travaux considé-
rables dans la Cordillère, et, le 10 juillet de la même année, le
gouvernement rachetait à Pamiable la concession pour donner
au chemin de fer l'impulsion que le pays réclamait et pour en
faire sa première ligne d'Etat.
Au 1M janvier 1888, les 133 kilomètres reçus de l'ancienne
compagnie se trouvaient portés à un chiffre supérieur à 800, dont
786 en exploitation, et 103 en construction.
La ligne part de la capitale de l'Empire, traverse en grande
partie la province de Rio-de-Janeiro et se lance à travers les
provinces de San-Paulo et de Minas-Geraes.
Le tracé, partant de la capitale, gravit bientôt l'imposante
Cordillère de la Mer, qu'il franchit par une succession de tunnels,
grands remblais, profondes tranchées et murs de soutènement,
et, au col, par un grand tunnel de 2237 mètres de longueur, à 460
mètres au-dessus du niveau de la mer; de là, il descend et gagne
bientôt la vallée du fleuve Parahyba, où il se divise en deux
grands bras, l'un remontant ce fleuve et s'internant dans la pro-
vince de San-Paulo, et l'autre descendant le même fleuve pour
continuer à desservir la province de Rio-de-Janeiro, et la partie
inférieure de la province de Minas-Geraes. Sur ce second bras
prend naissance, à 200 kilomètres de la capitale de l'Empire, un
troisième grand bras, la ligne centrale qui se développe à travers
la province de Minas-Geraes, ayant pour objectif les eaux navi-
gables du bassin du haut San-Francisco.
Le tracé des deux premiers bras présente, à côté de travaux
assez importants de terrassement, des ponts remarquables sur
le Parahyba, qui a dû être traversé plusieurs fois. Dans la ligne
centrale, après un tracé tourmenté et très difficile jusqu'au pied
de la grande Cordillère de la Mantiqueira, on a dû gravir
celle-ci à 1.117 mètres au-dessus du niveau de la mer, au prix de
difficultés non moins grandes que celles de la 2° section (Cordil-
lère de la Mer), et, plus tard, la Cordillère des Taipas. Dans
tout ce tracé on rencontre des ouvrages de terrassement formi-
dables et des travaux d'art vraiment remarquables. On peut dire
que dans tout le chemin de fer Dom Pedro II, il ne s'est pas
trouvé un seul petit tronçon de ligne facile ; aussi, dans sa partie
à voie large (72o kilomètres à voie de lm60) a-t-on dû bien souvent
employer la pente de 18 millimètres par mètre, et les courbes de
181 mètres de rayon, et dans son prolongement à voie étroite
CHEMINS DE FER.
409
(lm00) les pentes de 20 millimètres par mètre, etles courbes dell7
mètres de rayon.
Ce n'était pas là que l'ingénieur constructeur trouvait ses
aises, et nous qui écrivons cette rapide notice, nous en savons
quoique chose, car nous avons étudié et construit une bonne
partie de la ligne.
Ce chemin de fer possédait, au 1er janvier 1888, un effectif de
128 locomotives, 185 voitures à voyageurs, 52 voitures diverses,
et 1.7 75 wagons divers.
Le parcours total du matériel a été, en 1887, de :
Pour les locomotives 3.242.418 kilomètres.
Pour les véhicules 32.222.339 —
Les parcours des locomotives, dans Tannée 1887, se divisent
comme suit :
TARCOURS DIVERS
NOMBRE
de kilomètres
KILOMÈTRES
parcourus
100 à 10.000 kilom
16
32
21
22
19
10
75.504
502.070
528.122
760.163
847.100
529.459
10.0 0 20.000 —
20.0"0 30.000 —
30.000 40.000 —
40.000 H0. 000 —
Au-dessus de 50.000 —
Total
120
3.442.218
27.020
Parcours moyen annuel
La consommation de combustible a été de 35.288.772 kilogs,
ce qui revient en moyenne à 10,9 kilogs par locomotive et kilo-
mètre parcouru.
Le nombre et parcours des trains, en 1887, a été
410
LE BRÉSIL EN 1SS9
TRAINS
NOMBRE
PARCOURS TOTAI
1. — Voie Large
I4.G00
11.288
5.514
594
221
Kilom.
2r,o.:; 90
654.212
988.528
511.784
50.52S
8. SIS
Trains de >oyageura [grandes ligne-)
Train-- iinxlcs —
Trains de marchandises —
Trains extraordinaires de voyageur*. . ....
Trains extraordinaires de marchandise-. . .
Tolal
35.971
2.4G0.984
II. — Voie Étroite
1.4C0
8
18
57.592
244
751
Trains extraordinaires de 70yageurs
Trains extraordinaires de marchandise- . .
Total
1 480
58.590
D'où il résulte que le parcours moyen des trains a été :
Pour la voie large G8 4/2 kilomètres.
Pour la voie étroite 39 1/2 —
Dans le tableau du parcours des trains, ne figurent pas les
trains du service de l'entretien de la voie, tandis que le tableau
du parcours des locomotives comprend aussi les locomotives
faisant ce service, ce qui, avec le service de manœuvre dans les
gares, explique la différence des parcours totaux donnés par les
deux tableaux ci-dessus.
En 1887, le chemin de fer a transporté1 :
I. — Dans la voie large :
4. 529.080 voyageurs (lre et 2e classe).
5Si.03-i tonnes de marchandises.
II. — Dans la voie étroite :
36.750 voyageurs.
9.917 tonnes de marchandises.
La recette totale de l'exploitation du chemin de fer, pour
Tannée 1887, a été de 10. 316. 81G # 185 réis, soit au change pair
28.979.826 fr., et la dépense de 6.599.328^573 réis, soit au
même change 18.537.4 10 fr.
1. D'après les tableaux publics dans le Rapport du ministre des travaux
publics.
CHEMINS DE FER.
411
Le tableau suivant montre l'importance de l'exploitation
depuis sa première année :
LONGUEUR
RECETTE
DÉPENSE
BÉNÉFICE
RAPPORT
de la
ANNEES
en
exploitation
brute
totale
net
dépense à ht
recette
Kilom.
Fr.
Fr.
Fr.
Pour 100
1858
62
849.098
577.499
271.599
68
1863
90
2.904.309
2.431.359
472.950
80
1S6^
203
7.920.874
3.526.725
4.394.149
45
1873
375
18.008.615
9.949.507
8.059.108
45 1/4
1878
622
28.153.161
15.618.559
12,534.605
43
1883
723
32.576.089
18.427.980
14.148.109
56 1/2
IW1
786
28.979.821
18.537.440
10.442.381
64
A partir de 1884, et notamment en 1887, on a baissé considé-
rablement les tarifs de transports ; et, comme l'État doit jusqu'à
un certain point sacrifier les bénéfices nets des chemins de fer lui
appartenant à des considérations d'ordre général, telles que le
bien-être général, et l'accroissement des revenus publics en
généralpar l'augmentation de la production, qui est toujours une
conséquence des transports à bon marché, on a fait ces réductions
sans trop penser que, si un abaissement des tarifs de transport
amène en règle générale une augmentation du tonnage des trans-
ports, la recette brute du chemin de fer ne suit pas toujours la
même loi, et bien souvent se traduit par un mécompte si l'abais-
sement du tarif va plus loin que la puissance de production au
moment où le tarif sera appliqué. Cette vérité se traduit par la
recette de l'année 1887 qui a fléchi d'environ 3.600.000 francs
comparativement à celle de 1883, tout en faisant la part des
bonnes et mauvaises récoltes qui, forcément, influent sur le
tonnage.
Le bénéfice net a aussi fléchi en 1887, comparativement à
celui de 1883 : cela tient, d'un côté, àlamoins-value des recettes,
et de l'autre à l'augmentation des frais d'exploitation résultant
de la plus grande longueur de la ligne, justement dans des
contrées où jusqu'à présent la production était très restreinte à
cause du manque de bons transports. Après 6 pour 100, les béné-
fices sont descendus à moins de 4 pour 100. Nous ne connaissons
pas encore le relevé de l'année 1888, qui dans le tableau ci-dessus
compléterait la dernière période quinquennale, et nous le regret-
412 LE BRÉSIL EN 1889.
Ions d'autant plus que la récolte ayant été, en 1888, Lien plus
grande qu'en 1887, la recette brute et le bénéfice du chemin de
ter ne seronl pas probablement inférieurs à ceux de 1883.
Le chemin de fer Dom Pedro II ne tire pas seulement son
importance des grands bienfaits qu'il procure à la zone qu'il tra-
verse ; il est devenu, en outre, le grand collecteur d'un grand
réseau ferré qui s'étend à droite et à gauche de ses lignes, sur
lesquelles ce réseau vient s'embrancher, et qui lui donne le
caractère que la loi de 1852 a voulu lui assigner, c'est-à-dire celui
de grand facteur du développement de ces trois grandesprovinces:
Hio-de-Janeiro, Minas-Geraes et San-Paulo (partie nord).
Chemin de fer de Santos-Jundiahy. — La concession de ce
chemin de fer, partant du port de Santos, dans la province de
San-Paulo, au sud de Rio-de -Janeiro, et terminant à Jundiahy,
dans la province de San-Paulo, à 139 kilomètres de son point de
départ, a été donnée par contrat du 26 avril 1856. Il est à voie de
lmG0 et son capital jouit de la garantie d'intérêts de 7 pour 100 ;
mais depuis 1874 cette garantie est devenue tout à fait inutile,
les bénéfices nets ayant alors dépassé le taux de garantie. Les
bénéfices ayant dépasssé 8 pour 100, la moitié de l'excédent a été
versée dans les caisses de l'État.
Jusqu'en 1874, l'État avait payé de garantie 4.633.462 $ 378 réis,
soit 13 015.344 francs, et la part des bénéfices qui lui est revenue
montait déjà à la liquidation de 1887 à 5.036.402 $ 851 réis, ou
14.147.199 francs. Cette situation splendide montre combien
les faits ont donné raison à la concession de 1856.
La Compagnie organisée en vertu de la concession du 26 avril
1856 a pris le nom de « San-Paulo Railway Campany, Limited »,
et a obtenu l'existence légale au Brésil le 1er juin 1860. Le
24 novembre 1860, les travaux ont été commencés, et, le
16 février 1867, toute la ligne, avec ses 139 kilomètres, était en
exploitation. Le tableau suivant montre la situation financière de
l'exploitation dès sa première année :
CUEMINS DE FER.
413
LONGUEUR
RAPPORT
de la
dépense à la
A N N i: B S
en
RECETTES
DEPENSES
BENEFICES
exploitation
recette
Kilom.
Fp.
Fr.
Fr.
Pour 100
1801
189
3.475.909
857.136
2.618.773
24 3/4
1878
139
5.613.427
2.759.188
2.854.239
49
1871
139
9.811.893
2.859.263
6.452.631
30 3/4
1882
139
15.301.425
5.31S.754
9.982 671
34 3/4
1881
139
11. 918. 490
8.265.G35
9.652.855
46 1/8
Rien que la simple inspection de ce tableau montre la belle
situation dans laquelle se trouve ce chemin de fer. Cette situa-
lion serait encore bien plus prospère s'il n'y avait pas dans cette
ligne une partie où la traction se fait par câble et machines fixes.
Cette partie qui, par son prix de premier établissement, a fait
monter de beaucoup le coût du chemin de fer, impose à l'exploi-
tation des frais considérables.
En 1887, ce chemin de fer a transporté 280.452 voyageurs et
360. 6G9 tonnes de marchandises. Les bénéfices du trafic furent de
14 pour 100 du capital engagé.
La ligne, partant de Santos où elle a sa gare maritime, gagne
ïe pied de la Cordillère de « Cubatâo » sans de grandes difficultés
et avec des pentes douces. Pour monter la Cordillère la Compa-
gnie à préféré la solution de plans inclinés à un tracé avec des
pentes de 3 ou 3 1/2 pour 100, qui, à l'époque où la ligne fut
étudiée, faisaient encore peur à la majorité des ingénieurs. Cette
solution ayant malheureusement été agréée, le chemin de fer
gravit la Cordillère au moyen de 4 sections à câble, avec une lon-
gueur totale de 8 kilomètres et une différence de niveau de
778 mètres entre le commencement du premier et l'extrémité du
dernier plan incliné.
Le premier plan a :
1824 mètres en pente de 10 1/4 pour 100.
81 mètres en pente de 0,076 —
1905 mètres.
Sur cette longueur il y à 1275 mètres en alignements droits et
630 mètres en courbes de 804 mètres de rayon.
-111 I.K BRESIL EN 1SS0.
Le deuxième plan a :
1 iiT L mètres en pente de 10 1/4 pour 100.
424 mètres en pente de 10,46 —
S2 mètres en pente de 0,070 —
177 i mètres.
Sur cette longueur on rencontre 1095 mètres en alignements
droits, 450 mètres en courbes de 003 mètres de rayon et 223
mitres en courbes de 1206 mètres de rayon.
Le troisième plan a :
254 mètres en pente de 11 pour 100.
1748 mètres en pente de 10,28 —
83 mètres en pente de 0,076 —
2085 mètres.
Sur cette longueur la ligne présente 527 mètres en aligne-
ments droits, 715 mètres en courbes de 1206 mètres de rayon,
288 mètres en courbe* de 804 mètres de rayon et 555 mètres en
courbes de 603 mètres de rayon.
Le quatrième plan a :
2010 mètres en pente de 10,28 pour 100.
44 mètres en pente de 5 1/2 —
182 mètres de niveau.
2236 mètres.
Sur cette longueur il y a 629 mètres en alignements droits et
1607 mètres en courbes de rayon variant de 1609 à 603 mètres.
Au passage d'un plan à l'autre et au sommet du dernier une
machine fixe, de la force nominale de 150 chevaux, avec cylin-
dres de 660 millimètres de diamètre et course de piston de 1520
millimètres, met en mouvement les câbles auxquels s'accrochent
un train montant et l'autre descendant.
La ligne étant aune seule voie, le croisement du train mon-
tant avec le train descendant se fait au milieu du parcours sur
une petite section à double voie.
Les câbles sont en acier formés de 42 fils de 34 millimètres
de diamètre ; ils travaillent à un dizième de leur charge d'é-
preuve.
CHEMINS DE FER. 415
Le danger de cette traction a imposé les mesures de précau-
tions suivantes : 1° mise hors de service du câble dès que sur une
longueur de 915 millimètres il présente trois fils rompus; 2°freins
à tenailles serrant fortement les rails en cas de besoin ; 3° aver-
ur électrique permettant au conducteur de se mettre toujours
en communication avec le mécanicien de la machine fixe.
Comme ouvrages d'art importants, des murs de soutènement,
un grand viaduc dans la partie à plans inclinés et un souterrain
de 501 mètres dans la partie à traction ordinaire. Ce viaduc qui
est l'ouvrage le plus important de toute la ligne a une longueur
de 215"025 et -49 mètres de hauteur ; il a 10 travées de 20m13 et
une de 13m725, et se trouve dans une courbe de 603 mètres de
rayon et en pente de 10m28 pour 100. Sauf les culées et les sou-
bassements des piles, il est tout en fer.
Chemin de fer « Paulista ». — C'est le prolongement du
précédent, mais il appartient à une autre Compagnie, la Compa-
gnie du précédent ayant renoncé au droit de préférence pour ce
prolongement, ce qu'elle doit bien regretter aujourd'hui. Comme
le précédent il est à voie de lm60.
La Compagnie formée pour la construction et l'exploitation
de ce prolongement, sous le nom de & Companhia Paulista da
Estrada de ferro de Jundiahy à Campinas. » a vu son existence
légale reconnue par décret du 28 novembre 1868. Elle a obtenu
de la province de San-Paulo la garantie d'intérêts de 7 pour 100
pour un délai de 30 ans, mais elle y a renoncé peu après et a
désintéressé la province des sommes précédemment payées par
celle-ci à titre de garantie d'intérêts. La Compagnie ayant obtenu
le prolongement de sa ligne jusqu'à Rio-Claro et s'étant rendue
propriétaire des embranchements de « Mogy-Guassû » et de
« Descalvados », son capital s'est élevé à 20.000.000^000 (francs
56.179.775).
Le réseau de la Compagnie est de 242 kilomètres et il est tout
entier en exploitation.
La ligne ne présente pas de travaux d'art à signaler, et comme
tracé ses conditions techniques sont données dans le tableau
général numéro 1. Comme direction, situation et zone traversée
ce chemin de fer se trouve dans d'excellentes conditions, comme
le démontre le tableau suivant:
416
LE BRESIL EN 1889.
l ONGUBUB
RAPPORT
A N NÉES
en
exploitation
RECETTES
DÉPBNSBS
BENEFICES
de la
dépense a la
recette
Kilom.
Fr.
Fr.
Fr.
Pour 100
1872
44
874.011
523.208
350.806
00 0 0
1871
135
4.310.056
1.564.322
2.745.731
36 1/3
1882
225
8.090. 938
2.579.755
5.511.183
32
1881
242
8.208.398
3.530.296
1.678.108
43
En 1887, celte ligne a transporté 248.081 voyageurs et 143.781
tonnes de marchandises. Ses bénéfices ont été supérieursà 8 pour
100 du capital de la compagnie.
Chemin de fer Mogyana. — Cette ligne s'embranche sur la
précédente, à Gampinas. C'est encore une entreprise splendide.
Elle a été concédée à la « Companhia da Estrada de Ferro Mo-
gyana » par la province de San-Paulo, et a eu son existence légale
reconnue par décret du 13 novembre 1872. La même compagnie
a obtenu postérieurement différents embranchements ainsi que
son prolongement à partir de Mogy-Merim. Elle jouit delà garantie
provinciale de 7 pour 100 pour une partie de la ligne et de 6 pour
100 de l'État pour l'autre partie. La ligne et ses embranchements
sont à voie de 1 mètre. Le réseau de la compagnie avait, au 1er
janvier 1888, 551 kilomètres en exploitation et 188 kilomètre
en construction, sans compter les parties encore à l'étude. Les
travaux ont commencé le 28 août 1873.
Cette ligne se divise en deux parties bien distinctes, aussi
bien par les dates de concession que par le progrès des zones
traversées. La première partie, la plus ancienne, celle quia la ga-
rantie de la province de San-Paulo, est déjà en plein rapport et le
bénéfice du trafic en 1887 y a atteint presque 15 pour 100 sur le
coûtkilométrique de premier établissement. La seconde partie, le
prolongement avec garantie de l'État, non seulement est très
récente, mais se trouvant dans une zone très fertile il est vrai,
mais où presque tout est encore à faire, demandera quelques
années pour se trouver aussi en plein rapport. Etant encore tout
aux débuts de son exploitation cette seconde partie n'a donné
que 0.0 pour 100 de bénéfice, mais son avenir est certain et
bientôt il dépassera le taux de garantie. Si on réunit les deux
parties en exploitation, le bénéfice du trafic de l'année 1887 est
CUEMIXS DE FER. 417
encore supérieur i\ 9 pour 100 du capital engagé dans toute la
ligne en exploitation.
Dans Tort peu de temps toute la ligne donnera plus de 12
pour 100 en moyenne, car toute la zone est d'une fertilité prodi-
gieuse et l'agriculture s'y développe avec un élan remarquable.
11 faut ajouter que ce chemin de fer a été construit avec beaucoup
d'économie et est exploité avec beaucoup de bon sens, ce qui fait
honneur à son administration et à son personnel technique,
entièrement nationaux.
En 1887, ce chemin de fer a transporté 209.110 voyageurs et
1 15.558 tonnes de marchandises. Pour la même année la recette
a été de fr. 0.835.506 et les frais d'exploitation de fi\ 4.009.174,
dont fr. 2.826.332 de bénéfices. Le rapport des frais à la recette
d'exploitation a été de 58 2/3 pour 100. C'est de tous les chemins
de fer brésiliens celui qui a pénétré le plus profondément dans
l'intérieur du pays.
Chemin de fer de San-Carlos-do-Pinhal. — C'est un pro-
longement de la ligne de la compagnie « Paulista » dont nous
avons déjà parlé. 11 commence à Rio-Claro, et 57 kilomètres après,
se divise en deux bras, l'un de 72 kilomètres, terminant à Arara-
quâra, et l'autre de 135 kilomètres terminant à « Jahû », tou-
jours dans la province de San-Paulo, ce qui fait en tout 264 kilo-
mètres, tous à voie de 1 mètre. La concession a été donnée par
l'État par décret du 4 octobre 1880, sans garantie d'intérêts ni
subvention et mise en adjudication. La Compagnie s'appelle « Rio-
Claro ».
Les travaux de construction ont commencé le 15 octobre 1881,
et, le 2 mai 1883, un premier tronçon de 77 kilomètres était livré
au trafic. En 1887 toute la ligne était en exploitation.
Le capital de la Compagnie est de fr. 14.044.944, mais la ligne
et son équipement complet n'ont coûté que 13 millions et demi
environ. En 1887 ce chemin de fer tout récent a transporté 97.908
voyageurs et 22.672 tonnes de marchandises ; il a rapporté
fr. 2.141.385 et dépensé fr. 1.188.429; d'où un bénéfice de
lr. 952.956, soit 7 pour 100 sur le capital employé.
Chemin de fer de San-Paulo-Rio. — Ce chemin de fer relie la
section du chemin de fer de Dom Pedro II dans la province de
San-Paulo à la ligne de la Compagnie Santos-Jundiahy près de la
ville de San-Paulo, chef-lieu do la province du même nom. Il est
27
418 LK BRÉSIL BU 1SS9.
de L^OO. Sa concession a été donnée à la Compagnie qui
porte son nom, Le - mars 1S72. Elle jouit de La garantie d'intérêts
de 7 pour 100. La construction a commencé le :>1 mars 1873, et
Le 6 novembre 1875 un premier tronçon de 43 kilomètres (''lait
li\ ré au trafic. Le 8 juillet 1S77 toute La Ligne, avec 232 kilomètres,
était livrée à L'exploitation. Le capital de la Compagnie est de
fr. 29.957.865 jouissant tout entier de la garantie.
En 1887, ce chemin de 1er a transporté 208.397 voyageurs et
GO. 881 tonnes de marchandises, avec une recette de fr. 3.732.779
et une dépense de fr. 2.524.020; d'où un bénéfice de fr. 1.208.759,
soit ï pour 100.
Par cette ligne, les réseaux des provinces de Rio-de-Janeiro,
Minas-Geracs, Espirito-Santo et San-Paulo sont mis en commu-
nication, de sorte que, au 1er janvier 1888, 5.052 kilomètres de
voie ferrée étaient ainsi en correspondance immédiate.
Chemins de fer de la Compagnie Leopoldina. — C'est la
Compagnie qui a le plus grand réseau de chemins de fer au
Brésil. Ce réseau est formé de concessions faites directement à la
Compagnie et par l'achat de lignes et concessions d'autres
Compagnies, ainsi que par l'achat de la ligne de « Cantagallo » au
gouvernement provincial de Ptio-de-Janeiro. La concession pri-
mitive de la Compagnie est du 27 mars 1872, mais la ligne de
Cantagallo, qui lui appartient à présent, date du 23 août 185G, et
c'est la partie la plus intéressante par son côté technique. Sur
cette ligne la voie est de lm10 ; sur les autres lignes du réseau de
la Compagnie elle est de im00.
La ligne de Cantagallo présente la particularité d'une section
à très fortes pentes et petits rayons, établie et exploitée longtemps
par des locomotives Fell, mais aujourd'hui par traction ordinaire
au moyen de puissantes locomotives à simple adhérence, cons-
truites par les usines de « Baldwin Locomotive Works », de
Philadelphie, Etats-Unis.
Dans le tableau général n° 1, nous donnons les conditions
techniques du tracé de cette section spéciale, et nous n'ajouterons
ici que quelques renseignements sur les puissantes locomotives à
simple adhérence qui y font le trafic en substitution des anciennes
machines Fell, et avec plus d'économie et de rendement que
celles-ci.
La plus moderne de ces locomotives à simple adhérence pour
la section à fortes pentes et courbes raides (8,3 pour 100 et
CHEMINS DE FER. 419
40 mètres de rayon) est une macliine-lcnder avec trois essieux
couples, cylindres de 18" diamètres X 20" course (0,457 x 0,508);
empâtement des roues S*;]" (2,514) et diamètre des roues 39"
(0,991) ; les roues extrêmes avec bandage à boudin et le train du
milieu avec bandage de 5 1/2" (0,140; sans boudin; poids total
en ordre de marche 88.000 1. b. (39.805 kilog.) Elle remorque 40
tonnes de train avec une vitesse de 14 kilomètres à l'heure.
Le reseau de la Compagnie Leopoldina exploite des zones très
importantes des provinces de Rio-de-Janeiro, Minas-Geraes et
Espirito-Santo. 11 avait, au 1er janvier 1888, 1.204 kilomètres, dont
1.052 en exploitation, 132 en construction et 20 avec études
approuvées pour entrer en construction.
Le capital de la Compagnie est de 50 . 000 . 000 # 000 réis
(fr. 140.449.438). La Compagnie jouit pour certaines parties de
ses lignes de la garantie d'intérêts de 7 pour 100 de la province
de Minas-Geraes ; pour d'autres, elle a eu de la même province
la subvention kilométrique de 9.000 $ 000 réis (fr. 25.281) par
kilomètre construit ; enfin d'autres parties du réseau n'ont ni sub-
vention ni garantie.
En 1887, la Compagnie a transporté 351.867 voyageurs et
90.182 tonnes de marchandises, avec une recette defr. 7.429.596
et une dépense de fr. 4.480.565, d'où un bénéfice de fr. 2.949.031,
soit 3 pour 100 sur le coût estimé de la partie en exploitation.
Les lignes nouvellement ouvertes par la Compagnie dans la
province de Minas-Geraes, dans des régions très fertiles mais
pour le moment très arriérées, absorbent en bonne partie les
bénéfices de ses anciennes lignes; mais c'est là une situation
passagère. Bientôt ces régions nouvellement traversées seront en
grand développement, les lignes anciennes n'auront plus à venir
en aide aux nouvelles, et les bénéfices monteront sur une large
échelle, de sorte que l'avenir de ce réseau est des plus brillants.
Chemin de fer de Récife à Palmarès. — Cette ligne, dans
la province de Pernambuco, a été concédée le 7 août 1852. Elle
appartient à la « Recife and S. Francisco Railway Company »,
organisée à Londres, qui a eu son existence légale reconnue par
décret du 13 octobre 1853. L'État a garanti 5 pour 100 et la pro-
vince de Pernambuco 2 pour 100 d'intérêts, faisant en tout 7 pour
100, qui ont toujours été à la seule charge de l'État, celui-ci
ayant pris sur lui de faire sienne la garantie donnée par la pro-
vince. La construction a commencé le 7 septembre 1855. Le
420
LE BRÉSIL EN 18S9.
S février L858, on livrait à l'exploitation la lrc section avec
32 kilomètres ; Le3 décembre 1800, Ia2cavec26 kilomètres; en 1862
l.i :; avec 38 kilomètres, et la -4e avec 29 kilomètres en novembre
en 1862. Laligneentière mesure doncl25 kilomètreset est entière-
ment en exploitation. Elle est à voie de lmG0, courbe jusqu'à
MX) mètres dcrayon,pentejusqu'àl 1/4 pourl00ctrailsde37,19et
39,67 kilog. le mètre courant.
En 1SS7 elle a transporté 191.376 voyageurs et 103.805 tonnes
de marchandises, et le solde des recettes sur les dépenses a été
de 3,1 pour 100 sur le capital engagé.
Le tableau suivant montre les résultats financiers de l'exploi-
tation de cette li^ne dès ses débuts :
LONGUEUR
RAPPORT
A N NEES
en
exploitation
RECETTE
DEPENSE
BÉNÉFICE
de la
dépense à la
recolle
Kilom.
Fr.
Fr.
Fr.
Pour 100
1858
32
333.064
321.083
11.381
% 1/2
L863
125
1.069.690
1.103.907
»
103 1/4
1808
»
1.726.255
1.058.777
667.478
61 1/3
1873
■o
2.479.247
1.345.168
1.134.079
51 1/4
1878
»
2. 862. 966
1.1117.1)38
1.455.328
49 1/8
1883
»
3.149.213
1.787.013
1.3132.200
56 3/4
1887
»
3.313.875
1.683.125
1.430.750
56 7/8
Chemin de fer de Macahé-Campos. — Concession de la pro-
vince de Rio-de-Janeiro, du 3 lévrier 1870. — La Compagnie a
eu son existence légale reconnue par décret du 18 octobre 1871,
la construction a commencé en mars 1872, et, Je 13 juin 1875, la
ligne, depuis Macahé jusqu'à Campos, 96 kilomètres, entrait en
exploitation. La Compagnie a fait après, l'acquisition de la ligue
de San-Fidclis à Santo-Antonio-de-Padua avec 93 kilomètres ;
mais ces deux lignes se trouvent séparées par une section, Cam-
pos-San-Fidelis, qui appartient à une autre Compagnie. Les deux
lignes de la Compagnie mesurent ensemble 189 kilomètres, et
sont entièrement en exploitation. Le tronçon Macahé-Campos est
à voie de 0,95, et le tronçon San-Fidelis-Padua, à voie de 1 mètre.
Le coût moyen de ces deux lignes, matériel roulant compris,
peut être estimé à fr. 27-i.OOO le kilomètre, cette moyenne élevée
étant causée par les nombreux ponts et longs remblais dans des
terrains inondables d'une grande partie de la ligne de Macahé-
Campos.
CHEMINS DE FER. 421
La Compagnie exploite aussi la navigation à vapeur entre
Macahé et Kio-de-Janeiro, mais cette exploitation n'entrant pas
dans Le cadre de cette notice nous ne nous occuperons que de la
partie à voie ferrée.
En 1887, la recette du chemin de fer a été de fr. 3.362.500 et
la dépense de fr. 1.802.800; d'où le bénéfice de fr. 1.559.700, soit
3 pour 100 sur le capital engagé dans la ligne.
Chemin de fer Principe-do-Gram-Para. — C'est l'ancien
chemin de fer Mauâ, le doyen des chemins de fer du Brésil, aug-
menté de la section montant la Cordillère de Petropolis et de
son prolongement. La Compagnie qui s'est formée pour l'achat
du chemin de fer de Mauâ et pour les constructions nouvelles a eu
son existence légale reconnue par décret du 31 mai 1881. L'an-
cienne ligne, de Mauâ jusqu'au pied de la Cordillère de Petro-
polis, avec 16 kilomètres, était à voie de lm68 ; mais la nouvelle
Compagnie l'a réduite à 1 mètre, qui a été la largeur adoptée
aussi pour la nouvelle section et son prolongement. Toute la
ligne mesure 92 kilomètres, tous en exploitation dès 1887.
La seule partie importante de la ligne par ses difficultés
techniques, c'est la section dans la Cordillère où on a dû employer
le système Riggenbach.
Dans cette partie, qui a 6.028 mètres de longueur et une diffé-
rence de niveau de 841 mètres, la pente est de 15 pour 100 et le
rayon minimum des courbes 150 mètres, le rail à crémaillère
pesant 50 kilog. par mètre, et les rails porteurs 20 kilog. par
mètre courant. Les locomotives Riggenbach ont lm05 de diamètre
pour la roue à engrenage, cylindres de 500 millimètres de dia-
mùtre avec 320 millimètres de course de piston, surface de chauffe
56 mètres carrés. De nouvelles machines plus puissantes ont été
fournies après, par la « Baldwin Locomotive Works » de Phi-
ladelphie. Dans cette section à crémaillère on rencontre des
travaux d'art très importants, surtout de grands murs de sou-
tènement et un viaduc de 60 mètres de portée et 24 mètres de
hauteur.
Toute la ligne est en exploitation ; elle a 92 kilomètres, et a
transporté, en 1887, 101.199 voyageurs et 34.263 tonnes de mar-
chandises, avec une recette de fr. 2.386.008 et une dépense de
fr. i .480.697 ; d'où un bénéfice de fr. 905.311, soit un peu plus de
5 pour 100 du coût estimé de la ligne, y compris son matériel
roulant, stations, etc.
422 LE BB ÉSII EX 1SS9.
Chemin de fer de l'ouest de Minas. — C'est une concession
provinee de Minas-Geraes, faite par contrat du 30 avril 1S73.
La Compagnie qui en est propriétaire se nomme « Companhia da
Estrada de Ferro do Oeste », el elle a eu sou existence légale
aue par décret du 20 juillet 1878. — La ligne s embranche
au chemin de fer de Dom Pedro II, dont nous avons parlé au
commencement de ce chapitre, à la station de Sitio, au-delà
du col de la Cordilière de la Mantiqueira ; il se dirige sur la ville
de San-Joâo-d'El-Reî et de là se prolonge vers Lavras, toujours
dans la province de Minas-Geraes.
C'est une ligne à voie de 0m76, mais qui a 377 kilomètres,
dont, au 1er janvier 1887, 218 kilomètres étaient déjà en exploi-
tation et 103 kilomètres en construction.
Pour sa première partie, cette ligne a eu la subvention de
9.000 #008 réis (fr. 25.281) par kilomètre pour les frais de cons-
truction et de premier établissement; pour son prolongement elle
jouit de la garantie d'intérêts de 7 pour 100. Subvention et garan-
ties sont accordées par le gouvernement provincial de Minas-
Gera
Cette entreprise, outre l'exemple bien frappant de l'emploi de
la voie réduite pour une grande longueur, se dessine déjà comme
un succès et comme une bonne solution pour les contrées diffi-
ciles et de faible rapport, exigeant un service régulier mais de peu
de puissance. Là où elle devient un succès, un chemin de fer,
même à voie de 1 mètre, passerait bien longtemps sans ren-
contrer de bénéfices pour le capital nécessaire, tandis que la
ligne ainsi faite donne déjà presque 5 pour 100 sur le capital
engagé.
Sur cette ligne les courbes descendent à 72 mètres de rayon
et les pentes montent à 2 pour 100. Les locomotives sont à deux
ux moteurs avec 5.200 kilog. par essieu, le train articulé à
l'avant avec 3.200 kilog.; les cylindres ont 250 millimètres de
diamètre avec 100 millimètres de course de piston ; le poids total
en ordre de marche est de 13.600 kilog. ; le tender séparé avec
capacité pour 3.-100 ïitres. Les véhicules sont à trucks, ce qui
permet de donner à leur caisse assez de longueur pour rendre
le rapport du poids mort au poids utrle assez satisfaisant.
En 1887, cette ligne, avec ses 218 kilomètres en exploitation, à
transporté 22.778 voyageurs et 14.516 tonnes de marchandises,
avec une recette de fr. 820.310 et une dépense de fr. 368.574 ;
d'où un bénéfice net de fr. 451.775.
CHEMINS DE FER. 423
V. Chemins de 1er important» qni n'ont pas en-
core traversé leur phase de faible rapport. — Nous
avons donné une notice sur ceux de nos plus importants chemins
de fer qui se trouvent déjà dans une situation prospère. Nous
allons maintenant faire la même chose pour d'autres lignes impor-
tantes, mais qui ne rencontrent pas, pour le moment, une rémuné-
ration désirable pour leurs capitaux. Cette partie de notre tâche
serait pour nous bien pénible, si nous n'avions la foi la plus
robuste dans l'avenir de ces entreprises. Elles auront seulement
une période plus longue que les autres à traverser avant d'ac-
quérir la prospérité financière qui est certaine. Nous commen-
cerons par les lignes de l'État pour finir par les lignes des Com-
pagnies, mais dans ces deux catégories nous ne nous occuperons
que des lignes importantes.
Chemin de fer de Baturité. — Construit d'abord par une
Compagnie, il a été racheté par l'État qui l'a prolongé. Ce chemin
de fer se trouve dans la province de Céarâ. Son rachat par
l'État procède d'un sentiment d'humanité ; en 1878, la province
de Céarâ traversait une phase terrible, une sécheresse épou-
vantable sévissait sur cette belle province; la population l'aban-
donnait ou se massait dans les environs^ du chef-lieu où plus
prompts pouvaient arriver les secours que l'État lui envoyait
avec une sollicitude qui lui a fait honneur ; la production de la
province s'était tarie et la culture devenait impossible en consé-
quence du manque d'eau. C'est alors que l'État, par une impulsion
sublime, a cherché à maintenir dans cette population affamée les
habitudes et le sentiment du travail, et avec le travail l'amener
avoir dans les secours que l'État lui prodiguait à mains larges,
non pas l'aumône, mais la rétribution du labeur.
La Compagnie du chemin de fer n'avait alors en exploitation
que 40 kilomètres et demi de ligne, et elle se trouvait dans des
conditions précaires. Le gouvernement racheta la concession et
ordonna le prolongement de la ligne en régie, comme aussi il mit
en construction, également en régie, une autre ligne, dont nous
parlerons tout à l'heure, dans la même province.
Les travaux ont été poussés avec activité, et une grande
m i-se de population trouva dans les travaux de ces deux lignes
le travail, et avec le travail les moyens de subsistance.
L'exploitation de la ligne de Baturité ne donnait encore, en
1887, que 0.6 pour 100 de bénéfice ; mais le bienfait restait, et le
•124 LE BRÉSIL EN 18 89.
résultat moral était acquis. On a beau dire qu'on ne s'appuie pas
sur dos sentiments dans les entreprises industrielles, cette ligne,
commandée par un si noble souci humanitaire, prouvera un jour,
même en ne parlant qu'au point de vue financier, combien on a
eu raison de la faire, et le sol arrosé par l'action paternelle de
l'État payera un jour au centuple les sacrifices faits. Et quand
même cela ne serait pas, l'État n'aura fait que son devoir.
La ligne part de Fortaleza, principal port et chef-lieu de la
province, et termine dans le village de Canôa, à 91 kilomètres
du chef-lieu. Trois petits embranchements, avec 19 kilomètres,
la mettent en communication avec les villes de Baturité et
de Maranguape, et avec les établissements de la douane à
Fortaleza. En tout, 110 kilomètres en exploitation, qui vont
être bientôt presque doublés par le nouveau prolongement qui
vient d'être ordonné et auquel on travaille déjà.
La ligne est à voie de lm00, avec pentes jusqu'à 1,8 pour 100,
courbes de rayon descendant jusqu'à 120 mètres, et rails de 22
kilog. 1/2 par mètre courant.
En 1887 ce chemin de fer a transporté 102.287 voyageurs et
32.530 tonnes de marchandises, avec une recette de fr. 914.099 et
une dépense de fr. 831.281, d'où un bénéfice de fr. 82.818.
Chemin de fer de Camocim-Sobraï. — C'est l'autre chemin
de fer entrepris par l'Etat dans la province de Céarâ dans
les conditions difficiles dont nous avons parlé plus haut. Il est à
voie de lm00, pentes jusqu'à 1,8 pour 100, courbes jusqu'à 181
mètres, rails de 22 kilog. le mètre courant. Les travaux ont
commencé le 14 septembre 1878. La ligne part du port de
Camocim et, pour le moment, termine dans la ville de Sobral
avec 129 kilomètres en exploitation. Son prolongement vient
aussi d'être ordonné et les ingénieurs y sont déjà pour en com-
mencer les travaux. La zone que ce chemin de fer parcourt est
moins fertile que celle du chemin de fer de Baturité, et pour le
moment l'exploitation de la ligne se fait à perte.
En 1887, ce chemin de fer a transporté 12.504 voyageurs et
3.789 tonnes de marchandises, avec une recette de fr. 189.880 et
une dépense de fr. 287. G52.
Prolongement du chemin de fer de Pernambuco. — Cet
autre chemin de fer de L'État se trouve dans la province de
CHEMINS DE FER. 425
Pernambuco; il commence à Palmarès, en prolongement de
la ligne venant de Récite, et doit terminer sur les bords du
fleuve San -Francisco, avec une longueur totale de 646 kilo-
mètres. 11 est à voie de lm00, pentes jusqu'à 1,8 pour 100, courbes
jusqu'à 150 mètres de rayon et rails de 25 kilog. le mètre courant.
instruction commença le 2 décembre 1876 ; en 1887 il avait
1 16 kilomètres en exploitation.
C'est un chemin de fer qui, pour le moment, s'exploite avec
perte, mais dont le trafic étant encore très récent ne peut pas
donner une idée de ce qu'il sera dans quelques années. Le centre
de la province de Pernambuco est pour ainsi dire encore
vierge, et ce n'est pas du jour au lendemain qu'on peut trans-
former une région grande comme un empire et la mettre en plein
rapport. Ce chemin de fer est de l'ordre de ceux que seul l'État
peut entreprendre, parce qu'ils ont une longue phase à traverser
avant de donner des bénéfices directs au capital engagé.
En 1887, ce chemin de fer a transporté 53.064 voyageurs et
20.895 tonnes de marchandises, avec une recette de fr. 466.679
et une dépense de fr. 773.541.
Prolongement du chemin de fer de Bahia. — C'est encore un
chemin de fer de l'État. Il part delà ville d'Alagoinhas, en pro-
longement de la ligne qui vient de Bahia, et doit, comme le
précédent, terminer sur les bords du San-Francisco, dans la
province de Bahia, comme l'autre dans la province de Pernam-
buco. Il est à voie de 1 mètre, courbes jusqu'à 153 mètres de
rayon, pentes jusqu'à 1,8 pour 100 et rails de 22 kilog. 1/2 par
mètre courant. La construction a commencé le 25 octobre 1877,
et le 18 novembre 1880 un premier tronçon de 111 kilomètres
était livré à l'exploitation ; en 1887 la ligne jusqu'à Villa-Nova-
da-Rainha, avec 322 kilomètres, était en exploitation, et on fai-
sait les études des 131 kilomètres restants pour arriver à Joa-
zeiro, sur les bords du San-Françisco, dans la partie la plus
reculée de la province de Bahia.
Comme le précédent, ce chemin de fer s'exploite encore à
perte. En 1887, il a transporté 12.921 voyageurs et 6.586 tonnes
de marchandises, avec une recette de fr. 455.141 et une dépense
defr. 1.1 H. 880.
11 faut connaître la configuration du pays, ainsi que les
moyens ordinaires de transport qui, dans chaque zone, mettent
l'intérieur en communication avec la côte, pour bien comprendre
426 LE BRÉSIL EN 1SS9.
la pensée qui a déterminé ce chemin de fer ainsi que le prér.é
dent. On a bien souvent comparé la forme du territoire du Bré-
sil à un grand jambon. Cette comparaison, toute matérielle
qu'elle soit, ne manque pas d'à-propos, et si on regarde une
carte de L'Amérique-du-Sud, on voit tout de suite ressortir sur
le grand jambon sud-américain, le jambon brésilien. Il a sa
calotte prés de l'équateur; sa partie la plus large dans les paral-
lèles passant par les provinces de Pernambuco et Babia ; et de là
il se rétrécit peu à peu jusqu'à sa frontière sud. Dans la calotte,
les grands bassins de l'Amazone, du Tocantins, du Parna-
hyba, etc., avec leurs nombreux affluents, offrent des moyens
naturels de transport, qui mettent l'intérieur en communication
avec la côte, de sorte que les cbemins de fer n'y viennent que
comme accessoires, ou répondant aux besoins de zones plus ou
moins étroites entre ces grandes voies fluviales. Dans le midi, le
peu de largeur relative du territoire permet aussi des communi-
cations ordinaires avec la côte, et de plus avec le Paranâ, qui
borde le pays à l'opposé de la mer. Dans les provinces, à mi-
hauteur, sur les méridiens, la propre configuration de ces pro-
vinces, venant prendre contact avec la mer pour s'élargir après
dans l'intérieur, les a naturellement, de tout temps, forcées à
établir des voies de communication qui, pour être un tant soit
peu primitives, n'en mettaient pas moins l'intérieur en commu-
nication avec la mer. De plus, ces provinces, ainsi que celle de
Minas-Geracs, qui s'y trouve enclavée, ayant pris un dévelop-
pement plus rapide que leurs sœurs du nord, ont plus vite attiré
l'initiative privée à s'occuper de chemins de fer.
La partie large du jambon, justement à cause de sa grande
largeur, s'est trouvée, sauf les abords de la côte, plus délaissée,
et cependant il fallait mettre ces contrées, si éloignées de la civi-
lisation et de ses bienfaits, en communication directe et rapide
avec la côte. Pour y arriver il fallait bien construire de grands
chemins de fer, non plus comme des entreprises industrielles
(de longtemps ils ne le deviendront), mais comme un vrai instru-
menlum regniy et l'État seul pouvait tirer à si longue échéance.
De là est venue l'idée des deux prolongements, de Bahia et
de Pernambuco. C'est tout un monde nouveau que ces deux
lignes vont ouvrir au progrès et à la civilisation ; seulement le
pays en aura senti les avantages bien avant que les capitaux en-
gagés dans ces lignes aient trouvé leur bénéfice direct. Ce sont là
CHEMINS DE FER. 427
on un mot les seules qui, dans notre siècle d'initiative pri-
vée, on puisse comprendre et, admettre comme lignes de l'État.
Chemin de fer de Porto-Alegre-Uruguayana. — C'est le
cnemin de ïcv le plus au sud appartenant à l'État. C'est encore
un instrwnentwm regni, mais doublé du caractère stratégique.
Il se trouve dans la province de Rio-Grande-du-Sud, la plus méri-
dionale du Brésil, et à côté des Républiques de la Plata et du
Paraguay. Avec une frontière bordée par des pays étrangers, il
fallait songer, comme gage de bonne amitié, à nous couvrir
contre les velléités parfois belliqueuses de nos voisins, et pour
cela il fallait faciliter les moyens prompts d'envoyer au besoin nos
troupes à la frontière.
Cette considération, en même temps que la question écono-
mique, a amené l'État à donner une attention particulière à la
voirie ferrée dans cette province, aussi bien en construisant la
ligne d'État qu'en donnant des concessions à des Compagnies. La
ligne dont nous nous occupons maintenant part du Taquary, qui
lui-même est en communication par voie d'eau avec la côte,
et, traversant la province d'un bout à l'autre, il aboutira à la ville-
frontière de Uruguayana, avec un parcours d'environ 850 kilo-
mètres. Elle est entrée en construction le 23 décembre 1877, et, en
1887, elle avait en exploitation 262 kilomètres, en construction 112
et étudiés 269. Les travaux du prolongement jusqu'à Uru-
guayana vont être maintenant poussés avec énergie.
Par ce que nous avons dit plus haut on voit bien que le côté
industriel vient en seconde ligne quand on parle de ce chemin de
fer; il n'est donc pas étonnant que son exploitation jusqu'à
présent n* ait pas donné de bénéfices au capital engagé.
La ligne est à voie de lm00, avec courbes jusqu'à 120 mètres
de rayon, pentes jusqu'à 1,8 pour 100 et rails de 20 kilog. 1/2 le
mètre courant.
En 1887, cette ligne a transporté 37.427 voyageurs et 33.655
tonnes de marchandises, avec une recette de fr. 1.177.923 et une
dépense de fr. 1.707.444.
Chemin de fer central de Bahia. — Cette ligne, dans la pro-
vince de Bahia, a été concédée par décret du 14 janvier 1866.
Cne Compagnie, « Paraguassu Seam Tramroad Company », se
forma à Londres, en janvier 1867, pour réaliser la concession, et
la province de Bahia lui donna son appui sous forme de sous.
42S LE BRÉSIL EN 1889.
cription (Tune partie du capital-action ; mais cette Compagnie
n'a pas en la vie Longue; deux ans après elle entrait en liquida-
tion, et, le 26 septembre 1872, la ligne passait dans d'autres
mains. La nouvelle Compagnie jouit de la garantie de 7 pour 100
qui lui fut accordée par l'État par décret du 28 octobre 1874. La
ligne esl à voie de lm00avec courbes jusqu'à 120 mètres de rayon,
pentes jusqu'à 3 1/3 pour 100 et rails de 20 kilog. le mètre
courant.
Les embarras de la première Compagnie et les difficultés pour
la formation de la seconde, ainsi que les longs pourparlers qui se
sont suivis pour modifier, améliorer ou définir certaines clauses
de la concession, n'ont pas permis de donner dès le début l'im-
pulsion nécessaire aux travaux, de sorte que c'est seulement le
7 avril 1875 que les premiers 43 kilomètres furent livrés au trafic;
et encore n'était-ce pas un tronçon de la ligne principale, mais
un embranchement. Les travaux de la ligne principale ne com-
mencèrent que le 17 mai 1879, et, le 23 décembre 1881, les pre-
miers 84 kilomètres de la môme ligne entrèrent en exploitation ;
le 15 octobre 1883, un second tronçon de cette ligne, avec 9G kilo-
mètres, était livré à l'exploitation; le 11 janvier 1885, un troisième,
avec 63 kilomètres l'était aussi. En 1887, la Compagnie avait en
exploitation 299 kilomètres, y compris l'embranchement dont
nous avons parlé. Sa concession était alors de 302 kilomètres, il
ne lui manquait, le 1er janvier 1888, que 3 kilomètres pour la
compléter.
La ligne principale part de la ville de San-Felix et termine
dans la Chapada Diamantina au cœur de la province de Bahia.
L'embranchement va de la ville de Cachoeira à celle de Feira
de Santa-Ânna, aussi dans la province de Bahia.
Ce chemin de fer qui, comme nous venons de voir, est encore
de date trop récente, d'après les époques de l'entrée en exploi-
tation de sa ligne principale, ne peut pas pour le moment donner
de bien sensibles bénéfices au capital engagé, mais c'est là une
question de temps. Il aura un avenir bien satisfaisant; en atten-
dant, c'est dans la garantie d'intérêts que l'actionnaire trouve le
plus clair de son dividende.
En 1887, il a transporté 57.389 voyageurs et 31.37G tonnes
de marchandises, avec une recette de fr. 1.579.638 et une dépense
de fr. 1.519.166
CHEMINS DE EER
429
Chemin de fer Bahia-Miuas. — Ce chemin de fer, partant du
port de Caravellas, dans la partie sud de la province deBahia,
traverse celle-ci jusqu'à la Cordillère des Aymorés, et entre dans
la province de Minas-Geraes, où il terminera dans la ville de
Theophilo-Ottoni, appelée aussi Philadelphia
La construction prend son origine dans les lois provinciales
de Miaas-Geraes du 25 octobre 1878, et de Bahiadu 28 août 1879;
chacune de ces provinces adonné la subvention kilométrique de
9.000 ,S 000 (fr. 25.281) pour la construction à exécuter dans son
territoire respectif; mais cette faveur de la part de la province
de Minas-Geraes vient d'être remplacée, avec avantage pour la
Compagnie, par la garantie d'intérêts de 7 pour 100 accordée par
cette province.
La ligne est à voie de lm00 avec courbes jusqu'à 107 mètres de
rayon, pentes jusqu'à 2 1/2 pour 100 et rails de 18 kilog. le
mètre courant. Elle avait, au 1er janvier 1888, 142 kilomètres en
exploitation et 251 kilomètres en construction. La partie en
exploitation est justement la moins bonne comme rapport, et ce
n'est que quand la partie de la ligne, actuellement en construc-
tion dans la province de Minas-Geraes, sera en exploitation, que
la Compagnie pourra voir la réalisation du brillant avenir qui lui
est réservé.
Les résultats présents ne sont qu'un budget d'attente.
En 1887 la recette a été de fr. 614.576 et la dépense de fr.
394.476 ; d'où un bénéfice de fr. 220.100, où 1 1/2 pour 100 sur le
coût de premier établissement de la partie en exploitation.
Chemin de fer Minas-Rio. — Concession de la Province de
Minas-Geraes du 22 février 1875 ; garantie d'intérêts de 4 pour
100 accordée par la province et de 3 pour 100 additionnels
accordée par l'État ; l'État ayant en outre endossé la garantie de
la province, c'est en définitive 7 pour 100 garantis par l'État. Voie
de lm00, courbes jusqu'à 80 mètres de rayon, pentes jusqu'à
3 pour 100, rails de 20 et 25 kilog. le mètre courant. La ligne
s'embranche au chemin de fer de Dom Pedro II à la station de
Cruzeiro, dans la province de San-Paulo, qu'elle quitte bientùi
pour s'enfoncer en plein dans la province de Minas-Geraes, dans
une zone de grand avenir à cause de la fertilité du sol. La cons-
truction de la première section de cette ligne a été très difficile.
Toute entière dans la Cordillère, on a dû y faire des travaux
présentant de grandes difficultés e' d'un coût très élevé. Après
430 LE BRÉSIL EM 1S89.
avoir gravi La Cordillère, la ligne se développe dans des vallées
relativement faciles; et plus elle sera prolongée, plus le coût
moyen kilométrique, pour le moment très élevé, diminuera.
Les travaux de construction oui commencé le 21 avril 1881, et
le li juin 1884, toute la ligne, avec 170 kilomètres, entrai; ru
exploitation définitive. II est question à présent de son prolonge-
ment et de quelques embranchements.
En 1887, ce chemin de 1er a transporté 22.773 voyageurs et,
18.642 tonnes de marchandises, avec une recette de fr. 2.018.293
et une dépense de fr. 1.480.243, soit un bénéfice de fr. 5G8.048,
ou i, 3 pour 100 du coût de premier établissement.
Chemin de fer Sorocabana. — Prend son origine dans la
loi provinciale de San-Paulo du 24 mars 1870. Le contrat passé
avec le gouvernement de cette province, le 18 juin 1871, lui assu-
rait la garantie de 7 pour 100, et aujourd'hui la Compagnie, par
contrat du 30 novembre 1888, a obtenu de l'État la garantie de
6 pour 100 pour le capital nécessaire à la construction de son
prolongementct de ses embranchements, qui mesureront environ
850 kilomètres et qui feront prendre position à ce chemin de fer
parmi les plus importants du Brésil. Il part de la ville de San-
Paulo, chef-lieu de la province du même nom, se dirige sur Tiété
avec des embranchements importants. Son grand prolongement,
dont nous venons de parler, se dirige vers le sud du Brésil. Ainsi
élargi, son premier cadre acquiert une importance considérable.
Le réseau de la Compagnie avait, au 1er janvier 1888, 376 kilo,
mètres, dont 222 en exploitation, 110 en construction et 44 prêts
à entrer en construction. A ces chiffres vient maintenant
s'ajouter sa nouvelle concession de 850 kilomètres environ.
C'est une entreprise d'un grand avenir. Sa ligne est à voie de
lm00 avec courbes jusqu'à 80 mètres de rayon, pentes jusqu'à
2 pour 100, rails de 20kilog. le mètre courant.
En 1887, elle a transporté 56.437 voyageurs et 28.771 tonnes
de marchandises, avec une recette de fr. 2.164.533 et une dé-
pense de fr. 1.411.887; d'où un bénéfice de fr. 752.646, soit
environ 3 pour 100 du coût de premier établissement.
Chemin de fer du Paranâ. — Cette concession appartient
à une Compagnie organisée en France sous le nom de « Compagnie
générale des chemins de fer brésiliens ». Ce nom un peu trop pom-
peux pourrait provoquer des erreurs; il ne s'agit pas des chemins
CnEMINS DE FER. 431
de fer brésiliens, mais, plus modestement, d'un chemin de fer au
Brésil. La concession a été donnée par la province de Paranà
|6 20 novembre 1872, et elle jouit de la garantie de l'État de
7 pour 100.
La ligne est entrée en construction le 5 juin 1880, et le
17 novembre L883 son premier tronçon, avec 41 kilomètres,
entrai! en exploitation. Enl887, toute la ligne, avec 111 kilomè-
tre, étail en exploitation.
Aujourd'hui il est question de son prolongement à travers les
haujs plateaux de la province de Paranà, ainsi que d'une voie de
gement sur un second port de la province, la ligne étant
partie du port de Paranaguâ. Ce nouveau dégagement ne contri-
buera en rien au bonheur de la ligue ni à l'allégement des charges
de la garantie ; mais le prolongement est de la plus grande uti-
lité, aussi bien pour la Compagnie que pour l'État garant des
intérêts, et pour la belle province de Paranà qui, avec une grande
surface à l'intérieur du pays, n'avait pas de moyens rapides et
économiques de transport, ceux-ci pouvant seuls lui permettre
d'acquérir un grand développement et de faire valoir ses
richesses.
Ce prolongement viendra mettre la Compagnie dans peu de
temps dans une très belle situation.
La ligne est à voie de 1 mètre avec courbes jusqu'à 75 mètres
de rayon, pentes jusqu'à 3,3 pour 100, et rails de 26 kilog. le
mètre courant.
De Paranaguâ jusqu'à Morretes, 41 kilomètres, la ligne ne
présente rien d'important comme ouvrages d'art ou difficulté de
tracé ; à partir de là, elle se lance en montant à travers la Cor-
dillère de la Mer (Serra-do-Mar) jusqu'à la franchir, cette partie
ayant 45 kilomètres 1/2. Sur cette partie de la ligne, on a ren-
contre les plus grandes difficultés ; les travaux de déblais et de
remblais y ont atteint plus de 30 mètres cubes par mètre cou-
rant, dont environ 1/3 en pierre; 15 souterrains ont dû être
percés; 96 murs de soutènement avec près de 3 kilomètres de
longueur totale et 19 mètres cubes par mètre courant ont dû être
construits ; 64 viaducs, ponts et ponceaux ont été jugés néces-
saires.
Le col étant franchi, la ligne gagne la ville de Coritiba,
chef-lieu de la province, à 111 kilomètres du point de départ, sans
trouver de difficultés.
Le prolongement, dont il est question maintenant, ne trouvera
-lo2 LK BRÉSIL EN 1889.
pas de difficultés non plus, et par son prix de premier établisse-
ment il viendra faire baisser considérablement le coût moyen
kilométrique de ce chemin de fer, qui pour le moment est consi-
dérable : IV. 450.000 le kilomètre. A ce chemin de fer est réservé
un avenir brillant prochainement.
En 1887, pour ainsi dire aux débuts de ï-on exploitation el
dans sa partie la moins riche et la seule difficile, il a transporlé
2o 521 voyageurs et 34.171 tonnes de marchandises, avec une
recette de fr. 1.897.314 et une dépense de fr. 1.590.073, soit un
bénéfice de fr. 307.241.
Chemin de fer de Rio-Grande-Bagé. — Concédé par la pro-
vince de Rio-Grande-du-Sud le 1 1 août 1871, il se forma en France
une Compagnie pour le mettre en exécution. Cette Compagnie a
postérieurement passé aux mains des Anglais, plus confiants que
les Français dans les entreprises lointaines, et sachant, mieux
qu'eux, dans les pays nouveaux, semer pour récolter plus tard.
La concession jouit de la garantie de l'État de 7 pour 100 pour
30 ans. La ligne est à voie de 1 mètre, avec courbes jusqu'à
120 mètres de rayon et pentes jusqu'à 3 pour 100. Sa construc-
tion a commencé le 27 novembre 1881, et le 2 décembre issà
toute la ligne, avec ses 280 kilomètres, était livrée à l'exploita-
tion. C'est donc une ligne toute récente, et, dans les pays nou-
veaux, la prospérité des voies ferrées ne se dessine pas dès les
premiers temps de l'exploitation ; malgré cela, son trafic, en
1887, a déjà été de 98.380 voyageurs et 21.92G tonnes de mar-
chandises, avec une recette de fr. 1.796.118 et une dépense de
fr. 1.750.39G.
Cette ligne va maintenant être prolongée de 210 kilomètres
par l'État; jusqu'à son embranchement à Cacequy, sur la grande
ligne de l'État, de Taquary à Uruguayana dont nous nous
sommes déjà occupé dans ce chapitre. Ce prolongement viendra
lui assurer de nouvelles ressources à joindre à celles que sa
propre zone lui garantit pour un avenir prochain. Dans très peu
de temps ce sera une entreprise bien prospère.
Conclusion. — Le Brésil est entré hardiment dans la construc-
tion des chemins de fer. 11 a su avec courage escompter l'avi nir,
et l'escompte encore, quand il s'agit de cette grande et belle
réforme de la voirie, et l'avenir commence déjà à lui payer ses
espérances. L'industrie pénètre dans les centres reculés; l'agri-
CHEMINS DE FER 433
culture se développe avec an élan prodigieux; la civilisation et
le bien-être ne sont plus l'apanage des contrées qui bordent sa
côte; le pays, enfin, est en pleine prospérité, son crédit est
solide, et son propre papier monnaie vaut autant que For.
Aujourd'hui que la société moderne va commémorer le cente-
naire des grands principes d'humanité et de dignité humaine, le
Brésil indépendant, le Brésil libre, qui ne date que de 1822, peut
lui dire : Voilà ce que i'ai fait!
28
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LE BRÉSIL EN 18S9.
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CHEMINS DE FER.
437
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111
121
121
125
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299
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65
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170
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232
139
242
261
368
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1.387 1.379
Km.
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12.504
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76.592
158.407
53.964
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3.590
73.853
16.239
12.921
57.389
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.529.080
36.750
53.949
101.199
351.867
22.773
22.778
208.397
280.452
248.081
97.908
182.34C
14.860
11.910
56.437
25.521
3.436
98.380
37.427
2.086
54.284
.315.486
571.762
3.487.618
305.521
1.099.390
6.331.564
2.913.521
3.086.047
2.059.445
1.215.748
259.123
3.312.044
609.333
1.424.095
5.315.862
2.737.057
94.946.405
1.230.242
1.221.174
4.136.911
35.186.700
i. 512. 409
1.394.014
16.800.335
16.659.140
29.769.720
5.703.758
33.550.5CO
699.560
458.755
6.038.759
1.240.478
157.840
5.374.724
3.529.218
106.575
1.085.620
297.561.117
Km.
45.7
34.1
36.0
60.2
33.1
38.0
19.4
38.2
37.1
72.2
44.8
37.5
110.2
92.4
48.3
20.9
33.4
22.6
40.8
100.0
67.7
61.2
80.6
66.5
120.0
58.2
184.0
47.1
38.5
107.0
48.6
45.9
54.6
94.3
51.1
20.0
46.9
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32.530
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30.668
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17.010
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44.009
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384.034
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19.081
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34.171
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1.313.789
563.532
1.059.525
309.214
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172.862
1.015.503
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2.164.182
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1.718.991
31.563.700
1.687.656
1.287.569
4.797.415
37.751.590
23.004.960
3.854.240
22.896.720
1.483.583
212.985
4.171.795
3.362.036
131.395
3.666.147
5.818.874
16.564
207.620
Km.
100.2
65.2
31.5
64.6
88.8
57.8
42.8
27.0
62.2
103.0
79.9
48.6
154.2
112.0
71.9
175.0
34.9
9.1
50.1
350.0
90.5
88.7
78.8
104.6
160.0
170.0
245.0
82.0
52.9
145.0
98.4
55.0
167.2
172.9
41.0
20.0
246.463.898
135.0
438
CHEMINS DE FER
RECETTE ET DEPENSE DE L'EXPLOITATION EN 4887 (;
CHEMINS DE FER
Camocim-Sobral
Baturité
Natal-Nova Cruz
Coude 'l Eu
■ ilmares
Redfe-Limoeiro-Timbauba
Recife-Caruarû
Palmares-San-Francisco . .
[mperatriz
Paulo A.ffonso
Bahia-Al igoinhas
Alagoinh is-Timbô
Alagoinhas-San-Francisco.
Central Bahia
illas-Philadelphia ...
Itapemerim-Alegre
Campos-Carangola
Campos-San-Sebastiâo
Dom Pedro II
EN EXPLOITATION EN 1887
Voie.
Rio do Ouro
Rio de Janeiro-Magé.
Principe do Grâo Para
Santa Lsabel do Rio Preto
Macahé-Campos-Padna
Ramai de Cantagallo
Uniâo Valenciana
Leopoldina-Cantagallo
Minas-Kio
Oesle de Minas
San Paulo-Rio de Janeiro
Santos-Jundiahy
Paulista
S;m Carlos do Pinlial
Sorocabana
ÎTronco
Prolongamento. .
1; unal de Caldas
Paranaguâ-Coritiba
DonaTnereza Christian»
Pvio Grande-Bagé
Taquary-Uicguayana
Quarabjm-Itaoui
l'orto Alcgrc-.No\a Bamburgo
II
Divers sans statistique
M.
1.00
1.60
1.00
1.60
l.OU
Km.
129
111
121
121
12:,
96
76
146
88
116
123
83
__
322
—
299
_
112
—
70
—
223
0.95
18
1.G0
725
1.00
01
—
05
—
28
92
74
_
189
1.10
69
03
1.00
1.052
—
170
0.76
21S
1.00
232
1.60
139
—
212
1.00
264
—
22g
368
106
_
77
—
111
116
280
—
? S
—
13
i . 75a
734
s. Mi
Km.
129
109
121
121
125
96
76
123
88
116
123
83
275
295
142
70
211
18
725
40
65
23
92
71
189
69
63
1.043
170
119
232
139
242
260
215
368
92
77
111
116
280
262
75
43
.535
731
SPËi
Fr.
140.000
165.000
139.300
371.500
157.700
200.000
200.000
1 K5.360
123 .««0
365.400
89.700
84.300
127.500
100.000
03.000
81.500
93.500
373.600
309.800
50.300
80.000
192.100
171.200
274.255
60.000
75.200
117.500
256.000
50.000
129.100
494.000
100.300
51.000
121.000
50.000
72.000
450.000
157.400
149.300
160.000
113.500
170.000
110. 344
8.84
6.85
6.05
20.59
14.33
2.56
5.59
3.67
1.50
RECETTE
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3 |
2 5
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Fr. C.
Fr. C.
3.48
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B.76
0.79
2.74
0.44
1.64
0.43
10.27
0.59
3.96
0.73
3.67
0.50
5.58
0.57
3.46
0.40
10.00
0.50
2.26
0.23
3.52
0.33
6.54
0.64
6.91
1.00
11.86
0.70
4.04
0.81
2.84
1.35
1.03
1.08
1.30
1.75
1.01
1.86
0.86
0.77
0.63
0.T7
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11
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Fr. C.
0.07
0.07
0.17
0.10
0.10
0.10
0.09
0.(6
0.0s
EXPLOITATION EX ISS"
439
COMPRENDRE LES SOMMES PAYÉES POUR GARANTIE D INTERETS).
CATION
RÉSULTATS FINANCIER DE
L'EXPLOITATION
DÉPENSE PARI
o
3
— a
BÉ N
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Déficit
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kilomètre.
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de la lign
en exploitât]
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kilomètre.
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Fr. C.
Fr. C.
Fr. C.
Fr. C.
Fr.
Fr.
5.28
0.61
0.21
0.42
1.472
2.230
758
2.291
2.705
3.005
2.495
236
2.628
1.131
738
2.509
' 8.21
6.27
7.44
0.74
1.00
0.69
0.11
0.58
0.22
0.21
1.15
0.43
8.386
1.785
4.432
7.626
4.076
7 137
760
O.6V0
' 5.0'i
! 5.53
5.43
6.08
5.94
13.53
18.31
3.57
8.21
6.45
0.42
0.37
1.00
0.N2
0.61
1.57
0.64
0.37
0.76
0.62
0.08
0.10
0.15
0.24
0.16
0.47
0.12
0.16
0.17
0.12
0.15
0.20
0.29
0.48
0.32
0.93
0.2;
0.33
0.35
0.21
26.511
15.467
8.132
3.794
5.923
928
11.060
1.269
1.655
3.555
15.065
11".957
11.137
6.289
6.159
3.556
12.191
2.007
4.184
5.150
11.046
3.510
205
3.1
2.2
0.2
4.328
2.778
1.550
1.5
; 5.46
0.79
0.16
0.32
898
6.075
1.153
5.3G5
710
0.9
255
7.57
4.23
2.71
0.46
0.91
0.07
0.14
0.16
0.15
0.28
0.32
10.295
39.421
9. 714
5.287
6.2S5
25.185
6.8I0
5.51S
2.030
14.236
2.866
2.2
3.8
0.9
232
5.534
5.223
311
0.4
25.935
16.095
9.840
5.1
1
4.920
17.791
6.793
96539
8.252
0
1.873
1 6.44
0.98
5.943
7.494
5.848
5.435
95
2.059
0.2
2.7
4.59
0.68
0.12
0.24
7.237
12.048
4.599
8.. 707
2.638
3.341
'.3
4.33
6.96
0.68
0.44
0.09
0.09
0.18
0.17
6.007
Î6.090
128.910
3.711
40.879
59.465
2.296
5.211
69.445
4.6
4
14
4.40
0.99
33.939
8.236
10.068
14.58S
4.560
6.564
19.331
3.676
3.504
10.2
7.2
2.9
15.958
8.489
7.469
14 9
4.10
1.00
5.698
5.238
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0 6
io. o;
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1 . 55
6.17
0.20
1.30
0.31
2.60
17.093
14.325
2.768
0.6
5.21
5.41
0.72
O.Mi
0.13
0.11
0.27
0.22
710
6.415
4.887
6.251
164
0.1
4.177
2.96
1.51
0.42
0.84
4.496
399
8.591
6.517
788
8.886
2.021
389
295
14.240
9.488
4.752
2.8 «/o
CHAPITRE XIV
COMMERCE ET NAVIGATION
Par M. F.-J. de SANTA-ANNA NÉRY
Lorsque Dom Pedro II, l'empereur actuel, hérita de la cou-
ronne du Brésil, après l'abdication de son père, Dom Pedro Ier.
le budget des recettes du second empire — ou du second règne,
comme Ton dit chez nous — n'était que de 31 millions de francs,
en chiffres ronds. C'est le chiffre de l'exercice financier 1831-32.
A l'époque de la proclamation de la majorité de Dom Pedro II,
les recettes de l'empire ne dépassaient guère 46 millions de
francs. C'était en 1840-41.
Vingt-cinq ans après, elles avaient quadruplé: en 1866-67,
au moment où le Brésil vint prendre part à l'Exposition
universelle de Paris, ses recettes se montaient, en effet, à près
de 184 millions de francs.
Lors de l'Exposition universelle devienne, où l'empire occupa
sa place, ses recettes avaient encore augmenté de 100 millions :
elles accusaient un chiffre de 287 millions pour l'exercice 1872-73.
Il faut regretter que le Brésil n'ait pas été représenté à l'Ex-
position universelle de Paris en 1878. Il aurait pu y montrer les
nouveaux progrès qu'il venait de faire, car, pour l'exercice 1877-78,
ses recettes atteignaient 345 millions, et avaient monté, par con-
séquent, de 58 millions pendant la dernière période quinquennale.
Il essaie de regagner le chemin perdu, en faisant figurer ses
produits à l'Exposition de 1889, année pour laquelle l'estimation
budgétaire porte ses recettes à plus de 410 millions.
-112 LE BRÉSIL EN 1S89.
REVENUS PUBLICS DE L'ÉTAT
Années. Montant.
1831-32. — it0 année du régne de Dom Pedro II. 31.575.120 fr.
L 840-41. — lrc année de la majorité de Dom
Pedro Iï 45.818.202
18GG-G7. — Lors de l'Exposition Universelle
de Paris 183.9GG.234
1871-72. — Lors de l'Exposition Universelle
de Vienne 286.711.916
1877-78. — Lors de l'Exposition Universelle
de Paris 344.671.000
1889. — Revenu selon l'estimation budgé-
taire 410.506.949
Cette progression constante des ressources budgétaires coïn-
cide avec l'essor qu'ont pris les échanges de l'empire, dont elle
est la conséquence logique. Toutes les vingt provinces qui com-
posent ce grand corps n'ont pas pris une part égale à ce mouve-
ment, mais l'on peut affirmer qu'aucune n'y est complètement
étrangère ; quelques-unes ont marché plus vite, voilà tout, et l'on
est heureux de pouvoir constater que certaines régions, que les
économistes de profession semblaient vouer au piétinement sur
place, à cause de leur prétendue impuissance climatérique, sem-
blent en train de leur donner un démenti formel. Ces écono-
mistes paraissaient croire que les régions tempérées du Brésil
auraient une évolution beaucoup plus rapide que les régions
tropicales et surtout que la plaine équatoriale de l'Amazone. Les
faits se sont chargés de les éclairer, et s'il y a deux phénomènes
dignes d'étude dans la situation économique du Brésil actuel,
c'est, d'un côté, le progrès réalisé par la zone tempérée douce
dont la province de San-Paulo est la garde avancée, et, d'un autre
côté, le développement commercial de la plaine équatoriale de
l'Amazone.
Tout le commerce du Brésil, aussi bien le commerce au long
cours avec l'étranger que le commerce des différentes provinces
entre elles, s'est élevé, en 1885-86, à la somme ronde de un mil-
liard et demi, sans compter celui de trois provinces (Minas-
Geraes, Goyaz et Matto-Grosso) sur lesquelles les données précises
font défaut.
COMMERCE ET NAVIGATION. 443
Quelle est la part de chaque province dans cet ensemble de
transactions?
— La place de Rio-de-Janeiro seule en revendique près de la
moitié, soit 666 millions de francs. Ce grand port occupe, d'ail-
leurs, une place tout à fait à part dans notre mouvement com-
mercial et maritime, soit à cause de sa qualité de siège du gou-
vernement central, soit à cause de sa position comme entrepôt
naturel d'une partie du commerce de San-Paulo et d'Espirito-
Santo et de la plus grande partie du commerce de Minas-Geraes,
province qui n'a pas de débouchés sur la mer.
Les importations et les exportations de Rio-de-Janeiro ont
été : en 1883-84, de 632 millions; en 1884-85, de 658 millions, et,
en 1885-86, de 667 millions.
RIO-DE-JANEIRO
Mouvement général du Commerce maritime. — Importations
et Exportations.
883-84 221.156 contos.
1884"83 230.168 —
1885"86 233.616 —
Bien loin derrière Rio-de-Janeiro, vient, tout d'abord la pro-
vince de San-Paulo, avec un commerce de 16 millions Le port
mtos, qui la dessert, a pris pendant ces dernières années
une importance qui ira en croissant tous les jours, comme le
^montrent les recettes de sa douane qui ont presque doublé
depuis sept ans, en passant de 18 millions, chiffre de 1882 à
33 millions et demi, chiffre de l'année 1887.
SANTOS (Province de San-Paulo.)
Recettes de la Douane.
«QQo ' 6.399 contos.
6.8o2 —
*«»4 7 019 _
ÎS Êï -
S::::::: :::::■■ £•£ z
1888 (1- semestre) 5 152 __
414 LE BRÉSIL EN 1889.
Pernambuco i I Bahia se suivent de bien près, ensuite, avec
des chiffres d'affaires à peu près égaux: Pernambuco, avec L32
millions, et Bahia avec 131. Parfois ce placement se trouve ren-
versé, et il est assez curieux de voir que tantôt les recettes de la
douane de Pernambuco prennent le dessus et que tantôt celles
de Bahia occupent le premier rang. Santos, Bahia, Pernambuco
et Para sont, d'ailleurs, quatre douanes qui luttent de vitesse.
En 188G-87, ces quatre douanes occupaient le rang suivant par
ordre d'importance: Santos, Bahia, Para, Pernambuco. L'année
suivante, Bahia venait en tète, Pernambuco passait au second
rang, puis venaient Santos et Para.
RECETTES COMPOSÉES
De quatre Douanes. — En Contos.
1886-1883
Santos. Bahia. Para. Pernambuco*
11.739 10.125 9.730 9.G77
1881-1888
Bahia. Pernambuco, Santos. Para.
12.072 11.858 10.634 10.347
Au-dessous de Pernambuco et de Bahia, nous trouvons, pres-
que sur la même ligne, les provinces de Rio-Grande-du-Sud avec
un commerce de 104 millions de francs, et de Para avec 100 mil-
lions. Les douanes de Rio-Grande et de Porto-Alegre, dans la
première de ces provinces, ont un rendement relativement consi-
dérable, qui serait encore plus élevé sans la contrebande favo-
risée par le voisinage de la Plata.
PROVINCE DE RIO-GRANDE-DU-SUD — Recettes des Douanes
Porto-Alegre.
1882 2.131 contos.
1883 1.950 -
1884 1.959 -
1885 2.2GG
188G 3.357 -
1887 3.202 —
1888. (1« semestre 1.302 —
COMMERCE ET NAVIGATION. 445
Bio-Grande.
1885 2.265 contos.
1886 2.713 —
Quant à Para, principal entrepôt du commerce de l'Amazonie
(comprenant les doux provinces de Para et Amazonas), il serait
difficile d'en exagérer l'importance.
Ces six provinces — Rio-de-Janeiro, San-Paulo, Pernambuco,
Bahia, Rio-Grande-du-Sud, Para — font les quatre cinquièmes
des échanges de tout l'empire, soit 1.295 millions de francs sur
1.512 millions.
ÉCHANGES DE 17 PROVINCES DU BRÉSIL EN 1885-86
avec l'étranger et entre elles
(Valeur en millions de francs.)
Rio-de-Janeiro 666.000.000
San-Paulo 162.000.000
Pernambuco 132.000.000
Bahia 131.000.000
Rio-Grande-du-Sud 104.000.000
Para 100.000.000
Amazone 55.000.000
Maranhâo 35.000.000
Céarâ 30.000.G00
Sergipe 22.000.000
Alagôas 21.000.000
Parahyba 11.000.000
Paranâ 10.500.000
Santa-Catharina 10.000.000
Rio-Grande-du-Nord 9.000.000
Espirito-Santo 8.000.000
Piauhv 6.000.000
Total 1.512.500.000
Après elles, vient un second groupe de provinces avec 194
millions 1/2, comprenant Amazonas, Maranhâo, Céarâ, Sergipe,
Alagôas, Parahyba, Paranâ et Santa-Catharina ; et un troisième
446
LE BRliSIL EN 1889.
groupe, avec un commercede 23 millions à peine, composé des
j.m\ inces de Rio-Grande-du-Nord, Espirito-Santo et Piauhy, sans
parler de Minas-Geraes, Matto-Grosso et Goyaz, sur lesquelles
nous n'avons pas des données.
COMMERCE DES DIFFÉRENTES PROVINCES EN 1885-1886
D'APRÈS M. 1'. -F. COBREIA DE ARAUJO
(Valeur officielle eu contos de réis.)
PROVINCES
C 0 M M E RCE
AU LONG COL'nS
COMMERCE
INTEHFR0YINCUL
Importation
Exportation
Importation
Exportation
Contos
2.870
10.115
4.999
311
2.382
177
750
20.694
1.301
128
20.911
77
103.699
1.010
14.715
12.498
410
Contos
3.275
12.213
4.176
610
3.388
1.621
1.850
12.770
2.276
1.491
15.150
804
92.469
1.025
3.550
B5.889
2.344
Contos
3.652
6.617
1.221
853
3.040
1.290
1.015
4.627
2.515
4.890
3.677
1.109
10.843
1.892
9.122
7.198
2.599
Contos
8.983
5.077
1.601
210
1.523
215
143
7.797
905
862
5.801
381
25.894
1.492
8.721
801
191
Paru
Rio-Grande-dn-Ifovd
fUagôas
Rio-Grande-du-Sinl
Matto-Grosso
Total
198.200 ou
5C6.000.000 fr.
191.961 ou
557.000.0U0fr.
66.168 ou
189.000.000 fr.
70.630 on
200.500.000 fr.
La province de FAmazonas mérite une mention spéciale. Son
commerce a été de 55 millions de francs en 1885-86. Il augmente
avec une rapidité exceptionnelle. En 1888, les recettes de la
douane de son principal port, celui de Manâos, un nom qui était
à peine mentionné dans les publications officielles parues en
1867 et en 1873 à l'époque des expositions de Paris et de Vienne,
se sont élevées après de .'î. 800. 000 francs.
COMMERCE ET NAVIGATION. 417
En mettant do côté Etio-de-Janeiro, à cause de sa primauté
déjà expliquée, et en négligeant les trois provinces sur lesquelles
il a été impossible de réunir des informations certaines, on peut
envisager d'un coup d'œil sûr la situation des diverses régions du
Brésil pour se rendre compte de leur énergie productive pré-
sente.
On a divisé le Brésil, un peu arbitrairement peut-être, car
toutes ces classifications supposent tant d'exceptions qu'elles
en deviennent facilement défectueuses et erronées, en quatre
ré-ions, qu'on a appelées : région côtière tropicale, région tem-
pérée du sud, région des plateaux et région de la plaine de
l'Amazone. Acceptons pour un instant cette classification, et
étudions le Brésil sous cette forme.
Voyons d'abord les chiffres relatifs au commerce étranger et
interprovincial de chacune de ces régions en 1885-86, en excep-
tant toujours la région des plateaux.
Pour la région côtière tropicale, comprenant Maranhao, Piauhy,
Céarâ, Rio-Grande-du-Nord, Parahyba, Pernambuco, Alagôas,
Sergipe, Bahia et Espirito-Santo, nous trouvons un commerce de
405 millions de francs, soit un peu moins de 72 francs par habi-
tant.
Pour la région tempérée du sud, comprenant San-Paulo,
Paranâ, Santa-Catharina et Rio-Grande-du-Sud, un commerce de
près de 287 millions, soit un peu plus de 108 francs par tête.
Et pour la région de la plaine de l'Amazone, comprenant les
deux seules provinces de Para et de l'Amazonas avec 500.000
habitants au maximum, nous trouvons un commerce de 155
millions, soit 310 francs par tète.
Depuis 1S85-86, le développement de cette région s'est encore
accentué. Pendant l'année 1888, la valeur officielle des princi-
paux produits de l'Amazonie (caoutchouc, cacao, toucas etc.)
exportés en Europe, aux États-Unis et vers le Brésil méridional,
s'était élevée à la somme de 33.881 contos, soit, au change moyen
de 350 réis par franc, à la somme de 96 millions 1/2 de francs à
peu près. De ces produits, environ 83 millions 1/2 sont partis
directement de Para, et 13 millions y sont passés en transit,
venant de Manâos, chef-lieu de la province de l'Amazone. Le
26 janvier 1889, un seul steamer, le « Paraense », parti de Para
pour New-York, à emporté un chargement de caoutchouc d'une
valeur officielle de 543 contos 1/2, soit plus de un million et demi
de francs.
41$ LE BRÉSIL EN 1,889.
Il faut pénétrer davantage dans la vie économique et finan-
cière de chacune de ces quatre régions pour en mesurer l'impor-
tance respective.
D'après notre organisation politique et administrative, qui
donne aux provinces une demi-autonomie, chacune d'elles a des
ressources budgétaires afférentes à l'Etat et d'autres afférentes
aux besoins locaux: un budget général et un budget provincial, de
même que chacune a ou peut avoir des dettes locales. C'est à ce
triple point de vue qu'il nous les faut examiner.
En 1885-86, les recettes et les dépenses afférentes à l'Etat se
distribuent de la manière suivante :
Rio-de-Janeiro et Municipe neutre: recettes, 195 millions 1/2;
dépenses, 237 millions.
Région côtière tropicale, depuis Maranhâo jusqu'à Rio-de-
Janeiro : recettes, 80 millions; dépenses, 63 millions.
Région tempéré du sud : recettes, 54 millions ; dépenses,
36 millions.
Région des plateaux (Minas-Geraes, Goyaz, Matto-Grosso) :
recettes, 6 millions 1/2; dépenses, 12 millions 1/2.
Région de la plaine de l'Amazone : recettes, 23 millions 1/2 ;
dépenses: 9 millions.
RECETTES ET DÉPENSES DES PROVINCES
Afférentes à VEtat (1 885-4 886) d'après M, Correia de Araujo.
PROVINCES Recettes perçues Dépenses faites
(En contos de réis.) (En contos de réis.)
Amazone
Para
Maragnon
Piauhy
Céarâ
Rio-Grande-du-Nord
Parahyba
Pernambuco
Alagôas
Sergipe
A reporter
963
606
9.021
2.420
2.244
1.674
273
569
1.744
1.644
182
440
401
628
10.104
7.941
993
852
394
566
2.619 conlos.
17.3i0conlos.
COMMERCE ET NAVIGATION. 449
Report 26.219 conlos. 17.340 conlos.
Rallia 10.905 6.815
Espirito-Santo 300 467
Rio-de-Janeiro 1.315 488
Municipe neutre 66.730 82.476
Santa-Catharina 791 747
Rîo-Grande-du-Sud 7.501 8.117
San-Paulo 9.654 2.789
Paranâ 554 879
Minas-Geraes 1.821 2.021
Goyaz 64 776
Matto-Grosso 396 1.624
Total 126 . 446 contos 124 . 539 conlos
ou ou
361 . 000 . 000 fr. 355 . 500 . 000 fr.
A la même époque, les recettes et dépenses des provinces
afférentes à leurs services locaux donnent les résultats suivants :
Rio-de-Janeiro et Municipe neutre : recettes, 18 millions ;
dépenses, 21 millions 1/2.
Région côtière tropicale : recettes, 30 millions ; dépenses,
36 millions 1/2.
Région tempérée du sud : recettes, 22 millions 1/2; dépenses,
25 millions.
Région des plateaux : recettes, 13 millions ; dépenses, 17
millions.
Région de la plaine de l'Amazone : recettes, 15 millions 3/4 ;
dépenses, 13 millions 1/2.
29
4j0
LE BRÉSIL EN 1889.
RECETTES ET DEPENSES DES PROVINCES
AI : ÊRENTES A LEUR SERVICE SPECIAL, 1) APRES M. P. -F. CORREIA DE ARAUJO
Provinces
Années
Recettes perçues
Dépenses faites
Amazone
18SG-87
,_s7
1886—87
1886
1886—81
1835—86
,-87
1 -0-87
1886—811
1 B85 — 86
188G
1887
1885-86
L881 -87
1885-86
1886
1885— 8G
1886—87
1886
Conlos
1.939
3.2G8
716
273
880
391
513
2.576
742
800
3.017
541
4.994
1.380
4J0
2.806
3.802
826
3.997
240
302
Conlos
1.779
2.935
767
319
975
492
li.l
3.462
726
074
4.487
446
6.458
1.146
386
2.972
4.181
993
5.010
340
301
Para
Maragnon
Piauhy
Rio-Grande-du-Nord
Parahyba
iVriminbuco
Aiagoaa
Sergipe
Bahia ...
Espirito-Santo
Rio-de-Janeiro
Municipe-Xeutre
Santa-Gatharina . . ,
Rio-Grande-du-Sud
San-Paulo ... .
Paranâ
Mni.is-Geraes. . .
Goyaz
Matlo-Grosso
34.469
ou 98.500.000 fr.
39.643
ou 113.000.000 fr.
L'ensemble des dettes consolidées de toutes les provinces ne
s'élevait pas à 120 millions en 1888.
COMMERCE ET NAVIGATION
451
dettes des différentes provinces en 1888
D APRÈS M. P. -F. CORREIA DE AllAUJO
Provinces
Amazone
Maragnon
l'iauliv
Rio-Grande-du Nord
Parah] ba
Peraambuco
Aiagoaa
Sergipe
Bahia
Bspirito-Santo
Rio-de-Janeiro
Municipe-Neutre . . .
Santa-Catharina . . . .
Rio-Grande-du-Sud .
San-Paulo
Parana
Minas-Geraes
Goyaz
Matto-Grosso
Années
1886
1886
1886
1886
1886
1886-
1886
1885
1886
1886
1886
1885
1886
1887
1885
1887-
1885.
1886
1885-
1886
18S6
-86
perçues
Contos
1.939
3.268
716
273
880
391
513
2.576
742
800
3.047
541
4.994
1.380
436
2.806
3.802
826
3.997
240
302
34.469
ou 98.500.000 fr.
Dépenses faites
Conlos
1.779
2.935
767
319
975
492
464
3.4U2
726
674
4.487
446
6.458
(.146
386
2.972
4.481
993
5.040
340
301
39.643
ou 113.0U0.000 fr,
Les provinces de FAmazonas et de Céarà n'en avaient pas.
La dette flottante de toutes les provinces était de 151 millions
de francs. Il sera intéressant de comparer cette double dette, soit
à la dette intérieure du Brésil :
452
LE BRÉSIL EN 18S0
DETTE INTÉRIEURE AU 3i DÉCEMBRE 1888
d'après le jornal do commehcio
(Calculée en conlos ; le conlo à 2. 800 francs.)
Emission
AMORTISSEMENT
Total
en circulation
Par la loi de
lbJT
Par la con-
version
:.-3
G
(/:
C
C
U
O
o
U9
tr.
ç>
H
Loi du 15 novembre 1827
324.085
90
7.137
73
10
2.309
9
10
737
1.525
357
11
121
148
1.932
489
572
3.672
161
3.833
5.520
3
181
8
270
200
78
17
58
45
139
5
6.254
311.893
87
6.956
05
10
2.099
9
10
537
1 . 11V
310
11
03
103
1.793
484
572
Sergipe
Alagôas
Parahyba
Rio-Grande-do-Norl<>
339.075
51.494
290
04
36
bO
41
156
120
329.479
51.333
668
119
Titres 4 % de Rio-de- Janeiro . .
Décret ?i° 4.544 cZu /5 septembre 18GS:
Titres C % de l'emprunt national. . .
Décret ?i° 7 du 19 juillet 1S79 :
TUres 4 1/2 % de l'emprunt national .
391.950
30.000
51.885
10.357
11.010
17.450
381.599
1S.953
34.436
L
473.811
38.853
431.9ï>8
Soit à la dette extérieure consolidée de l'État au 31 dé-
cembre 1888 :
COMMERCE ET NAVIGATION
453
DETTE EXTÉRIEURE CONSOLIDÉE AU 31 DÉCEMBRE 1888
EMPRUNTS
CAPITAL PRIMITIF
CAPITAL AMORTI *
CIRCULATION
NOMINALE
Réel
Nominal
Réel
Nominal
De
1863 à échoir en 1893
— 1902
1871 - 1909
1875 - 1913
1883 - 1922
1886 - 1923
1886 - 1925
Total
' Liv. sterl.
3. 300. 000
5.Ô(j0.000
3.000.-000
5.000.000
4.000*000
6.000.080
6.000.000
Liv. aterl.
3.355.3S0
6. 963*800
3:459.600
5.301.260
4.599.600
6.431.000
6.297.300
Liv. sterl.
3.216.638
' 2.734.900
911.936
823.608
229.994
65.062
Liv. sterl.
3.556.300
2.734.800
841.100
852.600
259.200
65.100
Liv. sterl.
299.000
4.228.700
2.218.500
4.448.600
4.340.480
6.365.900
6.267. 300
' 32.300.000
36.907.600
7.876.138
8.309.200
28.598.400
* Le 12 décembre 1888, le gouvernement impérial a fait déposer à la Banque d'Angleterre
]<■- titres des emprunts suivants, entièrement amortis et remboursés par lui : emprunt de
1863, 1865, 1871, 1875, 1883 et 1886, en tout 637.500 livres sterlings ou à peu près
lu. 065. 000 francs, qu'il faut déduire de la dette extérieure du Brésil.
En procédant à cet examen, il ne faut pas perdre de vue que
Ton a affaire à un pays jeune, ayant besoin de parfaire rapide-
ment son outillage industriel et doté de ressources qui commen-
cent à peine à être mises en valeur. Déjà le passé peut y répondre
de l'avenir, et les dividendes distribués par quelques entreprises
commerciales et industrielles prouvent que les capitaux euro-
péens peuvent trouver au Brésil un placement sûr et avantageux :
4~ t LE BRÉSIL EX 1SS9.
DIVIDENDES DES BANQUES, SOCIÉTÉS, ETC., AU 31 DECEMBRE 1888
I. — Banques
Banco Auxiliar 9 pour 100.
Banco do Brazil 8 —
Banco Commercial 10 —
Banco do Commercio 9 —
Banco de Credito Real do Brazil 10 —
Banco Del Credere 12 —
Banco Industrial e Mercantil 6 —
Banco Internacional do Brazil 11 —
Banco Popular 12 —
Banco Rural e Hypothecario 10 —
Banco Territorial e Mercantil de Minas G 1/5 —
English Bank 6 —
Banco da Lavoura 8 —
Banco Caixa de Credito Commercial 10 —
II. — Compagnies d'Assurances
Alliança 20 pour 100,
Atalaya 20 —
Confiança 20 —
Lealdade 20 —
Nova-Permanente * 20 —
Prosperidade 20 —
Yigilancia 20 —
Argos Flumincnso 17 —
Fidelidade 11 —
Bonança 10 —
Integridade 10 —
Garantia 9 —
Gérai de Seguros 4 —
Uniâo dos Varegistas 3 —
III. — Sociétés Diverses
Tissus Carioca 12 pour 100.
Commercio e Lavouru 3 —
COMMERCE ET NAVIGATION. 455
Des six principaux produits qu'exporte le Brésil — café, sucre,
coton, cuirs, tabac, caoutchouc — deux, le café et le caoutchouc,
ont vu Leur exportation grandir extraordinairement depuis un
demi-siècle; deux autres, le sucre et le tabac, ont vu leur pro-
duction s'élargir considérablement; et les deux derniers, le
coton et les cuirs, ont augmenté d'une manière irrégulière.
La production du café occupe d'emblée la première place, et
elle n'a t'ait que grandir depuis un demi-siècle. On peut donner
une idée de cette progression par les chiffres suivants, détaillés
dans un tableau : en 1839-44, la valeur officielle de cafés exportés
donnait une moyenne quinquennale de 53 millions 3/4 de francs ;
on 1849-54, cette moyenne quinquennale était de 89 millions 1/2
de francs; en 1859-64, la moyenne de la période quinquennale
accusait une valeur de 139 millions 1/2 de francs ; en 1869-74,
la valeur de la moyenne quinquennale était de 261 millions 1/2
de francs; en 1879-84, elle était de près de 350 millions de francs,
et, enfin, la moyenne des trois dernières années, 1884-1887,
donnait pour l'exportation descafésla moyenne de 443 millions 1/2
de francs, comme valeur officielle.
L'exportation de caoutchouc est devenue également considé-
rable, et s'est développée surtout depuis vingt ans. L'exportation
par moyennes quinquennales donne : pour 1839-44, une valeur
officielle de 700.000 francs à peine; pour 4849-54, une valeur de
4 millions de francs; pour 1859-64, une valeur de 9 millions de
francs; pour 1869-74, une valeur de 30 millions de francs ; pour
1879-84, une valeur de 34 millions; et, enfin, pour la période de
trois ans, écoulée de 1881 à 1887, la moyenne de l'exportation
accuse un chiffre de 26 millions de francs, comme valeur officielle.
Dans une publication récente, on a semblé mettre en doute
l'exportation de 13.800.000 kilog. de caoutchouc, que je donnais
en 1882 pour les provinces de Para et de TAmazonas. Aussi dois-je
déclarer ici de nouveau que les chiffres officiels pour Tannée 1888
donnent une exportation de 15. 003. 674 kilog., dont 12. 888. 611 kilog.
pour Para et 2.115.063 kilog. pour Manâos, chef-lieu de la pro-
vince de l'Amazonas. Ce chiffre pourra paraître encore plus
extraordinaire, car en Europe on s'habitue difficilement à ces
phénomènes économiques, qui donnent à l'Amazonie, en une
seule année, une exportation de plus de 30 kilog. de caoutchouc
par habitant.
L'exportation du sucre de canne ne s'est pas ralentie, malgré
la concurrence du sucre de betterave de l'Europe. La valeur
officielle donne par moyennes quinquennales : en 1839-44, 29
156
LE BRKSIL EN 1S89
millions 1/2 de francs ; en 1849-44, 45 millions ; en 1859-64, 51 mil-
lions ; en 18G9-74, 119 millions; en 1879-84, plus de 139 millions
de francs; et, enfin, pour la période de trois ans, de 1884 à 1887,
une moyenne de plus de 50 millions de francs, comme valeur
officielle.
L'exportation des tabacs a augmenté également. Tandis que
la moyenne des cinq années écoulées de 1839 à 1844 accusait
une exportation de un peu plus de 2 millions à peine comme va-
leur officielle, la dernière période offre une moyenne d'exporta-
tion s'élevant à plus de 18 millions de francs.
Le coton et les cuirs présentent une exportation sujette à des
oscillations.
Pour le coton, le Brésil a surtout développé sa production
alors que les États-Unis, engagés dans la guerre de sécession,
ne pouvaient pas approvisionner les marchés européens. A cette
époque (1864-69), le Brésil parvint à une exportation de près de
de 98 millions de francs de coton. Pendant la période quinquen-
nale de 1869-74, l'exportation se maintint encore à plus de
94 millions. Depuis, elle a diminué des deux tiers, et ce n'est
que maintenant qu'elle tend à se relever.
PRINCIPAUX PRODUITS
EXPORTÉS DU BRÉSIL, PAR MOYENNES QUINQUENNALES, DE 1839 A 1887,
D'APRÈS M. P.- F. CORREIA DE ARAUJO
(Valeur officielle en contos de réis.)
Périodes de 5 ans
Café
Sucre
Coton
Cuirs
Tabac
Caoutchouc
1839-44
Contos
18.271
21.492
31.289
48.850
61.871
73.831
91.625
115.960
121.075
Contos
10.293
14.994
15.777
22.653
17.888
19.806
21.166
22.116
31.215
Contos
3.646
3.284
5.129
5.955
13.052
34.195
33.171
12.017
9.011
Contos
3.482
4.868
4.696
7.211
8.605
8.919
10.493
8.777
6.783
Contos
751
909
1.571
2.592
4.200
4.5*2
6.556
5.958
6.559
Contos
210
229
1.452
1.967
3.158
5.920
10.494
10.493
11.949
1844-49
1849-54
1854-59
1859-64
1864-69
1869-74
1874-79
1879-81
Moyenne des
Irois dernières années
1884-1887
154.717
17.651
10.811
6.018
6.757
9.085
COMMERCE ET NAVIGATION. 457
Pour les cuirs, on remarque les mômes fluctuations. La pé-
riode la plus solide a été celle de 1869-74, qui a présenté un
chiffre d'exportation d'un tiers plus élevé que celui de l'exporta-
tion do la dernière période.
A L'exportation, nos ventes sont faites surtout aux États-
Unis, qui prennent une grande partie de nos cafés et de nos
caoutchoucs bruts. A l'importation, nos achats profitent d'abord
aux Anglais, puis aux Français, ensuite aux Allemands, aux
Belges, aux Portugais, etc. Mais FAllemagne gagne du terrain
tous les jours, comme nous le constaterons tout à l'heure, et
elle a déjà réussi à battre les Français sur notre principale place
commerciale, celle de Rio-de-Janeiro.
COMMERCE INTERNATIONAL DE LA PLACE DE RIO-DE-JANEIRO
(En eontos de réis)
Exercice 1878-1879
Pays Importation Exportation
Contos Contos
1 . Grande-Bretagne 3o. 132 12 . 732
2. France 16.984 13.000
3. Allemagne 8.093 10.087
4 . États-Unis 7 . 484 57 . 805
5 . Portugal 5.754 3 . 363
6. République Argentine... 5.516 1.259
7. Belgique 5-232 3.974
8 . Uruguay 4 . 420 1 . 255
9. Italie 900 228
10. Indo-Chine 245 »
1 1 . Autres pays 1 . 269 2 . 358
Total 91.029 106.061
458
LE BRESIL EN 1889
Exercice 1886-1887
Pays Importation Exportation
Contos Contos
1. Grande-Bretagne 45.425 9.123
2. Allemagne 13.125 13.914
3. France 13.124 8.294
4. États-Unis 9.046 62.912
5. Portugal 6.920 1.553
6. Belgique 6.203 2.627
7. Uruguay 4.622 782
8. République Argentine... 3.109 2.571
9. Indo-Chine 1.012 »
10. Italie 1.004 1.5-22
11. Autres pays 1.906 7.226
Total 105.586 110.524
De Juillet a Décembre 1887
Pays
1 . Grande-Bretagne
2. France
3. Allemagne
4. Uruguay
5. États-Unis
6. République Argentine.
7. Portugal
8. Belgique
9. Indo-Chine
10. Italie
11. Autres pays
Total
Importation
Contos
20.807
6.984
6.064
5.357
4.088
3.898
3.887
2.989
879
534
650
56.197
Exportation
Contos
2.803
2.023
2.698
534
23.000
1.380
501
818
»
650
5.802
40.209
Ce sont les Anglais, ai-jc dit, qui chez nous occupent d'emblée
le premier rang comme vendeurs, et ce sont des navires anglais
qui opèrent le transport de la plus grande partie des marchan-
dises que nous achetons au dehors.
COMMERCE ET NAVIGATION,
439
MOUVEMENT DU PORT DE RIO-DE-JANEIRO
DEPUIS 10 ANS
BNTR] ES
AU LONG-COURS
SORTIES AU LONG-COURS
Année
»s.
Navires.
Tonneaux.
Années.
Navires.
Tonneaux.
1879
1.313
1.075.847
1879
1.127
1.059.115
L880
1.297
1.069.186
1880
1.083
1.006.719
m
1
1.285
1.125.059
1881
1.121
1.117.137
1882
1.2S8
1.197.671
1882
1.064
1.140.439
1883
1.218
1.220.332
1883
1.067
1.207.821
1884
1.245
1 -281.388
1884
1.111
1.233.096
1885
1.263
1.323.905
1885
1.105
1.283.264
188
1.232
1.359.993
1886
1.037
1.230.443
188'
f
1.102
1.235.292
1887
824
1.047.875
1888
1.196
1.495.410
1888
1.072
1.407.239
ENTRÉES PAR CABOTAGE
SORTIES PAR CABOTAGE
Années.
Voiliers
Vapeurs
Total.
Tonneaux.
Années.
Voiliers
Vapeurs
Total.
Tonneaux.
1^79
1.089
539
1.628
513.564
1879
1.316
541
1.857
601.790
1880
919
490
1.409
449.906
1880
1.141
491
1.632
511.448
1881
8S0
576
1.456
450.662
1881
1.100
531
1.631
519.019
834
605
1.439
400.130
1882
1.040
602
1.642
535.558
1883
81 6
598
1.414
454.739
1883
999
589
1.588
540.891
1884
764
582
1.346
470.251
1884
913
586
1.499
518.833
1885
7>2
617
1.399
478.879
1885
966
614
1.580
540.939
1886
686
661
1.347
489.487
1886
831
669
1.500
570.987
1881
578
625
1.203
502.452
1887
833
678
1.514
650.698
1888
475
671
1.146
560.238
1888
685
694
1.379
638.141
MOUVEMENT DU PORT DE RIO-DE-JANEIRO EN 1888
NAVIGATION AU LONG COURS
Entrées: 1.193 navires.
Jaugeage: 1.487.652 tonnes.
Anglais 417
Norvégiens 132
Américains du Nord.. 70
Français 152
Allemands 140
Italiens 86
Belges 50
Portugais 39
Sorties: 1.040 navires.
Jaugeage: 1.369.353 tonnes.
Anglais 376
Norvégiens 149
Américains du Nord . . 68
Français 149
Allemands 113
Italiens 82
Belges 30
Portugais 17
4G0
LE BRESIL EN 1889.
NAVIGATION DE CABOTAGE
Entrées : 1 .279 navires.
Jaugeage: 5G0.619 tonnes.
Brésiliens 959
Anglais 98
Allemands 72
Français 35
Norwégiens 28
Suédois 18
Portugais 14
Danois 14
Américains du Nord.. 17
Italiens 8
Sorties: 1.3G1 navires.
Jaugeage: 634. 0G3 tonnes.
Brésiliens 944
Anglais 132
Allemands 85
Français 37
Norwégiens 33
Suédois 17
Portugais 31
Danois 15
Américains du Nord.. 34
Italiens 7
Cette suprématie des Anglais comme vendeurs sur nos marchés
s'explique tout naturellement. L'Angleterre est devenue maîtresse
de nos places d'importation; elle y vend largement ses tissus de
coton et de laine, ses fers, ses aciers, ses charbons, parce qu'elle
ne craint pas d'aventurer ses capitaux, parce qu'elle ouvre des
crédits assez larges à ses clients, parce qu'elle connaît la solidité
et l'élasticité des finances du Brésil, dont les principaux fonds ne
sont môme pas cotés à la Bourse de Paris ! Les Anglais, depuis
plus d'un demi-siècle, se sont fait les commanditaires de toutes
nos grandes entreprises. C'est sur la place de Londres que nous
réalisons les grandes opérations de crédit qu'exige le per-
fectionnement de notre outillage national. C'est là que nous
payons les coupons de notre dette extérieure, et nous y entre-
tenons même une succursale de notre Trésor.
En agissant de la sorte, ils n'ont cherché que leurs intérêts,
mais l'événement a prouvé qu'ils ne s'étaient pas trompés. D'après
la Fortnightly Revicw, « des centaines de millions, prêtés ou placés
pendant les années de fièvre financière, par les capitalistes an-
glais, la plus grande partie a été envoyée dans le Nouveau-
Monde, et y a été jetée en pure perte. Même les États-Unis, sol-
vables comme nation, ont négligé de payer les intérêts d'une
bonne partie des capitaux britanniques engagés dans leurs che-
mins de fer. S'il en a été ainsi dans la grande République, c'est
COMMERCE ET NAVIGATION. 461
bien pis dans les autres contrées de l'Amérique : Mexique, Pérou,
Uruguay, Guatemala, Honduras, Costa-Rica, Equateur, Bolivie,
autant de noms devenus synonymes de banqueroute ou d'insol-
vabilité. Aussi le plus souvent le capitaliste a-t-il enveloppé dans
la même défiance toutes les affaires sud-américaines, les bonnes,
les mauvaises et les médiocres. 11 a trop oublié les exceptions à
cette règle. Le Brésil, par exemple, a toujours fidèlement rempli
s,-- engagements. » Et la Revue anglaise ajoute, en guise de
conclusion : « Dans les chemins de fer du Brésil seulement, les
capitalistes anglais ont gagné, depuis trente ans, la somme
énorme de 135 millions de francs, qui leur rapporte 6 à 7 pour
100 d'intérêts. »
En somme, le commerce anglais avec le Brésil s'élève à
30-4 millions de francs par an, dont 128 millions d'importations
du Brésil et 176 millions d'exportations pour le Brésil.
La France ne fait avec nous que pour 178 millions de francs
d'affaires : elle achète au Brésil pour 82 millions de produits —
46 millions de moins que l'Angleterre, 43 millions de moins que
les États-Unis; et elle vend au Brésil pour 96 millions de francs,
14 millions de plus quelle n'y achète, 80 millions de moins que
l'Angleterre.
L'Allemagne ne vient qu'après, avec un commerce total de
45 millions de francs, quatre fois inférieur à celui de la France.
Quant aux États-Unis, nous leur vendons beaucoup plus que
nous leur achetons. Nos échanges avec eux s'élèvent à 145
millions de francs, dont 125 millions d'exportation du Brésil et
20 millions à peine d'importation pour le Brésil.
Puis, viennent la Belgique et le Portugal.
Avec le Portugal, on s'explique aisément nos grandes tran-
sactions. Le Brésil n'est qu'un lambeau de terre lusitanienne
cousu aux flancs de l'Amérique du sud ; nous parlons sa langue ;
nous avons son sang dans les veines ; il nous a donné notre
dynastie, notre religion, nos mœurs, notre civilisation ; il nous
fournit encore les bras de ses enfants. Mais la Belgique ! Elle fait
avec nous plus de transactions que tous les pays d'Europe, à l'ex-
ception de l'Angleterre et de la France, parce que ce petit pays
est parvenu à fabriquer des produits similaires aux nôtres, et
qu'il les vend à meilleur compte, à cause du bon marché de sa
main d'œuvre ; parce qu'il étudie nos affaires : il y a peu de temps,
quand la Compagnie anglaise du gaz de Rio a vu expirer son
privilège, c'est une compagnie belge qui l'a remplacée.
462 LE BRÉSIL i:.\ 1889.
Mais celle question de la concurrence demande de nouveaux.
déi eloppements.
lu ce moment, La France a surtout devant elle trois concur-
rents sérieux sur nos marchés: les Belges, les Allemands et les
Italiens. Ces deux derniers principalement.
L'Italien dispose d'une arme terrible pour l'évincer de nos
places. L'Italien émigré. 11 émigré tellement que M. Crispi veut
y mettre le holà au moyen d'une loi promulguée le 30 dé-
cembre 1888. Jusqu'en 187G, on connaissait peu la valeur
de l'immigrant italien parmi nous. En ce temps-là, nous n'en
recevions pas un millier par an. Or, en 1887, nous en avons reçu
35,000 et, dans le cours de l'année 1888, nous en avons reçu
100.000. Inutile de faire ressortir l'importance de cet exode, non
seulement pour le Brésil, qui conquiert de nouveaux bras, mais
aussi pour l'Italie qui essaime des clients pour ses produits et
pour son industrie, tout en alimentant sa marine marchande et
en déversant le trop plein de sa population sur un pays jeune et
riche.
L'Allemand, lui aussi, émigré, et il émigré beaucoup. Depuis
de longues années, il a appris le chemin de quelques-unes de
nos provinces du Midi, où le climat est plus tempéré. Quelques
centaines de mille d'entre eux se trouvent fixés à Santa-Catha-
rina, à Paranâ et principalement dans le Rio-Grande-du-Sud, où
leurs descendants, connus sous le nom de Teutons, sont fort
nombreux. Or, non seulement l'Allemand émigré au Brésil, mais
encore il y cherche par tous les moyens des débouchés pour son
commerce. En 1881, les Allemands ont organisé à Porto-Alegre,
chef-lieu de la province de Rio-Grande-du-Sud, une exposition
destinée à nous faire connaître les produits de leurs fabriques.
Deux ans après, ils ont ouvert à Berlin une exposition de matières
brésiliennes, en choisissant de préférence celles qui pourraient
être utilisées immédiatement par leur industrie. En 1886, nou-
velle exposition à Berlin, où figuraient, cataloguées avec soin,
toutes les matières premières de l'Amérique du Sud. Toutes ces
tentatives ont été faites par l'initiative privée, sans aucune aide
de notre part.
Ce n'est pas tout.
En 1887, j'ai eu la bonne fortune de parcourir, un peu à la
vapeur, il est vrai — sans jeu de mots — treize provinces du
Brésil. Dans l'une des plus reculées; j'ai trouvé trois voyageurs
de commerce. Ils étaient tous Français, mais deux d'entre eux
COMMERCE ET NAVIGATION. 463
voyageaient pour le compte de maisons allemandes de Paris. Seul
Le troisième voyageur parcourait notre pays pour la maison
Annulée Prince et Cie.
Quelles sont les ronséquences de cette propagande aussi active
qu'intelligente ? — En 1883, la France vendait à notre pre-
mier marché, à celui de Rio-de-Janeiro, des marchandises
pour une valeur annuelle de 42 millions de francs, l'Allemagne
n'y vendait que pour 21 millions de francs, juste la moitié. Or,
pondant l'année 1887, l'Allemagne a atteint le chiffre des ventes
delà France à Rio-de-Janeiro; elle a même dépassé un peu ce
chiffre.
Ces phénomènes économiques ne sont pas l'effet du hasard ou
de L'intrigue. Ils ont des causes naturelles, fatales. Un peuple ne
maintient ses débouchés commerciaux dans les pays neufs et
lointains que de deux manières : en leur fournissant des capitaux
ou en leur envoyant des bras. L'Italie, le Portugal et l'Allemagne
nous donnent les bras dont nous avons besoin. L'Angleterre
nous fournit les capitaux nécessaires à notre outillage. La France
ne nous fournit ni bras ni capitaux. Bien plus : une circulaire du
Gouvernement du 16 mai interdit l'émigration pour le Brésil, et
notre principal article d'exportation, le café, est frappé en France
du droit exhorbitant de 1 fr. 56 par kilogr.
Or, qui dit commerce dit échange, et les échanges ne sont
dictés que par l'intérêt.
La France agira donc sagement en supprimant cette prohibition
qui n'a eu sa raison d'être que dans le caprice d'un ministre, et
en étudiant les moyens de dégrever un peu le café. Qu'elle ne
craigne rien, d'ailleurs : nous ne lui demanderons pas des
émigrants. Nous savons que, malheureusement, elle n'est pas en
mesure de nous en fournir. La France a trop oublié cet axiome
démographique : la natalité d'un peuple est en raison directe de
son émigration. L'Italien émigré dans des proportions considé-
rables, et la population du royaume croît tous les jours. L'Alle-
mand émigré et la population de l'empire ne cesse d'augmenter.
L'Anglais est partout dans le monde, et la population de la
Grande-Bretagne n'en souffre pas. Il y a moins de deux siècles,
lorsque les Français émigraient hardiment, la population de la
France représentait 38 pour 100 des habitants de l'Europe. De nos
jours, ils sont devenus casaniers, et la population de la France ne
représente plus que 11 pour 100 de l'ensemble de la population
européenne.
40 I LE BRÉSIL EN 1 880.
Et, cependant, les Français n'ont pas dégénéré. Ils sont tou-
jours les intrépides pionniers d'autrefois, et je Tais en donner an
exemple consolateur.
11 y a dans L'Amérique du Sud deux régions situées à côté
l'une de l'autre, même milieu, climat à peu près identique. L'une
appartient au Brésil ; c'est l'Amazonie. L'autre appartient à la
France, c'est La Guyane française. lié bien; les Français ont
échoué en Guyane; mais ils ont réussi en Amazonie. Là où la
France a prodigué, sans compter, son sang et son or, elle n'a
obtenu que les plus maigres résultats. Là, au contraire, où elle
n'a rien dépensé pour son profit ou pour sa gloire, elle a un
peuple ami qui comprend sa langue, qui lit ses livres, qui sou-
haite le développement pacifique de son influence morale, et qui
va chercher ses colons commerciaux et industriels en France,
pendant qu'à Cayenue, hier encore, on parlait d'aller les cher-
cher parmi les coolies. A Para et à Manâos, sur le territoire brési-
lien, il y a plus de maisons françaises que dans la Guyane, et la
France fait quatre fois plus de commerce avec l'Amazonie brési-
lienne qu'avec la colonie d'à côté.
Et remarquez que dans toute cette région brésilienne riche,
prospère, vivante, la République possède — non, on ne le croirait
pas ! — un agent consulaire ! même pas un vice-consul rétribué !
Et, après tous ces faits, on s'étonne que la Belgique, que le
petit Portugal, que l'Italie, que l'Allemagne parviennent à évincer
la France peu à peu de nos marchés! Il faudrait plutôt s'étonner
du chiffre relativement considérable de ses transactions avec le
Brésil. Il faudrait plutôt se demander pourquoi elle nous vend,
en 1884, pour 62 millions 1/2 de marchandises, autant qu'à toutes
ses colonies réunies, l'Algérie exceptée. Il faudrait plutôt se
demander pourquoi elle nous vend, à nous qui sommes si loin, à
nous qui ne comptons que 14 millions d'habitants, à nous qui
vivons tant dédaignés, presque quatre fois autant qu'à la puis-
sante Russie, qui est à ses portes, qui compte 100 millions d'habi-
tants, qui est choyée et prônée de tous côtés. Car si, en 188 i,
elle a exporté au Brésil des marchandises pour une valeur de 62
millions 1/2, elle n'a exporté en Russie, pendant la même année,
que pour une valeur de 13 millions, presque autant que pour la
Grèce!
Si elle garde encore une excellente situation dans nos tableaux
d'importation, sj sa clientèle parmi nous n'a pas diminué davan-
COMMERCE ET NAVIGATION. 465
tage, c'est qu'elle possède encore deux sortes de commis voya-
geurs qui la font connaître.
Les premiers, ce sont ses hommes de lettres : ses roman-
ciers admirables, ses inimitables auteurs dramatiques. Ils expor-
tent les idées françaises, un article très demandé; et, par la
trouée que font leurs œuvres, passent les ballots de marchan-
dises. Ces hommes de plume font plus pour son commerce que
toutes ses chambres syndicales et que tout son corps consulaire,
et si la rue du Sentier était reconnaissante, elle leur donnerait
une participation dans ses bénéfices.
Les seconds, ce sont nous, les Brésiliens, qui avons été élevés
dans ce pays, qui avons appris sa belle langue, qui aimons son
hespitalité charmante, et qui gardons éternellement le goût inou-
bliable des choses françaises.
Les Français ne viennent guère chez nous, ou, s'ils s'y mon-
trent parfois, c'est pour donner, à leur retour, une caricature de
notre pays, comme celles de feu Biart et de feu Gustave Aymard.
C'est même un fait remarquable que toutes les publications
récentes sur le Brésil, faites par des voyageurs français, à l'excep-
tion de celles de M. Coudreau, sont infiniment inférieures aux tra-
vaux de Ferdinand Denis et d'Aug. de Saint-Hilaire, parus il y a
plus d'un demi-siècle.
Mais le Brésil marche, et heureux ceux qui s'associeront à son
essor! Incessu patuit deus.
30
DIAGRAMME DE LA VALEUR DU COMMERCE EXTERIEUR
ET DE L'EXPORTATION ET DE L'IMPORTATION SÉPARÉMENT, DEPUIS L'ANNÉE 1S34-35
4G5 bis.
DU BRÉSIL
JUSQU'A L'EXERCICE 1884-85
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CHAPITRE XV
POSTES, TÉLÉGRAPHES ET TÉLÉPHONES1
Par M- F-J. DE SANTA-ANNA NERY
Dans le Brésil colonial, le service des postes était chose
inconnue. Au Brésil comme en Portugal, l'exploitation du service
des courriers était confiée jusqu'à la fin du xvmc siècle à des
particuliers, et la familles Gomes da Motta en avait le monopole.
C'est en 1797 seulement que ce service resta à la charge du minis-
tère des affaires étrangères de Portugal. Lorque la Cour portu-
gaise alla s'établir à Rio-de-Janeiro en 1808, un semblant de
service postal fut organisé et commença à fonctionner dans le
Palais de la ville (Paço da Cidade). Plus tard, on le transporta au
Palais des gouverneurs, édifice situé dans la rue Direita (aujour-
d'hui rue 1° de Marco), et qui n'existe plus. Ily resta jusqu'en 1878»
On installa alors la direction générale des postes dans le bâtiment
où elle se trouve encore aujourd'hui, et que l'on a édifié à grands
frais dans ce but.
C'est depuis 1844 seulement que le service de la distribution
des lettres a commencé à Rio-de-Janeiro et dans les villes.
A partir de 1875, l'administration des postes a amélioré tous
ses services, grâce à M. Plinio d'Oliveira, et M. Paes-Leme cherche
à les perfectionner davantage tous les jours.
1. Pour les Postes, nous devons quelques renseignements précieux à
M. J. Maximino Serzedello, qui a bien voulu nous envoyer une notice histo-
rique sur le service postal au Brésil. Tous nos chiffres sont puisés dans les
excellents rapports officiels du directeur général des postes, M. Luiz Betim
Paes-Leme.
4GS LE BRÉSIL EN 1889.
Outre la direction générale de Rio-dc-Janeiro, on compte dans
tout Le Brésil L9 administrations des postes et plus de 2.000
aces postales, avec un personnel de plus de 6.000 employés.
L'administration des postes a eu, depuis vingt ans, les recettes
et les dépenses suivantes calculées en contas de réis (2.858 francs):
Années. Recettes. Dépenses.
18GG-G7 517 092
1807-08 586 757
1868-69 039 760
1809-70 700 733
1870-71 718 778
1871-72 812 966
1872-73 882 1.022
1873-74 942 1.119
1871-75 1.018 1.255
1873-76 1.044 1.431
1876-77 1.092 1.491
1877-78 1.146 1.617
1878-79 1.214 1.718
1879-80 1.303 1.724
1880-81 1.442 1.687
1881-82 1.514 1.814
1882-83 1.647 2.154
1883-84 1.718 2.260
1884-85 1.999 2.267
1S85-86 1.897 2.393
1886-87* 3.064 3.325
A première vue, il semble qu'il y ait, tous les ans, un déficit
plus ou moins considérable. 11 n'en est rien cependant, car les
recettes ne comprennent pas le transport gratuit de toute la
correspondance officielle, laquelle représente plus de 30 pour 100
de toute la correspondance transportée. Depuis cinq ans, les
recettes de l'administration des postes ont augmenté de 102
pour 100.
Le mouvement des mandais postaux se répartit comme suit:
1. Trois semestres.
POSTES. TÉLÉGRAPHES ET TÉLÉPHONES.
469,
Années. Nombre.
1866-67 33
1867-68 *63
1868-69 408
1869-70 458
1870-71 568
1871-72 780
1872-73 983
1873-74 1.205
1874-75 1.250
1875-70 1.393
1876-77 1.850
1877-78 3.176
1878-79 3.674
1879-80 4.499
1880-81 8.084
1881-82 9.663
1882-83 11.324
1883-84
1884-85
1885-86
1886-87
Montant en contos de réis
2
9
20
24
30
45
52
64
63
73
105
174
189
236
628
841
1.042
1.236
1.033
1.712
Yoici également le mouvement de la correspondance pendant
les sept dernières années :
Années.
Réceptions.
Expéditions.
1880-81
8.811.257
11.578.740
1881-82
9.883.701
13.699.649
1882-83
11.061.558
13.150.693
1883-84
»
»
1884-85
13.222.856
19.153.769
1885-86
. 14.674.162
20.302.721
1886-87
. 23.336.420
32.233.686
Depuis l'année 1880-81, le mouvement des correspondances a
triplé.
470 LE BRÉSIL EN 18S9.
D'après le Rapport présenté au Parlement, en mai 1888, par
Le ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics,
M. Rodrigo Augusto da Silva, les lignes télégraphiques alors
existantes mesuraient l'étendue totale de 10.033 kilomètres
111 mètres, ayant un développement de 18.3G3 kilomètres
902 mètres de fils, reliant entre elles 170 stations, depuis
Jaguarâo, sur la frontière du Brésil avec la République orientale
de l'Uruguay, jusqu'à Belem, chef-lieu de la province de Para, à
l'embouchure de l'Amazone. La ligne générale, dont se détachent
différents embranchements, dessert tout le littoral de l'Empire :
à Uruguayana et à Jaguarâo elle se relie aux lignes télégraphi-
ques de la République de l'Uruguay et de la République Argen-
tine. De Jaguarâo à Belem la ligne mesure 6.903 kilomètres
560 mètres d'étendue, avec le développement de 13.262 kilo-
mètres 33 mètres de fils ; sur ce parcours, on trouve 170
stations, comprenant 47 kilomètres 684 mètres de câbles
servant à traverser des fleuves, des baies et des estuaires, à
Pelotas, Porto-Alegre, Estreito (Santa-Catharina), Itajahy, Santos,
la baie de Rio, Mangaratiba, et les rios de Sâo-Joâo et de San-
Francisco (nord).
Les seuls chefs-lieux de province qui ne soient pas encore
desservis par le télégraphe sont ceux des provinces de Matto-
Grosso, Goyaz et Amazonas. Mais, on pousse activement la cons-
truction de la ligne qui doit relier San-Paulo à Cuyabâ (Matlo-
Grosso), et une concession a été demandée pour une ligne qui
irait jusqu'à Manâos (Amazonas).
Outre ces lignes, appartenant à l'État, le Brésil possède un
certain nombre de lignes télégraphiques appartenant aux Com-
pagnies de chemins de fer. On calcule qu'elles possèdent ensemble
un réseau de 7.000 kilomètres de lignes.
Le Brésil se trouve relié à l'Amérique du Sud par un câble
sous-marin qui va de Belem (Para) à Montevideo (République de
l'Uruguay) ; à l'Europe, par un câble sous-marin, qui va de Récife
(Pernambuco) à Lisbonne, et il le sera bientôt avec les États-
Unis par un câble allant de Vizeu (Para) à New- York, par la
Guyane et les Antilles.
Le tableau suivant fait connaître le nombre de télégrammes,
le nombre de mots, la recette totale et l'excédant des dépenses
sur les recettes, depuis 26 ans. Le calcul est lait en cenios de
rcis, chaque conto valant 2.858 francs en moyenne :
POSTES, TÉLÉGRAPHES ET TÉLÉPHONES
471
LIGNES TÉLÉGRAPHIQUES DE L'ÉTAT
Excédant
Anr.
Télégrammes.
Mots.
Recettes.
des dépenses.
1
contosderéis.
conto%.
1861-68
233
5.544
'828.140
'4l
-63
1.932
54.991
2
79
1 B63-64
2.190
58.737
3
68
1864-65
3.709
87.225
5
535
1865-66
3.0S8
77.625
6
278
1666-67
11.353
414.509
26
182
1861
34.690
539.290
39
181
1868-69
34.465
916.718
73
170
9-76
45.792
1.133.095
112
208
1870-71
44.775
1.091.103
128
647
1871-72
53.173
1.250.721
141
1.060
1872-73
89.165
1.945.679
168
1.019
1873-74
72.344
1.599.409
175
1.445
1874-75
103.689
2.263.819
253
1.340
1^75-76
119.358
2.516.500
293
1.022
1876-77
140.030
2.923.666
370
866
1S77-7S
182.011
3.696.652
558
623
1S7S-79
232.022
4.307.592
877
587
1879-80
254.416
4.558.739
768
458
1880-81
284.690
4.989.269
951
392
1881-82
383.147
6.398.600
1.242
661
1882-83
338.053
5.307.823
1.225
740
1883-84
331.884
4.906.084
1.039
764
1884-85
367.799
5.598.816
1.345
1885-S6
390.277
5.540.398
1.219
1.381
1886-87
528.161
6.972.962
1.482
940
4.555.416
12.500,328.140
15.757
Pendant les quinze mois écoulés de juillet 1886 à septembre
1887, le nombre des télégrammes de on pour l'Europe, les Indes
Orientales, les États-Unis et les Indes Occidentales, transmis ou
reçus, viâRécife, a été de 10.832, avec 92.122 mots. Pendant la
même période, le nombre des télégrammes de ou pour les Répu-
bliques de l'Amérique du Sud, transmis ou reçus, via Jaguarâo et
Uruguayana, a été de 10.242, avec 117.494 mots. En transit, il a
été transmis du nord au sud du Brésil et vice-versâ, à la même
époque, 2.767 télégrammes, avec 25.885 mots. A l'intérieur même
du Brésil, le nombre des télégrammes a été de 504.320 avec
6.737.391 mots.
Le service téléphonique, confié à des Compagnies particulières,
fonctionne dans presque toutes les villes un peu importantes du
472 LE BRÉSIL EN 1889.
Brésil. On peut même affirmer que ce mode de communication
est relativement beaucoup plus répandu au Brésil qu'en France.
Le téléphone est d'un usage ordinaire jusqu'en Amazonie. On a
commencé à Maceiô, chef-lieu de la province d'Alagôas, à com-
biner le service téléphonique avec le service télégraphique. Cet
essai ayant pleinement réussi, le ministre de l'agriculture a donné
les ordres nécessaires pour que l'essai soit généralisé.
CHAPITRE XVI
IMMIGRATION
Par M. E. da SILVA-PRADO
Ce serait écrire l'histoire du Brésil que d'écrire l'histoire de
l'immigration dans le territoire de ce pays.
La très grande majorité des quatorze millions d'habitants du
Brésil est composée de descendants ou de représentants des
races de l'ancien monde qui sont venues faire souche au Brésil.
L'exislence de la nation brésilienne est la meilleure preuve des
conditions favorables que ces races y ont rencontrées pour leur
développement dans le passé et pour leur expansion dans l'avenir.
L'accroissement de la population au Brésil par l'immigration
n'a jamais suivi une progression égale après la découverte du
pays. On n'émigrait pas d'Europe, pendant les trois derniers siècles,
comme on émigré aujourd'hui. Les pays européens n'avaient pas
le trop plein d'habitants qu'ils déversent aujourd'hui sur les
régions de l'Amérique et de l'Australie; le paysan était plus ou
moins asservi et attaché au sol ; la concurrence et les machines
remplaçant l'homme n'avaient pas encore réduit l'ouvrier des
villes à manquer de travail. D'ailleurs, les moyens de communi-
cation entre le Brésil et l'ancien monde étaient loin d'être
aussi nombreux et aussi faciles qu'ils le sont aujourd'hui.
Le Portugal défendait l'abord du Brésil aux étrangers, et le
pays ne se peuplait que fort lentement par des colons portugais
qui bientôt y amenèrent des nègres d'Afrique dont ils firent des
esclaves.
474 LE BRÉSIL EN 1889.
La conquête du Portugal, par Philippe II, eu 1380, ouvrit
le Brésil aux Espagnols eL aux autres suiels de ce roi venus des
Flandres et de l'Italie.
Les Français ne laissèrent pas de trace de leurs tentatives
coloniales au xvi° et au xvn° siècles.
Les guerres contre les Hollandaisqui,delG24àl654, attaquèrent
le nord du Brésil et s'y établirent, amenèrent au Brésil un grand
nombre de sujets des Républiques-Unies et d'étrangers d'autres
pays que la Hollande accueillait toujours en ce temps-là. Un certain
nombre de juifs portugais s'étaient établis au Brésil, et ils ont
contribué à attirer les Hollandais, qu'ils favorisaient contre les
Portugais catholiques, leurs compatriotes. Mais les Hollandais,
qui n'ont jamais fondé que des colonies de rapport et de com-
merce, sans les peupler, à l'exception d'une partie du Gap de
Bonne-Espérance, n'auraient probablement pas peuplé le nord
du Brésil. Cependant, à la fin de ces guerres coloniales, des
Hollandais et leurs descendants, dont on ne saurait estimer exac-
tement le nombre, très restreint d'ailleurs, sont restés au Brésil.
Les noyaux de population portugaise qui s'étaient établis sur
la côte, grandissaient cependant, et cette population a donné les
explorateurs de l'intérieur du Brésil. Poussés par le désir de
découvrir les mines d'or qu'on signalait à l'intérieur, et aussi
par le besoin de capturer des Indiens qu'ils réduisaient en escla-
vage pour cultiver les terres, ces explorateurs firent, avec une
rapidité étonnante, la découverte du pays. Ce furent surtout les
colons du sud du Brésil, connus sous le nom de Paulislas, qui
firent le plus grand nombre et les plus lointaines de ces expé-
ditions lesquelles permirent à la population de ne pas rester sur
les côtes et de s'éparpiller dans toutes les directions, gagnant
en étendue, sur tout le territoire, ce qu'elle perdait en densité
dans certaines régions.
L'Indien commença à disparaître. Les nègres qu'on importait
d'Afrique mouraient en grand nombre et se reproduisaient peu
dans l'esclavage. Bien que l'étendue territoriale permît l'accroisse-
ment naturel de la population dans une proportion fort élevée,
l'augmentation du nombre des habitants du Brésil était toujours
insignifiante, l'immigration ne contribuant que fort peu à cette
augmentation. Le Portugal jusqu'alors n'avait envoyé au Brésil
que peu de colons, quelques condamnés ou des soldats. Les pre-
miers pour peupler la terre, ceux-ci pour l'empêcher de tomber
dans les mains des Français, des Hollandais et des Espagnols.
IMMIGRATION.
475
Cependant, des considérations politiques, basées sur le besoin
d'étendre Les domaines du roi de Portugal et d'empêcher les
empiétements des Espagnols, agirent sur l'esprit de la cour de
Lisbonne dans un sens favorable à la colonisation du Brésil. On
pensa alors devoir encourager cette colonisation, surtout sur les
frontières, en organisant, au nord et au sud, des établissements
mixtes où l'on érigeait des forts et où Ton amenait, souvent par
force, des familles destinées à fonder une colonie. Parfois, cette
'o(odi3 ne tardait pas n disparaître, car elle ne se trouvait pas
mes conditions do développement, soit parce qu'elle
était trop éloignée et n'avait pas des moyens de communication
avec le reste du pays, soit parce qu'elle se trouvait située sur un
point excellent peut-être sous le rapport stratégique, mais peu
favorable aux cultures. D'ailleurs, ces familles qu'on transpor-
tait vers des régions lointaines étaient souvent prises au sein de
la population brésilienne déjà établie ailleurs, de sorte que ces
essais de colonisation n'ont contribué en rien à l'augmentation de
la population du Brésil.
Une expérience sur une échelle plus considérable fut faite
au siècle dernier, à Santa-Catharina et à Rio-Grande. Le gouver-
neur, le général Silva-Paes, proposa au roi Jean V de faire venir
des Açores quatre mille familles.
Le roi, par un décret du 31 août 1744, ordonna donc que
quatre mille familles seraient transportées de Madère et des Açores
à Santa-Catharina et sur le continent de Rio-Grande. On afficha dans
toutes ces îles des édits, par lesquels on promettait à ceux de
leurs habitants qui seraient disposés à participer à cette colo-
nisation, non seulement le transport aux frais de l'État, mais
des secours, des instruments d'agriculture, et d'autres avan-
tages, à la condition que les hommes n'eussent pas plus de qua-
rante ans et les femmes plus de trente. Aussitôt que ces immi-
grants auraient débarqué au Brésil , on paierait une prime de
2.400 réis à chaque femme mariée ou fille âgée de plus de douze
ans et de moins de vingt-cinq, et aux familles qui transporte-
raient des fils, 1.000 réis par chaque fils. On donnerait en outre
à chaque famille un fusil, deux bêches, une hache, une ermi-
nette, un marteau, un coutelas, deux couteaux, deux ciseaux,
deux vrilles, une scie, une lime, deux boisseaux de semences,
deux vaches, une jument, et, durant la première année, toute
la farine nécessaire à leur entretien. Outre ces dons, on accor-
derait aux hommes l'exemption de service dans les troupes du
47G LE BRÉSIL EN 1889.
roi, et à chaque famille on accorderait un quart de lieue en
carré, etc., etc., etc. Nous consignons ces détails pour donner
une idée de l'intérêt que le Portugal prenait enfin au peuple-
ment de cette région du Brésil qu'il avait délaissée jusqu'alors.
Cet essai de colonisation réussit si bien et fut si bien et si
promptement fait, qu'un écrivain espagnol contemporain le
signalait à son gouvernement comme un exemple à suivre en
Amérique. «Les Espagnols d'Europe, dit-il, regardent la formation
d'une bourgade comme une opération très dispendieuse, et dans
le genre de celles que les Romains seuls ou de puissants rois
auraient pu exécuter. Cependant les Portugais ont formé à Santa-
Catharina une bourgade très-propre, construite en bois et en
paille. Ils n'ont pas mis plus de six semaines à cet ouvrage et
ils n'y ont pas dépensé une demie-réale. Pour moi. lorsque j'irai
à Madrid, je souhaite trouver dans mon auberge la moitié des
commodités que j'avais dans ce désert {. »
L'invasion espagnole en 1777 mit à une rude épreuve cette
colonie, mais elle a survécu à ce désastre; l'esclavage n'y fut pas
d'abord introduit dans une aussi grande échelle que dans d'autres
provinces ; le travail y échappa au deshonneur qui a toujours été
pour lui la suite de l'esclavage, et l'influence de ce fait s'est
toujours maintenue dans la province de Santa-Catharina, où, en
1872, sur 100 habitants il y avait 78 blancs, proportion bien plus
élevée que dans toutes les provinces du Brésil, plus élevée même
que dans celle de San-Paulo, où la proportion des blancs, en 1886,
avant la grande immigration blanche de 1887-88, n'était que de
67,7 pour 1002.
Malheureusement, le gouvernement portugais ne poursuivit
guère la sage politique qu'il avait inaugurée. Bien qu'un diplo-
mate brésilien ait affirmé à la légère que ces tentatives de colo-
nisation dans ces régions du sud du Brésil avaient échoué,
comme avaient échoué celles de Catherine II et de Paul Ier dans
1. Ybanez de Eciieverria : Histoire du Paraguay sous les Jésuites etc. etc.
Amsterdam 1780. 3 vol. Vol. III, page 47.
2. La proportion actuelle des blancs par rapport aux Indiens, aux nègre3
et aux métis dans les vingt provinces du Brésil est la suivante :
Santa-Catharina, 78 pour 100 ; Sâo-Paulo, 67 pour 100 ; Rio-Grande-du-
Sud, 50 pour 100 ; Municipe Neutre, 55 pour 100 ; Paranâ, 55 pour 100 ; Rio-
Grande-do-Norte, 43 pour 100; Minas-Geraes, 40 pour 100; Parahyl.a do
Norte 40 pour 100 ; Rio de Janeiro, 3S pour 100 ; Ceara, 37 pour 100 ; Pernam-
buco, 34 pour 100 ; Para, 33 pour 100; Espirito-Santo, 32 pour 100; MaranhSo,
Goyaz, Matto Grosso, 28 pour 100 ; Alagôas, 25 pour 100; Bahia, 24 pour 100;
Piauhy, 21 pour 100 ; Amazonas, 19 pour 100.
IMMIGRATION. 477
la Russie Méridionale1, on doit beaucoup de reconnaissance au
général Silva-Paes, et il faut regretter qu'il n'ait pas eu des suc-
cesseurs et des imitateurs dignes de lui. Si l'on avait poursuivi
la réalisation de ses desseins, le vaste territoire du Brésil aurait
compté, à La un du siècle dernier, une population bien plus
grande que celle qu'on a pu estimer alors, c'est-à-dire 3,250,000
habitants.
C'est à tort qu'on a souvent écrit également que le gouver-
nement colonial ne permettait pas aux étrangers de se fixer au
Brésil. On rencontrait partout, sur la côte, un certain nombre
d'Allemands, d'Anglais, de Hollandais, de Français et d'Italiens.
Parmi les premiers colons on en trouve plusieurs appartenant
à ces nationalités. Mais les restrictions étaient nombreuses, et
tout le commerce du Brésil avec l'Europe, bien que souvent il
fût fait par des navires étrangers, devait forcément passer par
Lisbonne, où il payait de fortes taxes.
Les étrangers n'ayant pas les moyens de cultiver la terre, tra-
vaillée par les esclaves, et le commerce leur étant aussi rendu
difficile par toutes ces entraves, ne pouvaient guère s'établir en
grand nombre au Brésil. Mais en dehors de ces restrictions, on
ne trouve pas que d'autres prohibitions de séjour leur aient été
jamais faites, excepté au siècle dernier dans le district des mines
de diamants, d'où la majorité des Portugais eux-mêmes était
exclue, et où, en 1809, le voyageur anglais Mawe fut le premier
étranger qui obtint la permission de pénétrer.
A cette époque, eut lieu le grand événement qui devait changer
les destinées du Brésil : l'arrivée du roi du Portugal, qui s'y
réfugia avec sa famille et sa cour quand son royaume fut envahi
par les Français en 1808. L'arrivée du roi fut signalée par l'acte
qui rendit le commerce du Brésil libre à toutes les nations. Le
Portugal n'aurait pas pu sagement différer cette concession faite
à son temps et à la civilisation. Mais toute idée libérale, une fois
appliquée, ne peut que conduire, par les conséquences qui en
résultent, à des idées encore plus larges. Entre la liberté de
commerce qu'on accordait et le désir de voir ce commerce et la
richesse du pays s'accroître par l'arrivée des étrangers qu'on
n'avait fait que tolérer jusqu'alors, il n'y avait pas loin. De là les
premiers efforts du roi Jean Yl en faveur de la colonisation étran-
gère. On ne pouvait pas, devant le besoin urgent de développer
1. Note du vicomte d'Abrantes au baron de Canitz, 20 juillet 1846.
478 LE BRÉSIL EX 1889.
les ressources du pays, se borner à envoyer quelques familles
fonder d< colonies. On fit venir des paysans portugais, renou-
velant ainsi ce qu'on avait déjà fait à Santa-Catharina ; mais on
ne poussa pas loin le système, car on ne voulait pas non plus
dépeupler le Portugal qui avait tant souffert de l'invasion française.
La majorité de ces colons, venus de Madère et des Açores, ainsi
qu'il est arrivé depuis à presque tous les immigrants portugais, ne
se fixaient pas dans les parages lointains qu'ils devraient peupler;
ils préféraient le séjour des villes de la côte. Ainsi, par exemple,
des familles furent envoyées à Casa Branca, qui est aujourd'hui
un des centres agricoles les plus riches du Brésil, et dont le terri-
toire, coupé par une grande ligne de chemin de fer, se trouve en
communication quotidienne avec San-Paulo et avec Rio-de-
Janeiro. Ces paysans n'eurent pas le courage de supporter la soli-
tude, et ils n'ont pas môme essayé de cultiver le sol fertile qui
leur était alloué et qu'ils trouvèrent assombri par des ambres
gigantesques qu'ils n'osaient entreprendre d'abattre.
Dès ce temps, l'immigrant portugais ne s'est jamais fixé que
dans les villes et dans les villages. C'était en vain qu'on voulait
en faire un cultivateur. Le Portugais n'a pas pris le rôle du
pionnier défricheur des terrains inoccupés à l'intérieur du pays.
C'étaient les enfants du pays, les métis du blanc, du nègre et de
l'indien, qui abattaient les forêts et faisaient avancer loin de la côte
la culture qui ne pouvait s'y implanter sans cette destruction
préparatoire, qu'on a regrettée avec raison, mais qui continuera
jusqu'à ce que la population se soit accrue et que l'usage plus
répandu de la charrue et des engrais dispense le cultivateur de
détruire les forêts, et produise d'abondantes récoltes même sur
les terres fatiguées.
Ces terres nouvellement défrichées étaient acquises aux cul-
tures coloniales que les nouveaux venus ignoraient, et dans les-
quelles les propriétaires ne voulaient pas les employer, car ils
avaient à leur disposition l'esclave nègre que l'Afrique leur four-
nissait.
C'était ainsi l'esclavage qui éloignait le Portugais des cultures,
et le maintenait dans son rôle de petit commerçant, de revendeur,
de petit parasite du gouvernement, rôle qu'il adoptait au milieu
de cette population libre, dont il venait augmenter le nombre,
mais à laquelle il n'apportait aucune énergie morale, ni aucun
renouvellement de sa force productrice.
Le Portugais sentait bientôt combien l'esclavage avait désho-
IMMIGRATION. 479
noréle travail, et il se contentait de la médiocrité dans une société
qui aurait été riche dès lors, si la culture directe du sol n'y avait
pas été considérée comme un déshonneur pour l'homme libre.
On commença alors à s'apercevoir que l'esclavage pouvait
bien ne pas durer toujours, que la traite allait être abolie et que
le nègre serait libéré comme l'indien L'avait été au dernier siècle.
On osa discuter l'esclavage. Ce fut assez pour qu'on le con-
damnât. Les idées qui avaient préparé et fait la Révolution Fran-
ssaient déjà au Brésil. Le roi Jean VI, qui, plus tard, a été
même accusé d'être un peu jacobin, selon la phrase des réaction-
naires d'alors, se vit entouré de plusieurs hommes remarquables.
qui ne manquèrent pas de lui inspirer une grande politique.
Quelques-uns de ces hommes comprirent qu'un jour arriverait où
l'on n'aurait plus d'esclaves, où l'on ne devrait plus les avoir.
On trouve dans les écrits de cette époque, dans la façon d'en-
visager les grandes difficultés qu'on sentait approcher, une
clairvoyance et un courage patriotique qu'on n'a pas retrouvés,
soixante-dix ans plus tard, chez certains hommes d'État brésiliens
qui, tout en vivant dans une époque plus éclairée, ont voulu
retarder de nos jours l'abolition de l'esclavage
Dans ces temps, qui paraissent si lointains dans la jeune
histoire d'un pays nouveau comme le Brésil, on a songé à des
nouvelles cultures, à l'introduction d'industries qui y étaient
inconnues. Des erreurs ont été commises, mais quelques actes ont
porté de grands fruits.
Il faut compter au nombre des plus sages mesures prises alors,
le décret du 25 novembre 1808, permettant au Gouvernement de
concéder des terres à des étrangers. Ces concessions étaient
appelées sesmarias ; leur étendue variait selon les provinces, et
les conditions à remplir ont aussi changé. Dans ce décret il est
dit:
<( Comme il est utile à mon service royal et au bien public
d'accroître l'agriculture et la population qui est très restreinte
dans ce pays, et par d'autres motifs qui m'ont été soumis, il me
semble bon que des concessions de terre par sesmarias puissent
être faites aux étrangers habitant le Brésil, dans la même forme
prescrite par mes ordres royaux à l'égard de mes vassaux, et
sans avoir égard à toutes lois ou dispositions contraires. »
Ce décret était une conséquence de la liberté de commerce.
Le comte Hogendorp, dont la grande expérience coloniale aux
Indes Néerlandaises faisait foi, était un des premiers à applaudir
480 LE BRÉSIL EN 18 89.
en Europe la politique du roi Jean VI : « Si le gouvernement du
Brésil, dit-il, continue dans le système de sagesse, de modération,
de saine politique, surtout en fait de commerce et de tolérance,
qui caractérise maintenant tous ses actes et ses dispositions, assu-
rément L'accroissement de la prospérité et de la richesse de cette
première monarchie du Nouveau-Monde, étonnera l'ancien par
la rapidité de sa marche et la hauteur où elle s'élèvera1. »
Dès Les premières années qui suivirent l'inauguration de cette
politique, les bienfaits en étaient visibles, et la population du sud
du Brésil s'était beaucoup accrue. « Après 1813, dit Luccock,des
étrangers en nombre considérable arrivèrent des provinces espa-
gnoles que l'on commence à appeler les États indépendants de
l'Amérique du Sud; d'autres sont venus de l'Amérique du Nord,
de France, de l'Angleterre, de Suède et d'Allemagne. Heureuse-
ment tous ces étrangers ne restèrent pas dans la ville de Rio. Les
plus pauvres, particulièrement ceux qui arrivaient des îles de
l'Atlantique et qui étaient en général des cultivateurs, reçurent
du gouvernement l'outillage de leur profession et furent distri-
bués dans différentes parties du pays. Quelques privilèges
importants leur furent accordés collectivement et ils se trou-
vèrent dans des situations où leurs services et leur exemple
pouvaient être très utiles. Ceux qui n'arrivaient pas dépourvus
de toute ressource acquirent de petites propriétés rurales dans
les environs de la ville et en approvisionnèrent les marchés.
D'autres s'en allèrent vers les provinces du Sud ou vers les
régions élevées de Minas et de Sâo-Paulo où ils trouvèrent un
climat plus frais et leur convenant mieux que celui de la province
de Rio-de-Janeiro2. » Le même voyageur parle avec enthou-
siasme du développement de la ville de Rio, du bien-être croissant
qu'on y remarquait alors, de toutes les manifestations qu'on y
voyait d'une forte poussée civilisatrice due à l'immigration.
Cependant cette immigration ne prit pas encore les propor-
tions désirées par les patriotes brésiliens.
Les longues guerres de l'Europe au commencement du siècle
avaient laissé pas mal de champs en friche, avaient éclairci les
populations pendant ces temps troublés qui ont amené l'arrêt de
l'émigration européenne.
Le Brésil, d'ailleurs, n'était pas encore assez connu pour
pouvoir espérer d'attirer sur son sol une partie de cette émigration
i. Du système colonial de la France. Paris 1817, p. 203.
2. Luccock : Notes on Brazil. Loiidon, 1820, page 546.
IMMIGRATION. 481
qui avait déjà pris la direction des États-Unis. Mais, le gouver-
nement. obéissant à l'opinion des hommes les plus éclairés de
sou temps, dut intervenir pour aider l'immigration au Brésil. Les
théoriciens de gouvernement, trop épris du principe de la non-
intervention de l'État, pourront blâmer la résolution des ministres
du roi en ISIS de faire venir, aux frais de l'État, 2.000 colons
suisses du canton de Fribourg. Mais, si l'État avait attendu la
venue spontanée de ces immigrants et s'était borné à ne pas
entraver l'essor de l'initiative privée, bien des années se seraient
écoulées avant l'arrivée au Brésil de ces premiers éclaireurs de la
colonisation étrangère. La venue de ces colons devra toujours être
signalée dans l'histoire du Brésil.
1 /élément portugais aurait été toujours insuffisant pour peu-
pler et implanter la civilisation dans le territoire de ce vaste pays,
avant plusieurs siècles.
Pour la première fois les Portugais et les représentants d'un
peuple du nord de l'Europe allaient se rencontrer dans l'autre
hémisphère sans avoir à se disputer une conquête par les armes.
Le Portugal, par le fait, n'était plus le maître du Brésil. Tous les
peuples de l'Europe avaient dès lors le droit d'y venir chercher les
ressources qui leur manqueraient chez eux. L'ancienne colonie
devenait l'héritage commun des déshérités des vieilles sociétés
encombrées de l'Europe.
Les paysans de Fribourg, en Suisse, ont été les premiers
appelés, sans doute parce qu'ils étaient catholiques. On ne doit
pas y voir une preuve d'intolérance de la part du gouvernement.
Il a été sage d'éviter aux colons arrivés les premiers au Brésil,
le changement de milieu religieux, une épreuve qui viendrait
s'ajouter aux autres difficultés de l'entreprise coloniale.
Ces Suisses n'arrivaient pas au Brésil comme les premiers
étrangers qui s'y fixèrent, grâce à la tolérance du gouverne-
ment. Les rôles étaient dès lors changés; c'était le roi qui les
avait priés de venir et qui les invitait. On ne pensa qu'à les com-
bler de faveurs.
Le décret du 16 mai 1818 sanctionna une convention par
laquelle Sébastien-Nicolas Gachet, agent du canton de Fribourg,
s'était engagé à fonder au Brésil une colonie de 100 familles
suisses, en recevant 533 francs par individu âgé de plus de trois
ans, pour le transport des personnes, des effets, des ustensiles,
des meubles et des instruments de travail leur appartenant. Les
avantages accordés aux colons étaient : 1° le passage payé ;
31
182 LE BRÉSIL EH 1
^2" les frais de \ oyage jusqu'à leur établissement; 3° des I >gementa
temporaires : ï des terres eu toute propriété, des bestiaui
et des semences conformément à un tableau proportionnel au
nombre de personnes de chaque famille ; 5° un salaire de '.K
centimes par jour et par tête pendanl La première année el de
moitié pendant L'année suivante, mais avec imputation de la
valeur des travaux faits pour chaque colon : 6° trois prêtres, an
médecin, un pharmacien, et un vétérinaire qui devaienl venir
avec les colons et étaient salariés par L'Étal ; 7" Le roi devait
bâtir et orner mu' église ; 8° 1rs colons riaient naturalisés par le
fait de Leur arrivée; 9° pendant dix années, la colonie était
exempte de service militaire et de toute charge personnelle oh
foncière, elle ne devait payer que L'impôt du quart de l'or; 10° la
police devait être attribuée à une garde formée des colons
de 1S à 40 ans.
L'exécution du contrai Gachet amena d'abord au Brésil trente
familles suisse-. Le gouvernement les établit à 200 kilon
au nord-est de Rio-de- Janeiro, dans celle partie de la chaîne de
montagnes du littoral qui a pris le nom de Morro-Queimado, à
8o() mètres au-dessus du niveau de la mer, dans le district de
Cantagallo, qui avait été desséché et exploré en partie au siècle
dernier parles chercheurs d'or. La colonie reçut environ 2.000
immigrants de tout âge, et on lui donna le nom de Nouvelle-Fri-
bourg. L'établissement primitif forme aujourd'hui une petite
ville qui n'a plus L'organisation coloniale primitive. Des familles
issues de cette colonie sont allées habiter d'autres endroits de la
province de Rio-de- Janeiro, et on reconnaît leurs descendants, tous
Brésiliens, à leurs yeux bleus, à leurs cheveux blonds et à leurs
noms allemands. Auguste de Saint - Hilaire regrette que ces
premiers colons n'aient pas été envoyés sur le grand plateau
de Minas-Geraes, cette région fortunée dont il a souvent décrit
la bonté du climat et la fertilité du sol; mais la distance de la
côte aurait été trop grande, les chemins trop mauvais pour qu'il
eût été sage d'envoyer si loin ces premiers colons. On doit cependant
reconnaître que, sous le point de vue agricole, le choix de la
Serra dos Orgâos, a été malheureux. La Nouvelle-Fribonrg n'a pas
formé, ainsi que le fait remarquer M. de Straten-Ponthoz, un
centre d'émigration vers l'intérieur et une agglomération servant
de point d'appui aux Européens nouvellement arrivés. Les immi-
grants qui avaient quelques ressources se bâtèrent de chercher
d'autres terres dans le voisinage, et la plupart s'enrichirent en
IMMIGRATION. 483
devenant planteurs avec des esclaves. De nos jours, la rapidité
des communications avec Rio-de-Janeiro compense son éloigne-
ment : la Nouvelle-Fribourg, dont l'influence a été grande, peut
prospérer par la culture maraîchère et par les produits de ses
petites fermes, el elle est devenue un vrai sanatorium, grâce à la
fraîcheur de son climat très recherché pendant l'été.
La Nouvelle-Fribourg, comme nous l'avons dit, constitue la
première grande tentative décolonisation étrangère et officielle
au Brésil. Si les événements politiques qui amenèrent l'indépen-
dance du Brésil, n'avaient pas absorbé toute l'attention du gou-
iment et si le départ du roi pour le Portugal n'avait pas eu
lieu alors, d'autres essais aurait été faits sans doute avec des
résultats plus grands.
Deux ans après la proclamation de l'indépendance du Brésil,
le nouveau gouvernement, qui ne pouvait que suivre les ten-
dances du régime précédent dans ses vues de progrès et de déve-
loppement du pays, reprit l'idée de la colonisation étrangère.
Cette fois le succès a été considérable. Nous voulons parler de la
colonie allemande de Sâo-Leopoldo, fondée en 1824, dans la
province de Rio-Grande-du-Sud. Commencée alors avec 126 in-
dividus, elle s'accrut graduellement jusqu'à former aujourd'hui
un district rural avec une population de 40,000 habitants. Cette
population étrangère s'y est agglomérée peu à peu et y a pris
racine très aisément. Sâo-Leopoldo est admirablement bien
située, et c'est surtout aux avantages de sa position qu'elle doit sa
prospérité. La colonie communiquant par eau avec le chef-lieu
de la province, et se trouvant pourvue de bonnes routes, a trouvé
toutes les conditions favorables pour son développement. Elle a
été le noyau et le centre d'attraction de la colonisation allemande
dans la province de Rio-Grande et dans le sud du Brésil. Des
officiers et des soldats allemands qui avaient servi dans la guerre
contre Rosas, en 1851-52, restèrent en grand nombre au Brésil,
et se fixèrent à Sâo-Leopoldo.
De 1818 à 1830, l'arrivée des Allemands au Brésil n'a été que
de 6.856. Ce mouvement s'arrêta complètement de 1830 à 1837.
11 recommença en 1838, lentement d'abord ; depuis cette année
jusqu'à 1884, le nombre des immigrants allemands qui se sont
au Brésil a été de 71,247.
Nous ne voulons pas faire l'historique de chacune des co-
lonies fondées au Brésil sur le plan officiel de Nova-Friburgo et
de Sâo-Leopoldo. Une de celles qui a prospéré le plus, c'est
484 LE BRESIL EN 1889.
Pétropolis, qui est devenue une belle ville, le séjour d'été de la
population riche de Hio-de-Janeiro et de la cour de l'empereur.
Les premiers immigrants qui s'y sont établis sur les terres du
domaine privé de l'Empereur ont d'abord trouvé du travail dans
l.i construction de la ville où les routes, les casernes, l'église, le
palais de l'empereur, l'hôpital, les écoles, les ponts, les hôtels,
les magasins se sont élevés simultanément, à côté des palmiers
et des fougères, sans aucune des transitions habituelles des ou-
vrages de la civilisation. La ville aujourd'hui est des plus pros-
pères; sa culture maraîchère approvisionne le marché de Rio-
de-Janeiro qui communique avec Pétropolis par des bateaux à
vapeur qui vont de Rio à Manâ, d'où un chemin de fer monte
jusqu'à Pétropolis, qui est à 800 mètres au-dessus du niveau de
la mer. L'industrie s'y est fort développée dans ces derniers temps ;
les Allemands y ont introduit l'industrie de la brasserie, et des
capitaux importants y sont employés dans de grandes fabriques
de tissus de coton.
Le nombre de colonies fondées au sud du Brésil par des Alle-
mands est très considérable. Malheureusement le nombre de
celles qui ont prospéré n'est pas aussi grand. Plusieurs ont été
formées avec un nombre trop restreint d'immigrants, et le
défaut d'agglomération n'a pas permis à ces colonies de se
développer. Les colons envoyés dans des endroits moins bien
situés sous le rapport des débouchés ou de la fertilité du sol, les
ont bien vite quittés, et ont trouvé ailleurs toujours du travail
bien rétribué. Ils sont allés rejoindre leurs compatriotes dans les
centres prospères ou se sont établis, pour leur compte et séparé-
ment, sur différents points du sud du Brésil, notamment dans la
province de Santa-Catharina, où plusieurs colonies ont été
créées.
Si on dressait le catalogue de toutes ces colonies, on en trou-
verait beaucoup qui n'ont eu qu'une existence éphémère, mais
leur disparition n'indiquerait certainement pas que les sacrifices
faits par l'Etat avec le passage et l'établissement de ces colons
aient été perdus. La population du pays s'est augmentée, le
commerce a grandi dans les provinces vers lesquelles la colo-
nisation officielle s'est dirigée. Santa-Cruz, dans la province de
Rio-Grande-du-Sud, Blumenau, Joinville, à Santa-Catharina, sont
des colonies qui, rentrées aujourd'hui dans le régime commun
des populations brésiliennes, se sont dédoublées à travers les
campagnes environnantes et sont devenues des districts ruraux
IMMIGRATION. 485
où l'on admire les cultures européennes et où le bien-être et
la prospérité des paysans ont frappé les voyageurs qui ont par-
couru cette région.
Le résultat de cette colonisation officielle est représenté par
un accroissement considérable de la richesse nationale au Brésil,
et, ce qui est plus encore, elle a eu une influence morale et civi-
lisatrice sur les districts où elle s'est portée. On ne saurait estimer
à leur juste valeur ces bienfaits moraux, mais tout le monde peut
en constater l'effet. Il suffit de dire que, dans des régions autre-
lois inhabitées ou a peine occupées par quelques habitants qui se
trouvaient séparées du reste du monde, dans un état d'abandon
qui semblait devoir les conduire à l'état sauvage, on compte
aujourd'hui près de 250.000 Brésiliens d'origine germanique,
dont une partie conservent encore la langue et les mœurs de
leurs pères et qui, dans leur nouveau milieu, ont beaucoup con-
tribué à l'avancement de la civilisation. Ils ne se bornent pas à
être de pauvres cultivateurs; il y a parmi eux des journalistes,
des prêtres, des avocats, des membres des assemblées provin-
ciales ; un d'eux est membre de la Chambre des Députés ; un
ancien colon de Santa-Catharina a fait partie, par l'élection de
toute la province, d'une liste de trois citoyens dans laquelle l'Em-
pereur a dû choisir un sénateur de l'Empire.
Voilà les résultats des efforts du gouvernement brésilien dans
l'application du système de la colonisation officielle.
Nous venons d'indiquer rapidement les résultats des premiers
efforts du gouvernement pour attirer des immigrants au Brésil
et pour hâter de la sorte le peuplement du territoire.
L'époque arriva cependant où ce fut le tour des grands pro-
priétaires de faire ce qu'ils pouvaient pour amener des colons
sur leurs terres dont ils voulaient utiliser la valeur.
Ceux des grands propriétaires brésiliens qui ont obéi les pre-
miers à cette pensée n'avaient pas en vue leur seul intérêt per-
sonnel, qu'ils compromirent assez souvent dans les risques de
ces entreprises nouvelles. Ils voyaient loin dans les destinées
économiques de leur pays. Dans les terres nouvelles où l'on com-
mençait sur une grande échelle la culture du café, destiné
à rivaliser avec la canne à sucre qu'il devait remplacer en
partie, l'engagement d'ouvriers libres, quand le planteur était
encore presque sûr que les esclaves ne lui manqueraient pas en-
core de longtemps, était, de la part du propriétaire, plutôt un
acte de philanthropie et de patriotisme qu'une affaire. Ces proprié-
486 LE BRÉSIL EN 1889.
tairea qui ont fail venir des immigrants européens ont dépensé de
fortes sommes en toutes sorte- de frais el d'avances de capi-
taux. \n lieu de s'enrichir d'une manière égoïste en étendant
leurs cultures et en employant des esclaves, ils onl songé à l'a-
venir. Il faut bien se rappeler l'époque de leurs premiers efforts,
les difficultés de toute sorte qu'il leur fallait surmonter, les pré-
jugés qu'il leur fallait vaincre, pour se faire une idée «le L'énergie
et de la force de volonté qu'ils ont «lu déployer.
Le sénateur Vergueiro doit être cité au premier rang de ces
bienfaiteurs du Brésil. Sa propriété Ybicaba est devenue célèbre,
comme étant le premier point où des Européens aient été
employés à la culture du café. Ybicaba, plantation située vers
le 22° degré dans la province de Saint-Paul, se présente ici comme
le meilleur centre d'immigration que l'industrie privée ait fondé
au Brésil. Ce domaine comprend trois lieues de forêts entrecou-
pées de pâturages et de défrichements; le sol en est plat, avec des
mornes épars, dont les pentes, à L'abri des gelées blanches, sont
favorables à la culture du café. Le riz, le maïs et divers produits
des terres tropicales occupent les plaines et les bas fonds. En
1847, l'importance d'Ybicaba était représentée par 300 esclaves et
une récolte de 8.000 arrobes de sucre et de 12.000 arrobes
de café. Mais ce dernier chiffre devait s'élever à 40.000 par les
nouvelles plantations qui venaient d'être établies, et auxquelles
il ne devait bientôt plus manquer que des bras. Le sénateur
Vergueiro, propriétaire d'Ybicaba, s'était voué aux occupations
agricoles et à la politique. Ministre ou chef de parti, il avait fortifié
par l'observation des affaires publiques et des besoins du pays
la conviction du danger que la traite des Africains apportait au
Brésil. Pour en contre-balancer les effets, il fallait demander des
émigrants à l'Europe, ainsi que des capitaux pour vivifier les
ressources du sol par le travail libre. Il prit donc la résolution
d'amener des Allemands dans son domaine et de les placer à côté
de ses esclaves, en combinant les occupations des uns et des
autres, de manière à procurer le plus grand bien-être aux Euro-
péens et le plus grand profit au planteur. Le gouvernement impé-
rial seconda celle entreprise dont tous les détails méritent L'atten-
tion. Le -2 avril lttïT, environ 100 Allemands de tout âge, formant
80 familles, contractèrent, avec le chargé d'affaires et consul gé-
uéral du Brésil pour les villes hanséatiques, L'engagement de pa
dans La province de San-Paulo et de s'y mettre à la disposition
(\[\ sénateur Vergueiro. Suivant les (danses de cet acte, le goui er-
IMMIGRATION. 487
cernent impérial faisait L'avance des frais de transport, fixés à
40 piastres espagnoles par individu âgé de plus de douze ans, et à
20 piastres pour Les enfants de plus de cinq ans. Au-dessous de cet
âge, le passage étaii gratuit. Les colons s'obligeaient à rembourser
La dépense de Leur traversée dans le délai de trois années à dater
du débarquement au Brésil. Par une bienveillance spéciale, le
gouvernement, qui devait payer au maître du navire 20 piastres
pour Les enfants âgés de plus de cinq ans, renonçait à faire entrer
cette somme dans la dette des colons. Ceux-ci étaient tenus d'en-
gager leurs services s'ils n'avaient pas les moyens de se libérer.
nne qui les emploierait deviendrait la caution de leurs
obligations. La nature du contrat de service était spécifiée: les
immigrants travailleraient pour un salaire réglé par l'usage local
en qualité de colons partiaires. Le transport des émigrants se fit
de Hambourg à Santos en deux navires. Le premier départ eut
lieu le 12 avril et l'autre le 26 avril 1847. Les traversées furent
de « "> et de 60 jours. Le sénateur Vergueiro, qui possédait une
maison de commerce à Santos, avait pris les dispositions que
réclamait l'arrivée des Allemands. Dès que ceux-ci débarquèrent
ils devinrent les colons partiaires du propriétaire d'Ybicaba en
acceptant les clauses de l'acte suivant : « Article premier. La
a Vergueiro fait le contrat suivant avec le colon N
— Art. 2. La maison Vergueiro s'oblige à ce qui suit : 1° elle
payera au gouvernement impérial la somme de dont il a fait
ace au même colon et pour laquelle celui-ci est responsable;
2° elle livrera au même colon une étendue de caféiers dont il soit
capable de faire la culture, la récolte et l'amélioration; 3° elle
lui permettra de tirer de ses terres, dans les lieux déterminés,
roduits nécessaires à son alimentation; 4° elle lui fera
L'avance des dépenses faites à Santos, de celles du voyage jusqu'à
mtation d'Ybicaba, et de son entretien jusqu'à ce qu'il puisse
y subvenir par son travail. — Art. 3. Le colon s'oblige à ce qui
suit : 1° il se conduira pacifiquement sans troubler ou léser ses
as ou la plantation ; 2° il fera convenablement la culture et
olte des caféiers qu'il aura reçus, en déposant le café à
l'endroit marqué dans la plantation pour y être livré à mesure
au receveur de l'établissement ; 3° en proportion de la quantité
de café récoltée par lui, le colon participera au travail de la pré-
paration exigée pour la mise du café dans le marché; 4° il replan-
tera les clairières qui se feront dans ses caféiers ; 5° il payera à
la maison Vergueiro la somme de , spécifiée ci-dessus (prix
48S LH BRÉSIL EN 18 89.
du passage qui, après deux années, produira L'intérêt légal pour
la partie non acquittée, ainsi que la somme des avances de l'ar-
ticle 2, § ï, avec intérêt Légal après une année de date; 0° il
appliquera aux payements spécifiés ci-dessus au moins la moitié
de son bénéfice net annuel. — Art. ï. Apres la vente du café par
la maison Vergueiro, celle-ci retiendra pour elle la moitié du
produit net et l'autre moitié appartiendra au colon. — Art. 5. La
maison Vergueiro n'aura aucune part aux articles d'alimentation
que produira le colon et qu'il consommera ; mais elle recevra la
moitié du prix de l'excédant de ces mêmes articles que le colon
aura vendus. — Âxt. 6. La maison Vergueiro ne pourra pas se
décharger des obligations de ce contrat aussi longtemps que le
colon remplira fidèlement les siennes. Il sera cependant libre à
celui-ci de se retirer, après avoir payé à la maison Vergueiro ce
qui lui sera dû, et moyennant une information, par écrit, de ses
intentions, faite six mois d'avance ; le colon s'assujettit à payer
une amende de 125 irancs s'il se retire avant de payer sa dette,
ou sans notifier la déclaration de son intention. — Art 7. Tous
les doutes qui s'élèveront entre les parties contractantes seront
soumis à des arbitres devant l'autorité compétente, sans autre
formalité et sans recours d'appel. »
« De Santos à Ybicaba, le trajet est de trente-huit lieues bré-
siliennes de dix-huit au degré, et les chemins sont difficiles. Les
immigrants firent le voyage en quatorze jours. Un administrateur
allemand dirigea l'expédition. Les enfants, les malades et les
femmes trop faibles pour marcher furent transportées à dos de
mulet ainsi que le bagage. Au terme de l'étape de chaque jour, le
convoi s'arrêtait dans un des hangars qui se construisent le long
des routes du Brésil pour attirer les muletiers aux tavernes voi-
sines. On y tuait un bœuf acheté sur place1 »
Nous avons tenu à reproduire cette notice sur Ybicaba, en
l'empruntant à l'ouvrage d'un diplomate européen qui a beau-
coup étudié le Brésil. Ybicaba a été le type de plusieurs agglo-
mérations d'immigrants européens dans la province de San-
Paulo ; Ybicaba sera toujours intéressant à étudier, car ce fut
l'endroit où la colonisation d'initiative privée s'établit tout d'abord.
Aujourd'hui que les grands paquebots transatlantiques ne mettent
en aucun cas plus de trois semaines complètes pour faire le voyage
i. Comte Auguste van (1er Straten-Ponthoz. Le Budget du Brésil, etc. Paris.
Ainvof, éditeur, 1854. 3 vol. — Vol. III. page 100.
IMMIGRATION. 489
entre l'Europe et le Brésil méridional, il nous a paru intéressant
de signaler les longues peines des premiers colons arrivés à San-
Paulo. Les dizaines de milliers d'immigrants que les chemins de
fer t ransportenl aujourd'hui de Santos aux régions les plus recu-
le La province ignorent — et personne ne le leur rappellera
— les Longues marches de leurs devanciers, les fatigues et les
travaux qu'ils ont endurés, et qui ne les ont point empêchés de
prospérer après s'être établis sur le sol brésilien.
Ybicaba a eu une grande influence sur la colonisation. Son
organisation était loin d'être parfaite. Le régime qui s'y établit
ne pouvait fonctionner sans difficultés que sous l'influence pater-
nelle du propriétaire, qui devait être presque toujours disposé à
transiger avec ses colons. Si le propriétaire exigeait l'exécution
rigoureuse du contrat, les conflits et les difficultés surgissaient
aussitôt.
Le fait capital qu'on observe dans la colonie d' Ybicaba et dans
celles dont elle a été le modèle est celui du travail libre à côté
de l'esclavage. Ce fait, qui paraissait avec raison devoir être une
cause de troubles et de perturbations économiques de tout genre,
a été la vraie cause de l'abolition de l'esclavage de la façon qu'elle
s'est faite au Brésil. L'existence de l'esclavage créait aux nou-
veaux venus une situation anormale dont les inconvénients
disparaissent en face de la grandeur du bienfait qui en résulta,
car c'est l'arrivée des ouvriers européens qui a déterminé l'ex-
tinction de l'esclavage ainsi que l'avait prédit M. de Straten-
Ponthoz :
« L'Africain du Brésil doit apparaître ici avec une mission
de pionnier sur le sol qui est accessible au travail des blancs et,
ce rôle accompli, il sera absorbé par la population libre en sortant
de la servitude. Au Brésil les avantages de faire les préparatifs
de l'émigration par l'esclavage, ne doivent pas être sacrifiés à la
crainte de voir les Européens subjugués par le travail servile.
Le prix croissant des Africains mettra chaque jour davantage
l'esclave hors de la portée des immigrants.
« Le rapprochement de la population étrangère et de la race
africaine doit être au Brésil la réhabilitation du travail de
l'homme blanc, en même temps qu'une sanction des faits favo-
rables à une fin pacifique et régulière de la servitude. A l'égard
de l'esclavage, le Brésil et les États-Unis se trouvent engagés
dans des voies divergentes. Chez les Américains il n'y a point de
compromis possible entre les deux races. Plus l'homme de cou-
490 LE BRÉSIL EN 1889.
leur se rapproche de L'homme blanc, plus il rencontre d'antipathie
et de répulsion. Les mœurs ont une cruauté excédant la rigueur
de la loi qui fait l'esclave et rendant illusoire la loi qui l'émancipé.
Au Brésil, l'affranchissement est une réalité politique el sociale.
La couleur u'excite aucune répugnance, et la tolérance des
mœurs va encore plus loin que la libéralité des lois. Tandis
qu'aux États-Unis, l'esclavage apparaît sans autre solution que
la guerre civile et l'extermination ou une retraite progressive
le sud pour trouver une issue par les régions du Texas et
du Nouveau Mexique, au Brésil il se montre entouré de moyens
d'émancipation régulière. La race blanche doit reprendre la
prépondérance numérique par le contingent que lui donnera
l'immigration européenne, et simultanément celle-ci favorisera
la réhabilitation de l'esclave. Elle doit contribuer à faire cesser
la traite par laquelle l'esclavage se recrute sans cesse d'Afri-
cains barbares, au lieu de se créer la moralité et le principe
civilisateur de la famille. A côté de l'immigrant, tout esclave doit
devenir Brésilien dans sa descendance L'immigration doit
aussi changer le système des grandes plantations ; elle substi-
tuera la culture de détail aux établissements mécaniques dont le
moteur est nécessairement l'esclavage. L'agriculture prendra la
place de la fabrication. Le travail de la famille accomplira la
tâche brutale de la servitude. C'est ainsi que l'immigration doit
relever le travail par la main des blancs, en lui donnant pour
impulsion les plus intimes sentiments de l'homme dans sa sou-
mission à la loi divine, au lieu du fouet dans la dégradation de
l'asservissement. Au Brésil, ni les mœurs, ni les lois, ni les condi-
tions physiques ne s'opposent à ce que l'émigrant et l'esclave
se rapprochent en combinant les moyens de prospérité matérielle
de l'un avec les moyens d'émancipation de l'autre1 ».
Pour confirmer ces prévisions prophétiques de l'influence de
l'immigration sur l'abolition, nous devons ajouter que, dans la
dernière période de l'esclavage, les abolitionnistes brésiliens ont
toujours été soutenus par les étrangers établis au Brésil, à l'ex-
ception de quelques marchands portugais de Rio-de-Janeiro et
d'un très petit nombre d'Américains du Nord établis à San-Paulo.
Le seul crime commis dans cette province contre les abolition-
nistes, le meurtre d'un fonctionnaire favorable à l'abolition, a été
commis à l'instigation de deux médecins des États-Unis. Par contre,
1. Ouvrage cité. Vol. III, page 117.
IMMIGRATION. 491
les Italiens ont toujours été dos partisans enthousiastes de l'aboli-
tion. C.Ylail le petit marchand ambulant, le colporteur (mascate)
italien qui traversait la plantation, se mettait en communication
avec les noirs, leur annonçait que l'heure de la délivrance appro-
chai!, leur racontait les efforts des amis inconnus qui travaillaient
pour la cause des esclaves. Quelquefois, il conseillait à ceux-ci de
quitter les planlations,maisilleséloignaitdetouteidéede crimeou
de violence contre les maîtres. Des Brésiliens des plus patriotes ont
souvent dit qu'on ne pouvait songer sérieusement à la venue
d'immigrants européens avant que l'esclavage fût aboli. La vérité
est qu'il a fallu l'arrivée de quelques milliers de ces immigrants
pour rendre possible cette abolition. On peut dire que la ques-
tion de l'esclavage au Brésil a été résolue dans la province de
San-Paulo. Sans l'immigration blanche et sans le grand nombre
d'ouvriers européens qui y faisaient valoir les terres, l'abolition
n'y aurait pu se faire en 1888 de l'admirable manière qu'ont
applaudie, dans un accord qui est bien rare en de pareilles
matières, tous les esprits pratiques et tous les cœurs généreux.
Voilà un bienfait de l'immigration européenne au Brésil dans
les dernières années, bienfait dont on ne saurait trop estimer les
résultats. En racontant l'histoire de la colonie d'Ybicaba nous
l'avons considérée comme le commencement de cette immigration
c'est-à-dire comme la préparation de ce grand bienfait de l'abo-
lition.
La colonie d'Ybicaba et celles qui ont été formées d'après le
même système se basaient, comme on l'a vu, sur un contrat
passé entre le colon et le propriétaire des terres. Ces contrats qui
ont d'abord semblé indispensables pour la garantie des frais de
la part du propriétaire ont été la cause de malentendus et ont
créé un régime où les incidents désagréables, hélas ! ne furent
pas rares.
Ainsi que nous l'avons vu, le régime d'Ybicaba, basé sur un
contrat compliqué et dont l'observation la plus stricte était néces-
saire pour la prospérité de la colonie, fut le système adopté
par les colonies qui furent bientôt créées sur le même plan
dans une partie de la province de San-Paulo. Sans doute, ce
mouvement donna quelques bons fruits, malgré les erreurs
commises; la population blanche de la province reçut toujours
par là un accroissement remarquable. Cependant les propriétaires
et les colons eurent des désagréments de toute sorte provenant
de causes diverses qui se sont souvent aggravées par l'interven-
492 LE BRE'SIL EX 1889.
tion des autorités consulaires de V Allemagne, du Portugal et de
la Suisse. Ces fonctionnaires ont trop souvent révélé la préoccu-
pation * i ne M. de Bismarck appellait tout récemment morbus consu-
laris et qui consiste dans des excès de zèle, dans des efl'orls pour
soulever partout des questions, dans le seul butd'attirer sur leurs
personnes les regards des chancelleries.
En 1858, les réclamations des colons mécontents attirèrenl
l'attention du gouvernement brésilien. Un commissaire du gouver-
nement visita 28 colonies où le système d'Ybicaba était appliqué à
plusde 2.000 colons Allemands, Suisses et Portugais. Les questions
soulevées, selon l'avis du commissaire du gouvernement, étaient
dues à deux causes: 1° le peu de /de et de discernement des agents
chargés de recruter des colons en Europe, et la facilité avec laquelle
les colons étaient reçus à leur arriver, car on ne se préoccupait ni
de leurs habitudes, ni de leur profession, ni de leur moralité, ni
de leur âge, ni de leur santé. C'est ainsi qu'on rencontrait dans
ces établissements non seulement des hommes vicieux, étrangers
au travail des champs et môme à toute espèce de travail, mais
encore des vieillards et des invalides incapables de tout service;
2° le défaut d'une inspection nécessaire et d'une bonne adminis-
tration de la justice. D'ailleurs la loi qui régissait les contrats
entre les immigrants et leurs patrons, la loi du 11 octobre 18:}",
était trop sévère, et son application donnait lieu à des difficultés*
C'est en raison de cette législation défectueuse que la plupart des
colonies qu'on voulut établir ne tardèrent pas à échouer. Ce fut
alors que dans quelques pays de l'Europe des mesures furent
prises contre l'émigration pour le Brésil. Les colons qui partaient
pour l'Amérique ayant signé des contrats de service avant leur
départ n'avaient pas une idée bien nette du pays ni des travaux
qu'on leur demanderait.
Bientôt tous les consuls étrangers et les Brésiliens les plus
éclairés furent convaincus que le régime de la liberté la plus ab*
solue chez le colon était celui qui lui permettrait de mieux choisir
un travail selon ses aptitudes et ses goûts, et que ce régime ne
serait que plus utile aux propriétaires des terres et au pays en
général.
Ces difficultés détournèrent un peu les propriétaires de
l'emploi d'ouvriers européens. D'autres circonstances vinrent
contribuer à l'arrêt du mouvement colonisateur, dont nous avons
esquissé les commencements. Le prix chaque jour plus élevé du
café laissait toujours un gros bénéfice au planteur, même s'il
IMMIGRATION. 493
achetait, pour faire cette culture, (les esclaves à un prix qui ne
faisait que hausser après la cessation complète de la traite en
L850.
La guerre du Paraguay qui, pendant cinq ans, empêcha le
gouvernement brésilien de s'occupersérieusement d'immigration ;
la hausse extraordinaire du coton au moment de la guerre de
ision aux États-Unis ; le grand nombre d'esclaves que les
planteurs du sud du Brésil achetaient dans les provinces du
nord, toutes ces circonstances contribuèrent à l'arrêt de l'immi-
gration, et, par suite, à la prolongation de l'esclavage.
Le petit nombre d'immigrants qui arrivèrent au Brésil entre
1860 et 1S70 furent pour la plupart des ouvriers que se fixaient
dans les villes, parfois des parents des colons que le gouverne-
ment avait tixés dans les colonies de l'État, ou encore des Portu-
gais qui se destinaient au petit commerce. Parmi eux il y avait
très-peu de colons se destinant aux travaux agricoles. Cette
dernière forme de colonisation ne florissait guère alors. En 1870,
le consul du Portugal à Rio attribuait cet état de choses aux
contrats de location de service. « J'ai observé, disait-il, que le
meilleur système est celui de la liberté ; partout où je l'ai vu
adopté, les plaintes des colons contre les propriétaires ont cessé,
et les propriétaires ont toujours payé à leurs colons la valeur du
traité de ceux-ci, car ils étaient sûrs que d'autres cultivateurs
auraient aussitôt engagé les colons qui auraient quitté les plan-
tations où ils n'auraient pas été satisfaits. Je me suis donc abstenu
de faire des contrats de services pour les colons ; je leur ai tou-
jours montré combien ils gagneraient à ne pas faire de contrats
de cette nature, car au Brésil jamais le travail ne leur manque-
rait, et ils trouveraient toujours où se placer à leur grand
avantage1. »
À cette époque le gouvernement portugais faisait procéder à
une enquête très rigoureuse au sujet de l'émigration. De cette
enquête il résulta que souvent une mauvaise foi évidente avait
présidé à ces contrats, qui étaient vraiment odieux. La commis-
sion parlementaire portugaise examina plusieurs de ces contrats,
et lit connaître les abus qu'elle y avait découverts. Le parle-
ment portugais s'occupa notamment d'un contrat qui l'indigna
plus que tous les autres, et d'après lequel deux maçons portugais
1. Primeiro inquerito parlamentar sobre a Emigraçào Portuguesa, pela
commissao da Camara dos Senhores Deputados. — Lisboa, 1873, page 467.
494 LE HUÉSIL EU 1889.
louaient leurs services à un propriétaire de Sau-Paulo qui leur
imposai! les condil ions les plus dures, et se faisait la pari du lion
dans les minces profits de leur travail, en les enchaînant par une
série de clauses rigoureuses, en leur allouant en un mot 87 cen-
times par jour, quand au Brésil un maçon ne reçoit par jour jamais
moins de 5 francs2. Sans doute ees faits ne constituaient que «1rs
exceptions, mais leur existence révélait un état de choses auquel
le gouvernement ne pouvait pas rester indifférent.
Vers l'époque où prit fin la guerre du Paraguay, la situation de
l'agriculture au Brésil semblait prospère, surtout celle de la cul-
ture du café. C'était une prospérité peu durable, et qui se main-
tenait au milieu des grands maux résultant de l'esclavage, dont
l'abolition graduelle était exigée par l'intérêt social et national
du pays qui ne pouvait être sacrifié plus longtemps à l'in-
térêt, d'ailleurs plus apparent que réel, d'une seule culture
industrielle, celle du café.
Le parti conservateur brésilien qui se trouvait au pouvoir (1871)
entreprit alors l'abolition de l'esclavage, qu'il ne put compléter
que dix-sept ans plus lard, en menant à bout cette grande œuvre
de conservation sociale.
On commença par la loi Rio-Branco du 28 septembre 1871
qui déclarait libres les enfants des mères esclaves, et que le pre-
mier ministre d'alors, le vicomte de Rio-Branco, obtint par son
énergie et son éloquence du parlement brésilien, où elle rencontra
une forte opposition. Le gouvernement devait logiquement
songer dès lors à l'immigration. En condamnant ainsi l'esclavage,
il fallait organiser le travail libre, il fallait appliquer des sommes
considérables à l'immigration.
A partir de 1856 le gouvernement avait de nouveau fait
quelque chose pour l'immigration, mais la moyenne annuelle des
immigrants arrivés jusqu'en 1872 au Brésil atteignait à peine
10.000. Depuis lors, le nombre des immigrants arrivés au Brésil
ne fit que croître. Nous ne pouvons mieux montrer ce mouve-
ment ascendant qu'en copiant ici les chiffres que donne à ce
sujet la Grande Encyclopédie, dans la remarquable étude sur le
Brésil signée par l'éminent M. Emile Levasseur, membre de
l'Institut :
« Jusqu'à l'année 1872, la moyenne annuelle des immi-
grants n'a guère dépassé 10.000, quoiqu'une notable augmenta-
1. Inrjuerito Parlementai', page 23. Le nom de ce propriétaire s'y trouve
cité.
M M 1 G R A T ION.
495
lion se fût produite eu L871 (12.331 immigrants) et en 1872
(18.441 . Jusqu'à cette dernière date, les Portugais formaient les
deux tiers des immigrants ; ils comptaient pour près de la moitié
dan- Le total dos étrangers au recensement de 1872. Depuis 1873,
le nombre des immigrants italiens commença à dépasser celui
des Portugais. En 1S7i\ il n'y avait au Brésil (pie G. 108 français,
et, depuis, l'immigration française, qui était déjà bien faible dans
ce pays, a diminué encore. C'est à partir de 1873 que le gouver-
nement impérial commença à appliquer des sommes importantes
au service de la colonisation. Grâce à la protection donnée à
l'immigration parle ministère Rio-Branco, les colons qu'il avait
introduits en attirèrent d'autres, et le courant se forma, malgré le
défaut de suite qu'on peut reprocher à la politique du gouverne-
ment dans cette question. D'une part, à mesure que le nombre des
diminuait, le besoin de travailleurs libres augmentait et
rance d'un meilleur salaire attirait plus d'émigrants. D'autre
part, les Brésiliens comprenaient mieux l'intérêt qu'il y avait
pour eux à multiplier les hommes pour mettre en valeur les terres
de leur immense empire et s'ingéniaient, à l'exemple d'autres
Élats, à encourager l'immigration. Une société formée dans ce but
à Rio, sous la direction du général comte de Beaurepaire-Rohan
et du sénateur d'Escragnolle-Taunay, a rendu de notables ser-
La statistique des immigrants débarqués dans le seul port
de Rio-de-Janeiro montre le progrès accompli sous ce rapport en
un quart de siècle:
NATIONALITE
des immigrants débarqués
à Rio-de-Janeiro.
Portugais
Italiens
Françai-
Anglais
LOls
Américains du Nord
Allemand
Autrichiens
Dirers
TûTAX. . .
ie annuelle..
PERIODE
1864-72
(9 ans).
56.351
9.307
5.862
5.252
3.229
3.515
3.119
88.823
9.869
1873-86
(14 ans).
110.891
112.279
3.475
2.215
15.684
316
23.469
9.022
479
417
26.549
304.796
21.771
ANNEE
1887.
10.205
17.115
241
72
1.766
31
717
274
31.310
496 LE BRESIL EN 1889.
« De 1878 à 1888, le nombre total des immigrants, dans les
ports qui dressent la statistique de l'immigration, a été :
Année 1878 22.423 immigrants.
— 1879 22.189 —
— 1880 29.729 —
— 1881 11.054 —
— 1882 27.197 —
— 1883 28.670 —
— 1884 20.087
— 1885 30.135 -
— 1886 25.741 —
— 1887 54.990 —
« En 1888, il s'est élevé tout à coup pour deux ports à 131.268,
dont 56.915 débarqués à Rio et 74.353 à Santos.
« L'immigration enregistrée en 1887 se répartit de la manière
suivante d'après le lieu de débarquement :
Rio-de- Janeiro 31.310
Santos 22.227
Rio Grande do Sul 815
Santa Catharina 430
Bahia 199
Paranâ 9
54.990
« Dans cette statistique ne figurent pas les immigrants arrivés
à Pernambuco, à Para et dans les autres provinces du Nord vers
lesquelles se dirige aussi depuis quelque temps un certain cou-
rant d'immigration. Les émigrants partent pour la plupart de
Lisbonne, de Naples, de Gènes, d'Anvers, de Hambourg ; l'Al-
sace et surtout le Tirol en fournissent beaucoup. Sur les 31.310
qui ont débarqué à Rio en 1887, il y avait 25.450 du sexe mas-
culin et 5.800 du sexe féminin. Les enfants (au-dessous de 12 ans)
des deux sexes étaient au nombre de 4.787. Il y a des provinces
qui n'ont pas de statistique de ce genre et d'autres (excepté le
port de Rio) qui n'enregistrent pas les départs. A Sâo Paulo, le
chiffre total de l'année 1887 est de 34.710, dont 22.227 étaient
arrivés par Santos et 12.483 par Rio. Au Brésil on ne compte
comme immigrants que les voyageurs étrangers de 3e classe,
IMMIGRATION. 497
tandis que dans d'autres pays d'Amérique on compte les voya-
geurs iW- toute classe.
« La province de Sâo Paulo s'est distinguée tout particuliè-
rement par Les efforts qu'elle a faits pour attirer les immigrants.
Une société promotrice s'y est formée, dont le président, M. Mar-
tinhc Prado Junior, est venu en Europe (en 1887) dans le but
d'obtenir des facilités pour l'émigration. Une hôtellerie, qui peut
abriter 1.000 personnes, a été ouverte à Sao-Paulo pour loger et
nourrir gratuitement pendant une semaine les nouveaux venus ;
on les aide à se placer. 11 existe dans l'île de Flores, près de Rio-
d. -Janeiro, une hôtellerie du môme genre, où les immigrants
sont logés et nourris gratuitement, jusqu'à ce que le passage,
gratuit aussi, par chemin de fer ou par bateau à vapeur, leur ait
été assure pour la destination de leur choix. Une autre vient
d'être créée à Juiz-de-Fôra (Minas). Les grands efforts de Sao-
Paulo datent de la loi provinciale du 29 mars 1884 et surtout de
l'année 1887; ils ont coïncidé avec la propagande abolitionniste
et ils ont contribué à préparer le grand événement de l'émanci-
pation. Aussi la province, qui avait enregistré 2.743 immigrants
en 1882, 6.650 en 1885, a-t-elle atteint le chiffre de 34.710 en
1887, et celui de 92.000 en 1888. On y compte aujourd'hui des
colonies prospères, à Piqueté et à Cannas (Belges), à Ribeirâo
Preto (Italiens et Allemands), à Cascalho (Italiens), à Nova Louzâ
(Portugais). »
L'exposition faite par le savant écrivain français d'après
des documents rigoureusements exacts, montre d'une façon
très claire et très précise ce que le Brésil a fait et obtenu
pendant ces dernières années par rapport à l'immigration. Le
gouvernement a eu quelquefois des défaillances. Des mesures
précipitées et quelquefois contradictoires ont été prises. L'insta-
bilité des ministères, au Brésil comme partout, a été souvent une
cause d'erreurs, et ces erreurs en matière d'immigration sont
toujours signalées dans la statistique par la décroissance dans le
nombre des immigrants. Ainsi, en 1881, le nombre d'immigrants
qui avait été, en 1880, de 29.729, est tombé à 11.054, car le
ministre de l'agriculture, M. Buarque de Macedo, avait fait
supprimer les subsides jusqu'alors alloués à l'immigration et
l'assistance aux immigrants, et avait fait annoncer en Europe
cette mesure. En tout cas, l'abolition de l'esclavage et la politique
colonisatrice adoptée par le ministère du 10 mars 1888 n'ont pas
manqué de porter leurs fruits, et l'année 1888 ayant amené à Rio-
32
498
LE BRÉSIL EN 188 0
de-Janeiro el à Santos L31.268 immigrants, pour L'année 1889 an
chiffre aussi considérable semble s'annoncer. Déjà pendant le
mois de janvier 20.726 immigrants sont entrés au Brésil par ces
deux ports. Ces chiffres indiquent que désormais L'immigration
au Brésil ne pourra pas diminuer de si tôt. L'expérience des
autres pays prouve que l'immigration appelle L'immigration.
On s'est beaucoup préoccupé au Brésil du besoin de faire
connaître aux populations européennes les avantages que Les
colons pourraient trouver au Brésil. Aujourd'hui on devra Qe
plus attacher à ce qu'on a appelé la propagande pour l'immigra-
tion L'importance qu'on Lui attribuait autrefois. L expérience
proave que quelquefois presque toute la jeune population d un
village émigré par L'influence d'un compatriote qui, en s établis-
sant là-bas, a changé la misère qu'il avait à souffrir dans sou pays
natal contre une aisance à laquelle il ne serait jamais parvenu s .1
était resté chez lui. Autrefois une lettre d'un paysan du pays trentin
établi àSan-Pauloafait partir des centaines d'individus de la con-
trée. Un compatriote qui revient avec un peu d'argent est la ca
a-ml „rami nombre de départs. Les familles séparées par l'émigra-
tion tâchent de se rejoindre; une lettre chargée apporte au village
quelquefois une traite ou un mandai postal avec une somme qui
permet aux parents restés dans le pays d'aller retrouver L absent.
Aussitôt qu'un grand nombre d'émigrantsd'un pays est établi dans
un autre pays, ces immigrants en attirent d'autres. C est ce qui
arrivera au Brésil, notamment dans la province de San-Paulo,
laquelle compte plus de 200.000 étrangers qui s'y sont établis
dans ces dernières années; en 1888, environ 92.000 des 131.268
immigrants débarqués à Santos et à Rio-de-Janeiro se sont
établis dans cette province, qui est devenue un des pays de plus
forte immigration au monde. Les cinq grandes colon.es de J Aus-
tralie ne reçoivent guère par an que 64.000 immigrants.
Nous avons vu quand et comment ce mouvement a commet
L'assemblée provinciale de San-Paulo a, pendant quelque temps,
fait trêve au régime du verbiage politique et parlementaire qui •
toujours caractérise plus ou moins .'es assemblées au Brésil.
C'est aux mesure, prises par cette assemblée et à la loi nationale
du 28 septembre de 1885, qui, en accélérant l'émancipation des
esclaves destinait le produit de certains impots au payement des
passages des immigrants, qu'on doit Le grand essor pris nVrnn-
m..ml par l'immigration dans les régions méridionales du
Brésil.
IMMIGRATION. 499
11 esl curieux de savoir L'emploi qu'ont trouvé ces immigrants.
[la son! presque tous employés à la culture du café, dont la
production augmente dans des proportions extraordinaires, et
dont les prix se maintiennent élevés sur les marchés d'Europe et
des États-Unis, en donnant ainsi un démenti aux prévisions des
économistes, notamment à celles du savant M. W. Scheffer, qui, il
v a déjà vingt ans, prévoyait une baisse du prix du café
amenant la mine de cette culture. Et cette augmentation de la
production est due, à San-Paulo, à l'immigration européenne. Le
Financial News, de Londres, feuille très estimée des économistes,
au mois de décembre 1888, étudiait ce phénomène et arrivait aux
conclusions suivantes :
l ' C'est dans la riche province de San-Paulo, dont le progrès
saeci'oit rapidement, que la culture du café prend un développe-
ment chaque jour plus grand; 3° le prix de 50 shillings pour 100
approximativement 100 fr. par 50 kilos) laisse encore un énorme
bénéfice aux planteurs; 3° une petite part de la culture du café
à San-Paulo est faite par les travailleurs noirs; 4° le climat et
la culture dans les districts à café conviennent au travail des
Européens: 5° l'immigration des Italiens laborieux dans la pro-
vince est très grande et continuelle, elle a été de 92.000 Tannée
dernière et sera probablement de 100.000 Tannée prochaine ;
()° avec cette immigration il y a tout lieu d'espérer que la culture
du café s'étendra toujours tant que les prix se maintiendront ;
7° il n'y a aucune raison de craindre une diminution de produc-
tion: 8° les États-Unis nous ontmontré, d'ailleurs, que l'abolition
de l'esclavage (même quand elle a été faite soudainement) a
coïncidé avec une grande augmentation de la production.
Ces conclusions du journal anglais, que nous prenons dans le
Tropical Agriculturist de Ceylan1, donnent une idée de la situa-
tion agricole et économique de la province de San-Paulo. Cette
situation aurait été celle de toutes les provinces du Brésil si
l'émigration s'y était dirigée. Les autres provinces méridionales
du Brésil ont bien encouragé l'immigration dans la limite de leurs
ressources. La province de Minas-Geraes a pris, depuis peu,
plusieurs mesures qui amèneront sans doute sur son territoire
un nombre considérable d'immigrants. Au sujet de la province
de Rio-de-Janeiro nous ne pouvons que nous rallier à l'opinion de
M. Levasseur : « Il est regrettable, dit-il, que la province de Rio-
1. Numéro de février 1889.
500 LE BRÉSIL EN 18 89.
de-Janeiro, don! les terres appartiennent à de grands proprié-
taires '■! qui pourrail établir facilement des colonies aux abords
de ses nombreuses voies ferrées, n'ait jusqu'ici rien entrepris en
ce genre '. » Cependant, depuis quelque temps, on y fail de loua-
bles efforts pour suivre l'exemple des provinces voisines.
Les colonies de San-Paulo prospèrent presque toutes. Les
Italiens qui les peuplent écrivenl dansleur pays, et chaque bateau
qui arrive à Santos amène un nouveau renfort de c patriotes
(|iii, sollicités par leurs parents, viennent les rejoindre au Brésil.
Comme spécimen de la situation de ces colons nous transcrivons
les paroles d'un savant français, le Dr Couty, qui a visité un
grand nombre de ces colonies; en parlant de l'une d'elles il dil :
« Je n'oublierai jamais l'accueil de ces braves travailleurs italiens.
Voyant arriver le propriétaire et quelques visiteurs, ils s'em-
pressèrent de nous offrir l'entrée de leurs maisons, et aussi les
diverses douceurs, eau-de-vie, liqueurs de leur composition, fro-
mage et fruits secs qu'ils pouvaient posséder. Je me croyais
presque chez ces paysans limousins dont je descends et que
j'aime : c'était la même hospitalité naïve, Je même orgueil, le
même amour du chez soi ; c'était aussi le même confortable,
avec le sens restreint que, dans ce milieu, comporte le mot. Du
lard, des saucissons étaient pendus aux solives du plafond ; des
quantités de légumes et de fruits secs divers étaient en réserve
dans une des pièces de la maison ; on trouvait de petites plan-
tations dans le jardin, des poules et des porcs derrière l'habita-
tion ; la modeste commode contenait du linge, et supportait une
vaisselle de faïence suffisante ; des lits qui paraissaient larges et
bien garnis s'étalaient dans les coins des deux salles, et ces
hommes et ces femmes qui venaient de la roça carper le café
étaient cependant propres dans leur mise; ils portaient à leurs
pieds des souliers, et ils avaient dans leur tiroir ou dans la caisse
de leur maître des économies2. »
En 1884, époque où le prix du café était très lias sur les
marchés étrangers, ce qui diminuait les profits des colons, car
les propriétaires réduisaient naturellement les salaires, M. Couty
estimait que l'épargne moyenne annuelle d'une famille de colons
cultivant le café était d'environ 1,000 fr. ce qui faisait, pour les
cinq mille familles établies alors à San-Paulo dans ces conditions,
1. Article Brésil dans la Grande Encyclopédie.
■2. Docteur Couty : Etude de Biologie Industrielle sur le café. — llio-de-
Janeiro, 1883.
IMMIGRATION. 501
une épargne annuelle de 5 millions de francs. Aujourd'hui, on
ne saurai! estimer à inoins de 50 millions cette épargne, dont
M. Couty parlait en 1884, car le nombre d'immigrants est au moins
dix fois plus grand qu'alors.
Nous devons encore revenir sur le système des contrats de
location de services, dont nous avons signalé plus haut les incon-
vénients. L'ancienne législation a été modifiée en 1879, mais les
défauts de la loi précédente ont été en grande partie conservés.
Sous le régime de cette nouvelle loi, plusieurs incidents regret-
tables se sont produits ; mais les conditions économiques ayant
beaucoup changé depuis quelque temps, les mauvais effets de
cette loi sont annulés par la force des choses. Au Brésil on ne
change pas facilement les lois. On reproche souvent aux législa-
teurs brésiliens leur lenteur, mais souvent, sans qu'on ait touché à
la loi, le temps et les événements viennent tout seuls changer les
choses. Ainsi quand on a aboli l'esclavage par une loi, l'opinion
publique avait déjà obtenu des propriétaires d'esclaves un si grand
nombre délibérations, que, sous peu de temps, grâce à la propa-
gande abolitionniste, tous les esclaves existant encore au Brésil
auraient été libérés sans qu'une loi fût votée. La loi de la location
de services, qu'on a beaucoup attaquée au Brésil, existe encore,
seulement il n'y a guère lieu de l'appliquer. Il y a une grande
demande de travail ; les arrivages d'immigrants européens ont
créé une offre de bras considérable, mais à peine suffisante aux
besoins de la culture. De là une situation avantageuse pour le pro-
priétaire, qui est sûr de trouver des ouvriers, et favorable au colon
qui est également sûr de trouver du travail. M. Ed. de Grelle, mi-
nistre de Belgique àRio-de-Janeiro, qui a visité les colonies de San-
Paulo, écrit à ce sujet: « Le port de Santos est le point de débarque-
ment des émigrants. Ils sont transportés gratuitement jusqu'à
Sain t-Paul par le chemin de fer qui gravit la Serra-do-Mar et qui, ceci
soit dit en passant, procure au voyageur le spectacle du superbe
panorama de la chaîne des montagnes couvertes de forêts vierges.
Le train dépose les arrivants au seuil d'une immense hôtellerie
établie pour le service de l'immigration dans des conditions excep-
tionnellesde salubrité et de propreté. Cet asile, où règne une
organisation admirable, peut contenir plus de mille personnes.
Les nouveaux venus y sont hébergés gratuitement pendant huit
jours, en y attendant des offres d'engagement qui ne tardent
guère. Il est rare que, dans le délaide trois jours, toutes les
familles d'émigrants ne trouvent pas à se placer, car dès leur
LE BRÉS1 l. IN 1 889.
arrivée des propositions leur sont faites de tous côtés par les
nombreux propriétaires à la recherche de travailleurs. Les con-
trats de location de services n'existent plus. Il y a simple <,iin"<,/>'-
ment verbal dont I" résiliation de part et d'autre est facultative
en tout temps. Les émigrants ont le choix entre les colonies cr<
par le gouvernement et les exploitations particulières. Dans les
premières, ils peuvent, s'ils en ont les moyens, acheter une
maison et 10 hectares de terrain pour la somme de i.250fr. au
comptant ou del.SOOfr. avec crédit de quatre ans. Il- cultivent sur
leur concession les produits dont rénumération a été faite pins
haut, y entretiennent du bétail H peuvent, au surplus, travailler
pour le compte du gouvernement pendant quelques heures de la
journée, au salaire de i.000réis(2.50^ par jour. Mais il n'y a, sous
ce rapport, aucune obligation. L'écoulement des produits de la
culture se fait avec facilité, grâce aux moyens de transport
rapide et aux voies de communication reliées avec les villes
environnantes.
« Les (rois grands centres coloniaux sous la direction du gou-
vernement provincial, sont ceux de Cannas, Cascalho et Ribei-
râo-Preto. Le premier, celui de Cannas, situé à proximité de la
ligne ferrée de Saint-Paul à Rio, a une extension de \ kilomètres,
et se trouve à la fois desservi par le chemin de fer et par le
fleuve navigable de Parahyba, sur lequel se font les transports
de canne à sucre à destination de la grande usine, distante de
15 kilomètres de la colonie. La seconde colonie, celle de Cas-
calho, située près du chemin de fer Paulista et à une courte dis-
tance des villes de Limoeira, de Rio-Claro et de Arâras, dispose
d'excellentes terres et de moyens de transports faciles. Plusieurs
familles belges y sont installées et satisfaites de leur sort. La
colonie centrale de Ribeirào-Preto, dans le nord, près de la ville
de ce nom, à il 7 kilomètres de Saint-Paul, desservie par la ligne
du chemin de fer Mogyana, est la plus belle et la plus recher-
chée, à cause de l'extrême fertilité de ses terres et du grand
profit donné par ses cultures. Elle est peuplée d'Italiens dont la
prospérité toujours croissante est manifeste. D'autres colonies
moins considérables, mais également bonnes, existent à Cloria,
à San-Bernardo, à San-Caetano, à Santa-.Vnna, à Lorena; elles
sont divisées par lots dont beaucoup sont encore disponibles.
Quels que soient les avantages que peuvent offrir les grands
centres coloniaux, il est désirable qu'au début de son séjour au
Brésil, l'émigrant se place dans les propriétés particulières, qu'il
IMMIGRATION. 503
possède ou non les ressources suffisantes pour l'acquisition de
terrains. En voici la raison : nouvellement débarqué dans un
pays Inconnu, il a toute une éducation à faire. Il faut qu'il s'accli-
mate, qu'il apprenne la langue généralement parlée, qu'il s'initie
à do nombreux détails sur les procédés <lo culture différents de
ceux d'Europe, qu'enfin il n'épuise pas on tâtonnements le pécule
dont il aura besoin plus tard, malheur qu'occasionne souvent la
précipitation à se fixer. Employé dans les grandes plantations
particulières, il gagne immédiatement un salaire qui lui permet
de subvenir à son existence et à celle de sa famille, il est défrayé
de beaucoup de dépenses, logé, soigné gratis. Il acquiert des
connaissances qui lui manquent et peut, sans se presser, chercher
la situation qui lui convient le mieux, car il lui est loisible de
quitter, du jour au lendemain, l'exploitation agricole où il s'est
provisoirement engagé1. »
On remarquera que nous n'avons -parlé jusqu'ici que de l'im-
migration européene dans le Sud du Brésil. En effet, cette partie
de l'immense territoire brésilien, à cause de son climat, favorable
aux Européens, à cause de l'influence d'une grande ville comme
Rio-de-Janeiro, et de l'action puissante du gouvernement central
du Brésil qui y a son siège, était destinée à voir se former les
agglomération coloniales, d'où essaimeraient, sous l'action des lois
économiques et démographiques, les émigrations qui peupleraint
la partie centrale et le nord du Brésil. Nous trouvons trop absolue
l'opinion de M. de Straten-Ponthos quand il dit : « C'est avec sa
propre population que le Brésil doit exploiter ses provinces du
nord. Le contingent européen ne peut travailler que dans le sud,
mais, en s'y concentrant, il déplacera au profit du nord une
partie de la population brésilienne et de la race africaine esclave
ou libre2. »
L'Européen peut s'acclimater dans le nord du Brésil. C'est là
l'opinion de tous ceux qui ont visité la vallée de l'Amazone.
« Si je n'avais jugé le climat de Para, écrit Je naturaliste
anglais Wallace, que d'après les impressions du premier séjour
d'une année que j'y fis, on pourrait croire que je m'étais laissé
influencer par la nouveauté du climat tropical3. Mais à mon
retour, après un séjour de trois ans dans le haut Amazone et
1. M. Ed. de Grelle, ministre de Belgique à Rio de Janeiro : Etude du
Brésil (Rapport officiel). Bruxelles, 1888, page 12.
2. Budget du Brésil. Vol. III, page 2.
3. Exploration of the Valley of the Amazon. Vol. I, pag. 429.
504 LE BRÉSIL EN 1889.
dans le Rio Negro, je fus également frappé do la merveilleuse
fraîcheur et de L'éclal de l'atmosphère, ainsi que de la douceur
balsamique des soirées, qui certainement n'ont d'égales dans
aucun antre pays (jnc j'aie visité.., Je répète (page 80) (111*1111
homme peut travailler ici aussi bien qu'en Angleterre pendant
les mois chauds de l'été : s'il veut se donner la peine d'y tra-
vailler seulement pendanl trois heures le matin el trois heures
l'après-midi, il produira, pour les besoins et le confort de sa \ ie,
beaucoup plus qu'en travaillant pendanl douze heures en Angle-
terre. »
« Le climat, dit Agassiz1, y est parfaitement salubre, et d'une
température beaucoup plus modérée qu'on ne le suppose généra-
lemment. »
M. Coudreau dit à son tour :
« On rend trop volontiers, dit-il2, tous les pays chauds soli-
daires d'une insalubrité que l'on croit générale... Nous voyons
une terre voisine, la Guyane française, où les entreprises imbé-
ciles de la plus routinière, la plus formaliste, la plus incapable et
la plus suffisante de toutes les administrations, coûtèrent la vie à
plusieurs milliers de colons européens. Mais, en Amazonie il n'en
a pas été ainsi. Ni l'administration portugaise, ni l'administration
brésilienne ne se sont rendues coupables de ces criminelles
inepties. L'initiative individuelle y a été aussi habile et heureuse
qu'elle a été maladroite et malheureuse dans la petite colonie d'à
côté. Tous les colons blancs qu'on a introduits à Cayenne y sont
morts ; tous ceux qu'on a introduits en Amazonie s'y sont accli-
matés, y ont prospéré et y ont fait souche. Cayenne est une petite
terre souillée, sinistre et maudite qu'on fuit. L'Amazonie, climat
et milieu identiques d'ailleurs, est un vaste monde qui ne respire
([lie la richesse et le bonheur, et qui sera d'ici peu un des centres
d'attraction des émigrants d'Lurope. »
Le naturaliste français, le comte de Castelnau, parlant de la
Guyane Hollandaise où le climat est bien plus ardent que nulle
part au Brésil, dit également :
« Je restai convaincu du fait dont j'avais douté jusque-là:
que les Européens peuvent, avec des précautions convenables,
travaillera la terre sous les tropiques. Je crois que les résultats
qu'ils obtiendront seront loin d'égaler ceux que donne le travail
1. Voyage au Brésil, pag. 504.
■1. Etudes sur La Guyane cl l'Amazonie. Vol. I, page 350.
IMMIGRATION. 505
forcé du nègre; mais je suis également persuadé qu'ils y pour-
ront acquérir facilement un degré de bien-être auquel ils ne
pourraient jamais atteindre dans leur pays1. »
La préférence donnée par l'immigration au sud du Brésil
tient aux causes que nous avons indiquées, et de ce fait il ne
s'ensuit pas que le nord ne puisse jamais être peuplé parles
Européens. Quand nous disons — peuplé — nous devrions dire
plutôt — exploité, — car le nord du Brésil, ainsi que le reste du
pays entier, est déjà peuplé, bien que dans une faible proportion.
C'est même un avantage du Brésil que celui d'avoir des habitants,
bien qu'en petit nombre, sur les parties les plus reculées de son
territoire. Ainsi que nous l'avons dit, dès les premiers temps, la
population du Brésil a toujours gagné beaucoup en étendue et
très peu en densité. De ce fait résulte que n'importe où que l'Eu-
ropéen soit dirigé, il y aura déjà été précédé par le Brésilien ; il
n'aura pas à conquérir des terres absolument inconnues sur des
indiens sauvages, que les Brésiliens ont déjà refoulés ou absorbés
en grande partie. L'élément brésilien a rendu à la civilisation
les mêmes services que les Espagnols ou les indiens civilisés par
les Jésuites, ont rendus dans la région sud-ouest des Etats-Unis
et en Californie, où l'Américain anglo-saxon est aujourd'hui
établi en provoquant l'extraordinaire prospérité qu'on admire
dans ces pays.
Pendant quelques années encore le sud du Brésil offrira à
l'étranger des conditions économiques supérieures à celles qu'il
peut rencontrer dans le nord. Mais cet accroissement de popu-
lation qu'on voit dans le sud, gagnera par infiltration les régions
centrales dont l'immigration se rapproche chaque jour davantage,
grâce aux chemins de fer. Pour qu'on voie la réalisation de
ce phénomène on ne sera pas obligé d'attendre que les provinces
du sud soient saturées d'immigrants, et qu'elles déversent vers
le nord le trop plein de leur population. L'émigration se dirigera
vers ces nouvelles régions en vertu de son expansion naturelle,
bien avant que cette saturation se soit produite.
Les immigrants européens sont arrivés d'abord aux États-
Unis sur les cotes des États orientaux; or, encore aujourd'hui,
le sol de ces États n'est pas complètement occupé. Dans l'État-
Empire, comme on nomme l'État de New-York, il y a de vastes
1. F. de Castelnau: Expédition dans les parties centrales de V Amérique
Méridionale. Tome Y, page 203.
506 LE BRÉSIL EN 1889.
régions boisées relativement dépourvues d'habitants, ce qui n'a
pas arrêté la marche en avanl de L'immigration vers les parages
lointains du l'a :•- \\ est. De même, au Brésil, L'immigration arrivera
dans les régions où elle n'a pas pénétré jusqu'aujourd'hui, bien
avanl que San-Paulo, le sud de Minas-Geraes et les autres pro-
vinces méridionales aient tout Leur sol occupé et leurs ressources
exploitées. Sans doute le gouvernement peut dépenser de ("argent
pour établir des immigrants dans les provinces du nord, mais
nous doutonsqu'on puisse considérer cette mesure comme pru-
dente, en ce moment, car Le devoir du gouvernement est d'aider
L'immigration Là où les chances de réussite sont les plus grandes.
Si le gouvernement parvenait à fonder une ou deux colonies dans
une de ces provinces, le profit actuel serait pel il ; si le manque
de mesures préparatoires amenait un échec tout Le pays souflri-
i-ait du discrédit injuste mais malheureux de la colonisation au
Brésil. La mission du gouvernement est d'aider au développement
naturel de L'expansion économique : toute création artificielle est
forcément stérile et nuisible. Le nord du Brésil doit recevoir pour
Le moment toute aide du gouvernement sous la forme de réduc-
tion d'impôts, d'extension de ses chemins de fer, d'amélioration
de ses ports, de perfectionnement de son outillage industriel et
économique dont la population actuelle, relativement plus dense
qu'ailleurs, jouira dès maintenant, et que l'immigration naturelle
du sud mettra, sous peu, en œuvre avec un réel profit.
Quand nous parlons de cet ajournement de l'émigration euro-
péenne vers le nord du Brésil, nous entendons parler de l'immi-
gration d'ouvriers agricoles seulement. L'émigration commer-
ciale, celle des hommes appartenant aux classes libérales y trou-
veront déjà un emploi très avantageux de leur activité. Ainsi,
dans la vallée amazonienne, où, deux siècles au moins s'écou-
leront avant qu'on abandonne cette extraordinaire industrie
forestière du caoutchouc et de l'extraction d'autres essences
précieuses en industrie, dont les profits exceptionnels éloigneront
pour longtemps les ouvriers de toute tentative sérieuse de culture
sédentaire, les bras nationaux semblent suffire en ce moment
à cette exploitation. Mais là comme dans tout le nord du Brésil
aussi bien qu'au sud, et peut être encore mieux là qu'ailleurs,
l'immigration des industriels, des commerçants et de leurs capi-
taux peut trouver un emploi rémunérateur immédiat.
Nous regrettons d'avoir à le constater, mais, pendant que le
commerce allemand grâce à L'immigration allemande se déve-
IMMIGRATION. 507
toppe au Brésil, pendant que les Italiens commencent à y prendre
une prépondérance marquée, nous voyons l'influence commcr-
ciale française, jadis si grande, décroître chaque jour.
Cependant, les Français, plus qu'aucun autre peuple, trouve-
raient au Brésil \u\ accueil qui leur permettrait de prospérer. La
condition des étrangersau Brésil est la même que celle des Brési-
liens : l'esprit d'exclusivisme national perd chaque jour du
terrain. Dans les classes les plus élevées du pays, parmi les nota-
bilités de la politique, les noms étrangers ne sont pas rares. La
tolérance religieuse est une loi de l'État et un dogme de nos
mœurs. Enfin, disons avec le diplomate belge que nous avons
déjà cité :
« Les Européens arrivés au Brésil, vivront au milieu d'une
nation policée et amie; ils jouiront d'une entière sécurité et
d'une complète indépendance, auront enfin appui et protection
sous l'égide d'un gouvernement et d'institutions qui ont donné
au pays, pendant une période de quarante-deux ans, une ère non
interrompue de paix et de prospérité1. »
1. M. Ed. de Grelle. Ouv. cité, page 21.
CHAPITRE XVII
PRESSE
Par M. FERREIRA DE ARAUJO
Dire ce qu'est la presse à Rio-de-Janeiro, c'est dire ce qu'elle
est à peu près dans tout le Brésil. La différence la plus caracté-
ristique entre les deux est celle-ci : dans les provinces, la presse
est politique avant tout ; dans la capitale, elle est principalement
neutre. De là la diversité de l'influence qu'elles exercent: dans
les provinces, le journalisme fait de la politique de clocher ; à
Rio-de-Janeiro, il agit sur la politique générale du pays.
Le développement de la presse neutre a pour principale cause
la mauvaise organisation et l'indiscipline des partis. Au Brésil,
comme en bien d'autres Etats, les partis ne répondent guère à
leur titre : les conservateurs ont fait parfois des réformes qui
allaient au-delà des exigences des libéraux, et ceux-ci ont été
quelquefois plus timides que leurs adversaires. Ainsi, en 1884, un
ministère libéral réclamait l'affranchissement des esclaves âgés
de plus de soixante ans ; en 1885, un autre ministère, également
libéral, proposait une loi qui aurait prolongé l'esclavage jusqu'à
la fin du xixe siècle. En 1888, un ministère conservateur succède
à un autre ministère conservateur ouvertement partisan du statu
quo, et sans perdre un instant il fait l'abolition immédiate et
inconditionnelle ! Les libéraux, à leur tour, ayant à réformer le
1. M. Ferreira de Araujo, l'un des journalistes les plus remarquables du
Brésil, est co-propriétaire et rédacteur en chef de la Gazeta de Noticias, de
Rio-de-Janeiro, dont il est parlé dans le cours de ce travail.
510 LE BRÉSIL EN 1 889.
système électoral, restreignirent Le droil de vote. Il faut, cepen-
dant, rendre cettejustice à leur libéralisme ou à leur imprévoyance
politique en tant que |>;u-Li : jusqu'alors, les élections donnaient
invariablement des Chambres d'une seule nuance politique; après
leur réforme, l'opposition devint plus nombreuse au Parlement,
pas assez, cependant, pour que les changements politiques dépen-
dent du vote des électeurs. Comme les libéraux avaient été Les
premiers à faire l'essai du nouveau Système, les élections amenè-
rent à la Chambre un nombre suffisant de conservateurs pour
rendre précaire l'existence dis ministères, en s'alliant aux libé-
raux mécontents et en formant avec eux des majorités d'occasion.
Néanmoins, l'empereur dut procéder comme par le passé, en
appelant au pouvoir le parti contraire quand il lui sembla que
son tour était arrivé. Les conservateurs avaient eu le temps
d'étudier le côté faible du système ; aussi, quand ils firent les
élections à leur tour, obtinrent-ils une victoire plus éclatante que
leurs adversaires, et leur majorité fut-elle plus considérable.
Quoiqu'il en soit, le Brésil est encore loin d'envoyer à la
Chambre des véritables représentants de la volonté nationale ; la
majorité y représente encore, surtout, la volonté du gouverne-
ment.
Ces faits expliquent qu'il y ait des accords nécessaires, des
concessions réciproques, et que le choix des députés, aussi bien
que la nomination des fonctionnaires, retombe le plus souvent, non
pas sur les plus capables, mais sur les plus utiles. Do ut des,
voilà la grande maxime, là comme dans maint pays parlemen-
taires.
La presse affiliée aux partis est le reflet naturel de ces ten-
dances. Pour elle, tous ses coreligionnaires sont de grands
hommes, et tous ses adversaires sont de mauvais patriotes. Dans
l'opinion de ceux qui sont dans l'opposition, l'Empereur exerce
un pouvoir personnel et corrompt toutes choses ; dès que ceux-là
mêmes montent au pouvoir, ils célèbrent à qui mieux mieux les
vertus du souverain que l'Europe nous envie.
Dans la capitale, qui possède une grande population étrangère.
commerçante et industrieuse, ces paroles ne trouvent guère
d'écho; on en connaît la signification. Dans les provinces, la
passion des partis les applaudit ou les blâme selon le cas, mais,
en attendant, elle les dévore avec avidité.
De là le développement de la presse neutre dans la capitale.
Pour le négociant, pour le rentier, pour une bonne partie des
PRESSE. 511
fonctionnaires, pour le médecin, L'avocat, le militaire, l'artiste,
l'ouvrier, il est assez, indifférent que ce soient les libéraux ou les
conservateurs qui dominent. Avec les uns et les autres, ils le
savent, il peul y avoir hélas! les mêmes déficits, les mêmes em-
prunts, les mêmes oscillations du change, lesmémes modifications
fréquentes dans les tarifs douaniers, les mêmes sollicitations poul-
ies emplois, pour les concours, pour l'avancement, pour toute
chose. Ce qui leur importe parfois c'est de garder un ministère
qui a l'ait une réforme utile et qui l'exécute avec sincérité, ou
de voir tomber un ministère qui a pris une mesure vexatoire ou
maladroite. Lorsqu'il y a un changement de parti au pouvoir,
tous ces gens-là ne s'aperçoivent même pas de la différence, qui
n'affecte que les cercles politiques, à cause de l'inévitable con-
tredanse des présidents de province et des autorités chargées de
la police.
La presse neutre répond parfaitement aux besoins de toute'
cette masse d'indifférents. N'ayant des engagements avec aucun
gouvernement, elle en applaudit les actes qui profitent à la majo-
rité du pays, et combat ceux qui lui paraissent nuisibles. Indif-
férente à la conservation des mêmes hommes au pouvoir, ou à
leur remplacement par d'autres ,elle applaudit aujourd'hui l'acte
d'un ministre qu'elle a combattu hier pour un autre acte, car ni
son appui ni son opposition ne visent le ministre ou le parti
auquel il appartient, mais seulement son acte, qui peut être bon
ou mauvais pour un individu, pour une classe ou pour le pays.
Une fuis cet acte promulgué ou révoqué, la presse neutre se
soucie peu que le ministre garde son portefeuille ou qu'il l'aban-
donne.
C'est à la Chambre des députés, et non pas à la presse, qu'il
appartient de renverser les ministères. Cette attribution des
Chambres est, d'ailleurs, toute platonique au Brésil. Elles n'ont
pas encore réussi à faire accepter leurs indications parl'empereur.
Elles renversent un ministère, et le monarque choisit qui bon lui
semble, parfois même des personnages qui se trouvaient parmi
les vaincus delà veille.
Quand on sait l'influence que la capitale exerce sur l'empire
tout entier, on comprend l'action que la presse neutre de la capi-
tale exerce à son tour. Hàtons-nous de dire que toute la presse
neutre ne se règle pas par les mêmes principes. Son représentant
le plus ancien et le plus accrédité, le Jornaldo Commercio, qui en
est à sa soixante-septième année d'existence, a une manière spé-
512 LE BRÉSIL EN 1 8 89.
ciale de se montrer neutre. 11 n'a pas de parti, mais son program-
me c'csl l'ordre, c'est le respect <le l'autorité. On peul dire de lui
que, M m l en fiant neutre, il est conservateur, conservateur de
toul gouvernement, même quand celui-ci est libéral. Cela veut-il
dire que le Jornal do Commercio donne son appui aveugle à tous
les ministères ? — lui aucune manière : il met au service du prin-
cipe d'autorité, représenté par le gouvernement, son grand pres-
tige de journal sérieux ; mais, quand il est nécessaire, il en discute
les actes, il les combat même, sans aucune violence de langage, en
sauvegardant ce que les gens pacifiques appellent les bons prin-
cipes.
Pendant quelques années on a créé, dans la capitale, degrands
journaux neutres, qui voulaient suivre la même voie que le
Jornal do Commercio. Ils sont tous morts au bout de quelque
temps : ils ne répondaientà aucun besoin, ils se bornaient à faire
ce qui était déjà fait par le Jornal do Commercio^ avec le prestige
en moins. La Gazetade Noticias, parvenue à sa quatorzième année,
fut le premier journal neutre qui parut pour faire le contraire de
ce que faisait le Jornal do Commercio. Son attitude systématique
c'est l'opposition à tous les gouvernements. Très démocratique
d'allures, elle a pris le contre-pied du Jornal. Tout d'abord, elle
se mit à la portée des bourses les plus modestes et ouvrit ses
colonnes à toutes les plaintes et à toutes les réclamations du
peuple. Lorsqu'elle épousait une cause, elle la défendait sur tous
les terrains et sur tous les tons. Une question posée dans un
article de fond ne recevait-elle pas de solution, aussitôt elle la.
discutait en vers, la délayait en contes, la réduisait en anecdotes,
et la faisait figurer en même temps sous trois ou quatre rubriques
du journal, avec insistance, tantôt en riant, tantôt en tonnant, un
peu « à la diable ».
J'ai parlé tout à l'heure de plaintes du peuple. Ceci m'amène
tout naturellement à esquisser une autre physionomie très carac-
téristique de la presse brésilienne, physionomie commune aux
journaux de la capitale et à ceux des provinces. Si elle est plus
accentuée dans la presse neutre de la capitale, c'est parce que le
public donne la préférence à cette presse et non pas parce que
les autres journaux la repoussent. Je veux parler des insertions
sur demande (publicaçôes a pedido). il s'agit d'une rubrique du
journal où tout le monde peut écrire ce que bon lui semble, en
payant à l'administration du journal l'espace qu'il y occupe. C'est
une page spéciale d'annonces; mais, au lieu d'y voir un droguiste
PRESSE. 513
présentant ses produits ou un magasin de nouveautés annonçant
une vente de soldes au rabais, on y trouve un citoyen dénonçant
les injustices dont il se croit la victime de la part des pouvoirs
publics, se plaignant de son voisin ou de son rival. Ces plaintes
sont fréquemment agrémentées d'injures et même de calomnies,
et la vie privée n'y est pas toujours épargnée.
Tarin i les cl rangers qui visitent le Brésil et qui parviennent à
comprendre le portugais, les uns sont scandalisés de cette forme
spéciale de notre presse, les autres la trouvent simplement
comique. Cependant, elle n'a rien d'extravagant; elle a ses rai-
sons d'être, ou les a eues. Elle est déjà autre qu'elle n'a été, et elle
disparaîtra certainement quand disparaîtront à leur tour les
causes qui l'ont fait naître.
Une de ces causes est notre organisation politique, sociale et
civile, qui ressemble assez à une vraie désorganisation. Dans
aucun pays on ne saurait trouver plus de libertés qu'il n'en existe
de fait au Brésil. Il y est permis de tout dire, dans la presse, dans
la tribune, contre la police, contre la magistrature, contre le
gouvernement, contre l'empereur. Il y a des lois contre l'abus de
ces libertés, mais ces lois on ne les applique jamais réguliè-
rement, et, pour beaucoup de cas, il n'y a pas de lois spéciales.
La loi sur la presse est absolument incomplète. Seuls les par-
ticuliers lésés ou offensés par une de ces « insertions sur
demande » ont recours à la loi, encore le font-ils rarement. La
loi sur la presse n'a prévu que deux sortes de délits pour abus
de la liberté de la presse : la calomnie et l'injure. Dans les pro-
cès pour calomnie, l'auteur du délit est admis à faire la preuve,
et il comparait devant le jury. Le procès pour injures est très-
sommaire ; il est soumis à un juge et n'admet pas la preuve.
Aussi cette législation donne-t-elle lieu aux résultats les plus
étranges. Un citoyen dénonce, un jour, dans un journal, certain
fonctionnaire, qu'il accuse de prévarication, il fournit la preuve
de son accusation, si bien que le fonctionnaire est destitué aussi-
tôt. Celui-ci, tant qu'il était fonctionnaire, ne pouvait actionner
son accusateur que pour calomnie, en lui demandant défaire la
preuve des faits avancés. Mais, une fois destitué, il agit comme
tout autre citoyen, poursuit son accusateur pour injures et le
fait mettre en prison.
Cette législation a donné naissance à une curieuse institu-
tion, destinée à la tourner. Elle a créé le testa de ferro, l'homme
de paille, le plastron. L'offensé cite l'auteur d'un article paru
33
•"»! I LE BB ÉS1 i. EN 1 889 .
dans la section payante, l'éditeur du journal se présente et exhibe
L'autographe qu'il a gardé par devers lui ; l'article a paru sans
signature on bien sous un pseudonyme: — Y Ami de la vérité, la
Loi, la Morale Publique, lu Main du trépassé, ou tout autre, plus
ou moins pittoresque. D'autres lois, il porte 1(3 nom de fauteur
véritable en toutes lettres, avec sa signature reconnue par devant
notaire; niais si, à la lin de son article, l'auteur n'a pas déclare
qu'il en prend la responsabilité légale, l'éditeur du journal incri-
miné paie un homme de paille, un testa de ferro, qui fait cette
déclaration et qui assume toute La responsabilité. Parfois cet
homme de paille se trouve déjà poursuivi pour une douzaine d'au-
tres articles du même genre, qu'il n'a même pas lus. Parfois
encore, il est sous le coup d'une condamnation a quelques mois
de prison pour des peccadilles analogues. Cette condamnation, il
ne l'a pas purgée, d'ailleurs, car, en cette matière, L'exécution de
la sentence dépend d'une requête du plaignant. Si celui-ci décou-
vre qu'il en est ainsi, il s'empresse de prouver que L'homme de
paille en question ne jouit pas de ses droits civils, et alors c'est
l'éditeur du journal qui est poursuivi. Si celui-ci, à son tour, se
trouve dans le même cas, c'est le rédacteur en chef ou le proprié-
taire du journal qui en est rendu responsable.
D'autres fois — et c'est là le cas le plus commun — la victime
se contente de déclarer au public que l'auteur responsable de
L'article étant le fameux testa-de-ferro un tel, elle méprise les
injures qui lui ont été lancées sous le couvert d'un individu
pareil. Quelques-uns, plus spirituels, s'en vont trouver l'homme
de paille en question, lui versent une certaine somme, et celui-ci
vient déclarer que, poussé par la misère, il avait accepté la res-
ponsabilité d'un article de M. X. contre M. Y; mais qu'il n'avait
même pas lu cet article, et que, mieux informé, il reconnaît
loyalement que M Y. est un honnête homme et un parfait gent-
leman, tandis que M. X. est un fripon et un drôle.
C'est là l'abus, le mauvais côté d'une mauvaise loi. 11 n'en est
pas moins vrai que ces publicaçoes a pedido ont ou ont eu leur
bon côté. Alors qu'il n'y avait à Rio-de-Janeiro que le Jornal do
Commercio, s'abstenant par système de publier des articles désa-
gréables au gouvernement, ou des journaux politiques, et par
cela même suspects au public, c'est là que les employés ayant
souffert quelque passe-droit, que les classes socialespeuprolégées
ont trouvé où exhaler leurs plaintes ; c'est là que les petits ont
affronté les grands, en dénonçant au public l'oppression qui pe-
PRESSE. 515
sail sur eux. Quand la presse eut pris un plus grand essor parmi
nous et fui devenue populaire et accessible à tous; quand des
journalistes eurenl consenti à prendre en mains certaines ques-
tions qui, auparavant, n'étaient abordées que dans les « insertions
sur demande », celles-ci conîmencèrent à diminuer. Elles iront
en diminuant chaque jour davantage. En morne temps, le niveau
moral de la presse a monté : les administrations des journaux
al l'ait un scrupule d'accueillir des élucubrations qui pour-
raient paraître dures aux lecteurs habituels. La plaie est en train
de guérir.
Hâtons-nous de dire que, malgré ces dispositions absurdes de
la loi, quand un journal est actionné pour un article de l'un de
-es rédacteurs, celui-ci dédaigne d'avoir recours à l'homme de
paille et qu'il se présente personnellement pour assumer la res-
ponsabilité de ce qu'il a écrit.
Ce relèvement du niveau moral de la presse au point de vue
de l'accueil fait par elle aux « insertions sur demande » et le
ferment des vieilles habitudes mauvaises chez une certaine partie
de la population ont provoqué la création d'une espèce particu-
lière de journaux, qui ont eu leur moment de vogue. Ces feuilles
ont trouvé leur expression la plus pernicieuse dans un journal
appelé 0 Corsario (Le Corsaire). Outre ce qu'il écrivait de son
propre fond et qui était pire que toutes les « insertions sur
demande » parues jusqu'alors, ce journal accueillait, moyennant
finances, tout ce qu'on lui envoyait à publier. C'était une véri-
table horreur et ce fut un éclatant succès de scandale. Pendant
longtemps, il s'attaqua un peu à tout le monde, sans que
personne le poursuivit : les uns avaient peur d'un scandale plus
grand encore; les autres croyaient bien faire en vouant au
mépris des injures venues d'une telle source. Les autorités elles-
mêmes n'intervenaient pas, car l'Empereur, disait-on, s'y oppo-
sait, au nom de la liberté de la presse. Un beau jour, cependant,
le rédacteur du Corsaire attaqua violemment un officier de
l'armée. Quelques camarades de cet officier se réunirent, firent
cause commune avec lui, et le rédacteur du Corsaire, fut assassiné
en plein jour. L'affaire fit sensation. Beaucoup de gens trouvè-
rent le châtiment mérité. Beaucoup également trouvèrent qu'une
quinzaine ou une vingtaine d'hommes réunis pour assassiner un
seul homme, c'était un peu trop de monde pour accomplir un
acte de justice.
J'ai dit que l'élévation du niveau moral des « insertions sur
516 LE BRÉSIL EN 1889.
demande » avait provoqué la création de journaux sans scru-
pules, ("ondes exclusivement pour alimenter certaines passions
mauvaises. Par contre, les excès mêmes de ces journaux ont
exercé une influence salutaire sur les publicaçôes a pedido :
craignant un rapprochement fâcheux entre les deux genres, les
administrations des journaux sérieux se montrèrent encore plus
sévères, et les choses ont pris insensiblement une meilleure
tournure. Aujourd'hui, il est très rare de découvrir un scandale
dans les colonnes consacrées aux « insertions sur demandes ».
C'est la réclame qui est en train de le remplacer.
Cette digression à propos des testas de ferro m'a détourné de
mon sujet. Je parlais de la politique suivie par la presse.
La presse neutre absorbe presque toute l'attention du public
à Rio-de- Janeiro. Aussi la presse de parti y a-t-elle une vie fort
précaire et n'y est-elle entretenue ordinairement que par les
sacrifices de quelques hommes politiques. Naguère encore, il n'y
avait pas un seul journal franchement politique dans la capitale
de l'empire. Vers la fin de l'année 1888, a paru la Tribuna Libéral,
dirigée par l'un des chefs les plus éminents du parti libéral,
M. le vicomte d'Ouro-Preto. Les conservateurs, à leur tour, y
ont fondé le Municipio Neutro sous la direction du président du
Conseil municipal de Rio. Les républicains n'avaient dernière-
ment aucun organe à eux à Rio, et les anciens abolitionnistes
continuaient à batailler dans la Cidade do Rio sous les ordres de
M. José do Patrocinio.
Dans les provinces, au contraire, le nombre des journaux de
parti est fort considérable, et quelques-uns d'entre eux font une
propagande très efficace, qui s'étend môme au-delà des limites
de leur province. Les républicains en particulier y ont, entre
autres, deux journaux très bien rédigés : la Provlncia de San-
Paulo, à San-Paulo, et la Federaçâo, à Rio-Grande-du-Sud. Les
conservateurs et les libéraux et les diverses nuances de ces deux
partis constitutionnels possèdent des organes dans tousles chefs-
lieux de province, dans toutes les villes et dans tous les centres
de population un peu importants. Il y a telle petite ville de
province ayant 1G.000 habitants qui compte jusqu'à six journaux
politiques! Quelques-uns de ces journaux ont une valeur réelle.
De ce nombre sont les suivants : Amazonas etJornal do Amazonas;
Provincia do Para, Diario do Grâo-Pard, Commercio do Para;
Paiz, Diario do Maranhâo] Pedro II, Libcrtador ; Jornal do Recife,
Diario de Pernambaco ; Diario da Bahia; Reforma, de Porto-Alegre ;
PRESSE. 517
Comeio PaulistanOj de San-Paulo; Monitor Campisla, peut-être le
plus ancien des journaux du Brésil, et mille autres qu' il serait
trop long d'énumérer.
Cependant, il est facile de comprendre que, grâce surtout à
la centralisation administrative dont nous jouissons, c'est la voix
de la presse de la capitale qui porte le plus haut et le plus loin.
J'ai dit tout à l'heure que nulle part au monde il n'y a plus de
libertés qu'au Brésil et que nulle part peut-être on n'en abuse
autant. Il faut dire aussi que le gouvernement et les autorités, à
leur tour, abusent de leur pouvoir, et que, dans cet état de choses,
la presse devient une véritable soupape de sûreté. Certes, les
abus des autorités n'ont pour cause ni de mauvais instincts ni
des tendances à prévariquer; ils prennent leur source dans des
sentiments plus humains : dans la faiblesse envers les amis poli-
tiques, dans la condescendance réciproque nécessaire à l'équi-
libre peu stable des partis. On n'abuse pas systématiquement ni
avec entêtement. Or, pour de semblables maux, c'est encore la
publicité qui est le meilleur remède.
Au point de vue matériel, nos journaux populaires font de
véritables tours de force de bon marché. Nous importons de
l'étranger le papier, l'encre, les machines, les caractères, tout
notre matériel d'imprimerie, et, grâce aux fluctuations du change,
nous payons fort cher notre main-d'œuvre. Cependant, nous
vendons nos journaux de grand format 10 centimes le numéro.
C'est l'annonce qui paie la différence, bien qu'elle ne coûte pas
aussi cher qu'en Europe. Pour nous rattraper, nous sommes
obligés d'avoir deux et trois pages d'annonce. Le Jornal do Com-
mercio, par exemple, d'un format beaucoup plus grand que celui
du Temps, de Paris, publie parfois six pages d'insertions payées
sur les huit dont il se compose, et souvent il a dix pages, dont
huit d'annonces et d'insertions payées.
Notre service télégraphique représente également des frais
beaucoup plus considérables que n'en supportent les journaux
d'Europe. Il suffit de dire qu'un mot envoyé par télégraphe de
Paris ou de Londres à Rio-de- Janeiro coûte beaucoup plus cher
que s'il était envoyé en Chine! Le télégraphe national lui-même
coûte encore excessivement cher, quoiqu'il accorde une réduc-
tion de tarif aux journaux.
Nos principaux journaux ont des correspondants spéciaux dans
les principales villes d'Europe et des deux Amériques, et un
grand service de reportage. La Gazeta de Noticias a introduit chez
518 LE BRESIL EN 1889.
qous une innovation dans le courant do l'année dernière : c'est
le feuilleton illustré au moyen de clichés faits expressément pour
les grands tirages sur les machines rotatives de Marinoni ; elle
publie également des portraits de notabilités nationales et étran
gères.
Les journaux sont vendus sur la voie publique par des enfants,
Italiens pour la plupart, qui annoncent à haute voix le titre du
journal et les principaux articles du jour. On les vend également
dans les kiosques, dans les épiceries, les gares de chemins de fer,
les débits de tabac, etc.
Les journalistes de Rio-de-Janeiro n'ont pas encore réussi à
fonder une association professionnelle. Ils l'ont tenté en vain trois
ou quatre fois. Cependant, ils s'unissent accidentellement dans
certaines occasions solennelles, comme, par exemple, au mois
de mai 1888, au moment de l'abolition de l'esclavage, lorsque la
presse prit l'initiative de toutes les grandes fêtes populaires
données à cette époque. Ils ont l'intention également de commé-
morer ensemble le Centenaire de la Révolution Française.
CHAPITRE XVIII
L'ART
Par M. E. DA SILVA PRADO.
L'art portugais, destiné à dépérir après avoir produit les
grands monuments d'Alcobaça, de Batalha, de Thomar et de
Belem, les tableaux du Gran Yasco et le fameux ciboire des Jero-
nvmos, n'a pas été transporté au Brésil par les conquérants venus
du Portugal. Dans une nouvelle colonie, où la conquête et le
défrichement des terres s'imposent à ceux qui arrivent, les
beaux-arts n'ont pas leur place et nous ne ferons que mention-
ner l'art rudimentaire qu'on rencontrait chez les indiens du
Brésil.
Des découvertes relativement récentes ont mis à jour dans le
bas Amazone des produits céramiques bien antérieurs à notre
époque et dans lesquels un art particulier d'ornementation et un
certain développement marqué dans la beauté des formes, révèlent
l'existence, ou peut-être le passage sur les bords du grand fleuve, de
tribus plus avancées, aumoins sous le rapport industriel, que leurs
successeurs actuels dans les mêmes régions.
Chez les Indiens, que les Portugais rencontrèrent au Brésil,
le seul art qui semblait en quelque sorte être propre à eux
comme à d'autres peuples américains, était l'art des ornements
en plumes, pratiqué avec un tel succès, qu'on n'a pas hésité à
lui donner le nom spécial de Arte Plumaria1. On ne faisait
pas au Brésil les merveilleuses mosaïques en plumes comme
1. C'est le titre que M. Ferdinand Denis reproduit, d'après un vieux
chroniqueur espagnol, dans un très-savant mémoire sur les ornements en
plumes dans les deux Indes et eu Océanie.
LE BRÉSIL EN 18 89.
au Mexique où les indiens, par la combinaison des plumes dans
leurs couleurs naturelles, reproduisaient dos tableaux en trom-
pant l'œil le plus exercé. Le nombre d'oiseaux au plumage écla-
tant étail si grand, que les Indiens trouvaient une variété inli-
nie de plumes pour en faire dos ornements de toutes sortes.
M. Ferdinand Denis remarque 1res bien que l'usage des plumes
éclatantes comme parure est l'indice d'un commencement de civi-
lisation ; on le trouve chez presque tous les peuples de l'Amérique
du Sud, bien supérieurs a nx hideux Australiens qui, possédant
dans leurs campagnes les plus beaux oiseaux do la terre après
ceux de l'Amérique du Sud, dédaignent les plumes merveilleuses
qui eussent été un trésor aux veux desTamoyosetdesFloridiens.
Le vieux voyageur français Jean de Léry décril avec ravissement
les admirables oiseaux du Brésil : L'Ara « moitié aussi rouge que
line écarlate, aussi étincelante que le plus lin es car la tin qui se
puisse voir et au surplus tout le corps azuré », le Canindi
l'cntour du col aussi iaune que fin or, les aisles et la queue d'un
bleu si nayfqu'il n'est possible de plus, estant admis qu'il soil vestu
d'une toile d'or par dessous et emmantelé de damas violet figuré
pardessus; on estravi de sa heauté.... »« Et au surplus, combien
que ces oiseaux ne soyent pas domestiques, estant néantmoins
plus coutumièrement sur les grands arbres au milieu des villages
que parmi les bois, nos toupinambaoultsles plumans soigneuse-
ments trois ou quatre fois l'année, font comme j'ai dit ailleurs,
fort proprement des robes, des bonnets, bracelets, garnitures
d'espées de bois et autres choses de ces belles plumes dont ils se
parent le corps ».
Dans les grands diadèmes et dans les manteaux, les plumes
étaient liées par la fibre du Tucum et maintenues par les matières
agglutinantes fournies par les résines des forets. Cette industrie
indienne n'est pas entièrement perdue au Brésil, de nos jours.
Dans le haut Amazone, quelques tribus conservent l'usage de
ces ornements, et savent faire les plus belles oppositions et
gradations de couleurs, avec le rouge couleur de feu éclatant,
le jaune d'une riche teinte jonquille et le bleu le plus beau [.
1. On trouve de très beaux spécimens do cet art indien dans l'ouvrage de
Dcbret et surtout dans les 89 magnifiques lithographies coloriées durs à une
commission brésilienne chargée d'explorer le Cearâ. Ces lithographies, donl
le texte, explicatif n'a, jamais été publié, seront bientôt réunies, ainsi que
d'autres travaux, dans un ouvrage <|u<' .M. Ladislau Netto prépare en ce mo-
ment. Cette collection porte le n° 19.260 dans le Catalogo du Exposiçâo de
Historia do Brazil. Rio 1881.
L ART. 521
Ces ornements <in plumes, quelques objets de vannerie, l'orne-
mentatiou des armes en bois et des manches également, en bois,
servant aux hachesen pierre et les instruments primitifs de musi-
que1, constituaient tout l'art des Indiens.
On a bien parlé de prétendues constructions imposantes
d'une grande ville abandonnée qui n'a pas été retrouvée. Le sa-
vant hollandais Elias llcrckmann, gouverneur de Parahyba au
xvii' siècle, rencontra dans cette province des constructions
bizarres qui étaient peut-être simplement des accidents géolo-
giques, mais dont la trace semble perdue aujourd'hui2.
Pour les premiers colons portugais, établis au Brésil, l'art de
construire des habitations était un art presque militaire, si pres-
sant était leur besoin de se retrancher derrière des palissades ou
des fossés, pour se mettre à l'abri des attaques des indiens. Les
premières maisons furent sans doute pareilles à celle que le père
Anchieta décrivait comme la première qui fut bâtie à l'endroit où
se trouve aujourd'hui la ville de San-Paulo : « une petite maison
en paille ayant une natte de roseaux en guise de porte et où les
lits étaient remplacés par des hamacs3. » Dans les gravures de l'é-
dition de Marpurg (1557) de Ilans Stade, un soldat allemand qui
a écrit ses aventures au Brésil, on voit des planches représentant
San-Yicente et Olinda (Marin). Les Portugais avaient adopté
les retranchements dont se servaient les Indiens4. Cependant,
1. Les Indiens du Brésil ne connaissaient l'usage ni du fer ni du cuivre.
On voit au Muséum de Rio-de-Janeiro une hache en bronze, trouvée dans
une excavation à 2 mètres de profondeur par M. Bauer, en 1886, à Xiririca
sur les bords du fleuve Riheira-de-Iguape, dans la province de San-Paulo.
Cette hache, dont nous avons eu connaissance par M. Nctto, est tout à fait
identique aux haches péruviennes. Nous expliquons cette trouvaille par les
premières communications qui eurent lieu entre le Brésil et le Pérou au
xvic siècle. D:ms l'ouvrage Argentina, de Ruy Diaz de Gusmân, on trouve
une notice de l'expédition au Pérou de Aleixo Garcia(vers 1526) quia précédé
L'expédition envoyée par Martin Affonso en 1531. Ces deux expéditions sem-
blent avoir remonté la Bibeira-de-Iguape.
Nous devons cependant constater que Alvar Nunes Cabeça de Vaca qui se
rendit par terre en 1541 de Santa Catharina au Paraguay rencontra des indiens
guaranys qui se servaient du cuivre pour en faire des ornements. Voy.
Commentaires d' Alvar Nunes Cabeça de Vaca, traduction Ternaux-Compans.
Paris 1837. Chap. xxu et ailleurs.
2. i'.arlœus — Rerum per octennium in Brasilia, etc., etc. Clèves, 1660. 8°
pages 358-374.
3. Simào de Vasconcellos : Chronica da Companhia de Jésus do Estado do
Brazil. Liv. I. no 153.
4. Théodore de Bry, dans sa traduction latine de Hans Stade, a agrandi
et perfectionné ces gravures. Dans l'autre édition de Hans Stade, aussi de
1557. mais de Francfort, les gravures sont toutes faites de fantaisie: les
indiens y sont habillés à l'européenne, etc., etc.
522 LE BRESIL EN 1889.
La soumission ou la destruction des indiens se faisant assez vite,
on renonça en partie à ces précautions. Dans le journal de
l'expédition hollandaise de Joris van Spilbergen (1015), on voil
une planche où la ville de San-Vicente esi représentée encore
entourée de palissades formant carré, ayant trois larges portes
surmontées de croix ; des retranchements analogues entourent
la ville de Santos. On voit quelques maisons isolées entre autres
l'usine à sucre, des grands marchands d'Anvers, les Schetz : « Le
susdit bastiment » dit le journal, - estait fort et basti en forme
d'un village, avec une église nommée Seignora de /Vives.
« Les Portugais nous advertissoyent qu'il avoiteste basti par
quelques uns de lignage de la ville d'Anvers et qu'un comte
y tenoit sa résidence ; c'estoyt aussy une place belle, riche et bien
pourvue de cannes à sucre1. » Les progrès de la colonie se révé-
laient donc déjà dans les constructions. Les Portugais, qui
excellaient, en ce temps là dans les constructions navales,
avaient trouvé le moyen de réparer au Brésil les flottes qui s'y
rendaient directement ou qui y faisaient escale en allant aux
Indes Orientales. Bientôt on y construisit même des navires
capables de faire ces lointaines navigations.
Au xvii0 siècle on entend parler d'un peintre de Bahia, loué
par les écrivains du temps, mais dont aucun ouvrage n'est par-
venu jusqu'à nous — Eusebio de Mattos (1629-1692), frère du
poète Gregorio de Mattos. A cette époque, pendant la domination
hollandaise au nord du Brésil, l'art européen apparaît pour la
première fois dans ce pays. Un peintre de Harlem, Franz Post
1. Miroit* Oost and West Indical, auquel sont décrites les deux dernières
navigations faites es années 1(114-18, l'une par G. de Spilbergen, etc., etc.
Amsterdam 1821. Dans l'édition latine de Leyde 1619 on lit:
« Paulo post altius adversus flmncn profectis, sedes inveminns, in quas
curn supellectile sua confugerunt, ab Antiverpiensibus quibusdam qui Scotsii
vocabantur, eleganter admodum extructa, temploque quod Signora de
Nives appellant decoratas intelleximus. Dives saccaro, ameenusque erat
locus. » Page 16.
Cette propriété que Spilbergen saccagea et brûla le 26 janvier 1616 était
connue sous le nom de Engenho dos Erasmos, du nom de Erasme Schetz et ses
enfants. Hans Stade parle de l'agent des Schetz, Pierre Rossel, auquel se rap-
porte aussi le chroniqueur F. Gaspar da Madré de Deos,qui le nomme Pedro de
Rozé (page 103, Memorias etc., etc). Schmidel de Straubing. (Edition Ternaux
Compans) parle de lui et d'Erasme Schetzen, 'page 248). Dans l'édition latine
de Nuremberg 1599 , ce dernier nom esl écrit Schertzen et aussi Schatzen.
Tous ces noms se rapportent évidemment aux Schetz, les grands marchands
des Flandres qui avaient de vastes relations commerciales avec tout le
monde et qui, annoblis depuis longtemps, portaient d'argent à 1 corbeau
essorait I de sable posé sur une montagne à S copeaux de sihople.
L ART. 523
[1620-1680), accompagna le gouverneur comte Jean Maurice de
Nassau, el grava ses études des paysages tropicaux, faites pour
la première fois, sur les lieux. Lui et A. van der Eckhout^un
autre peintre qui accompagnait Maurice de Nassau, révélèrent les
premiers à L'Europe l'aspect vrai de la nature américaine qu'ils
ont traduite avec un sentiment dont llumboldt a exalté le
bonheur et la vérité (Cosmos, vol. II). Mais les Hollandais, qui
n'onl jamais été des architectes, n'ont rien bâti de durable au
Brésil ; leurs bâtiments, aujourd'hui détruits et construits
autrefois par Peter Post, le frère du peintre, nous semblent,
dans les gravures de celui-ci, aussi médiocres et disgracieux
que les vieilles constructions hollandaises de la même époque qui
subsistent encore à Java dans le vieux port de Batavia.
A mesure que la population croissait à Bahia et sur quelques
points de la côte, les constructions devenaient plus importantes.
Mais les jésuites et d'autres ordres religieux, ayant la haute
direction sociale de la colonie, Fart n'y pouvait être que religieux.
On commença à orner richement l'intérieur des églises qui
étaient toujours les bâtiments les plus considérables des villes
naissantes, qui ne furent plus composées de cases recouvertes
de chaume et de branchages. Quand les toits de chaume dispa-
rurent des maisons, ils furent remplacés par les grandes tuiles
convexes usitées au Portugal. Les maisons projetaient à l'exté-
rieur les larges bords de leurs toits qui rendaient facile l'écou-
lement des pluies torrentielles des tropiques. Toutes ces maisons,
à un seul étage, avaient, selon la coutume du sud de la pénin-
sule ibérique, les fenêtres treillissées de bois, une protection
contre le soleil, peut être un souvenir de la réclusion des
femmes dont les Espagnols et les Portugais avaient hérité la
tradition des Maures.
Les églises primitives furent pour la plupart reconstruites
au xvmc siècle, car étant faites avec de mauvais matériaux, elles
ne purent résister ni au temps ni au climat. Un voyageur français
qui visita Bahia en 1697 dit :
« Les maisons y sont hautes, et presque toutes en pierre de
taille et de brique, les églises sont enrichies de dorures, d'argen-
terie, de sculptures et d'un nombre infini de beaux ornements ;
il y a dans la cathédrale des croix, des lampes et des chandeliers
d'argent si hauts et si massifs, que deux hommes ont peine à les
1. Le frère do Gerbrandt van der Eckhont, disciple de Rembraudt.
524 LE BRÉSIL EN 1 8 89.
porter. Il y a des cordeliers, des carmes, des bénédictins, des
jésuites el plusieurs antres religieux, qui tous (outre un petit
couvenl de capucins français et italiens) sont Tort riches. Les
jésuites surtout y sont puissants; ils sont 190 religieux, leur
maison est d'une vaste étendue et leur église grande et bien
ornée ; la sacristie en est des plus magnifiques du monde ; elle a
plus de 2o toises de long, sur une largeur proportionnée. 11 y a
trois autels, deux aux deux extrémités, et un au milieu de La
face qui joint l'église, el sur lequel on voit tous les matins plus
de vingt calices tous d'or, de vermeil et d'argent. Aux deux côtés
de ce dernier autel sont deux grandes tables, qui sur la longueur
ne laissent que l'espace de deux portes, qui servent à entrer
dans l'église. Ces deux tables sont d'un très beau bois; toutes
les faces en sont garnies d'yvoire, de carret et de quantité de
belles mignaUires qu'ils ont fait venir de Rome. Le quatrième
CÔtéde cette sacristie, qui donne sur la mer, est percé de plusieurs
grandes croisées de haut en bas, et le plafond est couvert de très
belles peintures1. »
Un autre voyageur (1714) parle aussi de ce « couvent des
jésuites dont l'église est bâtie de marbre tout apporté d'Europe » ;
la sacristie, dit-il, « en est fort belle, tant par la propreté de l'ou-
vrage des buffets, parles bois curieux, le caret et l'yvoire dont ils
sont composés, que par une suite de petits tableaux dont ils sont
ornés. Mais il ne faut pas avec Froger, appeler belles peintures
celles du plafond, qui ne méritent pas l'attention d'un con-
naisseur -. »
Quelques années avant Frézier (1703), ingénieur ordinaire
du roi de France, un autre voyageur français, nous laissait aussi
ses impressions de Bahia: « Le gouverneur de la Baie est comme
le vice-roi du Brésil ; tous les autres relèvent de lui. La maison,
à laquelle je ne puis donner le nom de Palais, est dans la ville
haute. Elle est assez belle et passablement meublée ; mais il s'en
faut de beaucoup qu'elle réponde à ce que les Portugais en content
à ceux qui ne l'ont pas vue ». « La cathédrale, qu'ils appellent la
Gez (sic), est dans la haute ville. Elle est grande, élevée, toute bâtie
de pierres de taille et l'une des plus belles églises que j'aie vues.
La maison des jésuites est superbe et magnifique ; je n'en sache
1. Froger: Relation du voyage de M. de Gennes au détroit de Magellan.
A Pari?, 18. Chez Nicolas le (iras, 1700. Pages 138.
2. Frezier: Relation du voyage de la mer du sud, etc., etc. Amsterdam,
1717. Chez Pierre Humbert, 2 vol.. in-lSn, vol. II, page 53o.
L ART. 525
point en Franco qui puisse lui être comparée. Mais on admire
surtout leur sacristie ; elle a an moins cent pieds de long et trente
de Large. Les murs sont lambrissez de bois de Jacaranda (je suis
fort trompé si ce n'est le même que celui qu'on appelle en France
bois de violette, tant il lui ressemble) depuis le parquet, qui en
es( aussi, jusqu'au plafond, dont la peinture est exquise. Du
côté où les prêtres s'habillent, il y a un grand nombre de tableaux
qu'ils mont dit être des meilleurs maîtres d'Italie. De l'autre,
entre les croisées, ce sont quantités de belles armoires du même
bois que le lambris, toutes uniformes et bien travaillées. Toute
belle et toute grande que soit cette sacristie, elle a un air de
simplicité et de propreté qui m'a plu plus que tout le reste l. »
En 1817, La Barbinnais le Gentil décrivait ainsi la ville de
Bahia :
« La haute ville est située sur le sommet de la montagne. Les
maisons assez grandes et commodes, mais l'inégalité du terrain
Jeur ôte une partie de leur ornement et rend les rues désagréables,
La grande place qui est quarrée est au milieu de la ville. Le
Palais du Vice Roy, la Maison de la Ville et celle de la Monnaye
en forment les quatre faces. Ces édifices n'ont rien de fort remar-
quable, si ce n'est qu'ils sont bâtis de pierres qui sont venues de
Lisbonne, parce que le Pays n'en fournit aucunes qui soient
propres à la construction des bâtiments. Gomme chacun fit bâtir
sa maison à sa fantaisie, tout est irrégulier, de sorte qu'il paraît
que la place principale ne se trouve là que par hazard. »
« Il y a plusieurs monastères, celui des jésuites est situé dans
le lieu le plus agréable de la ville et c'est sans doute le plus beau,
le plus vaste et le plus riche édifice : on y admire surtout la
sacristie dont tout le lambris est d'écaillé de tortue mise en
œuvre d'une manière fort délicate2. »
Le voyageur de V Aigle a visité alors Rio-de-Janeiro qui devait
compter environ 12.000 habitants. Les nouvelles églises n'étaient
pas encore toutes prêtes, la ville était en formation : « La ville
n'est pas grande, dit-il cependant ce n'est pas faute de terrain. Il
y a derrière une prairie entourée de montagnes, dont l'aspect ne
laisse pas d'être assez agréable. La rue la plus marchande et la
1. Journal d'un voyage sur les côtes d'Afrique, etc., etc. A Amsterdam,
chez Paul Marret, 1723. 1 vol. 12°, pages 238-240. Cette relation anonyme est
écrite par un passager de V Aigle, frégate du roi, capitaine Le Roux,
2. Nouveau Voyage autour du Monde, Amsterdam, chez Pierre Mortier,
1747. 3 vol. Vol. 111, page 131.
526 LE BRÉSIL i:\ 18 89.
plus fréquentée est celle où demeure le gouverneur, et qu'ils
appellent La grande rue Elle est fort Large, fort Longue, el com-
prend seule plus de La moitié do La ville. A un bout esl Le couvenl
des Bénédictins, où, c me ils disent, de San-Bento, dont l'église
est La plus belle de la ville. A L'autre est la maison des jésuites,
aussi magnifique par sa structure, que par ses logements. Elle
est en partie bâtie sur une montagne, de sorte que le bâtiment
qui règne jusqu'au pied est dans cet endroit d'une hauteur pro-
digieuse et tout de pierres de taille. Les dedans ne cèdent en
rien aux dehors. La distribution en est tout à fait belle et bien
entendue. Toutes les belles chambres des pères sont boisées.
Leur apoticairerie est superbe, bien ornée et aussi bien entre-
tenue pourvue de toutes sortes de drogues, qu'aucune que nous
aions en France. C'est le magasin de tous les apoticaires de la
ville. L'église est petite mais extrêmement parée et décorée.
Derrière la maison est le collège ; je ne vous en dirai rien, parce
qu'il n'est, pas achevé. On monte à ces deux églises, celle des
jésuites et des bénédictins, par deux très longues rampes, toutes
deux carrelées, et dont la pente est presque imperceptible. Le
travail qui y paroit et le tems qu'il a fallu pour rendre ces
endroits pratiquables et aussi commodes qu'ils sont, font croire
qu'ils ont coûté des sommes immenses. Ces rampes (car il y en a
deux qui conduisent à la maison des jésuites) sont taillées dans
le roc même sur lequel l'église est bâtie et garnies de parapets
des deux cotés. Celle des bénédictins est extrêmement large et
bordée aussi de murs à hauteur d'appui, qui régnent depuis le
bas jusqu'en haut, où l'on trouve une assez belle place carrée,
sur laquelle donne le portail de l'église. Le vaisseau en est beau,
large et la voûte extraordinairement élevée. Tout autour régnent
deux ailes, dont la voûte et la largeur sont proportionnés à celles
de la nef... Au milieu de cette rue est la maison du gouverneur
qui n'est pas grand chose1. »
Les architectes de ces reconstructions et des constructions
nouvelles furent des religieux ; dans l'exécution de ces travaux,
les esclaves nègres et indiens, ne pouvaient suffire qu'au gros
œuvre. Les artisans étaient souvent recrutés dans les ordres
religieux entre les frères lais qui avaient presque tous un métier.
Ces nouvelles églises étaient en général d'un style baroque, sou-
vent d'un faux classique et décorées, à l'intérieur, à la manière
1. Ouvrage cite, page 288.
L ART. 527
dite churriguresque, avec du bois plein doré et ouvrage en reliefs
ornés, torsades, guirlandes el rayonnements entourant les niches
et les consoles aux moulures fleuries, où Ton mettait des statues
ihi saints, quelquefois habillées de riches étoiles, portant des
bijoux, laites en bois, en terre cuite, et peintes aux couleurs
naturelles, rehaussées de dorure, dont la combinaison atteignait
une très grande richesse et une beauté relative qui relevait un
peu ce genre de sculpture spécial au Portugal et à l'Espagne. On
trouve cette profusion d'ornementation surtout dans la province
de Minas-Geraes, où les mines d'or produisaient de grandes
richesses au commencement du xvme siècle et où d'importantes
sommes furent dépensées dans les églises de la région, les plus
riches du Brésil. Ceci donna lieu à l'apparition de plusieurs artistes
parmi lesquels nous citerons, Antonio José da Silva, surnommé 0
Aleijadinho, né à Sabarâ vers 1750, auteur des douze statues gigan-
tesques en stéatite, représentant des prophètes à l'église du pèle-
rinage de iMattosinhos près de Congonhas-do-Campo, et dont
Luccock, A. de Saint-Hilaire et sir Richard F. Burton parlent avec
admiration. Silva mourut à Rio-de-Janeiro, après avoir fait d'au-
tres ouvrages pour des églises de Sâo-Joào-d'El-Rey et d'autres
villes.
On connaît un autre artiste de Minas, le peintre José Joaquim
da Rocha, qui alla à Bahia, où il fit les peintures des églises de
la Conceiçâo-da-Praia, da Palma et autres. Ses meilleurs
élèves furent: José Theophilo de Jésus et A.-J. Vallasques ; mais
Antonio Dias et Antonio Pinto continuèrent l'école de Rocha à
Bahia, où fleurit aussi le sculpteur Chagas.
A Rio-de-Janeiro, la peinture a été introduite par un artiste
allemand, de Cologne, qui était entré dans l'ordre bénédictin
en 169G et qui mourut en 1700. On ne le connaît que sous son
nom de religieux, le frère Ricardo do Pilar, dont on admire
surtout un Christ au monastère de San-Bento, de Rio-de-Janeiro.
Son meilleur élève fut José de Oliveira qui a peint le plafond de
l'église de San-Francisco da Penitencia et la voûte de la chapelle
impériale, restaurée plus tard par Raymundo-da-Costa. 11 eut
pour élèves Leandro Joaquim, dont on cite une Sainte-Cécile dans
l'église du Parto, ainsi qu'une Notre-Dame ; et Joâo-de-Souza,
dont nous ne mentionnerons que les œuvres principales : les
peintures du cloître du vieux couvent des Carmes, et le portrait
du général Silva-Paes, dans l'église de la Candelaria ; Manuel-da-
Cunha, un affranchi, mort en 1809, auteur d'une Descente de la
LE BRESIL EX 1889.
Croix ii la chapelle impériale ; d'un Saint-André à L'église de
Saint-Sébastien, et d'un portrait du comte de Bobadella h L'Hôtel
d(3 Ville. Cunha, qui avait fait ses études à Lisbonne, fut le maître
de Raymundo-da-Costa, qui a peinl une Cène à la chapelle impé-
riale, la Saint-Sébastien de L'église du même nom ; de José Leandro
de Carvalho l (né à Rio, mort à Angra en 1846), auteur d'un Por-
trait du Roi Jean 17 à L'ancien couvent des (larmes, d'une Sainte-
Anne à L'ancienne Monnaie, et d'un grand tableau delà Vierge
du Carmelh la chapelle impériale, que l'artiste obtint de peindre
pour le roi à la suite d'un concours. Dans ce tableau on voit toute
la famille royale en prière devant la Vierge comme dans les
anciens tableaux votifs de l'école allemande. Après l'abdication de
l'empereur Pedro 1er, un ministre, pour plaire aux sentiments po-
pulaires hostiles alors aux Portugais, lit couvrir d'une couche de
peinture les portraits de ce beau tableau qui, seulement en L850,
fut remis dans son ancien état par J.-C. Ribeiro. In fils de
Leandro, M. .). Franco-de-Carvalho (mort à Ilio en 1838), fut
peintre de fleurs. Un autre élève de Cunha fut Manuel Dias de
Oliveira Brasiliense, dit le Romain. Cunha n'avait vu que
Lisbonne, qui était loin d'être un centre artistique. Dias étudia
à Rome, plus heureux que les autres artistes brésiliens, dont
aucun n'avait pu voir l'Europe, et dont les ouvrages doivent être
considérés comme ceux des primitifs. Ces artistes, bien qu'ils ne
reçussent ni du public ni du gouvernement les encouragements
qu'ils devaient en attendre, laissèrent des élèves comme le
miniaturiste M. J. Gentil et F. -P. do Amaral (mort en 1830),
auteur des belles fresques de l'ancienne bibliothèque publique et
de l'hôtel de la marquise de Santos, plus tard hôtel Mauà.
Les autres arts du dessin avaient suivi à Rio le développe-
ment de la peinture. En 1733, le général Sa-e-Faria, le même qui
exécuta la façade de la cathédrale de Buenos-Ayres, donna le
plan classique de l'église des Militares. En 1751, le gouverneur,
depuis vice-roi, Gomes Freire de Andradc, fit construire le
magnifique aqueduc reliant les montagnes de Santa-Thereza et
de Santo-Antonio, ouvrage dont l'aspect de grandeur romaine se
1. M. de Freyciuet dans la partie historique de sou Voyage autour du
monde sur les corvettes TUranie et la Physicienne, Paris 1825. Vol. I. page
215 dit:
« Parmi les uatiouaux, ceux qui s'occupent de peinture ue jouissent d'au-
cune réputation, si ce n'est, dit-on, un certain José Leandro, qui ne manque
pas de coloris mais qui est mauvais dessinateur.
L ART. 529
trouve aujourd'hui détruit en partie par les constructions qui
onl masqué ses magnifiques arcades doubles.
Des voyageurs ont prétendu que ce grand ouvrage était
inutile, et qu'une suite de I uvaux mis sur la terre ou sous terre,
si Ton imU préféré, eût certainement apporté Peau tout aussi bien.
Mais un de ces voyageurs, sir Georges Staunton, fait observer lui-
même, tint1 la décoration et la magnificence sont, aussi souvent
que futilité, le but que Ton se propose dans les travaux publics,
lui 1761, le marquis de Pombal envoya à Para l'architecte A. -L.
Lande qui y bâtit le beau palais du gouverneur et la cathédrale
dont la restauration est faite en ce moment par Mgr de Macedo
avec un goût parfait.
En 1775, sur les plans du général Roscio, on commença à
bâtir, avec le beau granit des montagnes de Rio, la grande église
de la Candelaria, dont le dùme n'a été achevé que tout récem-
ment. Les ingénieurs militaires, avaient remplacé comme archi-
tectes, les moines et les jésuites.
Dans la sculpture, on peut citer à Rio-de-Janeiro comme les
premiers en date : Domingos da Conceiçao et Simâo da Cunha,
auteurs des sculptures de Sâo-Rento; et Gaspar Ribeiro, dont
quelques œuvres sont à Madrid. Plus tard, Yalentim da Fonseca,
de Minas-Geraes, province dont nous avons déjà rappelé le déve-
loppement au dernier siècle, fut un dessinateur remarquable,
ainsi qu'un sculpteur, un ciseleur et un orfèvre de grand mérite.
On possède plusieurs ouvrages de lui à Rio : une Passion dans
l'église des Militares, le grand autel de Saint-François-de-Paul, le
dessin des magnifiques lampes en argent massif de la même
église, de celles de San-Bento et de Santa-Rita, qui furent exécu-
tées par Martinho de Brito. Fonseca dessina la fontaine du Largo-
do-Paço, où les matelots venaient chercher, pour approvisionner
leurs navires, une eau excellente, dontla pureté était telle, qu'elle
se conservait inaltérable à bord pendant la durée d'un voyage
d'aller et retour aux Indes-Orientales. On doit aussi à Valentim
un papayer en bronze qu'il a eu la pensée un peu extravagante
de placer dans un jardin public. Le voyageur anglais Barrow
(1792) fournit une description de ce jardin que nous reprodui-
sons, croyant qu'elle donne une idée du goût du temps à Rio-de-
Janeiro : « Ce jardin est formé par des bosquets, des massifs en
verdure, des allées et des parterres. L'on rencontre çà et là de
beaux berceaux, autour desquels le jasmin, la vigne vierge et
d'autres arbustes odoriférants, mêlent leurs branches flexibles.
34
LE BRÉSIL EN 1 889.
Nous y remarquâmes plusieurs arbustes indigènes d'une grande
beauté; mais il paraît que les portugais aiment beaucoup mieux,
el qu'ils cultivent de préférence ceux d'Europe, malgré L'air
faible et Languissant qui leur donne un climat si différent de celui
qui Les vit naître. Mais ce que je vis «le plus mauvais dans ce
jardin, c'était un misérable papayer factice, eu cuivre, peini en
vert, de grandeur or dfnaire, Lorsqu'un véritable arbre de celle
i, qui croissait tout près de celui-ci, avec toute la vigueur
dont est susceptible la végétation enîre les tropiques, semblait
regarder avec un sourire moqueur La mine roide de son faux
frère. Lue grande terrasse, dans La partie basse du jardin qui
domine Le port, offre une vue charmante de ses bords qui, en
s'élevant graduellement sont couverts de taillis. Auxdeuxbouts
de cette terrasse on trouve un pavillon carré très joliment bâti,
dont les murs sont en dedans couverts de peintures. Consid
sous Le rapport du talent ces peintures ne méritent pas que l'on
en dise grand'chose, mais les objets qu'elles représentent sont
loin d'être dépourvus d'intérêt. Les tableaux de l'un de ces pavil-
lons ne représentent tous que des vues détachées de quelques
endroits du port; le plafond est orné de devises exécutées en
coquillages, et dans le pourtour La corniche représente des
poissons particuliers à ces côtes, laits aussi en petits coquillages.
Le lambris de l'autre pavillon est décoré de la même manière,
avec des devises, mais exécutées en plumes; et Ton a représenté
sur toute la corniche une grande partie des oiseaux de ce pays,
chacun avec ces propres plumes. Sur les murs de ce dernier l'on
voit huit peintures descriptives des huit objets que Ton considé-
rait alors comme ceux d'un plus grand rapport dans le Brésil ;
ainsi ces peintures représentaient : /" une vue des mines d'or et de
diamants,' 2° une vue d'un,' plantation de cannes à sucre, et d'un
moulin qui les broie; 3° une rue de la culture et des préparations de
l'indigo; /' une vue d'une plantation de cari us opuntia avec la
manière d'extraire la cochenille ; 5° une rue des différentes
préparations du manioc; 6° une rue d'une plantation de café;
7° une vue d'une plantation de riz; 8° une vue d'une plantation de
chanvre, et de la manufacture des cordages^.
1. Voyage à la Cochinchine par les Iles de Madère, de Ténériffe et du Cap
Vert; le Brésil et l'Ile de Java par John Barrow ; traduction française de Malte-
Brun — Paris 1807. Les peintures étaient penl être de Leandro Joaquim. L< -
ornements en plume on! disparu. Sir Georges Staunton qui a décril le \
en Chine de Lord Macartney 'lit au sujel du Passeio Publico en L793 :
Un jardin public à l'une des extrémités de la ville, sur le bord de la
L A il T. 531
Valentim da Fonseca lit encore les pyramides de ce jardin,
tjifil orna de fontaines avec des statu-eites, quelques bronzes
représentant des animaux du pays, eomme le crocodile sclérops
des fleuves du Brésil, etc., etc.
L'influence de la cour du Portugal qui vint s'établir à Rio-
de- Janeiro en 1808 fui très grande dans Ions les sens, sur l'acti-
vité el le développement du pays. A cette époque on pouvait à
peine prétendre affirmer l'existence du goût pour la peinture et
la sculpture; même dans les églises, rien que des ornements
surchargés d'or, remplaçant le plus souvent les œuvres d'art
absentes. Le gouvernement se montra très éclairé et ses efforts
pour le progrès du pays furent énormes. Le bon roi Jean VI ne
voûtait que le bonheur de son peuple; il sut s'entourer de
ministres très éclairés et le voyageur, disent Spix et Martius,
regrette seulement que les Brésiliens, dont le caractère a été
déformé par deux siècles de régime colonial, ne puissent estimer à
leur valeur les intentions du gouvernement. En effet, ça n'a pas
été vers les industries, les arts et les sciences qui font le bonheur
et la force des nations, que les Brésiliens se sont portés d'abord :
ce fut vers la politique.
« L'arrivée en masse d'un grand nombre d'européens, le con-
tact avec une société plus raffinée a introduit surtout et rapidement
au Brésil, un plus grand amour du confort matériel, du luxe, des
charmes extérieurs de la vie sociale, plutôt que l'amour des arts
et des sciences. Dans les pays du Nord le raffinement des jouis-
sances de la vie a suivi les progrès des arts et des sciences ; au
Brésil, au contraire, on a commencé par développer les plaisirs des
sens et de la vie extérieure avant de perfectionner les arts et les
sciences qui peuvent y prospérer, » mais qui à leurs débuts ne
mer, est. le rendez-vous de la bonne compagnie. Après la promenade, on
soupe dans des cabinets particuliers. Des concerts ou des feux d'artifice»
ajoutent aux charmes du repas. Ce jardin est orné de gazons, d'espaliers, de
parterres, d'allées, de beaux arbres, de berceaux entrelacés de fleurs, de
jasmins et de plautes odoriférantes. Vers le milieu, estime fontaine qui jaillit
d'un rocher artificiel. Deux alligators, ou crocodiles d'Amérique d'une sculp-
ture délie ite, versent de l'eau dans un réservoir de marbre, où paraissent se
jouer divers oiseaux aquatiques de bronze. Il y a à peu de distance de là une
mitation parfaite du papayer. Cet arbre est en feuilles de cuivre verni.
Fallait-il employer tant d'art et tant de frais pour imiter un arbre naturel au
climat et dont la végétation est très rapide? Une jolie terrasse de granit
règne du côté OÙ le jardin donne sur la mer; aux deux extrémités sont deux
pavillons d'été. Les plafonds de ces édifices sont ornés de diverses peintures.
Voyage en Chine et en Tartarie, par Lord Macartiney.
Traduit de l'anglais par J. B. J, Breton, Paris. 1804, Vol. I, page 196.
LE BRÉS1 l. EN 1 889.
pouvaient « | u <v souffrir de cette inversion anormale. Le roi e1 ses
ministres onl voulu porter remède à celle situation. Par rapporl
aux beaux-arts qui étaient 1res estimés du roi, malgré son éduca-
tion portugaise, on songea à en établir l'enseignement au Brésil,
Les désirsdu roi el ceux de son ministre, le comte da Barca,
comme d'étal très remarquable, furenl secondés par ceux du
marquis de Marialva L'ambassadeur portugais à Paris, auprès
de qui le baron de Humboldt, insistail depuis quelque temps pour
la création, à Rio-de-Janeiro, d'une Académie parei lie à celle dont
le célèbre voyageur avait admiré le succès à Mexico. Joachim Le
Breton, secrétaire perpétuel de la classe des beaux arts de l'Ins-
titut de France, fut chargé d'organiser une mission artistique
française, qui partit en J S 1 « > et qui étaiteomposée du peintre Ni-
colas Antoine Taunay, que Charles Blanc nomme le Nicolas Pous-
sin des petits tableaux, de l'architecte Grandjean de Montigny,
rai'chileiie (piia embelli Dresde, mort à Rioenl850; du graveur
en taille douce Simon Pradier ; de Zephyrin Ferrez (morl à Rio
en iSol graveur en médailles; du professeur de mécanique
François Ovide (mort à Rio en 1834;) du sculpteur .Mare Ferrez
(mortàKio en 1856) de J. 13. Debret, peintre d'histoire ; d'Au-
guste Faunay, statuaire, dont deux groupes sont à Tare du Ca-
rousel (mort à Rio en 1881) — Le Breton étant mort en 1819, ne
put occuper sa place de directeur de l'École des beaux-arts pour
laquelle on nomma le portugais llenriquc José da Silva. Tous
ces professeurs français, aussi bien ceux qui restèrent au Brésil
que ceux qui rentrèrent en France, firent beaucoup pour les arts
au Brésil. Ces professeurs travaillèrent beaucoup; Grandjean de
Montigny construisit le palais de l'Ecole des beaux-arts; Nicolas
Taunay envoyait tous les ans au salon de Paris une série de char-
mants paysages des environs de Rio ; Z. Ferrez grava les pre-
mières médailles frappées au Brésil ; Pradier grava quelques ta-
bleaux et des portraits des personnages de l'époque1, Debret fit
1. .M. de Frcycinet (Ouvrage et endroit cités), dit : Il yaaussi un petit nom-
bre de fort médiocres graveurs en taille douce. » Entreces graveurs en taille
douce, on compte Romaô Eloy de Almeida qui copia le portrait de Pope gravé
par Holloway. Cette copie faite en 1810 a servi à l'ouvrage imprimé à cette
époque à Rio Ensaio sobre a cri/ira de Alexandre Pope, traduzido cm portugiœz
pelo Conde de Aguiar, etc. Rio-de-Janeiro 1810. Na Impressaô Regia. Joaô José
de Souza, lieutenant-colonel du génie, professeur de dessin à l'Académie mili-
taire, élève de Bartolozzi, Rivara cl Paula gravaient à Rio à cette époque.
Pradier arrivé à Rio en 181(i y grava dis tableaux de Debret et des portraits
entre lesquels nous connaissons ceux du comte da Barca, de l'archidu*
Leopoldine femme du prince royal Dom Pedro et de Dom Manoel Villasboas,
L A 11 T. 533
dos tableaux de quelques événements historiques et composa son
magnifique Voyage Pittoresque. Les meilleurs élèves do Debret
furent Simplicio Rodrigues de Sa, qui a été professeur de dessin de
l'empereur D. Pedro II, Gorrea Lima et Araujo Porto Alegre. Les
résultats de leursefforts auraienl été bien plus considérables si le
gouvernement n'avait presque entièrement délaissé l'Ecole des
beaux-arts, après 1831. Ce ne fut qu'en 1837 que le ministre
Vasconcellos protégea de nouveau l'Ecole des beaux-arts. Porto
Alegre succéda à Félix Taunay, qui fut le directeur de l'École
jusqu'en 1851. Correa de Lima fut professeur de peinture historique,
L'École des Beaux-Arts eut pour élèves deux peintres remarqua-
bles. MM. Victor Meirelles (né à Santa Catherina en 1838) et Pedro
Amcrico (né à Parabyba-du-Nord en 1843). Le premier est l'auteur
de la Première messe au Brésil, de la Bataille de Guararapes, du
Combat naval de Riachuelo et du Passage de Humait â par V escadre
brésilienne, sur le fleuve Paraguay.
M. Meirelles a peint dernièrement, en collaboration avec le
peintre belge Langerock, un grand panorama représentant la
ville et la baie de Rio-de-Janeiro. Ce panorama actuellement
exposé à Paris est l'un des plus beaux connus, et on y retrouve
toute la merveilleuse beauté de cette nature incomparable *.
M. Pedro Americo a peint plusieurs tableaux dont la beauté est
incontestée. Cet artiste a fait de longs séjours en Europe, notam-
ment à Florence.
Son portrait fait par lui-même figure avec justice dans la
galerie degli Uffizii de Florence dans la série des grands peintres
célèbres. Son grand tableau la Bataille d'Avahy et celui de la
Proclamation de V indépendance du Brésil comptent parmi ses
nombreux ouvrages comme les plus considérables.
MM. Meirelles et Pedro Americo sont professeurs de l'École
des beaux-arts de Rio.
On cite, entre les peintres de cette époque : MM. Grand-
jean Ferreira, Poluceno Manuel, Delphin da Camara, Souza
l'archevêque d'Evora. Voy. Balbk Essai statistique sur le royaume de Por-
tugal et Algarve, vol. II. page CC11 et Valliî Cabral. Annaes da Imprensa
National do Rio do Janeiro. Rio-de-Janeiro 1881.
1. Paria a déjà vu en 1824 un autre panorama de la baie de Rio-de-
Janeiro exécuté par M. Roumy d'après les dessins faits et envoyés du Brésil
par M. Félix Taunay. Ce panorama a été exposé à la rue Vivienne. M.Hippolyte
Taunay et M. Ferdinand Denis, qui est aujourd'hui le doyen des européens
brésilianisants, ont écrit à cette époque une Notice historique et explicative du
panorama de Rio-de-Janeiro. In-8°, chez Nepveu, libraire. Passage des Pano-
ramas, 1824.
53 I LE BRÉSIL EN 1 s su.
Lobo, Nascimento, A.gostinh.0 José da Motta1, paysagiste estimé.
Le paysage au Brésil exige an grand talent. Pour le pays
européen, les écoles sont créées, les modèles connus. Devant une
nature dont la reproduction ae se retrouve pas dans les toiles
des maîtres l'individualité de l'artiste doit se révéler dans la façon
de rendre cette nature dont les violences de ton et les formes
exotiques risquent d'impressionner désagréablemenl l'œil exercé
d'un connaisseur européen.
Depuis Post et Van Eckhout, les paysages du Brésil n'ont
encore trouvé leur grand peintre. Dans les grands voyages au
Brésil, on trouve de beaux dessins conservés psr la gravure etla
lithographie. Le peintre Rugendas a laissé de belles planches. On
doit citer également celles de l'Atlas du voyage de Spix et Martius,
du voyage du l)r Pohlet de celui du prince Maximilien de Wied-
Neuwied. Les dessins d*a ma leur pleins d'incorred ions, mais quel-
quefois d'un grand bonheur d'expression poétique, surtout pour
les paysages de l'Amazone, que feu le prince Adalberl de Prusse
a l'ail pendant son voy âge, sont aussi très intéressants. Ces dessins
princiers se trouvent réunis dans un riche atlas tiré à cent exem-
plaires. Aujourd'hui MM.Facchinetti, Wygandt, James, J.Grimm,
Caron et Vasquez, sont connus par leurs paysages.
M. Almeida Junior est un élève remarquable de Cabanel; plu-
sieurs de ses tableaux révèlent les grandes qualités de l'artiste.
On peut en dire autant de MM.Aurelio de FigueiredoetAmoedo.il
y a aujourd'hui plusieurs jeunes artistes de mérite qui travaillent et
dont nous consignons les noms sans indiquer leurs ouvrages. Ce
sont Mlle Abigail de Andrade, MM. Henri Bernardelli, le frère du
sculpteur de ce nom et auteur d'un beau tableau, YEl-Dorado,
Gastagneto, Parreiras, Bclmiro de Almeida, Villares, Pereira da
Silva, Pinto Perez, Medeiros, Zeferino Costa, Estevâo da Silva,
Leoncio Vieira, Bérard, Weingartner, Ballâ, Franco de Sa, Fir-
mino Monteiro 2, et un grand nombre d'autres.
Dans la sculpture on doit citer comme des artistes brésiliens :
MM. Reis et Bernardelli (Rodolphe). Ce dernier est l'auteur de
plusieurs ouvrages du plus grand mérite, la Femme adultère, la
Coquette, les statues de Alencar et de José Bonifacio et plusieurs
1. Quelques-uns il»* ces noms ont été fournis à M. Ed. Prado par au
travail de M. Félù Ferrcira, critique d'art brésilien, que nous avons reçu
malheureusement trop tard pourcel ouvrage. [Note de M. de Sant'Anna Nery.
2. Malheureusenoenl décédé dans La force de l'âge avant le développe-
ment de ses remarquables qualités d'artiste.
L ART. 533
bustes. M. Bernardelli a été chargé de faire les deux grandes sta-
tues équestres des généraux brésiliens Gaxias et Osorio. Le jeune
sculpteur a les qualités d'un très grand artiste, dont la puis-
sance de création el d'exécution sont admirables.
L'architecture a fait peu de progrès. Rio-de-Janeiro compte
quelques bâtiments importants, mais les matériaux sont mal
choisis, les marbres et les beaux granits du Brésil n'y sont guère
employés, et les architectes tout au plus sont des ingénieurs
civils, sans les connaissances artistiques spéciales. La maison
brésilienne, très souvent construite par de simples maîtres-maçons
ou charpentiers sur les indications défectueuses du propriétaire
ignorant, n'est pas bien aménagée en général, ni au point de vue
de l'hygiène, ni sous le rapport du confort.
La maison brésilienne en général est la maison portugaise.
Malheureusement on délaisse en ce moment dans les construc-
tions une des bonnes et belles choses, propres aux constructions
du Portugal. Nous parlons des faïences appliquées à l'extérieur
et à l'intérieur, les azulejos polychromes qui, renvoyant les
rayons du soleil conservent une agréable fraîcheur dans les
maisons qu'ils préservent de l'humidité des pluies. Les azulejos
sonl passés de mode parce qu'on ne les retrouve pas sur les
maisons du boulevard et ils sont remplacés par du plâtre très
hygrométrique qui verdit et est très peu durable sous le climat
de la côte du Brésil.
Les bâtiments construits par l'État sont en général trop coû-
teux, et le manque d'instruction des architectes en a fait quelque-
fois des monuments ridicules et qui ne présentent pas même la
solidité indispensable. De ce nombre sont le nouvel Hôtel de
Ville, l'Imprimerie nationale, l'Hôtel des postes et quelques Écoles
primaires. Des édifices plus anciens comme la Monnaie, l'immense
Hôpital de la Miséricorde, l'Hospice des aliénés sont bien supé-
rieurs à ces autres bâtiments.
La colonie portugaise a fait construire une bibliothèque qui
est de beaucoup le meilleur édifice de Rio-de-Janeiro, construit
dans ces dernières années, après le très grand et très somptueux
palais en marbre blanc et rose du comte de Nova Friburgo. La
bibliothèque portugaise est une application assez réussie du style
gothique, très orné et fleuri, qu'on retrouve en Portugal à la fin
du xvc et au commencement du xvie siècle et qu'on a nommé
« le gothique Manuelin » du nom du roi Don Manuel.
LE BRÉSIL EN 1889.
L'art des jardins dans un climat chaud et à riche végétation
devrait être plus que jamais Le complément de L'architecture. La
liste des plantes ornementales vivant au Brésil en plein air est
très grande. Aux plantes indigènes est venu se joindre un très
grand nombre de plantes importées, dès que l'horticulture com-
mença à faire des progrès.
Les jardins portugais étaient, il y a un siècle, les mauvaises
imitations en petit, du genre Le Notre, aux lignes droites, aux
plates-bandes symétriques, aux parterres encadrés par des
bordures de buis ; et très souvent des briques, des fond^ de
bouteille ou des coquillages en rocaille, remplaçaient le buis.
Ordinairement on entrait dans ces jardins par une grille en
1er, posée entre de lourds pilliers en briques surmontes soi i de
vases, soit de lions en faïence, soit de statues de terre cuite
émaillée, venues de Portugal, représentant des déesses, les quatre
saisons, etc., etc.
« Dans les villes, » écrivait en L821 Miss Maria Graham, peu de
maisons ont le luxe d'un jardin. Ces jardins ont plutôt l'air de
vrais pots à Heurs orientaux mais ils semblent convenir très bien
au climat. Les plantes des parterres d'Europe croissent à côté des
plantes plus gaies et des arbustes du pays. Elles sont ombragées
par les orangers, les bananiers, les arbres à pain (déjà presque
acclimatés ici) et les palmiers entre les allées droites de citron-
niers sous la floraison de neige du lilas des Indes Sur les
rigoles où l'eau coule amenée au bord des petites terrasses ou
des parapets, on voit des vases en porcelaine remplis pardesaloès
ou des tubéreuses, alternés avec des statues. Il y a quelquefois
des fontaines ou des bancs sous les arbres formant des abris très
frais et délicieux dans ce climat chaud1. »
Aujourd'hui les parterres sont gazonnés, les fleurs et les
arbustes plantés en corbeille. Dans les jardins publics et dans les
grands jardins particuliers le genre dit anglais est toujours adopté.
Avec un gazon velouté, très résistant et toujours vert, qu'il faut
faucher au moins tous les mois, avec la possibilité qu'on a d'avoir
des fleurs toute l'année, en été celles des pays chauds et en hiver
celles de la zone tempérée, avec les plantes grasses aux demi-
tons glauques, avec la régularité élancée des araucarias formant
des pyramides vertes étagées à côté des fûts monumentaux des
palmiers, du déploiement en éventail des uranias et des sagous
1. Journal of a voyage to Brazil, etc., etc., 1 vol. London, 1824, pag. 102.
I. ART. 537
ouverts en couronne, avec des massifs de plantes aux feuilles à
couleurs flamboyantes : le tout se détachant sur le fond sombre
des murs tapisses d'un lierre à petites feuilles adhérentes, on
parvient à Faire des jardins admirables qui peuvent se prolonger
mémo à l'intérieur des habitations, avec les fougères et les orchi-
dées plantées dans des vases ou pendantes du plafond dans des
suspensions. Rio-dc-Janeiro compte d'admirables jardins. De ceux
qui appartiennent à l'État, les plus beaux sont le Passeio Publico
cl ct'lui «la Acclamaçao qui ont été dessinés et plantés par
M. (ilaziou.
Dans ces jardins on a sacrifié un peu l'ombrage aux effets
de perspective qui sont ravissants. Mais dans un pays chaud
comme Rio-de-Janeiro, nous trouvons que dans les jardins et
dans les places publiques, on devrait planter plus d'arbres. Le
Jardin Botanique, fameux par son allée de palmiers, est cepen-
dant bien inférieur à d'autres jardins des pays tropicaux comme
ceux de Buitenzorg, de Peeradenya près de Kandy et celui sur les
bords de l'iloogly, à Calcutta.
L'intérieur de la maison brésilienne offre en général la même
nudité ou le même mauvais goût des maisons portugaises. Les
objets d'art sont rares. Les tableaux, les statues venus de l'é-
tranger, payent des droits énormes, ad valorem, comme desim-
pies marchandises. Les artistes nationaux qui ont du mérite se
jettent dans la peinture grandiose, font des tableaux plus vastes
que les appartements, et leurs prix sont encore plus élevés que
ceux des maîtres vivants de la peinture européenne. On n'ac-
croche au mur que des portraits, seule ressource des peintres
qui, n'osant aborder le monumental, veulent tout de même
vendre leurs toiles. Les paysages, les aquarelles, les peintures de
genre, les tableaux d'une grandeur modérée, destinés à embellir
les habitations sont délaissés. Dans le mobilier on a abandonné
les beaux meubles anciens en marqueterie, faits avec les bois
ravissants du pays, les bahuts et les autres meubles en palis-
sandre tourné et sculpté dans lesquels excellaient les ébénistes
de Bahia et de Minas1, les fauteuils en cuir noir orné de gros
1. L'écrivain de la Relation du voyage de U Air/le, écrit à Rio en 1706:
« Je viens d'acheter un bois de Jit et un beau et grand cofl're. J'ai fait
ici cette emplette sur ce qu'on m'a assuré que je n'en trouverais point à
Buenos-Ayres ». Ouv. cité page 276.
LE BB ÉSIL EN 1 889.
clous en cuivre, les lits à colonnes, la belle argenterie portugaise
et brésilienne de l'école de Valentim da Fonseca el de ses contem-
porains.
Nous devons maintenant parler de certaines industries brési-
liennes qui, par le caractère ornemental de leurs produits, ren-
trent sans doute dans le domaine de l'art. La plupart de ces
industries sont des industries régionales.
La dentelle et les broderies appartiennent en quelque sorte
aux provinces du nord du Brésil, principalement à Gearâ et à
Pernambuco où Ton voit de magnifiques spécimens de dentelles
à l'aiguille soit à point coupé soit à lil tiré, et Mes broderies en
couleur sur coton pour nappes, hamacs, etc., etc., pleines de
caractère bien que les patrons ne soient pas très variés, et se
rapprochant dans les dessins, des broderies orientales dont les
portugais héritèrent des Maure-, surtout dans les bandes de lacis
brodées en reprise, dans les bordures à dents découpées, ayanl
toujours des rosaces, des rinceaux, des feuillages conventionnels
et carrelés. Dans certaines parties du Brésil on fait grand cas de
ces belles dentelles et broderies, et toute la lingerie en est ornée à
profusion. Les serviettes, les draps de lit sont pleins de ces den-
telles, de volants, les coussins découpés par des bandes de den-
telle et très souvent une grande couverture d'une dentelle plus
lourde et d'une moindre valeur faite au crochet en une espèce de
point d'Irlande recouvre tout le lit. Les nappes d'autel et les
aubes sont souvent d'une grande richesse1.
1. A Rio-de-Janeiro l'art dos dentelles a été toujours inférieur à celui du
nord du Brésil. Luccock écrivait à ce sujet au commencement du siècle:
« Muny women white as well as black, eniploy themsclves in making
lace. Their method is somewhat curious ; they sit cross-legged upon a mat
spread on the floor, with the pillow beforethem, whichis a sorl of Hat cushion
nailed on a wooden frame, with two legs or fect at the hind part. The
bobbins are very heavy, and loaded with étrangles. The material is Cotton-
thread,very coarse, the patteru simple, i and the work ill executed; the colour
cannot be good where the workwoinan perspires profusely. She has do
knowledge ofparchment, particularîy ofthe kind used in lace- making in the
counties of Northampton and Buckingham ; instead of it she uses a pièce of
paper, vohich, is Qot firm enough to maintain the regularity of the pattern,
consequently the work is ofteu very indiffèrent. Nevertheless the proce
so tedious, and so much skill is required to produce a tolerable article,
thaï the price is high, and a presenl of lace always acceptable. It is ased, doI
od ladie's caps, for they wear noue ; bul is sometimes quilled round the besoin
of a chemise, or set as a flounice at the bottom of a pettieoat ; it is als<»
employed as a footing down the shoulder, and about the arm. N
Brazil, London, 1820, page lie.
L'ART. 539
Les jésuites estimaient beaucoup ces dentelles et l'art des
riches broderies d'église, qu'ils enseignèrent aux Indiens convertis
du Paraguay el du sud du Brésil. Au siècle dernier, quand les
Portugais s'emparèrenl des possessions jésuitiques, le général
Gomes Freire de Andrade, raconte le poète Basil io da Gama,
admirant les richesses d'une église indienne ne pouvait eroire
que les magnifiques broderies qu'il voyait fussent faites dans le
pays jusqu'à ce qu'il eut vu abandonnée sur le métier une splen-
dide broderie qu'on n'avait pas eu le temps de finir*.
Ornementations diverses. — La province de Rio-Grande-du-
Sud avait naguère une curieuse industrie, celle de la sellerie
i^rnoo avec une étonnante richesse d'ornementation, de tressés,
de piquetés, d'applications et autres combinaisons de cuirs vernis
et frappés ; surtout d'ornements en argent, souvent très lourds
niais très originaux.
Le pommeau de la selle, les étriers, les rênes, le mors et la
bride, les éperons étaient très souvent en argent ainsi que les
ceinturons, les manches et les gaines des couteaux de chasse. Les
cravaches avaient le pommeau en argent et étaient à moitié
tressées d'argent. L'ornementation de ces objets n'avait pas
beaucoup de fini ni de variété, mais elle avait un caractère
accentué.
Aujourd'hui les mœurs ne sont plus les mêmes, les longs
voyages à cheval ont été remplacés par des excursions en chemin
de fer et ces harnais pittoresques ont été échangés contre les
produits moins riches mais plus pratiques de l'industrie euro-
péenne. Mentionnons encore comme des produits de l'orfèvrerie
du sud du Brésil, les porte-monnaie en tissu de mailles d'ar-
gent et l'ornementation en argent des coupes faites de noix de
coco ou des calebasses indiennes destinées à cette boisson sud
américaine, le thé du Paraguay, c'est-à-dire le maté. On trouve
dans l'ouvrage de Debret le très curieux dessin d'une de ces
coupes, qui a une forme ressemblant beaucoup à celle de cer-
taines coupes en vieux verre colorié de Venise, de celles pro-
duites à Murano. La coupe est formée parla moitié d'un coco
et enchâssée dans un entourage d'argent, unie à une anse aussi
d'argent extrêmement riche et garnie d'enroulements de tiges en
1. 0 Draguât. Lisbonne 1769. Cant. IV, note page 86. Cette note a été
supprimée par Varnhagen dans sa réimpression de TUraguay.
540 LE BRÉSIL EN 1
filigrane, donl l'élasticité procure an léger balancement aux
fleurs el aux oiseaux qu'elles soutiennent. Le pied esl égale-
ment d'argent et la forme élégante ne cède en rien au reste
du vase pour la richesse. Ces vases étaient confectionnés
avec le plus grand soin par des orfèvres indigènes, dans les
provinces de Santa-Catharina et do Rio-Grande-do-Sul. Ces
demi-calebasses qui, une fois sèches, onl une dureté et une
légèreté considérable sont nommées couias. Dans l'Amazone, les
Indiens savent donner à certaines de ces couias un vernis très
brillant, un vrai laqué aux couleurs inaltérables. Ordinairement
l'intérieur de ces couias est d'un beau jaune doré et l'extérieur
d'un bleu foncé, très brillant, moucheté de noir. Nous n'avons pu
trouver nulle part une description précise de ce procédé de
lai | nage.
Debret (Vol. I, p. 51), s'occupe de quelques-uns de ces produits
et prétend que les couias sont ornées soit de dessins blancs tracés
avec une pointe sur un fond colorié, soit d'ornements d'un effet
plus compliqué, dont les détails sont nuancés de différentes
couleurs. Pour obtenir les fonds noirs, on enduit de résine la
place qu'on veut teindre et on la frotte avec un charbon, espèce
de fusain, niais encore chaud ; pour obtenir le dernier poli, la
surface est frottée fortement avec une spatule lisse, d'un bois fort
dur ce qui donne un luisant inaltérable. Les couleurs variées
sont dues à des terres blanches, jaune clair et rouge brun, très
solidement fixées par des résines. On ferait bien au Brésil de ne
pas laisser se perdre ce procédé d'ornementation avec lequel les
artistes indigènes obtiennent de si beaux effets d'éclat et de
couleur.
Pour en finir avec les arts d'ornement au Brésil, nous tenons à
faire remarquer une industrie actuelle qui n'est pas sans valeur et
qui se rattache à la question de l'art dans la parure. Nous voulons
pulcr des Heurs et autres ornements, confectionnés avec les
plumes brillantes des oiseaux du Brésil. Cet art qui remonte,
comme nous l'avons vu, aux indiens, a toujours été plus ou moins
pratiqué par les colons, spécialement par les religieuses, dans les
couvents. Aujourd'hui, l'industrie des ornements en plumes,
destinéesà la parure a une importance commerciale. Un voyageur
français, M. Max Eladiguet en parle en ces termes :
« Parmi les étalages séducteurs qui bordent la ruado Ouvidoi*,
nous devons une mention particulière à ceux des atelier- de
tlcurs en plumes, industrie qui semble avoir atteint son apogé à
L'ART. 541
Rio-de-Janeiro. En effet, ces fleurs composées avec le plumage
éclatant de certains oiseaux, joignenl au mérite de leur couleur
inaltérable un fini précieux d'exécution et peuvent rivaliser avec
les œuvres les plus parfaites de Batton et de Nattier. A l'exacte
imitation des fleurs naturelles vient se joindre la foule des fleurs
imaginaires el impossibles, enfantées parla fantaisie. 11 en est
parmi ces dernières qui semblent jeter des couleurs phospho-
rescentes. Cel effet est produit par certaines combinaisons de
plumes ravies à la plume enflammée des colibris. Les ailes étin-
celantes servent aussi à former des bouquets et des parures d'un
effet magique. Quand on visite ces ateliers, on voit avec surprise
éclore ces merveilles de délicatesse entre les mains intelligentes
d'enfants très jeunes. » Ces fleurs en plumes, les parures, les
éventails faits avec les coléoptères dorés, sont aujourd'hui très
connus en Europe. Dansl'énumération des industries brésiliennes
ayant un côté artistique, on ne saurait les oublier.
Céramique. — On a cru pendant longtemps que les indiens du
Brésil n'avaient pas d'autres poteries que les plus rudimentaires.
Le professeur llartt prétend qu'on n'a jamais trouvé nulle part
des poteries séchées au soleil sans qu'on en découvrit d'autres en
même temps, cuites au feu1.
Ceci revient presque à affirmer qu'on n'a pas cuit des pote-
ries au soleil, car, l'avantage de la cuisson au feu, une fois re-
connu, on ne songerait plus à employer de la chaleur solaire. D'un
autre côté, MM. ïschudi et Rivero pensent que la poterie péru-
vienne n'était pas cuite au feu. Les premiers voyageurs qui ont
visité le Brésil parlent des poteries des indiens, des femmes qui
les pétrissaient et de la cuisson au feu. On en faisait pour la
préparation d'une boisson fermentée nommée caouïm, d'aussi
grandes qu'un tonneau, selon Gabriel Soares, l'écrivain du
xvie siècle.
On connaissait aussi les grandes urnes funéraires remarqua-
bles par leur taille, puisque le cadavre y était introduit et y était
maintenu accroupi. Quelques-unes de ces urnes appelées camucim,
corruption de cumbuchi2 sont ornées d'imbrications moulées. Les
i. Archivos do Museo national do Rio-de-Janeiro, vol. VI, p. 67.
2. Tous les nouveaux écrivains brésiliens, à l'exception de Varnhagen et
Baptista Caetauo, les nomment igaçaba ce qui est une erreur, igaçaba vou-
lant dire — vase à eau. Un des endroits où l'on a trouvé un grand nombre
de ces urnes est appelé Camutins, dérivation probable de Càmbuchi.
LE BRÉSIL EN 1 s M».
découvertes faites à Pacoval, dans l'île de Marajd, à L'embou-
chure de l'Amazone sont venues modifier Les idées reçues au su-
jet de la céramique des indiens du Brésil.
Jusqu'alors on ne connaissait de ces produits d'argile que
«eux provenant d'une industrie grossière, des ustensiles néces-
saires ou simplement utiles, u'ayanl d'autre caractère que la
convenance, c'est-à-dire, selon Charles Blanc, Le juste rapport
de La forme à la destination de L'objet. Du jour où L'œuvre
du potier, dit-il, a été conçue comme un symbole, du jour où le
vase a été imaginé, non plus pour un usage domestique, mais
pour exprimer une pensée ou un sentiment, pour devenir un
présent d'amitié, un gage d'amour ou un pur objet de luxe, la
céramique s'est élevée au rang des arts, et c'est alors qu'elle a
dû se soumettre aux trois conditions éternelles du beau : l'ordre,
la proportion et l'harmonie. Et cette corrélation de la céramique
est si vraie, qu'elle est manifestée jusqu'à l'évidence par le lan-
gage. Les termes qui désignent les divers membres du vase: les
lèvres, le col, le collier, les oreilles, les épaules, les flancs la
panse, le pied, disent assez que cette grande analogie des créa-
tions de l'homme artiste avec la figure humaine, a toujours été
présente à l'esprit des peuples qui ont inventé les perfectionne-
ments de la céramique et en ont créé la langue.
Or les vases et les plats trouvés à Marajô révèlent de la pari
des artistes, (c'est-à-dire des femmes dont on voit les traces dur-
cies des doigts à L'intérieur de certaines poteries faites par un
enroulement soigneux de cordes de terre glaise, disposées en
spirale), non seulement une observation instinctive des règles
artistiques, mais surtout cette préoccupation de la figure hu-
maine qui est en même temps la plus haute et la première ex-
pression de l'art.
Ces vases 4 sont de la plus belle proportion et ils révèlent tous
une préoccupation de beauté de la part de l'artiste qui ne s'est
plus contenté d'obtenir la simple convenance, autant quant aux
formes qu'à la décoration gravée et peinte. Ainsi leur base est en
gênerai égale au diamètre moyen ouau diamètre supérieur ; l'ori-
fice est élargi et la base rétrécie si la forme est clavoïde ; tous ont
la première condition des produits céramiques, c'est à-dire un sens
bien accusé, ou si l'on veut, une dimension dominante. Pour donner
une idée de leur caractère et de Leur originalité, il suffit de dire que
1. Planche noa 1 .*i 6. Vol. vi de? Archives do Museu-Naeioiial.
L ART. 543
malgré la beauté de ces vases, on ne peutà la rigueur les identi-
Ser entièrement dans leur forme avec aucun vase grec, car ils
présentent des combinaisons vraiment nouvelles de l'ovoïde avec
les formes cj lindriques et clavoïdes agrémentées de renflements
et de rétrécissements harmonieux. Quant à leur polychromie,
elle est caractérisée par le jaune, le gris, le rose, le rouge orangé
el un peu de noir dans les détails, mais jamais comme fond. Ce
qui semble le plus curieux dans l'ornementation de ces vases,
c'est qu'on y voit trois ornementations assez distinctes les unes
des autres: les grecques soit rectilignes soit curvilignes à enrou-
lements ondes et contenus1 ; les ornements à lignes brisées, re-
liées en spirale2; dans deux vases gris ornés de noir3 on ne
retrouve aucun de ces caractères. Les objets sculptés doivent
être antérieurs aux poteries peintes. Les études faites jusqu'à ce
jour n'autorisent aucune tentative de classement. Les découvertes
de Marajô sont récentes, et le problème du passage par l'Amazone,
d'hommes plus civilisés que les Indiens actuels appartenant aux
hypothèses des ethnographes sort de notre plan; nous avons
voulu à peine signaler ces découvertes de Marajô, que le Muséum
de Rio-dc-Janeiro a lait connaître dans le savant recueil de ses
Archivos déjà cité et dont la publication est due à M. LadislauNetto.
La céramique actuelle au Brésil n'a pas fait de progrès depuis
200 ans. On n'a fabriqué qu'une fois de la porcelaine au Brésil.
J. Manso Pereira, ayant trouvé du kaolin dont l'existence est
d'ailleurs signalée avec certitude sur plusieurs points du Brésil,
en fit, au siècle dernier, à Rio-de-Janeiro, quelques objets, des
camées, etc., etc. La poterie émaillée y est signalée aussi. On ne
connaît au Brésil que la première classe des produits céramiques
selon la division faite par Brongniart, c'est-à-dire les poteries
tendres, rayables par l'acier, comme les terres cuites en général,
les poteries lustrées et vernissées au plomb ou autrement et
opaques.
Des argiles qu'on trouve au Brésil, on fait un grand nombre
de vases de toute grandeur. Dans une planche de l'ouvrage de
J.-B. Debret, on trouve une collection de ces poteries aux formes
variées et originales. Ces vases sont faits de différentes espèces
d'argile et ceux de certaines provenances sont très estimés. Ordi-
1. N°a 1 à 5, planche 1; n°* 2, 8. planche II: nos 11, 13, planche V n0-
7, 9 et 10 : planche V a ;
2. N°» fi. 4, planche I : n° 7, planche II : n° 7, planche V : n° I plancheV a.
3. Noa fi et 8 : planche V b.
5 1 I LE i;i; ÉS1 L EN 18 89.
nairement, avant la cuisson, ils sont peints avec une sorte de lait
d'ocre délayée, destiné à leur donner la couleur rouge. Ces vases
sonl destinés à garder de L'eau (Talha, pote) ou pour servir,
soit de vase à boire, soit de carafe à verser l'eau dans des verres
quartinha, moringue). La poterie de Bahia, de Pernambuco et de
Santa Gatharina faite d'argile uoire ou rouge est la plus estimée.
Elle est suffisamment poreuse pour que L'évaporation se puisse
faire à L'extérieur en amenant L'abaissemenl de La température
de l'eau, mais sans cpie L'eau en suinte autant que dans les
goullehs d'Egypte ou dans les alcarazas d'Andalousie dont la cou-
leur jaunâtre est si laide, comparée au rouge vif des poteries
brésiliennes. Celles de Bahia sonl particulièrement estimées.
Elles sont quelquefois très ornées, surtout les grandes amphores
peintes sur des fonds à L'émail, en vert ou en bleu, rehaussé de
dorure sur les dessins. Aux bords de l'Amazone et spécialement
à Gametâ et à Brèves, les gens du pays font des poteries ornées
de dessins en couleur et affectant le plus souvent la forme d'ani-
maux de la contrée (perruches, tortues, etc.), mais on remarque
qu'ils deviennent de moins en moins habiles dans cet art. Cette
poterie est blanchie d'abord avec une terre blanche et après la
cuisson, on la peint à une aquarelle très voyante, sur laquelle
on étend un vernis, une résine, le Jutahy-Sica dissoute dans
l'alcool1. Dans la planche de Debret que nous avons citée, il y a
une grande collection de poteries du Brésil. L'auteur se borne
à leur trouver un vague caractère arabe et égyptien. Le carac-
tère arabe s'explique, car ce sont les portugais, qui ont tant
des arabes, qui ont introduit au Brésil les formes de poterie dont
nous nous occupons. Nous voyons dans cette planche une grande
talha, à couvercle, à anses, avec de grasses moulures verticales
et espacées. Ce grand vase oviforme étant apode rappelle, sans
altération le style égyptien même dans le système d'enchâssement
qui le supporte, pied ou table fait de bois léger, ordinairemeatdé-
coupé sur le contour du vase auquel il appartient; usage d'autant
plus nécessaire, que la tablette de support reçoit le suintement
du grand volume d'eau contenue dans ce vase de terre trop
peu cuite et qui, se manifestant plus particulièrement à sa base, en
dissoudrait promptement le pied. L'n autre vase clavoïde destiné
1. Dans une planche de l'Atlas «le l'ouvrage de Spix et Martius on voit
quelques cuvettes, pots et plats à barbe faits de cette poterie. L'influence
européenne s'y fait sentir, non seulement dans la forme des objets mais aussi
dans leurs ornements.
L ART. 545
aussi à contenir une grande quantité d'eau, se présente avec un
aspecl arahe très caractérisé et plus sévère; il est également en
terre rouge, les ornements, c'est-à-dire des ovules à l'entour du
diamètre moyen et près du bord, sont repoussés à la main. Les
quatre petites anses de cette talha sont d'une forme singulière
(>( enrichies d'une tète humaine sculptée et peinte d'une couleur
verte vernissée. Ce vase est d'une grande correction, sa hauteur
représentant deux fois son diamètre moyen, comme il convient à
ces vases. Debrct donne aussi le dessin d'une talha pas aussi
considérable que les précédentes et qui serait plutôt un pote.
Il a environ 90 centimètres de hauteur. Il est formé par une
énorme boule, surmontée d'un large entonnoir et peut être
considéré comme un type de la plus pure simplicité égyptienne.
Étant presque apode il rappelle l'utilité d'un support en bois
pour donner un point d'appui à sa base arrondie. C'est une vraie
lagene égyptienne turbinée et au corps oviforme ayant toute
l'élégance et la grâce de cette forme.
Dans les vases de terre cuite rouge d'une moindre grandeur,
les quartinkas et les moringues, on trouve quelquefois des formes
hindoues, vernissées en couleur dans les parties étranglées,
élancées avec des cols et des anses en torsades comme dans les
faïences de Valence.
Nous avons peut-être décrit trop longuement ces terres cuites
sans valeur dont la fabrication ancienne change chaque jour, et
dont les formes caractéristiques sont délaissées. Les collection-
neurs de l'avenir sauront les apprécier et quand la céramique
commencera à se développer au Brésil, on devra revenir à ces
vieilles formes dont nous n'avons pas voulu omettre la mention
de l'art naïf et la merveilleuse simplicité.
Musique. — Tous les voyageurs qui ont visité le Brésil
parlent des grandes dispositions musicales de ses habitants. Les
premiers missionnaires s'étonnaient de la facilité avec laquelle
les indiens apprenaient les cantiques de l'église. Ces indiens
avaient déjà des mélodies primitives, qui leur étaient propres ;
Jean de Léry les notait au xvic siècle et, à près de trois cents ans
de distance, Spix et Martius les retrouvaient presque sans chan-
gement chez ces sauvages1.
1. Reise inBrasilien. Vol. I, page 374 : « Es ist merkwurdig dass die Melo-
dien, vselche Lehy vor mehr als zvveihundert Jahren bei den Indianern in der
Nahe von Rio-de-Janeiro aufzeichnete, sehr vicie dehnlichkeit mit den von
uns bernerkten haben. Manvergl. Lery, Hist. nav. in Brasil. Genev. 1594.
35
546
LE BRÉSIL EN 1889.
« Les sauvages, en Leurs chansons, vont communément/dit ce
dernier, disans et répétans souvent en ceste façon :
• , L <_ '
^=^==Ù=^=^-^^-^-^r-^_
-6-7
Ca ni de iou u& ca_ ni de lou.e heu ra oue cL
c'est-à-dire un oyseau jaune, an oyseau jaune, etc., <iLc, car
ioune ou ioup veut dire jaune en Leur Langage l. » « Camouropouy-
ouassou est un bien grand poisson (car aussi ouassou en langue
brésilienne veut dire grand ou gros, selon l'accent qu'on luy
donne) duquel nos Toùoupinambaoults dansans et chantans, font
ordinairement mention, disans et répétans souvent en ceste sorte :
^T'iili il UUJ-U444
Pi.ra ou-aâ sou a ._ o ueh,Camouroupouy ou. as sou a oueh
etc., etc.: Camouropouy-ouassou-a-oueh, etc., etc., est fort bon a
mander
Lery assista aussi à une sorte de cérémonie ou de danse reli-
gieuse des sauvages, qu'il appelle un « sabbath » où il les entendit
« regretter leurs grand pères décédez, lesquels estoyent si
vaillans : » et « s'estant consolez, en ce qu'après leur mort ils
s'asseuroyent de les aller trouver derrière les hautes montagnes,
où ils danseroyent et se réjouisseroyent avec eux3. »
« Mais après que les hommes peu à peu eurent eslevé leurs
voix et que fort distinctement nous les entendismes chanter tous
ensemble et répéter souvent cette interjection d'encouragement,
g
<HMJr4+^rf5JE5£pgj
.He heu ra. heura-heu-raheu.ra-heu_ra-heuraheura.ouech;
1. Jean de Ler-ï : Histoire d'un voyage faict en la terre du Brésil. chap.X.
11 est très regrettable que dans sa réimpression .le l'édition française de Lery,
devenue très rare, ainsi que les éditions latines, M. Gaffarel ait supprimé
cette notation.
2. Ibid. Chap. XII.
.'3. Ibid. Chap. XVI.
L ART.
547
nous l'usines tous esbahis que les femmes de leur costé leur
respondans el avec une voix tremblante, réitérans ceste mesme
interjection h<\ he, h<\ ke l
Lery ajoute encore :
u Or ces cérémonies ayans ainsi duré près do deux heures, ces
cinq ou six cens hommes sauvages ne cessans tousiours de danser
et chanter, il y eut une telle mélodie, qu'attendu qu'ils ne sçavent
que c'est de musique, ceux qui ne les ont ouys ne croirôyent
iamais qu'ils s'accordassent si bien. Et de faict, au lieu que du
commencement de ce sabbat (estant comme j'ay dit en la maison
des femmes), j'avois eu quelque crainte, j'eus lors en récompense
une telle ioie, que non seulement ouyans les accords si bien
mesurez d'une telle multitude, et surtout pour la cadence et le
refrein de la balade, à chascun couplet tous en traisnant leurs
voix, disans :
é-&— 4> <> f~T~T~1> ? 9 9 ^
He he bë he he he he he be he,
j'en demeuray tout ravi : mais aussy toutes les fois qu'il m'en
ressouvient, le cœur m'en tressaillant, il me semble que je les
ave encore aux oreilles. Quand ils voulurent finir, frappans du
pied droit contre terre plus fort qu'auparavant, après que chacun
eut craché devant soi, tous, unanimement, d'une voix rauque ,
prononcèrent deux ou trois,
jf":' f î T T t ï^
o — c
^3
He be hua he bua he hua hua he hua
et ainsi cessèrent2. »
Ces fragments de mélodies rudimentaires sont peut-être les
seuls qui ne soient pas perdus de ce qu'à peine on pourrait appeler
la musique indienne, il y a trois cents ans. La musique populaire
du Brésil dans laquelle ont concouru l'élément portugais, l'élément
indien et l'élément africain, ainsi que la musique des indiens
i. Ibid. Chap. XVI.
2. Ibid. Chap. XVI.
54S LK BRÉSIL EN 18 89.
actuels a été étudiée par Spix et Martiusqui en ont fait un recueil
remarquable '. Les musiques de La fête des Indiens Coroados, des
danser des Puris, des Muras, de Juri Tabocas, des Mirauhas, les
chansons des indiens de Elio-Negro, leur danse des poissons etc.,
uni été éditées pour La première fois formant un petit recueil du
plus haul intérêt. Il est regrel laide que ces morceaux de musique
n'aient pas été jusqu'aujourd'hui L'objel d'un travail régulier, ou
que ces thèmes n'aienl pas reçu un accent nouveau prêtant à la
mélodie mère une couleur plus vive sans en altérer le sens pri-
mitif. C'est ce que M. Ambroise Thomas a l'ail pour des mélodies
péruviennes recueillies par M. Rivero et par le professeur C.-E.
Sœdling, de Stockholm -.
La poésie populaire au Brésil révèle les caractères ethnogra-
phiques des races qui ont peuplé le pays. Ce sont les chants
portugais, modifiés dans les paroles par l'addition de quelques
expressions brésiliennes, ou bien des productions spontanées au
milieu brésilien, s'associant soit au lundum lascif, chant a moitié
africain, rendu dans une forme portugaise et qui est plus parti-
culièrement propre à la province de Bahia où l'élément noir a
été le plus puissant au Brésil, soit à la modinha de Minas-Geraes,
romance sentimentale et traînante, chantée avec un accompagne-
ment très chromatique3.
On a fait au Brésil plusieurs recueils de ces poésies, mais leur
musique est encore éparsc. M. de Santa-Anna Néry, qui a publié
récemment un livre en français sur ces chansons populaires et
les a ainsi fait connaître de tous ceux qu'on appelle les Folk-
Loristes4, a ajouté à son travail quelques morceaux de musique
qui ne figuraient pas dans le recueil de Martius5. Ces morceaux
1. Brasilianische Volkslieder und Indianische Melodien. Musikbeilage zu.
D1 v. Spix und. Dr v. Martius. Reise iu Brasilien.
2. Voy. Congrès des Américanistes, à Nancy, 1875.
3. Les portugais excellent surtout dans un genre de chant qu'ils appellent
modinhas. C'est une espèce de chanson qui a un caractère particulier par
lequel elle se distingue des chansons populaires de tous les autres pays. Ces
modinhas et surtout celles nommées brésiliennes, sont remplies de mélodie et de
sentiment, et quand elles sont bien chantées elles pénétrent jusqu'à l'âme de
celui qui eu peut comprendre le sens. Les plus jolies et les plus renommées
sont celles de Coelho, Pires, Ayres, Antonio Joaquim, Nunes, José Edolo, en
Portugal, et Leal, Dona Marianna, Joaquim Manoel et le père Toiles au Brésil.
— Balbi. Essai statistique su?* le royaumede Portugal, vol. 11. page CCXI1I.
i. l'.-.l. de Santa-Anna Néry, Folk-Lore Brésilien^0 1889, Paris, chez Pcrrin.
li. M. Sylvio-Romero a lait un très remarquable travail sur les contes
et les chansons populaires au Brésil, en réunissant les recherches de ses
devanciers qu'il a soumis à une critique éclairée et fait valoir à côté de ses
propres travaux plus étend us.
L ART. 549
ont attiré rattention dos artistes, et reminent critique musical,
M.J.Weber, s'é tant déjà occupé de mélodies chinoises, écossaises
et indiennes, où le demi ton manque, s'est intéressé aussi à un
chant indien inédit, publié par M. de Santa-Anna Néry, n'ayant
que la tonique et la note sensible et formant cependant, à l'aide
du rythme, une phrase mélodique bien accusée.
La mélodie a quatre mesures : elle est bien rythmée, mais
ne comprend que quatre notes : ut et si et leur octave. Quant à
la modinha, M. de S. -A. Néry en cite une, en mineur, d'une teinte
mélancolique que M. Weber croit n'être pas une création popu-
laire. Il en aurait dit autant des numéros 1, 3, 5 et 7 du recueil
de Martius1. Gomme un autre type de modinha un peu éloigné du
genre sentimental on pourrait citer la modinha en majeur, et à
l'allure gaie : Balaio, meu boni balaio !
Dans cette mélodie on remarque le goût des syncopes, qu'on
trouve souvent dans plusieurs autres chansons brésiliennes.
En général, observe M. Weber, la construction rythmique et
tonale est fort régulière. Il y a la chanson populaire en fa majeur,
comprenant l'intervalle d'une sixte comme Piroleta, et des
berceuses comme Tana, Tana où la mélodie reste dans l'étendue
d'une quinte le ton étant celui de fa dièze mineur sans note sen-
sible, se terminant sur la dominante.
Les instruments de musique indienne sont à percussion sur
du bois; les trompes et les flûtes seules sont des instruments
mélodiques. Ceux qui accompagnent les danses fandango, sapa-
teado, lundû et les chansons populaires des maîtres brésiliens,
sont tantôt la guitare, tantôt la viola (guitare un peu plus
petite et ayant des cordes métalliques) ou le cavaquinho (guitare
minuscule à quatre cordes).
Ce que nous savons des mœurs et de la culture des anciens co-
lons portugais ainsi que des métis, ne nous permet pas de croire
que leur musique fut intéressante. Le voyageur français, François
Pyrard, qui visita Bahia en 1610, racontant l'existence d'un des
grands seigneurs du pays dit, qu'il avait à sa suite un français
qui « estoit musicien et joueur d'instruments, et ce seigneur
1. La chanson :
Quando o mal acaba
0 bem principia
recueillie par Langsdorf à Santa-Catharina semble appartenir au même type.
Voir son ouvrage : Bemerkungen auf einer Reise um die Welt, clen Iahren
1803-1807. Frankfurt, 1812. Vol. 1er, chap. n.
550 LE BRÉSIL EN 1889.
l'.ivnii pris pour apprendre à vingt on trente esclaves, qni tous
ensemble faisoient un accord de voix et d'instruments dont ils
jouoyent à toute heure1. »
Un siècle plus tard, un autre voyageur français, La Bar-
binais Le Gentil, qui séjourna aussi à Bahia en 1717 nous
donne une idée assez défavorable de la musique qu'il y entendit:
« Je n'entendois pendant la nuit que les tristes accords d'une
guitarre. Les Portugais en longues robbes de chambre, Le
rosaire en écharpe, l'épée nue sous la robbe, et la guitarre à la
main, se promenoient sous les balcons de leurs dames, et là d'une
voix ridiculement tendre ils chantoient des airs qui me faisoient
regretter la musique chinoise ou nos gigues de Basse Hrelagne2.»
Ce voyageur peu bienveillant rend compte également d'une fête
mi-mondaine, mi-religieuse à laquelle il assista. Il s'agissait
d'une veillée de Noël : « Dans toutes les maisons religieuses de
Portugal les jeunes mères étudient pendant l'année un certain
nombre de sottises et de chansons gaillardes pour les débiter
pendant la nuit de la Nativité. Ces dames étoient dans une
tribune ouverte et élevée, chacune avoit son instrument,
guitarres, harpes, tambourins, viguelles, etc., etc. Leur direc-
teur en entonnant le psaume Venite exultemm donna le signal.
Alors toutes les religieuses se mirent à chanter les chansons
qu'elles avoient étudiées avec tant de soin, chacune chantant la
sienne, et cette diversité de chansons et de voix formoit un cha-
rivari, qui, joint aux instruments qui étoient aussi peu d'accord
que les voix, donnoit une juste envie de rire. Elle sautoient et
dansoyent avec un si grand bruit, que je crus que semblables aux
Nonnains de Loudun, elles étoient possédées de quelque esprit
folct, ou d'un lutin d'une humeur gaie et joviale :î. »
Au commencement du siècle Spix et Martius en constatant le
peu de progrès des arts au Brésil, faisaient une exception pour
la musique :
« La musique est cultivée an Brésil, de préférence à tous les
arts, particulièrement à Rio de Janeiro et c'est certainement dans
cet art le premier, que les Brésiliens atteindront tout d'abord un
certain degré de perfection. Le Brésilien comme le Portugais, a
une oreille délicate et sensible aux modulations agréables et
1. Voyage de François Pyrard, d<> Laval. Paris, 1010, page 210.
2. Nouveau voyage autour du Monde, parM.Le Gentil, vol. 111. Amster-
dam, L747, page lî8.
:;. Ibidem, page 1 Ï9.
L'ART. 551
à toute mélodie régulière. La guitare (viola) ici comme dans le
midi de L'Europe esl L'instrument favori. Un piano forte, au
contraire, esl une pièce de mobilier Tort race et qu'on ne ren-
contre que dan- les maisons les plus riches. Les chansons natio-
nales, sont chantées avec L'accompagnement d'une guitare et sont
en partie d'origine portugaise et en partie composées dans le
pays. Par Le chant et par le son de l'instrument, le brésilien est
facilement porté à la danse qui consiste, dans la société polie,
dans «h1 gracieux cotillons et chez les gens de bas étage dans
des mouvements de pantomime et des attitudes semblables aux
danses des nègres. L'opéra italien est jusqu'aujourd'hui très-
imparfait, sous le point de vue des chanteurs et de l'orchestre.
Une bande de musique instrumentale et vocale que le prince
royal l a fait former de nègres et de mulâtres est une preuve du
talent musical des Brésiliens. »
« Dom Pedro qui semble avoir hérité de son ancêtre Dom
JoâolV-, un talent très distingué pour la musique, dirige quelque-
fois lui-même son orchestre qui, étant ainsi encouragé, exécute
la musique avec le plus grand zèle. »
La musique italienne transportée du Portugal au Brésil, où
Pères et Giomelli la cultivaient, avec un certain éclat à la fin du
xviue siècle, y domina bientôt, et son influence s'étendit jusqu'aux
mélodies populaires.
Les maîtrises des églises devinrent les pépinières des musi-
ciens ; les nègres et les mulâtres s'y distinguaient particulière-
ment.
Quand le roi Jean VI3, qui cultivait lui-même la musique, s'éta-
blit au Brésil, son maître de chapelle, le maestro Marcos Portu-
gal, plus connu sous le nom de Portogallo en Europe, (1762-1830),
et qui était une célébrité de l'époque, admira, à Santa-Cruz la
résidence du roi à la campagne, les chœurs composés d'hommes
i. Dom Pedro Ier, empereur du Brésil.
2. Fions Ouvrage cité D. Pedro de Alcantara) dit de ce prince : «... il
apprit presque seul à jouer de plusieurs instruments, et quelques leçons de
Neukomm le mirent en état d'écrire ses compositions... Ce prince a écrit un
opéra en langue portugaise, dont l'ouverture a été exécutée dans un concert
donné au Théâtre-Italien de Paris, au mois de novembre 1832. Il a compose
aussi plusieurs morceaux de musique d'église, une symphonie à grand or-
chestre, et l'hymne de la Constitution qui a été gravé àDresdc, chez Frise, et
«à Hambourg, chez Bœhme. »
3. Le roi Joâo a composé le Crux Fidelis qui est, d'après Naumnnn, dans
le genre orthodoxe et selon la manière tendre de Palestrina. Ce morceau a été
publié la première fois par iNaumann.
552 LE BRÉSIL EN 18i
de couleur <jui avaient conservé les traditions de l'enseignemenl
musical des jésuites1. Le maître de chapelle de la cour qui avail
\u ses productions applaudies à Lisbonne, ses opéras joués avec
succès en Italie devail encore avoir une autre surprise dans Le
pays américain où il arrivait. 11 y trouva un compositeur brési-
lien, l'abbé José Mauricio Nunes Garcia2, (1767-1830), ({ni révélait
dans sa musique religieuse un talent bien plus grand el une inspi-
ration bien plus élevée, dit-on, que Portugal lui-même.
1. Nous croirions n'avoir atteint qu'imparfaitement notre but, «lit Balbi
[Essai statistique sur le Portugal, vol. II, | > ." i lt • ■ CCXIII) si nous ne Misions ici
en passant un mot sur une espèce de conservatoire de musiq établi depuis
longtemps dans les environs de Rio- Janeiro, et qui ('s^ destiné uniquement à
former des nègres dans La musique. Cette institution est due aux jésuites,
ainsi que (ouïes celles établies an Brésil avant l'arrivée du roi, qui se rattachent
à la civilisation et à l'instruction du peuple. Cet ordre puissant qui était le
plus riche propriétaire de cette vaste contrée, possédait une plantation de
vingl Lieues (retendue, nommée Santa-Cruz: à L'époque de La suppression des
jésuites, cette propriété l'ut réunie, avec tous leurs autres biens Immeubles.
aux domaines de la couronne. Lors de l'arrivée du roi à Rio-de-Janeiro,
Santa-Cruz fui convertie en maison royale. Sa .Majesté et toute la cour furenl
frappées d'étonnement, la première fois qu'elles entendirent la messe dans
l'église de Saint-Ignace deLoyola,à Santa-Cruz, de la perfection avec laquelle
la musique vocale et instrumentale était exécutée par des nègres îles deux
sexes, qui s'étaient perfectionnés dans cet art, d'après la méthode intro-
duite plusieurs années auparavant parles anciens propriétaires de ce domaine
et qui, heureusement, s'y était conservée. Sa Majesté, qui aime beaucoup la
musique, voulant tirer parti de cette circonstance, établit des écoles de pre-
mières lettres, de composition musicale, de chant et de plusieurs instruments
dans sa maison de plaisance et parvint en peu de temps à former parmi ses
nègres d*'^ joueurs d'instruments et des chanteurs très habiles. Les deux
frères Marcos et Simao Portugal ont composé tout exprès des pièces pour
ces nouveaux adeptes de Terpsichore, qui les ont parfaitement exécutés :
plusieurs ont été' agrégés parmi les musiciens des chapelles royales de Santa-
Cruz et de San-Christovam. Quelques-uns mène' sont parvenus à jouer des
instruments et à chanter d'une manière vraiment (donnante. .Nous regrettons
de ne pouvoir donner Les noms du premier violon, du premier fagot et du
premier clarinette de Sào-Christovâo et de deux négresses qui se distinguent
parmi leurs compagnes parla beauté de leur voix et par l'art et l'expression
qu'elles déploient dans le chant. (Elles pourraient soutenir larlutte avec les
premières virtuoses de l'Europe, dit M. de Freycinet). Les deux frères Marcos
et les plus grands connnaisseurs de Rio-Janeiro en font le plus grand cas.
■< Sa Majesté a assisté bien des fois à ih-> cérémonies religieuses où toute
la musique a été exécutée par ses esclaves musiciens. Son Altesse Royale le
prince du Brésil, qui possède des talents extraordinaires en musique et qui
joue de plusieurs instruments, entre autres du fagot, du trombonne, de la
flûte el du violon, a beaucoup contribué à perfectionner cel établissement,
unique dans sou genre, par l'encouragemenl qu'il donne à ces nègres el par
les grâces qu'il leur prodigue. Il n'y a pas bien longtemps qu'il a chargé les
frères Portugal de composer <\r* opéras qui ont été entièremenl exécutés
par ces Africains, aux applaudissements de tous les connaisseurs qui les ont
entendus. »
2. Voyez ce nom dans Fétis : Biographie Universelle des Musiciens. Supplém.
L ART. 553
Malgré L'admiration de ses contemporains et les plaintes des
amateurs, ses principales œuvres, toujours exécutées à Rio, n'ont
pas encore été publiées. On ne doit pas cependant le confondre
avec les génies inédits, avec les auteurs anonymes de chefs-
d'œuvre inconnus, avec les grands hommes stériles dont les
travaux se sont à jamais perdus, avec les artistes qu'un malheur
a seul empêché d'être tres célèbres, etc., etc., variétés intellec-
tuelles fort communes et fort admirées au Brésil comme dans
tous les pays où le public est doué d'une imagination vraiment
méridionale. Il est pourtant bien singulier qu'une grande auto-
rité musicale du temps, qui séjourna au Brésil du vivant de Nunes
Garcia et qui écrivit ses impressions n'en fasse même pas men-
tion. Nous voulons parler du célèbre Segismond Neukom, de
Salzbourg (1778-1858) élève de Meisauer et le disciple préféré de
Joseph Haydn, qui arriva à Rio-de-Janeiro en 1816 accompagnant
la brillante ambassade du représentant de Louis XVIII, le duc de
Luxembourg, lequel amenait également avec lui le naturaliste de
Saint-Hilaire. Recommandé au comte da Barca par Talleyrand
dont il a toujours été le protégé, Neukom reçut un traitement du
roi et donna des leçons de musique au prince royal devenu plus
tard l'empereur Pedro I ainsi qu'à la future impératrice, l'archi-
duchesse Léopoldine. Il ne cessa pas de composer, pendant les
cinq années qu'il passa à Rio-de-Janeiro. Excellent exécutant,
grâce à des réductions faites par lui pour piano et pour harmo-
nium, de la musique symphonique de Haydn, Mozart, Beethoven,
Hummel, il rendit leurs œuvres connues des artistes et des ama-
teurs qui en étaient privés par la difficulté de réunir un nombre
suffisant d'instrumentistes.
« Cependant les connaissances musicales des habitants de Rio,
disent Spix et Martius, n'étaient pas encore à la hauteur des
messes de Neukom, écrites dans le style des plus célèbres compo-
siteurs allemands. L'élan que le génie de David Perez (1752-1779)
avait donné à la musique d'église portugaise, s'est arrêté. Aujour-
d'hui, la première chose qu'on exige dans une messe, c'est qu'elle
soit une succession de joyeuses mélodies et qu'un long et pompeux
Gloria soit suivi d'un court Credo. C'est le style de Marcus Por-
tugal, aujourd'hui le compositeur favori des Portugais1. »
Alexandre Caldcleugh qui visita alors Rio dit que « l'on disait
généralement que la chapelle royale était organisée de façon à
1. Spix et .Martius : Rcisc in Brasilien, vol. I, p. 106.
.v 1 LE BRÉS1 1. EN 18S9.
satisfaire pleinement les amateurs de musique. Elle était consti-
tuée comme l'ancienne chapelle royale à Lisbonne et on n'avait
pas regardé à la dépense. Quatorze ou quinze sopranos mêlaient
leurs voix caractéristiques à la musique de Portogallo et des
meilleurs compositeurs religieux et formaient dans l'ensemble
un courant do mélodie très admirée spécialement par les étran-
gers. On peut dire qu'à l'exception des occasions où la cour se
trouvait présente, l'auditoire était principalement composé
d'étrangers et des classes les plus basses de la société4. »
M. de Preycinet parle au^si à cette époque des dispositions
musicales des Brésiliens :
« De tous les arts d'agrément cultivés par les Brésiliens et les
Portugais, la musique est relui qui a pour eux le plus d'attraits
et dans lequel aussi ils réussissent le mieux. Nous avons entendu
souvent avec admiration la musique de la chapelle royale, dont
presque tous les artistes étoient nègres, et dont L'exécution ne
laissait rien à désirer, l'n célèbre compositeur, Ifarcos Antonio
Portugal, venu de Lisbonne avec le roi, (doit le surintendanl de
cette institution musicale, qui lui doit, ainsi qu'à un Allemand
M. Noukom, aujourd'hui à Taris, les ouvrages les plus distingués
de son répertoire. On citoit encore quelques compositeurs de
moindre force, entre autres un mulâtre, l'abbé José Mauricio, qui
a du mérite. Mais pour l'exécution, rien ne m'a paru plus éton-
nant que le rare talent sur la guitare d'un autre mulâtre de Rio-
de-Janeiro nommé Joachim Manuel. Sous ses doigts cet instru-
ment avoit un charme inexprimable, que je n'ai jamais retrouvé
chez nos guitaristes européens les plus distingués. Le même
musicien est aussi Fauteur de plusieurs modinhas espèce^ de
romances fort agréables, dont M. Neukom a publié un recueil à
Paris-. ■> Joaquim Manuel, selon Balbi (vol. 11, page CCXI1I) était
renommé surtout pour jouer parfaitement d'une petite viole fran-
çaise de son invention, appelée cavaquinho.
Pendant son séjour, Neukom fournit à Le Breton les notes
sur lesquelles celui-ci écrivit à Rio sa Notice sur Joseph Haydn,
à l'occasion de la mort du grand musicien et il en joignit d'au-
tres à la traduction portugaise de cet opuscule publiée à Rio-de-
Janeiro en 18~20. l'ai- la fécondité de son talent, l'élégance, la
régularité et la grande correction de sa musique, où l'on aperçoit
i. Travels in South America during the years, 1819, 20. 21, etc., etc.,
London, 1824, vol. I. p. 62.
2. Ouvrage cité. Vol. I. page 216. Nous n'avons jamais pu voir <•»• recueil.
L ART. 55b
le refle( du génie de son grand maître, Nenkom a beaucoup
relevé Le goût musical à Rio- de -Janeiro. Son royal élève, qui
devint an excellent musicien et qui composa le bel hymne de
l'indépendance du Brésil, ne fut certainement pas le seul à pro-
fiter de ses leçons.
Il jouait souvent à la cour et chez Mmc de Langsdorf, la
femme du diplomate cl savant russe, qui avait un grand talent
musical et qui, en ce Icmps-là, recevait beaucoup le monde dis-
tingué cic Ilio-de-Janeiro.
Le compositeur brésilien Francisco Manuel da Silva, élève de
Portugal et de Neukom (1775-1865) parut à cette époque. Ses
compositions très estimées le désignèrent pour occuper le poste
de directeur du Conservatoire impérial de musique, lors de la
création de cet établissement. Parmi les élèves de ce conserva-
toire, on compte le maestro Antonio Carlos Gomes, né àCampinas
province de San-Paulo, en 1839. Ce compositeur, après avoir
écrit la Xoite do Castcllo, opéra joué en portugais à Rio, vint à
Milan et y fixa sa résidence. Son opéra, Il Guarany, tiré du roman
brésilien de J. de Alencar, fut chanté à la Scala, en 1870, avec un
grand succès, et plus tard sur presque toutes les scènes lyriques
de l'Europe. Son Salvator Rosa est un opéra très populaire en
Italie ; la Tosca est à coup sûr le plus savant et le plus com-
pliqué mais // Guarany, expression des mélodies indiennes et bré-
siliennes, reste, sous certains rapports, la plus originale de ses
œuvres.
Les troupes lyriques composées des plus célèbres artistes
chantent en italien à Rio-cle-Janeiro, presque tous les hivers et
des troupes italiennes font des tournées dans les provinces. Le
public préfère encore en général la musique italienne, mais les
concerts de musique classique sont très patronnés et très fré-
quentés ; le nombre des sociétés qui jouent et font jouer cette
musique, devient chaque jour plus nombreux. La grande immigra-
tion italienne et allemande dans le sud du Brésil fera certaine-
ment beaucoup pour le développement musical du pays. Les
sociétés chorales allemandes et italiennes sont nombreuses et les
brésiliens en font quelquefois partie. D'ailleurs le Brésil ne compte
pas de grands compositeurs, qui sont rares partout. Pour les
formes inférieures sous lesquelles on peut être musicien, c'est-
à-dire comme exécutant et comme auditeur, on rencontre
beaucoup d'amateurs.
« Dans presque toutes les maisons, écrit M. de Castelnau qui
556 LE BRÉSIL EN 18 89.
visita Rio en isn, l'on voit ou Ton entend un piano, souvent
même dans les pins ehétives, car le Brésilien, sans devenir
jamais savant musicien, a un goût naturel pour la musique et
sait l'apprendre sans maître l. »
Le Brésilien est un auditeur souvent enthousiaste, quelquefois
convaincu, toujours patient, et L'oreille musicale n'étant pas chose
rare, on rencontre fréquemment de bons exécutants et de belles
voix?.
.Nous venons de parcourir un peu à la hâte tout le champ de
l'activité humaine, où le Brésilien, depuis qu'il existe, a pu révéler
une préoccupation artistique.
Nous avons tâché de surprendre les premiers bégaiements de
l'art chez les sauvages, son apparition chez les sociétés coloniales
nouvellement établies au Brésil, ses manifestations, même les plus
simples et les plus naïves, chez un peuple qui, sur un sol nouveau,
s'esl formé d'éléments les plus divers. Arrivés à l'époque contem-
poraine, nous avons voulu voir comme ces tendances artistiques
s'étaient développées d'elles-mêmes, et si la civilisation extérieure,
en pénétrant dans le pays y avait apporté les arts d'anciens
peuples, plus avancés. De ce que nous avons exposé, il semble
résulter qu'on ne pourrait nier la capacité artistique du Brésilien,
étant même donné que le Brésil a été colonisé par un peuple qui
n'a jamais compté dans l'histoire de l'art européen. Nous avons
vu que le Brésilien a la préoccupation de la beauté : le sauvage,
des ornements voyants, des plumes éclatantes ; les métis et les
premiers descendants des Portugais, avaient enfin le goût des
riches ornements d'églises, des parures coûteuses et des bijoux.
1. Expédition dans les parties centrales de V Amérique du Sud, etc. Paris
1850. Vol. I. page 61.
2. Balbi (Essai statistique du Portugal, vol, II, page CCXVII\ parle d'une
famille Leal de Rio-de- Janeiro, chez qui le talenl musical étail héréditaire
depuis quatre générations : « M. Leal, le père, un des meilleurs médecins de
Rio, joue parfaitement du violon, et a des connaissances rares en musique.
Il a dix enfants, donl sepl garçons qui tous ont étudié à L'Université de
Coimbra, où ils se sont formés en diverses facultés. Ces dix enfants ont appris
la musique el jouent parfaitement de linéiques instruments où chantent avec
beaucoup de grâce et de précision. 11 est impossible de décrire l'habileté avec
laquelle les membres de cette famille exécutent les chefs-d'œuvre de Cimarosa,
de Rossini, de Marcos el d'autres grands maîtres. En 1808, celte famille se
rendit à bord du Foudroyant, vaisseau de ligne anglais commandé ;
Sidney Smith, qui avait accompagné le roi actuel, alors prince régent au
Brésil, et y joua seule une pièce italienne. »
L ART. 557
Dans Le résumé que nous avons voulu faire de toutes les mani-
festations artistiques produites au Brésil, nous avons vu que les
Brésiliens se sont déjà essayés à tons les arts et qu'aujourd'hui
Les vocations artistiques vraies ou fausses sont fort communes
au Brésil. Le nombre des mauvais artistes y est très grand.
Haïssables en elles-mêmes, ces fausses vocations ont une grande
valeur parce qu'elles démontrent que la préoccupation artistique
devient plus générale. A mesure que la moyenne de la capacité
intellectuelle croit, le nombre des talents semble diminuer sur le
théâtre social, car ils sont considérés, de moins en moins, comme
des exceptions. On les admirait jadis beaucoup au Brésil, où la
célébrité était facile. Cette situation semble se maintenir encore
pour l'artiste dans un pays, où n'ayant pas de concurrents dans
les classes dirigeantes, il est très encouragé. Il n'y a pas de petit
journal de province, pas de municipalité qui ne veuille, confiant
surtout dans l'inépuisable générosité de l'Empereur, pousser vers
Rio-de-Janeiro, ou envoyer en Europe, son peintre, son sculpteur
ou son musicien, destiné la plupart du temps à faire, pendant la
durée de sa carrière, des études moins brillantes que ses
promesses. On compterait par centaines le nombre de jeunes
Brésiliens venus faire des études en Europe aux frais de Dom
Pedro II.
On est parvenu à créer avec ce système, un mouvement arti-
ficiel et stérile, car ce n'est pas en envoyant en Europe des enfants
plus ou moins prodiges ou des génies plus ou moins incompris,
qu'on arrivera à encourager Fart brésilien. Supposons un instant,
qu'un jeune peintre, envoyé dans ces conditions, soit un Meis-
sonier ou un Cabanel ; qu'un musicien devienne un Gounod ou
un Massenet; Y art brésilien ne sera pas plus avancé pour cela. Il
y aura seulement à Paris un grand artiste de plus. .
Ces erreurs datent de loin et elles ont commencé par un
insuccès marqué dont Aug. de Saint-Hilaire nous rend compte
comme il suit:
« Louis XIV et le czar Pierre avaient fait venir de l'é-
tranger des savants capables d'éclairer leurs peuples, et l'on sait
combien furent heureux les succès qu'ils obtinrent. Le gouver-
nement brésilien eut aussi un instant l'idée de mettre à profit les
lumières des nations les plus civilisées ; mais, au lieu d'appeler
à Rio-de-Janeiro des professeurs instruits, qui, donnant leurs
leçons à de nombreux auditeurs, eussent rendu vulgaires des
connaissances utiles, on envoya en France de jeunes Brésiliens;
lu; br ksil en 1 889.
on fit pour cela des dépenses énormes, et on leur donna l'ordre
d'étudier et de devenir savants. Peut-être le but qu'on se propo-
sait n'eut-il pas été tout à fait manqué, si, mettant au concours
les places de pensionnaires, on eût fait partir pour la France les
sujets les plus instruits et les plus laborieux ; niais ce furent le
uépotisme et l'intrigue qui présidèrent au choix. Les puissants
du jour envoyèrent en Europe leurs parents et leurs créatures,
et, dans le nombre il se trouva des hommes qui auraient eu
besoin de prendre des leçons de grammaire et de calcul. Les
pensionnaires goûtèrent les plaisirs de Paris aux frais de leurs
compatriotes : on finit par se lasser de tant de dépenses, et l'on
mit à faire revenir cette jeunesse peu studieuse autant de bruta-
lité qu'on a mis peu de discernement en la faisant partir. La
circonstance que nous venons de citer ne fut pas la seule où le
gouvernement brésilien prétendit prouver qu'il n'était pas indif-
férent aux nobles travaux de l'intelligence. 11 voulut un jour
récompenser quelques étrangers célèbres, et son choix tomba
sur des hommes dont personne ne saurait contester le talent
supérieur. Comme il lui était impossible d'accorder des faveurs à
tous les genres de mérite, on croira peut-être qu'il donna la pré-
férence à M. de Humboldt, par exemple, qui a rendu tant de
services au continent américain ; à des savants qui, comme
MM. Spix et Martius, se sont attachés en particulier à faire con-
naître le Brésil, ses productions et ses richesses ; ou bien encore
à des hommes dont les importantes recherches ont eu une grande
influence sur les progrès des sciences les plus utiles, et contribué
à la prospérité de tous les peuples, à des hommes tels que les
Cuvier, les Gay-Lussac, les Poisson, les Davy, les Ampère, les
Arago, les Berzelius. Ce ne furent point là ceux que le gouverne-
ment brésilien songea à récompenser; il lit tomber son choix sur
Scribe et sur Rossini1. »
L'art, comme manifestation d'une civilisation nationale est
un effet qui ne laisse pas de se produire quand deux causes se
trouvent réunies : la richesse et l'instruction. Une prédisposition
naturelle à la race peut empêcher jusqu'à un certain point, que
ces causes ne produisent tout leur effet; c'était à peu près, ce qui
arrivait en Angleterre, avant le grand élan donné en ce siècle à
l'enseignement artistique.
1. Voyaqe dans le distinct des diamants sur le littoral du Brésil. Paris,
1883. Vol. 11, page 390.
L'ART. 559
Par contre, chez un peuple comme le Brésilien où les prédis-
positions naturelles sont favorables, ces deux facteurs de l'art
comme manifestation nationale, la richesse et l'instruction, peu-
veni produire leur effet beaucoup plus rapidement.
La richesse du Brésil esl très grande en nature. Le pays n'a
pas encore en en exploitation le centième de ses ressources. On
peut dire que la démocratie, qui est la vraie organisation poli-
tique <hi Brésil, en est aussi encore sa constitution sociale. On
n'y connaît pas les énormes fortunes, hors de proportion avec
celles des autres citoyens, qui créent aux États-Unis, une situation
rendant parfois nominales toutes les libertés, et l'égalité im-
possible. Sous ce point de vue pratique, le Brésil est même une
démocratie où l'on ne rencontre pas une aristocratie de fait, riche
et puissante nécessaire au développement du luxe et des arts.
Quand à l'instruction elle se généralise chaque jour davan-
tage. On adopte avec une rapidité merveilleuse toutes les nou-
velles théories et trop souvent hélas ! on croit que la dernière
doctrine parue en Europe est la meilleure. Malheureusement
renseignement supérieur où tous les progrès sont reçus, n'est
pas fondé sur une instruction secondaire aussi forte qu'on devrait
le désirer.
Au point de vue de l'art, on doit considérer deux sortes
d'instruction. L'instruction générale, de la nation qui ne dépend
que de sa civilisation et de sa richesse et l'instruction technique
et professionnelle d'une certaine classe d'individus.
Nous devons dire ce qui existe au Brésil dans cette branche
de l'instruction publique.
On compte l'Académie des beaux-arts fondée par le roi
Jean VI avec la mission française dont nous avons parlé.
Cet établissement n'a pas donné de grands résultats. A présent
il est presque désorganisé. La plupart des places des profes-
seurs sont vacantes. Certains professeurs habitent l'Europe, d'au-
tres sont occupés ailleurs. Cette Académie coûte à l'État
240.000 francs par an,
L'initiative privée a fondé plusieurs lycées d'Arts et Métiers
dont le plus important est celui de Rio-de-Janeiro qui compte
plus de 2.000 élèves et celui de Sâo-Paulo avec G00 élèves qui y
apprennent surtout le dessin et la musique. Le club Beethoven,
de Rio-de-Janeiro, maintient un cours de musique qui donne,
dit-on, de très beaux résultats. Dans les écoles primaires, on n'a
pas encore adopté le chant obligatoire ni la gymnastique,
560 LE BRÉSIL EN 188 0.
malgré Les efforts de quelques sociétés et do personnes éclairées.
Le dessin n'est pas cultivé noD plus dans les écoles secon-
daires. Les maîtrises des églises el des monastères, les collc-
giales des cathédrales, qui étaient autrefois des pépinières de
musiciens, sont en complète décadence, à cause du manque de
ressources "' à la suite de mesures peu intelligentes de la part
du gouvernement.
Dans cette tâche de l'instruction artistique, il y a des choses
dont la responsabilité incombe à l'État à côté d'autres qui sont
du ressort des particuliers.
Par rapport aux Beaux-Arts, Le gouvernement n'avait rien de
mieux à faire que de revenir au système de .Iran VI. Les vicissi-
tudes de la politique et la volonté de quelques puissants igno-
rants, ont empêché que son œuvre ne portât Ions -es fruits. Ce-
pendant on a vu ce que ses efforts ont produit.
Mais outre ce rôle tout spécial, les pouvoirs puhlics ont
une autre mission. La capacité artistique des brésiliens, pour se
perfectionner, doit être encore pendant longtemps, réceptive
plutôt que productive. Pour exercer l'art avec succès, il faut
commencer par le connaître. Or, l'éducation esthétique d'un
peuple ne se fait pas dans les cours ni dans les écoles spéciales.
Llle se fait partout : dans les rues en voyant de heaux bâtiments,
dans les musées, en remarquant les statues, et en observant les
reproductions des œuvres d'art de pays plus avancés.
Il semble que le gouvernement a trop souvent oublié cette
vérité au Brésil: qu'il est matériellement impossible que cette
éducation nationale se fasse par elle-même sans le concours de
l'étranger. L'artiste national ne peut être pendant longtemps
qu'une exception, brillante probablement, mais sans grande
utilité pour l'avancement de l'art en général, dans son pays.
Nous n'avons besoin que de professeurs et il faudra les chercher
dans les pays où on les trouve.
Pour le développement des formes les plus modestes de l'art,
de même que pour la peinture, la sculpture et l'architecture, ce
qui manque surtout au Brésil, c'est l'enseignement technique et
professionnel. L'artiste brésilien, tel qu'il se présente aujour-
d'hui, est le plus souvent une création factice de la bonne volonté
de ses compatriotes. Il se décourage facilement et plusieurs
d'entre eux, doués d'ailleurs de talent, s'en prennent au public
et au gouvernement de leur mauvaise fortune, quand ils de-
vraient se plaindre surtout de leur manque d'instruction et de
L ART. 561
leur défaut d'initiative. Si le public se montre encore indifférent
à leurs efforts, le gouvernement, en revanche, leur prodigue des
encouragements que les gens de lettres et les savants peuvent
leur rn\ ier ; I»1 gou\ ernement du Brésil a accordé de très hautes
distinctions à la plupart d'entre eux; l'État, les provinces, cer-
taines institutions ont payé pour leurs travaux des sommes
égales, sinon supérieures à celles données en Europe pour les
productions des artistes vivants les plus célèbres. Mais l'artiste
brésilien a la plupart du temps, l'ambition de faire trop grand.
Il vaudrait mieux pour lui, pour la jouissance du public et pour
L'éducation esthétique du pays, qu'il ne voulut pas avoir tou-
jours du génie. On pourrairiui conseiller d'avoir des aspirations
moins hautes et de produire davantage ; au lieu de chercher à
démontrer les injustices de tout le monde, qu'il se contente
de prouver la fécondité de son talent.
Il n'y a pas longtemps, un sculpteur est venu se plaindre dans
la presse de ce que le gouvernement lui avait donné seule-
ment 50,000 francs pour une statue de laquelle la plus modeste
ville de province en France n'aurait voulu à aucun prix.
La protection individuelle, les subventions aux artistes, même à
ceux du plus grand mérite ne peuvent pas être considérées comme
un sage système ni comme une façon de préparer l'avenir artis-
tique du pays. Pour cet avenir il est plus important qu'une
grande partie de la population sache un peu le dessin que d'avoir
trois ou quatre Meissoniers ou Cabanels.
Le grand rôle du gouvernement doit être celui de favoriser par
tous les moyens l'éducation artistique.
Le gouvernement du Brésil ne saurait rester en arrière des
autres pays nouveaux.
Quand nous voyons la Nouvelle Galles du Sud et le gouver-
nement de Victoria installer dans leurs musées de grandes
galeries de tableaux modèles, des collections complètes de repro-
ductions merveilleuses et fort bon marché des chefs-d'œuvre
de tous les temps et de tous les pays obtenues par les procé-
dés nouveaux ; quand le Canada fait de même ; quand le gouver-
nement de l'Inde fonde partout des écoles artistiques profes-
sionnelles, le Brésil ne saura se contenter de l'organisation
actuelle de son École des beaux-arts.
Si le gouvernement prend en main cette cause nationale, si
les particuliers la protègent, l'avenir artistique du Brésil pourra
être brillant. Les grands progrès industriels seront peut-être le
36
BRÉSIL EN 18 89.
partage d'autres peuples de L'Amérique, mais la prédisposition
artistique du peuple brésilien jusqu'ici peu développée, en con-
tact avec la grande immigration italienne et allemande ne man-
quera pas de s'accroître.
Avant l'unité politique, condition indispensable pour former
un grand pays, le Brésil aura dans L'épanouissement de la variété
de ses éléments, l'occasion de montrer aussi dans les arts la
puissance de sa vie et de son génie.
CHAPITRE XIX
INSTRUCTION PUBLIQUE
Par MM. de SANTA-ANNA NERY, le Baron de SABOIA, L. CRULS
et le Contre- Amiral Baron de TEFFÉ.
Au Brésil, renseignement primaire est du ressort de la pro-
vince et des municipalités, excepté dans le « Municipe Neutre »
où il est du ressort du ministère de Fempire. L'enseignement
secondaire relève des gouvernements provinciaux, mais l'État
entretient deux établissements secondaires dans deux provinces ;
et, à Rio-de-Janeiro, cet enseignement, de même que l'instruc-
tion primaire, relève de lui. Seul l'enseignement supérieur cons-
titue en fait un monopole de l'État, qui distribue les grades et
dispose d'établissements spéciaux où cet enseignement est
donné.
Nos municipalités et surtout nos provinces sont libres dans
le choix du personnel enseignant, dans la fixation des pro-
grammes, dans l'adoption des méthodes et dans la création des
écoles. L'État ne leur impose aucune contrainte administrative,
aucun droit d'inspection. Les examens qu'il fait subir aux can-
didats de toute provenance qui veulent prendre des inscriptions
dans les établissements d'enseignement supérieur sont le seul
moyen qu'il se soit réservé pour peser sur le programme de l'ins-
truction primaire et secondaire.
L'enseignement primaire est gratuit partout, en vertu de
l'article 170, paragraphes 32 et 33 du titre VIII de la Constitution
brésilienne du 25 mars 182-4, et Y Acte additionnel du 12 août 1834
564 LE BRÉSIL EN 18 89.
a déclaré ■■ qu'il appartient aux Assemblées provinciales de légi-
férer sut' l'instruction publique el sur les établissements aptes
à la distribuer », exception faite des établissements d'instruction
supérieure alors existants ainsi que de Ions autres qui seraient
créés dans l'avenir par une loi générale de l'Etat.
L'enseignement primaire est obligatoire dans certaines pro-
vinces ; il en est, d'autres où il demeure facultatif.
Quant à la laïcité, ce mot n'est pas encore entré dans notre
vocabulaire pédagogique. L'instruction religieuse est donnée
dans presque tous nos établissements scolaires, et, le plus sou-
vent, par des laïques, sans qu'il en soit résulté jusqu'ici de graves
inconvénients.
11 est fort difficile «le suivre l'évolution accomplie dans l'ensei-
gnement primaire au Brésil, car, pour le faire d'une manière
complète, il faudrait posséder toutes les lois, tous les règlements,
tous les budgets, et la liste de toutes les fondations des vingl
provinces de l'empire, maîtresses de leur organisation scolaire :
il faudrait, en outre, y ajouter toutes les données - • rapportant
au « Municipe Neutre », formé par la capitale <\r l'empire, car,
dans cette fraction nationale qui se résume en la ville de Kio-de-
Janeiro et sa banlieue, renseignement public, même primaire et
secondaire, est abandonné à l'État et se trouva annexé au dépar-
tement du ministre de l'empire, lequel a dans ses attributions
l'intérieur, le culte et l'instruction publique. Néanmoins, nous
croyons qu'il est possible de se rapprocher de la vérité, en pui-
sant dans les « Rapports des ministres de l'empire », dans les
« Rapports des présidents de provinces » et dans l'Almanach de
Laemmert, paraissant à Rio-de-Janeiro.
D'après ces sources, il y avait, en 1869, dans tout l'empire,
à peine 3.516 écoles primaires publiques, fréquentées par
115.735 élèves des deux sexes, soit une école par 2.394 habitants
libres, sur une population de 8.419.672 habitants selon le recen-
sement de 1872. Ce môme recensement ayant constaté que
1.902.424 habitants libres avaient l'âge scolaire, qui va de six ans
à quinze ans, il en résulte qu'en 1809 le Brésil possédait une
école pour 5 il enfants.
Cinq ans après, en 1876, on comptait déjà dans tout l'empire
presque 6.000 écoles primaires publiques, fréquentées par près
de 200.000 élèves «les deux sexes, soit une école pour 1.250 habi-
tants libres ou une école pour 31i habitants libres ayant l'âge
scolaire.
INSTRUCTION PUBLIQUE. 565
Cinq ans après, en 1882, le ministre de l'empire, M. Leâo
Velloso, calculail qu'il y avail dans tout l'empire 6.350 écoles
primaires, fréquentées par plus de "21)0.000 élèves. D'après son
rapport, le nombre des élevés avait augmenté de 27.632 et le
nombre des écoles, de s:>l, depuis 1882.
Présentement, le nombre des écoles primaires, tant publiques
que privées, dans tout l'empire, ne doit pas être inférieur à
7.500, et le nombre des élèves ne doit pas être loin de 300.000.
Notre calcul repose sur les données que nous possédons au sujet
de quelques provinces. A San-Paulo, où, d'après M. le conseiller
Leào Velloso, il y avait 774 écoles primaires en 1882, il y en avait
1.034, soit 260 de plus, en 1886, d'après la statistique officielle de
la province, qui, d'ailleurs, ne mentionne pas les écoles primaires
privées ; le nombre des élèves y était monté, en même temps, de
14.186 à 15.689, soit 1.503 de plus. Dans la province de l'Ama-
zonas, où le rapport ministériel signalait en 1882 à peine 86
écoles avec 2.350 élèves, le président Jansen Ferreira citait en
1884, 90 écoles primaires publiques (sans parler des écoles pri-
vées) avec 3.154 élèves, soit, en deux ans, une augmentation de
4 écoles et de 804 élèves.
L'enseignement secondaire est régi par les mêmes lois que
l'enseignement primaire, quant au principe de décentralisation.
Il en diffère en ce qu'il n'est pas gratuit forcément. L'État n'in-
tervient dans sa réglementation que pour déterminer les matières
exigibles pour les inscriptions aux cours supérieurs, dont il
détient de fait le monopole. Cependant, par une exception bizarre,
l'État entretient 2 établissements d'instruction secondaire dans
2 provinces : ce sont les cours préparatoires annexés aux facultés
de droit de San-Paulo et de Récife. En 1887, les cours prépara-
toires de San-Paulo ont été fréquentés par 301 élèves, et ceux de
Récife par 235.
A part ces deux institutions, tous les autres établissements
d'enseignement secondaire existant dans les provinces, sont sous
la dépendance des gouvernements locaux qui les entretiennent,
ou bien ils forment des collèges particuliers. Dans la ville de
Rio-de-Janeiro, où l'enseignement à tous les degrés dépend, par
exception, de l'État, il existe plusieurs sortes d'établissements
secondaires. Les uns sont entièrement publics et l'État pourvoit
à leur fonctionnement; les autres sont privés, et n'ont aucune
attache officielle ; il en est qui sont simplement subventionnés
LE BRÉS1 L EH L889.
par L'État, «■; qui n'en gardent pas moins leur existence propre.
Dans la réalité, on peut donc dire que L'enseignement secondaire
au Brésil est libre, avec un monopole de L'État.
Le premier des établissements de L'État est le « Collège
Impérial de Dom Pedro 11 », de Rio-de-Janeiro. Il possède des
cours élémentaires et des classes secondaires, et se compose d'un
internat et d'un externat. Les études ont comme couronnement
un diplôme de bachelier ès-lettres, qui permet à ceux qui l'ont
obtenu de prendre des inscriptions dans les différents cours
supérieurs sans subir d'examen d'entrée. C'est, d'ailleurs, le seul
établissement qui confère ce grade, lt a été fréquenté en 1887
par 569 élèves, dont 12 en sont sortis bacheliers ès-lettres.
Parmi les établissements que l'État subventionne à Kio-de-
Janeiro, on remarque : l'Institut pharmaceutique, qui entretien!
des cours d'humanités pour l'inscription aux écoles supérieures,
et qui est fréquenté en moyenne par 400 élevés tons les ans; et
e cours du soir pour le sexe féminin, où l'on enseigne la religion,
le portugais, l'italien, le français, l'anglais, l'allemand, Le latin,
la géographie et les mathématiques élémentaires. 11 a été fré-
quenté, en 1887, par 129 jeunes filles.
On compte à Rio-de-Janeiro un grand nombre d'établisse-
ments privés d'enseignement secondaire, fréquentés par près
de 4.000 élèves des deux sexes. Quelques-uns des établisse-
ments secondaires dirigés par des particuliers sont absolument
remarquables au point de vue du personnel enseignant, des
méthodes, du matériel et de la supériorité des études.
En dehors de la capitale, toutes les provinces se font un
devoir et comme un point d'honneur de posséder et d'entretenir
au moins un lycée et une école normale primaire dans le chef-lieu.
En 1882, il y avait dans tout l'empire (la capitale exceptée),
d'après la statistique ministérielle, 292 établissements d'ensei-
gnement secondaire, avec 1.228 chaires et 10.427 élèves, sans
parler de nombreux établissements privés. Dans les uns et les
autres, ce qu'il y a de plus remarquable, c'est l'importance que
professeurs et élèves attachent à la culture des langues vivantes.
Il est rare que les élevés qui en sortent ne sachent pas le français
et l'anglais. Beaucoup d'entre eux lisent l'italien et l'allemand.
En revanche, l'instruction générale et l'étude des langues mortes
semblent moins soignées qu'en France.
L'enseignement supérieur est tout entier entre les mains de
INSTRUCTION PUBLIQUE. 567
L'État. Cet enseignement n'est pas apte à être décentralisé tout de
suite au Brésil, où les grands centres de population sont assez
rares, et où l'installation d'établissements spéciaux absorberait
toutes les ressources des provinces grevées par d'autres dépenses
publiques plus urgentes. L'État entretient donc tous les établis-
sements de ce genre qui existent présentement, et il se reserve
la collation des grades. Depuis ces dernières années, l'enseigne-
ment supérieur a pris un grand essor, et l'École polytechnique
réorganisée est devenue comme un centre universitaire en voie
de formation. Lorsque nous aurons complété notre organisation
d'enseignement supérieur en créant de véritables facultés de
lettres et de sciences, en groupant autour d'une Université véri-
table tous nos établissements sans lien aujourd'hui, nous aurons
réalisé le progrès qui nous reste encore à accomplir.
Nous ne possédons en réalité que des écoles spéciales pour
distribuer l'enseignement supérieur. Les hautes études, la su-
prême culture scientifique et littéraire nous manquent encore.
Nous sommes allés au plus pressé, c'est-à-dire à la formation
d'hommes immédiatement utilisables. Nous avons fait beaucoup
d'ingénieurs, d'avocats et de médecins, mais fort peu encore de
véritables savants.
Les principaux établissements d'enseignement supérieur que
nous possédons au Brésil sont : les deux facultés de droit de San-
Paulo et de Recife ; les deux facultés de médecine de Rio-de-
Janeiro et de Bahia; l'École polytechnique de Rio-de-Janeiro, et
l'École des mines d'Ouro-Preto, dont il a été parlé au Chapitre IV.
Facultés de droit. — Dans les deux facultés deSan-Paulo, au
sud, et de Récife, au nord du Brésil, le cours est de cinq années.
Elles ont chacune onze chaires, occupées par des professeurs
titulaires auxquels sont adjoints six substituts ou agrégés. La
méthode suivie est fort rigoureuse : on part du droit naturel et
du droit ancien comme base, pour aboutir à la procédure et au
droit conventionnel administratif. Cette méthode a produit les
meilleurs résultats. Les étudiants peuvent être reçus bacheliers
en droit au bout de leurs cinq années d'études. Ce grade leur
ouvre l'accès de la magistrature debout ou assise, leur permet
d'occuper certaines positions gouvernementales et d'exercer la
profession d'avocat. Les Brésiliens qui ont reçu leurs gracies à une
faculté de droit étrangère peuvent exercer la profession d'avocat
dans leur pays, mais ces grades ne confèrent pas à leurs posses-
5GS LE BRÉSIL EH 188 0.
seurs la faculté d'être nommés aux fonctions publiques pour les-
quelles le grade correspondant esi exigé au Brésil.
Pour être professeur à la Faculté, le grade de docteur est
requis. Celui de licencié n'existe pas sous ce nom.
La Faculté de Etecife a eu, en*18S7, 858 élèves inscrits, dont
106 sont sortis bacheliers et un a reçu le grade de docteur. A
San-Paulo, il y a eu 444 élèves et 07 bacheliers.
Facultés de médecine1. — Quoiqu'il y ait bien peu de mé-
decins brésiliens qui, avant d'entrer dans l'exercice de leur pro-
fession ou de concourir à une des places du professorat, ne vien-
nent d'abord en Europe perfectionner leurs connaissances
médicales, s'y consacrer à l'étude pratique d'une spécialité, et
quelques-uns même y briguer le titre de docteur des facultés de
médecine de Paris ou de Montpellier, et que, pour ces différents
motifs on ait été au Brésil au couranl de la littérature médicale
et chirurgicale des pays les plus avancés de l'Europe, comme la
France, l'Allemagne et l'Angleterre, toutefois renseignement de
la médecine était très défectueux au Brésil, principalement au
point de vue pratique.
A l'époque de l'indépendance du Brésil, deux écoles de mé-
decine furent créées, l'une à Rio-de- Janeiro, et l'autre dans le
chef-lieu de la province de Bahia, et elles ont subi deux ré-
formes, en 1831 et en 1851; cette dernière, la plus importante, a
été faite par M. Pedreira (vicomte de Bom-Rctiro). Après la ré-
forme de 1854, l'enseignement de la médecine est devenu rela-
tivement plus complet et a pris un plus grand développement
par la création des chaires de chimie organique, d'anatomie
générale et pathologique, de pathologie générale et de phar-
macie. Les études étaient alors divisées en six années et il y avait
en tout dix-huit chaires, alors qu'il yen avait seulement quatorze
auparavant. L'enseignement était complètement théorique. Pour
les chaires de chimie minérale, de chimie organique, de physique,
de pharmacie et de médecine légale et toxicologique, il y avait
un petit cabinet destiné à la préparation des démonstrations
1. L'article relatif aux facultés de médecine est dû à la plume de M. le
baron de Saboia, doyen et professeur de clinique chirurgicale de la faculté de
médecine de Rio-de-Janeiro, médecin «le Leurs Majestés l'Empereur et l'Iin-
pératrice du Brésil, membre correspondant de l'Académie de médecine de
Paris et de la Société de chirurgie de la même ville, membre correspondant
du l'Académie Royale des sciences de Lisbonne, etc.
INSTRUCTION PUBLIQUE. 569
pratiques pendant 1rs cours, une petite salle avec trois tables
pour les dissections anatomiques et à peine un ou deux micros-
copes pour L'étude de l'histologie. Cet enseignement ne répon-
dait pas aux exigences de la science moderne, traduites alors
par les grands progrès que les études pratiques avaient faits
dans les sciences médicales et dans les spécialités dans les-
quelles «Iles s'étaient divisées dans presque tous les pays de
l'Europe et surtout en Allemagne.
Dans les mémoires historiques et les rapports envoyés par
les facultés du Brésil, on cherchait à faire cesser cet état de
choses, en appelant l'attention et la sollicitude du gouverne-
ment sur la nécessité urgente de pourvoir les cabinets qui exis-
taient de toutes les ressources indispensables à l'enseignement
pratique. En 1869, le ministre de l'Empire, M. Joâo Alfredo
Corrêa d'Oliveira, cédant aux réclamations faites par les facultés
et se rendant compte de l'état des choses, donna des instructions
pour que les différents cabinets fussent pourvus des appareils et
des instruments les plus nécessaires, et pour qu'on créât une
officine pharmaceutique où les élèves en pharmacie et ceux de
la sixième année de médecine pussent s'exercer aux manipula-
tions. Les cabinets furent pourvus d'instruments, mais l'ensei-
gnement continuait à être uniquement théorique et sans aucun
attrait pour les élèves, à l'exception des cliniques médicale et
chirurgicale où ils rencontraient tous les éléments d'instruction
dans le magnifique et grandiose hôpital de la « Misericordia ».
En 1871, la faculté de médecine de Rio-de-Janeiro me chargea
d'étudier l'organisation des facultés de médecine les plus impor-
tantes de l'Europe. En 1872, de retour de ma mission, je présen-
tai un rapport très détaillé sur l'organisation des facultés de
médecine de France, d'Italie, d'Autriche, d'Allemagne, de Bel-
gique et d'Angleterre. Malgré ce rapport et d'autres qui furent
présentés sur la même question par des professeurs envoyés en
Europe afin d'étudier certaines matières au point de vue pra-
tique, l'enseignement de la médecine au Brésil restait station-
naire.
En 1878, M. Leoncio de Carvalho, ministre de l'Empire, me
chargea de présenter un plan de réformes des facultés de méde-
cine, plan basé sur l'enseignement libre qu'il voulait établir. Ce
projet de réformes, livré et imprimé deux mois après, a servi de
base au décret du 19 avril 1879 ; d'aucuns supposaient qu'il était
le premier pas dans la voie de la décadence de notre enseigne-
570 LE BRESIL EN 1889.
ment supérieur ; selon moi, il a été le premier coup porté à l'igno-
rance et à la rhétorique de notre éducation scientifique. Ce décret
faisant ressortir encore davantage l'insuffisance de l'enseignemenl
supérieur, le professeur Pertence, dans une série de conférences
faites en 1880 sur ce sujet, proposa la création d'une Université
comme moyen de relèvement de cet enseignement, et dans ce
but le gouvernement fit acquisition des terrains, dressa des
plans et commença les travaux. Je fus alors nommé doyen de
la faculté de médecine de Rio-de-Janairo, et, sachant combien
serait lente la construction des nouveaux bâtiments, je cherchai
à mettre en exécution le projet de réformes présenté en 1879.
Dans ce but j'ai obtenu de quelques particuliers des dons en
argent s'élevant à près de 180.000 francs, et, moyennant une
somme peu élevée, j'ai fait acquisition des terrains et des bâti-
ments contigus à la faculté de médecine et qui appartenaient à
la « Misericordia ». En quelques mois, j'ai disposé et préparé
successivement des locaux pour l'installation des laboratoir
nombre égal à celui des chaires destinées à renseignement mé-
dical. Outre les dix-huit chaires déjà existantes, j'en ai cré huit
autres qui sont les suivantes : anatomie et physiologie pathologi-
que, clinique d'accouchements et gynécologique, clinique desmala-
diesdes enfants, clinique des maladies cutanées et syphilitiques,
clinique ophthalmologique, clinique psychiatrique, une seconde
chaire de clinique médicale et une seconde de clinique chirur-
gicale. J'ai établi en même temps un musée anatomo-patholo-
gique qui forme aujourd'hui une collection splendidc de pièces
anatomiques normales et pathologiques, naturelles ou modelées
en cire, et ai ouvert quatorze laboratoires où se trouvent installés
tous les appareils et les instruments nécessaires à l'instruction
pratique des élèves.
Cette réforme, faite avec l'autorisation du gouvernement,
mais réalisée uniquement avec les ressources provenant de la
générosité des particuliers, avait besoin pour devenir perma-
nente que le corps législatif votât des fonds pour les dépenses
occasionnées parla création des huit nouvelles chaires et l'établis-
sement de l'enseignement pratique. L'opposition soulevée à la
Chambre des Députés et surtout au Sénat contre l'augmentation
des dépenses rendues nécessaires par la création des nouvelles
chaires et des places d'agrégés et de préparateurs, prit une telle
proportion, que certainement le projet de réformes aurait sombré
sans l'appui puissant de S. M. l'Empereur et sans les efforts faits
INSTRUCTION PUBLIQUE. 571
par son auteur, soit auprès de ses amis, soit dans la presse. Il
faut dire qu'au Sénat, MM. Affonso Celso (vicomte cTOuro-Preto)
el Leâo Velloso, alors ministre de l'Empire, ont puissamment
contribué à son adoption, en faisant valoir la nécessité, la valeur
et l'importance de celle réforme.
Les esprits désintéressés et les étrangers qui, de passage à
Rio-de-Janeiro, visitent la faculté de Médecine, son Musée, ses
laboratoires, reconnaissent que cette faculté se trouve aujourd'hui
au niveau des meilleures écoles de l'Europe, et que dans l'Amé-
rique du Sud il n'y en a aucune qui puisse lui être comparée. Il
est facile de s'en convaincre enlisant la description sommaire de
son organisation, tout-à-fait pareille d'ailleurs à celle de la faculté
de médecine de Bahia.
La Faculté de médecine de Rio-de-Janeiro, comme celle de
Bahia, délivre, après des études réglementaires, des diplômes de
docteur en médecine, de pharmacien, de dentiste et de sage-
femme. Les cours sont divisés en cours de médecine, de phar-
macie, d'odontologie et d'obstétrique. Les chaires destinées à l'en-
seignement sont au nombre de vingt-six et servent conjointement
aux cours de médecine et aux cours annexes ; elles sont distri-
buées de la manière suivante : 1° Physique médicale ; 2° Chimie
inorganique et minéralogie ; 3° Botanique et zoologie médicale ;
4° Anatomie descriptive ; 5° Chimie organique et biologique ;
6° Histologie normale; 7° Pathologie générale; 8° Physiologie
humaine ; 7° Anatomie et Physiologie pathologique ; 10° Patho-
logie médicale ; 11° Pathologie chirurgicale ; 12° Accouchements ;
13° Matière médicale et thérapeutique ; 14° Anatomie chirurgi-
cale et opérations ; 15° Pharmacologie et art de formuler ;
10° Médecine légale et Toxicologie ; 17° Hygiène et histoire de la
médecine ; 18° Clinique d'accouchement et de gynécologie :
19° et 20° Cliniques médicales; 21° et 22° Cliniques chirurgicales ;
23° Clinique médicale et chirurgicale des enfants ; 24° Clinique
des maladies cutanées et syphilitiques ; 25° Clinique opthalmolo-
logique : 2G° Clinique psychiatrique. Chaque chaire a un profes-
seur titulaire, un agrégé, un préparateur et deux aides, à l'excep-
tion des chaires de pathologie générales, de pathologie chirur-
gicale, de pathologie médicale et d'accouchements qui n'ont que
le professeur titulaire.
L'enseignement comprend les cours théoriques, les cours
pratiques et les cliniques.
572 LE BRÉSIL EN 188 9.
Enseignement pratique. — Il y a dansles facultés de médecine
du Brésil quatorze laboratoires: 1° physique; "2° chimie inorga-
nique avec un cabinet minéralogique ; 3° botanique avec un
cabinet zoologique J 4° chimie organique et biologique avec un
cabinet de bactériologie ; 5° physiologie ; (>° histologie ; 8° anato-
mie pathologique ; 8° thérapeutique expérimentale ; 9° pharmacie;
10° hygiène; 11° toxicologie; 12° anatomie descriptive ; 13° chi-
rurgie dentaire; 14° opérations chirurgicales. Chacun de ces
laboratoires est sous la direction du professeur titulaire et sert
à L'instruction pratique des élèves et aux recherches scientifiques.
Le personnel de chaque laboratoire se compose : 1° du directeur
qui est le professeur titulaire ; 2° d'un agrégé chargé spéciale-
ment de l'enseignement pratique ; 3° d'un préparateur, docteur
en médecine, pharmacien ou dentiste (selon le laboratoire) ; 4" de
deux aides. Les quatorze laboratoires de la faculté de médecine de
Rio-de- Janeiro sont bien installés et contiennent tous les instru-
ments et appareils nécessaires à l'étude des élèves qui s'exercent
dans les préparations et dans les manipulations dans une salle
commune ; les professeurs, les agrégés et les préparateurs ont
chacun un cabinet spécial destiné à leurs travaux. La salle des
dissections anatomiques, suffisamment grande et aérée, est
carrelée en marbre et a les murs en faïence jusqu'à une hauteur
de trois mètres. Il y a trente-six tables recouvertes en marbre pour
le travail des élèves, une grande collection de dessins anatomiques
pendus aux murs et des pièces plastiques pour les orienter dans
leurs préparations; les cadavres sont conservés dans une glacière
spéciale, construite selon les indications données par le doyen
de la Faculté, et qui a réalisé en partie, par un procédé ingénieux,
le problème difticile d'avoir toujours dans un climat chaud
des cadavres pour la dissection et les études anatomiques. Le
laboratoire d'histologie, installé de manière à permettre le travail
à 80 élèves en môme temps, contient environ 90 microscopes, des
microtomes, des tournettes, des réactifs, enfin tout ce qui a trait
à la technique moderne. Dans une salle contigue à celles des
dissections anatomiques, ont lieu les autopsies des différentes
cliniques ; ces autopsies sont faites par l'agrégé et le préparateur
du professeur d'anatomic pathologique, aidés par les agrégés de
la clinique et en présence des élèves, et sont toutes consignées
en détail sur un registre spécial déposé au secrétariat de la faculté.
Une copie de chaque cas est adressée au chef de service où avait
été le malade.
INSTRUCTION PUBLIQUE. 573
Outre les exercices pratiques de toxicologie, qui sont faits dans
le laboratoire respectif, il y a aussi des conférences de médecine
légale à la Morgue, établissement destiné également à renseigne-
ment médical, et qui n'a rien à enviera ceux de l'Europe sous
aucun rapport.
Le laboratoire d'hygiène a été institué non seulement pour
l'instruction des élèves comme pour le service sanitaire ou pour
l'analyse de tout ce qui peut intéresser la santé publique. Le
personnel de ce laboratoire est un peu différent : outre le per-
sonnel de la faculté, il y a un commissaire du gouvernement,
nommé sur la proposition du doyen de la Faculté, et quatre aides
chimistes appartenant au conseil général de la salubrité publique ;
ils sont chargés non seulement des analyses des produits exigées
par le gouvernement ou par l'Inspecteur général de la santé
publique, comme de celles demandées par les particuliers.
Enseignement clinique. — Il est fait à l'hôpital de la « Misé-
ricordia », vaste établissement contenant plus de 1200 lits. Cet
hôpital se trouve sous la direction d'une communauté laïque, qui,
moyennant certaines prérogatives accordées par le gouverne-
ment, met quelques-unes de ses salles à la disposition de la
Faculté pour les besoins de l'enseignement clinique, lequel com-
prend deux cliniques chirurgicales, deux cliniques médicales,
une clinique d'accouchements et de gynécologie, une clinique
mixte d'enfants, une clinique ophthalmologique, une clinique de
maladies cutanées et syphilitiques et une clinique psychiatrique.
La clinique psychiatrique est faite à l'hospice de Dom Pedro II,
magnifique établissement contenant environ 800 aliénés, placés
sous la même administration que l'hôpital de la Miséricorde.
Comme complément à son enseignement, la faculté de méde-
cine de Rio-de-Janeiro possède un musée anatomo-pathologique
et une grande bibliothèque, outre la bibliothèque de chaque labo-
ratoire. Le musée anatomo-pathologique se compose de magni-
fiques pièces sèches relatives à l'anatomie normale et pathologique
et de préparations en cire réprésentant les cas intéressants
observés dans les cliniques et relatifs à la pathologie brésilienne.
La bibliothèque se trouve aménagéejdansun grand édifice à deux
pavillons situé en face de la faculté ; elle possède plus de 36,000
volumes en portugais, français, anglais, allemand, italien, espa-
gnol et latin. Plus de 120.000 publications périodiques en diffé-
rentes langues enrichissent annuellement sa collection. La
LE BRÉSIL EN 1889.
bibliothèque est ouverte tous les jours de 9 heures du malin à
2 heures de L'après-midi et de 6 heures à 9 heures du soir.
M. Carlos Costa, Le bibliothécaire actuel, a commencé dès 1885 à
réunir, sous le nom d'Annuaire médical brésilien, Les travaux des
médecins brésiliens se rattachant aux sciences médicales, dont
il a déjà publié deux volumes.
rendant celte même année 1885, il a organisé avec plein
succès une exposition composée exclusivement de travaux brési-
liens suc les sciences médicales. De son coté, la faculté l'ait paraître
une Revue des cours historiques et pratiques, dont il a déjà paru
huit numéros de 250 à 350 pages in-8°, et où Ton rencontre des
travaux originaux relatifs à la médecine, aux études pratiques et
aux leçons les plus importantes sur les cas rencontrés dans la
clinique, accompagnés tous d'observations détaillées.
Le personnel des facultés de médecine se compose d'un doyen,
d'un vice-doyen, de professeurs titulaires, d'agrégés, de prépara-
teurs el d'aides-préparateurs; d'un secrétaire, d'un sous-secré-
taire, de deux teneurs de Livres, d'un bibliothécaire, d'un aide-
bibliothécaire, d'un directeur du musée, d'un modeleur en cire,
d'un portier et d'un nombre de conservateurs égal au nombre
des laboratoires. Le doyen et le vice-doyen sont choisis par le
gouvernement parmi les professeurs. Le vice-doyen remplace le
doyen en cas d'empêchement de celui-ci, qui a la direction de
tout le personnel de la Faculté et préside à la réunion plénière,
qui, sous le nom de Congrégation, est composée de tous les pro-
fesseurs titulaires, et a pour but de discuter toutes les questions
relatives à la direction scientifique de la Faculté et aux concours.
Tous les professeurs sont nommés par décret sur la présentation
par la Faculté d'une liste composée au maximum de trois noms
idioisis parmi les candidats qui ont obtenu au concours la majo-
rité des voix. A ce concours sont admis non seulement les docteurs
en médecine de nationalité brésilienne, ayant obtenu leur grade
dans une des facultés de l'Empire ou de L'étranger, comme aussi
les docteurs en médecine de nationalité parlant couramment le
portugais ou le français et ayant obtenu au préalable le grade de
docteur en médecine d'une des Facultés du Brésil. Si à la suite du
concours un étranger est nommé professeur, il devra se natura-
liser brésilien avant de prendre possession de sa chaire. Les
épreuves pour ce concours sont réglées ainsi qu'il suit: 1° La
présentation d'une thèse imprimée, dont le sujet aura été choisi
par le candidat et une argumentation verbale soutenue en public
INSTRUCTION PUBLIQUE. 575
contre chacun dos concurrents, ou contre cinq professeurs titu-
laire, au cas où il n'y aurait qu'un seul concurrent; 2° une compo-
sition écrite sur une question tirée au sort sur une série de ques-
tions rédigées par une commission de professeurs nommés par
La même occasion : 3° une leçon orale publique d'une heure sur
un sujet tiré au sort avec vingt-quatre heures de préparation;
4° une épreuve pratique roulant sur des expériences ou des
préparai ions relatives à l'objet du concours, épreuve suivie d'ex-
plications justifiant la technique employée dans les préparations,
dans les analyses, etc.; 5° une épreuve orale d'une demie-heure
sur une question tirée au sort ; il est accordé au candidat une
heure pour réfléchir, sans avoir recours à aucune note manus-
crite ou imprimée.
Les professeurs touchent 12.000 francs et ceux de clinique
13.500 francs par an. Après 25 ans de professorat, ils ont droit à
la retraite avec les deux tiers de leurs appointements et on leur
accorde le titre honorifique de membres du conseil de Sa Majesté ;
après 30 ans de professorat, ils sont mis à la retraite d'office et
touchent l'intégralité de leurs appointements.
Les agrégés sont aussi nommés par décret après concours, et
les épreuves concernant ce concours sont les mêmes que celles
pour le professorat, à l'exception de la soutenance de la thèse et
de l'épreuve orale après une heure de réflexion. Les agrégés sont
nommés pour dix ans, mais s'ils viennent à être nommés profes-
seurs, le temps pendant lequel ils ont exercé les fonctions d'a-
grégé leur est compté pour la retraite. S'ils n'arrivent pas au
professorat, et s'ils veulent, à l'expiration de leur période de
10 ans, continuer à être agrégés, ils subissent un nouveau con-
cours. Les agrégés touchent 6.000 francs par an.
Les préparateurs sont aussi nommés au concours. Les docteurs
en médecine, les pharmaciens et les dentistes peuvent concourir,
ces derniers pour le laboratoire de chirurgie dentaire et les autres
pour les laboratoires des sciences physiques, chimiques et natu-
relles. Le concours se compose d'une épreuve écrite, d'une
épreuve pratique et d'une exposition orale, faite pendant une
demie-heure avec vingt-quatre heures de préparation sur une
question tirée au sort. Les appointements des préparateurs sont
aussi de 6.000 francs par an.
La fréquence, soit aux cours théoriques, soit aux cours prati-
ques, est entièrement facultative ; cependant aucun élève n'est
admis à subir des examens sans un certificat délivré par le pro-
576 LE BRÉSIL EN 1889.
fesseur ou L'agrégé déclarant qu'il a fait dans les laboratoires et
sous la direction des chefsdes travaux pratiques, ou des prépara-
teurs, un certain nombre de préparations ou de recherches
énumérées dans le règlement, ce qui rend en quelque sorte
obligatoire la fréquence des cours pratiques.
Tout élève qui aspire au titre de docteur en médecine d'une
des Facultés du Brésil, doit produire, soit avant, soit au moment
de prendre ses inscriptions pour subir le premier examen, le
diplôme de bachelier ès-lettres du collège de Don Pedro II, ou un
certificat constatant qu'il a subi avec succès devant un jury com-
posé des professeurs de ce collège à Itio-de-Janeiro, ou devant
les commissions d'examen nommées chaque année par le gouver-
nement dans les Provinces, des examens portant sur les matières
suivantes: portugais, français, latin, anglais, allemand, histoire
générale, histoire du Brésil, géographie, arithmétique, algèbre,
géométrie, trigonométrie, philosophie, éléments de physique, de
chimie et d'histoire naturelle.
Le droit à percevoir pour chaque année ou pour chaque
examen est de 253 francs, payables en une seule fois au moment
de l'inscription pour subir l'examen, ou en deux fois, la moitié
au mois de mars et la moitié au mois d'octobre. Les aspirants au
diplôme de pharmacien payent pour chaque année les mêmes
droits; ils sont tenus de présenter lors de leur inscription un
certificat constatant les mêmes examens que ceux exigés pour
l'étude de la médecine, excepté ceux de langue allemande, de
philosophie et d'histoire. Pour suivre les cours de l'art dentaire,
on n'exige que la connaissance des langues portugaise, française,
anglaise, l'arithmétique et la géométrie. Pour les cours d'obsté-
trique ou d'accouchements, on n'exige que les langues portugaise
et française, l'arithmétique, la géométrie et les éléments de phy-
sique et d'histoire naturelle.
Pour obtenir le diplôme de docteur en médecine, le candidat
doit subir huit examens et soutenir une thèse. Première série:
Physique médicale, chimie inorganique, minéralogie, botanique
et zoologie médicales. Deuxième série : Anatomie descriptive,
histologie humaine, chimie organique et biologique. Troisième
série : Physiologie humaine, anatomie et physiologie patholo-
giques, pathologie générale. Quatrième série : Pathologie médi-
cale, pathologie chirurgicale, matière médicale et thérapeutique.
Cinquième série : Accouchements, anatomie chirurgicale, opéra-
tions et appareils, pharmacologie et art de formuler. Sixième
INSTRUCTION PUBLIQUE. 577
série : médecine légale et toxicologie, hygiène et histoire de la
médecine. Septième série : cliniques médicale et chirurgicale,
clinique obstétricale et gynécologique. Huitième série : clini-
ques médicale et chirurgicale des enfants, clinique ophthalmolo-
gique, clinique des maladies cutanées et syphilitiques, clinique
psychiatrique.
Pour obtenir le diplôme de pharmacien, le candidat doit
subir trois séries d'examens. Première série : physique, chimie
inorganique et minéralogie. Deuxième série : chimie organique,
botanique et zoologie. Troisième série : matière médicale, phar-
macologie et toxicologie.
Pour obtenir le diplôme de sage-femme, le candidat doit subir
deux séries d'examens. Première série : anatomie descriptive,
physiologie générale et plus particulièrement celle des organes
génito-urinaires de la femme, pharmacologie, hygiène des femmes
enceintes et des femmes en couches. Deuxième série : obsté-
trique, cliniques obstétricale et gynécologique.
Pour le diplôme de dentiste, le candidat doit subir trois séries
d'examens. Première série : physique élémentaire, chimie inor-
ganique, anatomie descriptive et topographique de la tête.
Deuxième série : histologie et physiologie dentaires, pathologie
dentaire et hygiène de la bouche. Troisième série : thérapeu-
tique dentaire, chirurgie et prothèse dentaires.
Les examens commencent au mois de novembre et compren-
nent trois épreuves: une pratique, une écrite et une orale.
L'élève qui échoue dans l'épreuve pratique ou qui obtient une
note mauvaise dans l'épreuve écrite, ne subit pas l'épreuve oralet
perd la consignation représentant les droits d'examen et ne peut
se présenter de nouveau qu'après un délai fixé par le jury. Les
candidats soutiennent leur thèse à la fin de la huitième série sur
un sujet choisi par eux dans une liste dressée chaque année par
la Faculté. Le jour de la collation du grade de docteur en méde-
cine, il y a à la Faculté une séance solennelle à laquelle assistent
à Rio-de-Janeiro la famille impériale, le corps diplomatique, les
ministres et Félite de la société. C'est aussi dans cette séance
solennelle qu'on décerne les deux prix : l'un fondé par un médecin
anglais, le docteur Gunning, qui habite le Brésil depuis de lon-
gues années et l'autre par le baron d'Ibituruna. Le premier
consiste en une certaine somme accordée à l'élève qui a terminé
ses études médicales ou pharmaceutiques, ayant obtenu la note
extrêmement satisfait dans tous les examens; cette somme est
37
578 LE BRÉSIL EN 1889.
destinée à pourvoir aux besoins de l'élève en Europe, où il doit
venir, pendant un temps fixé par la Faculté, faire des études pra-
tiques pour les sciences naturelles. Le second, qui porte le nom
de prix Manoel Feliciano, est accordé à l'élève qui aura éerit la
meilleure thèse sur la clinique chirurgicale et <|ni aura obtenu la
note extrêmement satisfait. Ce prix est annuel et consiste en une
médaille d'or, que le candidat porte au cou, attachée à un large
ruban rouge.
Les Facultés de médecine jouissent du droit de permettre à un
médecin du pays ou étranger de faire un cours libre, à condition
toutefois qu'il soumette préalablement à la congrégation le
pn gramme du cours q u * ï I désire faire, et qu'il supporte les
dépenses des différents objets nécessaires aux démonstrations
pratiques.
Chaque Faculté propose au gouvernement, tous les deux ans,
un de ses professeurs ou agrégés, pour être chargé de venir dans
les pays étrangers, aux frais de l'État, étudier les progrès faits
dans les sciences médicales et les méthodes de l'enseignement.
Voir les établissements et les institutions de médecine les pins
importants. L'État, voulant stimuler les professeurs et les ag
à écrire des travaux ou des mémoires en langue portugaise,
paie les (Vais et l'impression de tout ouvrage qui en est jugé
digne parla Congrégation ou par une commission nommée ad hoc
par le gouvernement, qui peut, outre l'impression gratuite,
accorder un prix de 5.000 francs.
Enfin les facultés de médecine sont sous la dépendance du
ministère de l'empire. Leurs budgets proposés par les doyens,
d'à >rd avec les ministres, sont votés par le corps législatif
chi [ue année. La somme votée Tannée passée pour chaque
é se décompose de la façon suivante : corps enseignants,
510.000 francs ; personnel du secrétariat, delà bibliothèque et
des laboratoires, 257.000 francs; dépenses pour les réactifs, les
instruments et les appareils pour les laboratoires, 125.000 francs.
En ont, pour les deux Facultés, la somme de un million sept cent
quatre-vingt-quinze mille francs.
Pour les deux premières années qui suivirent la réforme, les
dépenses seules de la l'acuité de médecine de llio-de-Janeiro se
sont montées à un million sept cent mille francs.
Les droits d'inscriptions sont payés au Trésor national et se
monlcnl a L.530 francs pour les élèves en médecine, à 7(»r> francs
pour lesélèvesen pharmacie et les élèves dentistes, età 510 francs
[NSTRUCTION PUBLIQUE. 579
pour les élèves sages-femmes. Le diplôme coûte un droit de timbre
de 500 francs et chaque certificat d'examen 3 francs. Le revenu
annuel produit par les droits d'inscriptions, de diplômes et de
certificats d'examens s'élève à la faculté de médecine de Rio-de-
Janeiro à environ 375.000 francs. Il y a 700 à 800 élèves inscrits
aux cours de la faculté et environ 50 à 70 par an se font recevoir
docteurs en médecine.
École polytechnique. — L'École polytechnique de Rio-de-
Janeiro, issue de l'ancienne Ecole centrale, se compose : d'un
cours préparatoire, d'un cours général que tous les élèves sont
tenus de suivre, et de six cours spéciaux. Les étudiants qui ont
suivi l'un de ces cours peuvent recevoir, leurs études terminées,
des diplômes de bacheliers ès-sciences physiques et mathémati-
ques, d'ingénieurs géographes, d'ingénieurs civils, d'ingénieurs
des mines ou d'ingénieurs des arts et manufactures. A l'en-
seignement théorique très complet sont joints des cabinets
et des laboratoires, pourvus d'excellents appareils. Pendant
les vacances, les élèves font des excursions sous la conduite
de leurs professeurs, et les résultats de leurs observations
personnelles sont consignés dans des travaux qu'ils présentent à
l'École. Les ingénieurs des travaux publics doivent avoir pris leur
grade dans une école de génie. Mais les diplômes d'ingénieurs
accordés par les écoles étrangères sont acceptés au Brésil sans
aucun examen spécial ; il suffit de les faire enregistrer au minis-
tère des travaux publics. Pendant l'année 1887, l'École a été
fréquentée par 161 élèves, dont 16 en sont sortis ingénieurs
civils, 13 ont été reçus ingénieurs géographes et 21 ont eu le
brevet d'arpenteur.
Il nous serait impossible, en parlant de l'enseignement supé-
rieur, de passer sous silence : l'Observatoire impérial de Rio-de-
Janeiro, dirigé par le savant M. L. Cruls, lauréat de l'Institut de
France, représentant du Brésil à la conférence de Washington
en 1884 ; le Bureau hydrographique, qui a à sa tête Féminent
baron de Teffé ; le Bureau central météorologique, dont le chef
est le lieutenant Adolpho Pereira Pinheiro, et l'Administration
des phares.
Observatoire impérial de Rio-de-Janeiro . — L'édifice
actuellement occupé par l'Observatoire impérial de Rio-de-Janeiro,
5S0 LE BRÉSIL EN 188 9.
avail été primitivement commencé dans le siècle dernier par les
Jésuites, en u.c. d'élever une église*. Il occupe un rectangle de
70 mètres de longueur et 27*30 de largeur, dont le grand côte
es| orienté suivant la ligne méridienne. Vue du côté sud, sa façade
présente une assez belle apparence. Ses murailles sont très
épaisses, et l'élévation des terrasses, qui constituent l'Observa-
toire proprement dit, et sur lesquelles sont établies les eonstruc-
tions destinées à abriter les instruments, est de 17 mètres
au-dessus du niveau de la cour intérieure. Le rez-de-chaussee de
l'édifice n'appartient pas à l'Observatoire, mais sert aux infir-
meries de l'Hôpital militaire qui est en contre-bas de 1 Observa-
toire.
De tout cet édifice il n'y a que deux ailes, passablement
exiguës d'ailleurs, qui soient très solidement voûtées, et qui
présentent une stabilité considérable. L'une d'elles est occupée
par la salle méridienne, l'autre par la coupole.
Malheureusement, le grand corps de bâtiment n'est pas voûte,
de sorte que cette partie de la terrasse ne permet pas l'établisse-
ment d'instruments sinon sur le pourtour formé par de grosses
murailles. La terrasse du nord-ouest est voûtée, mais sa voûte a
peu de solidité et en outre elle est relativement basse et un peu
dominée par les toitures des constructions voisines, notamment
de la chapelle de l'Hôpital militaire, que dominent au contraire
les terrasses du sud.
Cette disposition, comme il est aisé de le voir, n'est guère
favorable à l'établissement d'un Observatoire, et l'espace est
absolument insuffisant pour la totalité des instruments de 1 Obser-
vatoire impérial; aussi, depuis longtemps, a-t-on reconnu la
nécessité absolue de transférer l'Observatoire sur un terrain plus
vaste et dans de meilleures conditions, ce dont on s occupe acti-
vement en ce moment.
Parmi les instruments qui constituent le vaste matériel de
l'Observatoire impérial nous citerons les suivants :
Une lunette astronomique de 34 centimètres d'ouverture et de
8-30 de distance focale. Cet instrument n'a pu encore être monte,
faute de place. VÉqualorial de 24 centimètres d'ouverture et de
A mètres de distance focale, dont l'objectif a été travaille par
MM. Henry, de l'Observatoire de Paris, par la méthode des retou-
1. Cette notice a été rédigée par le savant directeur de cet établissement,
M. L. Cruls.
INSTRUCTION PUBLIQUE. 581
ches locales, et est doué de qualités optiques tout à fait supé-
rieures. Un photo-héliographe de 4 pouces d'ouverture, sorti des
ateliers de Steinheil, de Munich, et offert à l'Observatoire par
M. Luiz da Rocha Miranda, premier astronome à l'Observatoire.
Une lunette méridienne de 4 pouces d'ouverture, de Dollond. Un
Cercle mural de 4 pouces d'ouverture, également de Dollond. Le
cœlostat, instrument de grandes dimensions, monté parallactique-
ment et destiné aux observations d'astronomie physique de toute
nature. L'image d'un point quelconque du ciel, et non plus seule-
ment le soleil comme dans l'héliostat, peut être rendue fixe dans
cet instrument, dont le télescope a 40 centimètres d'ouverture. Il
est en outre muni d'un télescope à objectif à verres noirs pour le
soleil, et son emploi facilite l'installation d'appareils ad hoc, tels
que spectroscopes, photomètres, appareils de photographie, etc.
Cet appareil n'est pas non plus monté, toujours à cause du défaut
de place dans l'édifice actuel.
Outre ces instruments, l'Observatoire en possède encore
d'autres, ainsi que des appareils que nous nous bornerons à énu-
mérer rapidement, tels que : le Grand Âzimutal, Y Ait-azimut qui
figure en ce moment même à l'Exposition, une lunette zénithale
munie d'un micromètre de Porro, plusieurs lunettes de six et quatre
pouces d'ouverture, une riche collection d'instruments destinés
à des travaux géodésiques et topographiques, des télescopes et,
finalement, un grand nombre d'appareils divers pour la spectros-
copie, photométrie, polariscopie, photographie, etc., ainsi que
plusieurs pendules et chronomètres.
Nous terminerons la nomenclature du matériel de l'Observa-
toire, en faisant une mention spéciale de YEquatorial photogra-
phique, en ce moment en construction dans les ateliers de
M. Gautier. Cet instrument, construit aux frais de S. M. l'Empe-
reur Dom Pedro II, permettra à l'Observatoire de Rio-de-Janeiro
de prendre part au lever de la carte du ciel, pour lequel s'est
tenu en 1887, à l'Observatoire de Paris, un congrès astro-photo-
graphique international.
Seul de sa nature, dans le vaste empire du Brésil, on conçoit
que la mission réservée à l'Observatoire impérial de Rio-de-
Janeiro, ne doit pas exclusivement se borner à l'exécution de
travaux d'astronomie de position. Cet établissement doit également
diriger ses investigations dans les différentes branches des
sciences d'observation, telles que l'astronomie physique, la phy-
sique du globe, la météorologie, etc. C'est ainsi que dans ces
582 LE BRÉSIL ES 18S9.
derniers temps, ont été initiées par l'observatoire de Rio-de-
Janeiro des recherches sur L'analyse micrographique de l'air, en
se servanl des appareils du docteur Miquel, de l'Observatoire de
Montsouris. Des photographies microscopiques, exécutées par
M. Henri Mo riz e, astronome de l'Observatoire, et représentant
iVuuc, manière admirable les figures de Widmanstaetten que
montre La laineuse météorite holosidère de Bendegô (Bahia, pro-
vince du lirésil) sont dignes d'une mention toute particulière.
Nous ne pouvons également laisser de signalée les observations
sur l'électricité atmosphérique, les premières qui aient été faites
dans l'Amérique du Sud, et commencées à l'observatoire de Rio
dans Le courant de cette année (1888;. Malheureusement, en ce
qui concerne ces travaux ainsi que ceux du magnétisme terre-Ire.
le local dont on dispose est absolument insuffisant et défectucuxy
et ils ne pourront être sérieusement et définitivement entrepris
que dans le nouveau local. Rappelons encore ici la part que
l'Observatoire impérial de Rio-de- Janeiro a prise dans l'observa-
tion du dernier passage de Vénus et pour laquelle avaient été
envoyées trois missions scientifiques ; Tune à l'île Saint-
Thomas Antilles) sous la direction du contre-amiral Baron de
Telle, directeur du bureau hydrographique du Brésil ; une autre
à Pernambuco, sous la direction de M. Lacaille, astronome à
l'Observatoire de Rio; et une troisième dans le détroit de Magellan,
sous la direction de M. Cruls, directeur de l'Observatoire impérial
de Rio-de-Janeiro. Ces observations ont fourni pour la parallaxe
du soleil la valeur 8"808.
Nous terminerons cette très courte notice sur l'Observatoire
impérial de Rio-de-Janeiro, par la liste des principales publica-
tions parues jusqu'ici : Annales de VObservatoirc Impérial, format
grand in-4°, tomes I, II, III, IV; Annuario do Impérial Observa-
torio, format in-12, 1885, 1880, 1887, 1888, 1889; Revista do
Observatorio (revue mensuelle), format gr. in-8°, années 1886,
1887, 1888, 188'.); Bulletin de l'Observatoire impérial, mémoires,
notices, etc., etc. (format gr. in-8", années 1881, 1882, 1883.)
Bureau hydrographique1. — C'est en 1859 seulement qu'on
a créé une chaire d'hydrographie à l'École de marine de Rio-de-
Janeiro. C'est le 30 juin 1862 seulement que le Ministre de la
1. Cette partie a été écrite par M. le contre-amiral Baron de Teffé, di-
recteur de ce bureau.
INSTRUCTION PUBLIQUE. 583
marine a rendu an arrêté nommant doux Jeunes officiers pour
rectifier la carte côtière du Brésil et lever les plans des ports au
sud de Rio-de-Janeiro, en leur donnant des instructions destinées
à rend ré uniforme l'échelle et à établir la méthode à suivre.
.l'étais l'un de ces officiers, et l'autre était le commandant Vital
d'Oliveira. Deux canonnières, VYpiranga et YAraguary, avaient
été mises à notre disposition.
Jusque-là les travaux hydrographiques nationaux se ressen-
taient des mêmes inconvénients qu'on observait dans ceux de
l'étranger. Ils constituaient des efforts individuels dignes d'en-
couragement, mais ils ne méritaient pas la confiance entière des
navigateurs. Aussi, en 1864, l'éminent hydrographe français, le
contre-amiral Mouchez, écrivait-il ces lignes au commandant de
VAraguary : « J'ai reçu vos belles cartes de Sainte-Catherine et
je vous félicite très vivement, parce que (je l'avoue entre nous),
c'est la première fois que je vois une carte brésilienne réellement
bien faite. »
Le commandant Vital d'Oliveira s'occupait de la cote située
entre Rio-de-Janeiro et le rio San-Francisco, et moi, de la cote
située entre Rio-de-Janeiro et l'extrémité méridionale de Rio-
Grande-du-Sud. Peut-être eussions-nous mené à bonne fin notre
tâche si, au moment même où nous commencions à travailler
avec un véritable enthousiasme, d'autres devoirs ne nous avaient
pas forcés à renoncer à notre mission. La guerre entre le Brésil
et le Paraguay venait d'éclater et nous réclamait avec nos ca-
nonnières. Les plans commencés furent remisés dans les archives,
les instruments astronomiques et géodésiques retournèrent à
leurs armoires, et le canon et l'épée remplacèrent le théodolite
et la lunette méridienne. Non seulement la guerre interrompit
nos travaux pacifiques, mais elle nous enleva aussi l'intelligent
et actif chef de notre commission hydrographique, le comman-
dant Vital d'Oliveira, mort glorieusement.
Pendant cinq ans il devint impossible de songer à reprendre
ces travaux. Après la guerre, je dus accepter une mission bien
différente, et je fus chargé de démarquer définitivement la fron-
tière du Brésil avec le Pérou.
Jusqu'en 1876, l'histoire de l'hydrographie au Brésil se ré-
suma donc en quelques tentatives isolées, qui n'en donnèrent
pas moins des résultats appréciables, publiés, d'ailleurs, par les
soins du gouvernement impérial.
Ces travaux, tout modestes qu'ils fussent, servirent de base
584 LE BRÉSIL EN 1SS9.
à la création du bureau hydrographique actuel, fonde par un
décrel en date du 26 février 1870. Avec le temps, ce bureau ;i
pris quelque développement. Aujourd'hui, on y trouve, dans
les quinze grandes armoires vitrées et dans les quatre biblio-
thèques qui garnissenl les trois salons de l'édifice où il est établi,
environ dix-sept mille exemplaires de cartes hydrographiques
parfaitement installées et classées. Les archives du bureau pos-
sèdent en outre différentes cartes géographiques du siècle der-
nier et une importante collection d'autographes, sans parler
d'itinéraires de la côte et d'une quantité considérable de bro-
chures renfermant des informations sur lotîtes les mers.
Voici la liste assez complète des cartes et plans levés derniè-
rement: la côte et le port de Sanlos; la baie d'Antonina et de
Paranaguâ, la côte de Cabo-Frio avec ses ancrages, les anses
d'Imbétiba et de Macahé, les ancrages de la l>;u'e de San-Marcos
dans Maranhào, les ancrages de l'Ilha-Grande [la Grande-Ile),
le port et la barre de Laguna, la barre d'Itajahy, le port de San-
Francisco-du-Sud, la barre d'Icapâra, le canal des Abrolhos,
avec la détermination de nouveaux bancs de corail, etc.
Le bureau hydrographique a accompli également des travaux
hydrauliques d'une certaine importance : il a été chargé de faire
raser la grande roche sous -marine des Outeirinhos dans le canal
d'entrée du port de Santos, et de faire désobstruer la barre du
port de Cabo-Frio.
Dans un autre ordre d'idées, il a procédé aux études sur l'amé-
lioration du port d'Antonina pour la station où aboutit le chemin
de fer de Paranâ, et il a été appelé à donner son avis au sujet de
l'accessibilité du port de Maranhào pour les grands navires du
tonnage des paquebots qui font le service entre l'Amérique du
Nord et le Brésil.
Enfin, il s'est livré à des travaux astronomiques, tels que les
observations transcendantes faites dans l'île de Saint-Thomas,
aux Antilles, à l'occasion du passage de Vénus (6 décembre 1882).
Le rapport sur cette observation a mérité d'être signalé dans les
comptes-rendus de l'Académie des sciences de Paris.
Il s'est occupé de la détermination des longitudes de diffé-
rents points de la cote du Brésil au moyen de la transmission
électrique de l'heure, et la précision de ce travail a attiré égale-
ment l'attention de l'Académie des sciences de Paris.
Le bureau hydrographique n'a qu'un seul petit aviso à vapeur
a sa disposition, et son personnel scientifique se compose des
INSTRUCTION PUBLIQUE. 583
officiers suivants : le contre-amiral baron de Tefié, le capitaine
de frégate José Maria do Nascimcnto, le capitaine de corvette
F. Calheiros-da-Graça, et le capitaine Arthur ïndio-do-Brazil.
Tous les amis de la science font des vœux pour que le parle-
ment élargisse le tableau du personnel du bureau, et lui fournisse
les moyens de rendre un nouveau service à la navigation de tous
les pays, en confectionnant une carte exacte de l'immense côte
de l'empire.
Bureau central météorologique et administration des
phares. — C'est l'empereur Dom Pedro qui, personnellement, a
fourni les sommes nécessaires pour la construction, sur le morne
de Santo-Antonio, à Rio-de-Janeiro, d'une première station
météorologique. Le parlement a fourni les crédits pour la rétri-
bution du personnel et frais généraux. Le bureau central a été
institué par un décret en date du 4 avril 1888, et il fonctionne
depuis trop peu de temps pour qu'on puisse en apprécier les
résultats.
L'Administration des phares a à sa charge toute l'illumina-
tion des côtes du Brésil, et ce service est fort bien fait, sous
la direction du capitaine de frégate P.-B. de Cerqueira Lima.
A côté de cet enseignement supérieur, distribué par des écoles
spéciales, il existe un enseignement plus spécial encore, dont il
nous reste à nous occuper.
11 est donné dans des établissements fondés par l'État, par
les provinces ou par les particuliers, subventionnés ou non par
l'État ou par les administrations provinciales.
Établissements de l'État. — D'après le nouveau règlement,
expédié en mars 1889, il y a trois écoles militaires : Tune à Rio-de-
Janeiro, l'autre à Porto-Alegre, et une autre à Fortaleza. Celle-ci
est un simple externat.
L'enseignement de ces écoles se compose de deux cours : le
cours préparatoire et le cours d'infanterie et de cavalerie. Le
cours préparatoire est purement théorique et dure trois années.
Le cours d'infanterie et de cavalerie dure deux années.
On vient de créer à Rio une École supérieure de guerre, externat
destiné à donner l'instruction théorique et pratique aux officiers
qui se seront le plus distingués dans les écoles militaires et qui
auront été proposés pour suivre les cours supérieurs. Ces cours
586 LE BRÉSIL EN 1889.
supérieurs comprennent L'artillerie, L'état-major et le génie mili-
taire. Les cours d'artillerie sont répartis dans Les deux premières
années, et Les cours d'état-major et de génie embrassent quatre
années.
D'après le nouveau règlement, il y a tout les ans un concours
par devant l'assemblée des professeurs de L'École supérieure : trois
des meilleurs élèves seront envoyés en Europe, après concours,
pour y compléter Lçur instruction militaire. — L'école de Porto-
Alegre possède, à côté des cours de cavalerie, celui d'artillerie.
L'École de marine de Rio possédait également un cours pré-
paratoire, le Collège naval; mais l'école et le collège ont
fusionné, en vertu du règlement du 26 juin 1886, et forment
L'École navale. Pendant Tannée 1888, le Cours supérieur de cette
École a été fréquenté par 62 élèves, le cours préparatoire par 145
et Le cours de nautique par 3 élèves. Le cours préparatoire com-
prend trois années, comme le cours supérieur. La quatrième
année est consacrée à des voyages d'instruction.
Nous ne citerons que pour mémoire: l'Académie des beaux-
arts, fréquentée, Tannée dernière, par (32 élèves et 25 élèves
libres ; le Conservatoire de musique, fréquenté en 1887 par 181
élèves et 49 élèves libres ; l'Asile de l'enfance abandonnée
(Meninos Desvalidos) ; l'Institut des enfants aveugles, qui, en
1887, comptait 56 élèves ; l'Institut des sourds-muets, qui, pen-
dant la même année, eut 33 élèves, etc., etc.
Établissements provinciaux. — Un certain nombre de
provinces entretiennent des établissements d'enseignement
technique assez bien dotés.
La province de l'Amazone possède une école professionnelle
où sont élevés à ses frais et où reçoivent l'instruction élémentaire
et professionnelle environ 150 enfants. La même province a un
Asile pour les orphelines et elle subventionne largement un
Musée botanique.
A Para, il y a également une école professionnelle qui ren-
ferme 92 élèves internes entretenus par la province.
A Minas-Geraes, on trouve : dans le chef-lieu, Ouro-Preto,
un cours de pharmacie : à Serro, un petit lycée d'arts et métiers ;
à Piracicaba, une École d'agriculture.
Dans d'autres provinces, on trouve des établissements analo-
gues.
INSTRUCTION PUBLIQUE. 587
Établissements privés. — Deux de ces établissements méri-
tent une mention spéciale pour leur organisation et pour les
services réels qu'ils rendent.
Le premier se trouve à Rio-de-Janeiro. Sous le nom de Lycée
d'arts-et-métiers, il a groupé un ensemble de professeurs hors
ligne, qui donnent renseignement le plus varié et le plus com-
plet sans aucune rétribution. Les étrangers et les nationaux
y sont admis gratuitement. Il possède pour le sexe féminin des
cours admirablement organisés et fréquentés par un grand
nombre de jeunes filles de toutes les classes. Installé dans un
bâtiment magnifique, pourvu de collections et de tout l'appareil
nécessaire à renseignement, ce Lycée, œuvre de M. Béthencourt
da Silva, est alimenté principalement par les ressources des par-
ticuliers, quoique l'État Jui accorde une subvention, et que l'un
des derniers ministres libéraux, M. le conseiller Rodolpho E. de
Souza Dantas, se soit acquis une popularité légitime en le dotant
largement. Ce Lycée, dont les Brésiliens sont fiers à bon droit,
n'a peut-être pas d'analogue ailleurs, et, en 1887, il a été
fréquenté par 2.144 élèves des deux sexes.
Le second se trouve à San-Paulo. C'est également un Lycée
d'arts et métiers, qui donne l'instruction gratuite, tous les ans,
à une moyenne de 600 élèves.
En terminant, il faut encore citer la Société protectrice de
l'industrie nationale, de Rio (Sociedade Auxiliadora da Industria
Nacional). Ses cours du soir et son école industrielle ont été
fréquentés en 1888 par 157 élèves. Elle publie, depuis bientôt
soixante ans, une revue : 0 Auxihador da Industria Nacional,
qui a rendu les plus grands services au pays.
Telles sont les indications sommaires que l'on peut fournir
sur l'instruction publique au Brésil. De l'ensemble des données
que nous avons présentées, il résulte que l'instruction publique
est l'objet de la préoccupation constante et éclairée de tous les
citoyens et de toutes les administrations provinciales et munici-
pales, qui ne se déchargent pas de ce soin sur le pouvoir
central.
En 1883, une exposition pédagogique internationale a été
organisée à Rio-de-Janeiro. Cette exposition a été couronnée de
succès, quoique ses organisateurs n'aient dû compter que sur les
ressources fournies par des particuliers. Un musée scolaire per-
LE BRÉSIL EN 18 89.
manent a été établi à La suite do cette exposition et est entre-
tenu par une société (Associaç&o Mantenedora do Museo Escolar
nacional), présidée par Monseigneur le Comte d'Eu. Ce musée,
qui possède aujourd'hui une bibliothèque avec 7.000 volumes, de
nombreux échantillons de mobilier scolaire et plus de 900
groupes d'objets, est dû en grande partie à la protection de
Monseigneur le Comte d'Eu, aux efforts d'un ministre libé-
ral, M. le Baron de Loreto, aux contributions de quelques
citoyens généreux et aux largesses d'un grand nombre d'éditeurs
(étrangers.
En constatant tout ce que le Brésil a déjà réalisé pour l'ins-
truction publique, on a quelque raison de croire que désormais
l'enseignement à tous les degrés y va prendre un nouvel essor.
Certes, bien des lacunes restent encore à combler: l'instruction
technique n'est pas encore assez développée, l'instruction géné-
rale n'est pas encore assez répandue, les institutions et les
maîtres sont insuffisants sur plus d'un point, et par le nombre et
par les capacités. Mais, si l'on considère le point de départ et les
résultats obtenus, on est obligé de reconnaître qu'un grand pas
a été fait dans la bonne voie, et que le Brésil n'est pas tout à
fait en retard sur la civilisation européenne.
Tableau des dépenses votées pour l'Instruction Publique dans tout
l'Empire pendant V exercice financier l S 8 6-1 887, d'après la
Rcvista Sul-Americana :
Amazonas 290 contos.
Para 676 —
Maranhâo 177
Piauhy 54 —
CeanU 199 —
Rio-Grande-du-Nord 128 —
Parahyba 119 —
Pernambuco 1.002 —
Alagôas 207 —
Sergipe 148
Bahia 561 —
Espirito-Santo 94 —
Uio-de-Janeiro (province) 970 —
.1 repoi 'ter. . . . 4.631 contos
INSTRUCTION PUBLIQUE. 589
Report. . . . 4.631 contos ■
Rio-de-Janeiro (ville) 955 —
San-Paulo 789 —
Parané 163 —
Santa-Gatharina 100 —
Rio-Grande-du-Sud 523 —
Minas-Gcraes 968 —
Goyaz 61 —
Matto-Grosso 48 —
Total 8.238 contos
soit 23.500.000 francs.
CHAPITRE XX
LITTÉRATURE
Par M. F.-J. DE SANTA-ANNA NERY
Il y a soixante ans à peine, la littérature brésilienne n'était
guère qu'un mince ruisseau dont les eaux allaient se perdre
obscurément dans le vaste courant de la littérature portugaise.
Dès le milieu du xvic siècle, cinquante ans après la décou-
verte, il est possible, néanmoins, d'y apercevoir des flots qui
semblent refléter un coin du ciel des tropiques. En effet, quelques-
uns des naturels de la colonie portugaise de l'Amérique du Sud
gardent un ton de terroir qui décèle leur origine transatlantique,
malgré le milieu européen qui déteint sur eux puissamment. Dès
cette époque, on cite des noms que le Brésil revendique.
Au XVIe siècle, parait Bento Teixeira Pinto, poète et prosateur
qui avait vu le jour à Pernambuco (1540).
Le xviic siècle est plus fécond. On voit alors : Euzebio
de Mattos (1627-1692), de Bahia, prédicateur, poète, musicien,
dessinateur, graveur, dont il ne subsiste guère que quelques
sermons estimés ; Gregorio de Mattos (1633-1696), de Bahia, frère
d'Euzebio, véritable Rabelais brésilien, célèbre autant pour sa
verve satirique que pour sa vie agitée ; Manoel Botelho de Oliveira
(1636-1711), également de Bahia, élevé à Coïmbre, en Portugal,
auteur de la « Musique du Parnasse, divisée en quatre chœurs
de rimes portugaises, castillanes, italiennes et latines » ; Paulo da
Trindade (1571-1651), de Macahé, mort à Gôa, dont on connaît la
« Conquête spirituelle de l'Orient », racontant les travaux des
592 LE BRÉSIL EN 1889.
missionnaires pour La conversion des infidèles depuis le Cap de
Bonne-Espérance jusqu'aux lies du Japon; Francisco de Souza
(1628-1713), né à Bahia et mort aussi à Gôa, qui, dans « L'Orient
conquis », a donné quelques notices sur son pays d'origine ; Diogo
Gomes Carneiro (1628-1676), de Rio-de- Janeiro, qui lui chroni-
queur général du Brésil avec une pension royale; José Borges de
Barros (1657-1719), de Bahia, qui a laissé, à côté de gros traités
canoniques, une comédie « La constance triomphante » et des
« Conclusions amoureuses »; et surtout Jaboatâo (1675-1763) et
Hocha Pitta (1660-1738), de Bahia, dont le premier fut un chro-
niqueur consciencieux et le second eut le mérite d'écrire la pre-
mière histoire du Brésil.
Au xviii6 siècle, le nombre des écrivains brésiliens s'accroît
encore, quoique leur valeur soit relative, comme il est facile de
le comprendre.
Lorsqu'il s'agit d'une jeune nation, il faut tenir compte de la
lenteur des évolutions historiques et de la difficulté que rencontre
forcément la diffusion des lumières chez un peuple à l'aurore de
son existence. Les vieilles nations de l'Europe ont mis des siècles
à sortir des langes de l'enfance intellectuelle, et c'est à peine si
quelques-unes d'entre elles ont atteint la puberté pendant le
moyen âge. Au Brésil, dès le xviii0 siècle, on est même sur-
pris de trouver quelques talents qui se font jour malgré toute
sorte d'obstacles. Il produit, néanmoins, un auteur dramatique
original, Antonio José da Silva (1705-1739), né à Rio-de-Janeiro,
et brûlé à Lisbonne comme juif, et enfante quelques écrivains
dont les noms ont survécu: José de Santa-Rita Durào (1718-1784),
de Minas-Geraes, élevé en Portugal, ayant voyagé en Espagne et
en Italie, écrit son « Caramurû », poème épique, coulé dans le moule
des « Lusiades »; il roule sur un épisode légendaire de la décou-
verte du Brésil, et M. Eugène Par ay de Monglave l'a traduit en
français ; Claudio Manoel da Costa (1729-1789), de Minas, écrit
un autre poème, « Villa-Ricca » et chante le pays natal dans la
« Rivière duCarmo»; José Basilio da Gama (1740-1795), compose
également un beau poème, « Uraguay »; Ignacio José de Alva-
renga Peixoto (1748-1793), le protégé de Poinbal, fait des poésies
lyriques estimées ; et Thomaz Gonzaga (1741-1809), le plus grand
de tous, jette dans ses vers, pleins d'amour suave, un grain de
parfum brésilien.
A coté d'eux, d'autres noms méritent une mention spéciale:
Yicente Coelho deSeabra(1765-1804), de Minas, aussi bon chimiste
LITTERATURE. 593
que patriote et écrivain; José MarianodaConceiçaoVelloso(1742-
1811) ; de Minas-Geraes, botaniste dont la « Flora Fluminensis »
suffit pour perpétuer le nom ; Antonio Percira de Souza Galdas
| 1762-1814), poète qui sut trouver parfois des accents patriotiques.
Deux poètes, nés au siècle dernier et morts au milieu du
xixc siècle, se rattachent aux précédents par leurs tendances, ce
sont : Domingos Borges de Barros, vicomte de Pedra-Branca
(1780-1855), de Bahia, qui a laissé, entre autres œuvres, deux
volumes de « Poésies dédiées aux dames brésiliennes », et un
petit poème : « Les Tombeaux »; et José da Natividade Sadanha
(1796-1830), de Pernambuco, doux poète, patriote ardent, mort
en exil.
Maisle véritable mouvement littéraire brésilien date de l'époque
de notre indépendance politique (1822). Auparavant, nos poètes
allaient puiser leurs principales inspirations en Europe, et c'est
comme malgré eux que la fibre nationale résonnait. C'est ainsi
qu'en lisant les poésies de Gonzaga et d'Alvarenga Peixoto, aussi
bien que les poèmes de Basilio da Gama et de Claudio Manoel da
Costa, on a l'impression qu'une nouvelle école va surgir. Leurs
bergers ont beau se réclamer de l'Arcadie, on voit bien que les
brebis qu'ils mènent à des pâturages imaginaires se sont alimen
tées des herbages gras de Minas-Geraes. Néanmoins, les uns et les
autres restent Portugais autant par la forme classique que par
le tour de la pensée, lors même qu'ils chantent des sujets
nationaux.
Au moment où le Brésil proclama son indépendance, le roman-
tisme était dans tout son apogée en France, et notre enfance
comme nation autonome a été bercée au son du romantisme.
De longues années se sont écoulées pour nous au milieu de
cette harmonie étrangère qui faussait l'esprit national et retardait
l'éclosion d'une mélodie qui fût bien à nous.
La France a été pour nous une maîtresse dont nous avons
suivi trop docilement les leçons ; nos principaux hommes de
lettres avaient puisé leur instruction à Paris môme ou passaient
leur vie dans la fréquentation presque exclusive des auteurs
français. Cette influence s'est étendue jusqu'à nos jours.
Depuis quelque temps, une nouvelle école a tenté de remplacer
la direction littéraire française par l'orientation allemande, sans
trop réussir dans cette tache. Malgré ses efforts, la littérature
française conserve son prestige parmi nous, et l'homme qui doit
ouvrir à notre littérature une voie absolument nationale ne
38
594 LE BRESIL EN 1889.
semble pas encore né. Il apparaîtra sans doute, au moment voulu,
comme la résultante de tous les efforts de la génération présente
pour donner au Brésil une physionomie propre.
L'homme de lettres, l'ouvrier intellectuel qui gagne sa vie par
un labeur exclusivement littéraire, esl fort rare dans un paysoù,
pendant quelque temps encore, il n'est pas mauvais que Le public
donne la préférence à ceux qui travaillent au progrès national
dans d'autres branches plus positives de l'activité humaine, telles
que le commerce, l'industrie et l'agriculture. Pour l'instant, chez
nous, on est parlementaire, diplomate, médecin, avocat et litté-
rateur par dessus le marché.
Nous parcourions dernièrement une liste des écrivains qui ont
pris part à la séance d'organisation d'une Société des gens de lettres,
l'ondée à Rio-de-Janciro le 30 août 1883 et morte presque tout de
suite après, et nous étions frappé de cette constatation. On y voyait
le conseiller J. -M. Pereirada Silva, présentement sénateur <d direc-
teur de la Banque du Brésil (né à Rio en 1817; ; J. Cardozo de
Mene/ese Souza, baron de Paranapiacâba, ancien député, directeur
au Trésor national (né àSantosen4827); Manuel Jesuino, directeur
au ministère de l'Empire (né à Bahiaenl832); Affonso Celso Junior,
député lié à Ouro-Preto en 1860) ; J. Severiano da Fonseca, mé-
decin (né àAlagôas en 1836); J.-N. de Souza e Silva, chef de bureau
au ministère de l'Empire (né à Rio en 1820); le conseiller Ladislau
Netto, directeur du Muséum national (né à Alagoas en 1838) ;
J. Franklin da Silveira Tavora, ancien directeur de l'instruction
publique à Pernambuco (né à Céara en 1842). Tous, à l'exception
de M. Sylvio Roméro (né à Sergipe en 1852), professeur de philo-
sophie au collège impérial de Dom Pedro II, étaient des fonction-
naires administratifs ou des parlementaires. On peut compter
sur les dix doigts ceux qui ont fait des lettres leur carrière, car,
chez nous, les lettres ne nourrissent guère leur homme.
Sans remonter à nos origines et en nous en tenant exclusive-
ment aux choses de notre temps, nous allons dresser un petit
tableau, d'ailleurs à peine ébauché, du mouvement littéraire
contemporain au Brésil. Bien des noms seront oubliés, sans
doute ; mais notre but n'est pas de faire un catalogue embrassant
toute la production intellectuelle des cinquante dernières années ;
nous voulons tout simplement offrir aux étrangers une courte
table des matières qui leur permette de se livrer à des recherches
ultérieures.
LITTÉRATURE. 595
Poésie. — le premier en date de nos poètes contemporains
esl Domingos José Gonçalves de Magalhâes, vicomte d'Àraguaya
(1811-1882), dont l'influence a été extraordinaire sar la génération
qui a vécu de 1840 à 1860. L'apparition de ses « Soupirs poéti-
ques » (1836) fut un événement ; quelques-unes des poésies
de ce recueil (Waterloo, la prison du Tasse à Ferrare, etc.), ont
un grand souffle et révèlent une haute inspiration. Ses autres poé-
sies n'ont pas conquis la même popularité. Cependant, son poème
épique : « La Confédération des Tamoyos », semé d'épisodes
magnifiques, paru en 1857, a eu les honneurs de deux belles
traductions en italien : l'une faite par M. Riccardo Ceroni, l'autre
par le comte Stradella. Magalhâes, élevé en Europe, à Paris, à
l'époque des Cousin, des Jouffroy, des Guizot, des Lamartine, des
Hugo, est un romantique, et toutes ses œuvres respirent une
grande foi chrétienne et un patriotisme aussi tendre que pas-
sionné.
A coté de lui, il faut placer Antonio Gonçalves Dias (1823-1864),
né à Caxias, poète d'une allure vraiment nationale la plupart du
temps. La publication de ses « Premiers chants » (1847) fut saluée
par toute la presse comme une révélation, et, en Portugal,
Alexandre Herculano, qui était alors le grand pontife des renom-
mées naissantes, le sacra grand poète. En 1857, il fît paraître les
« Derniers Chants », et, peu après, les quatre premiers chants
de son poème « les Tymbiras ». Sa lyre — en ce temps-là on
parlait encore de lyre — avait des cordes inconnues et patrio-
tiques, et ses vers, d'un étrange subjectivisme, entraient dans la
mémoire du peuple comme desairs qu'il avait entendus au dedans
de lui-même.
M. de Araujo Porto Alegre, Baron de Santo-Angelo (1806-1879),
fut un versificateur correct et érudit, rempli de bonnes inten-
tions, mais il lui manquait le souffle qui fait les poètes. Il a
composé de nombreuses poésies, et a laissé un poème épique :
« Colomb », dans lequel il célèbre longuement la découverte de
l'Amérique. Cependant, il a eu le mérite de chercher et de trouver
parfois la couleur locale américaine.
D'autres poètes ont marché sur les traces de Magalhâes, de
Gonçalves Dias et de Porto-Alegre, qui tous trois ont exercé une
grande influence sur leurs contemporains. Aujourd'hui encore,
tandis que quelques-uns s'efforcent de se frayer une nouvelle
route, il y a des retardataires qui les imitent laborieusement, car
LK BRÉSIL EN 1889.
au Brésil la poésie court les rues, et si La qualité en souffre un
peu, on se ratrappe sur la quantité.
La langue se prête à l'harmonie des mots et à la cadence
des phrases, et la prosodie n'exige pas ces tours de force des
rimes masculines et féminines qui rendent la poésie française
aussi difficile que monotone. Grâce à ces sonorités naturelles de
langage, nous avons eu des improvisateurs d'un talent réel, tels
que Laurindo Rabello (1826-1864) et Moniz Barretto (1804-1868 .
Les poésies du premier ont été recueillies par M. J. Norberto de
Souza e Silva. Celles du second ont donné lieu à une belle mono-
graphie, publiée en 1887 par son fils, sous ce titre : « Moniz
Barretto l'improvisateur ». Ces improvisations authentiques,
tantôt tendres et émues, tantôt spirituelles et patriotiques, cons-
tituent un véritable phénomène et demeurent comme l'un des
traits caractéristiques de notre peuple.
Castro Alves (1847-1887), enfant de Bahia comme Moniz Barretto,
a été un imitateur heureux de Victor Hugo. Les vers qu'il a
consacrés à dépeindre le triste sort des esclaves ont été autant
de pierres portées à l'édifice abolitionniste, que la loi du 13 mai
1888 a couronné. Ses« Écumes flottantes » affronteront peut-être
les orages du temps sans se dissoudre, et son « Navire noir »
a porté dans ses flancs les espérances, aujourd'hui réalisées, d'une
race longtemps opprimée.
Alvares de Azcvedo (1831-1852), mort jeune, comme ceux
que les dieux aiment, a laissé des poésies d'un sentiment bien
personnel et d'une tendresse qui rappelle parfois certaines pages
d'Alfred de Musset.
Fagundes Yarella (1841-1875), né à Rio et mort à San-Paulo,
est l'un des plus beaux talents poétiques que le Brésil ait jamais
produit. Ses « Chants de la solitude et de la ville », son « Journal
de Lazare », son « Évangile dans les forêts », ses « Voix d'Amé-
rique » montrent assez qu'elle perte la littérature brésilienne a
subie lors de sa mort.
Casimiro José Marques de Abreu (1837-1859), de Rio, a
publié, à vingt-un ans, des poésies (Printemps) qui promettaient
une ample moisson pour l'automne de sa vie.
ManoelOdorico Mendes (1799-1864), ami de Gonçalves Dias, né
à Maranhào, pépinière de poètes et de lettrés, est mort à
Londres, après avoir fait de belles traductions de l'Iliade et sur-
tout de Virgile, en vers portugais. Cette dernière traduction
montre tout ce que peut faire un poète en transportant fidèle-
LITTERATURE. 59?
ment la pensée d'un autre poêle dans une langue qui a tant
d'affinités avec Le latin :
E na linga, na quai quando imagina,
Coin pouca corrupçào cuida que é a latina,
coin me a dit Gamoëns (Lusiadas, I, 33).
Pedro Lui/ Pereira de Souza (1830-1885), né à Rio, a laissé
des poésies estimées ; son petit poème « Terribilis Dea » est tout
vibrant d'ardeur démocratique.
Gentilhomem de xAimeida Braga (18-40-1876), de Maranhâo, a
traduit en vers harmonieux l'Évangéline de Longfellow.
Franklin Americo de Menezes Doria, baron de Loreto, né à
Bahia, a également traduit, avec une correction qui n'enlève
rien à la beauté de l'original, l'Ëvangéline du grand poète des
États-Unis. Il est en même temps homme politique et juris-
consulte estimé.
Francisco Octaviano de Almeida Rosa, de Rio, qui vient de
mourir, était un poète gracieux et correct ; on le considérait
comme l'un des chefs de la jeune littérature brésilienne, quoi-
qu'il n'ait jamais pris la peine de réunir ses poésies en volume.
Joâo Cardozo de Menezes e Souza, baron de Paranapiacâba,
né à Santos, s'est révélé poète de premier ordre, non seulement
dans un grand nombre de poésies originales, mais encore dans
une série de traductions admirables en vers portugais, telles que
celles de « Jocelyn » de Lamartine, des fables de La Fontaine,
du poème de Byron : « Oscar d'Alva », et de la « Marmite » de
Plaute.
Machado de Assis, de Rio, est l'un des poètes aimés du pu-
blic ; ses « Phalènes » ont eu plusieurs éditions ; ses « Améri-
caines » sont l'œuvre d'un talent sûr de lui-même; les « Plai-
deurs », de Racine, qu'il a traduits en vers, peuvent être com-
parés aux meilleures « nationalisations » de Molière faites par
le vicomte de Gastilho, le littérateur portugais.
Luiz Guimarâes Junior a publié plusieurs volumes de vers
qui ont conquis aussitôt une grande vogue; on cite de lui un
grand nombre de sonnets, de ceux dont Boileau disait qu'ils
valent un long poème.
Mello Moraes fils a chanté des sujets nationaux dans « Les
Esclaves Rouges », les « Mythes et Poèmes », les « Chants des
Tropiques », les « Chants de l'Esclavage », les « Chants de
l'Equateur », etc
598 LE BRÉSIL EN 18 89.
La politique a enlevé aux lettres Aflfonso Celso de A.ssis Figuei-
redo Junior, qui avait publié, de 1875 à 1880, quatre volumes de
poésies gracieuses et avait donné au théâtre un drame, « Un Point
d'interrogation », joué à San-Paulo,le 12 juillet 1878, avee succès.
Tobias de Menezes, de Sergipe, où il est né en 1839, s'esl
montré poète original et vigoureux dans une foule de poésies
détachées.
Sylvio Roméro, né à Sergipe également, a publié un grand
nombre de poésies qui portent la marque d'un talent primesau-
tier : « Chants de la fin du siècle, » etc.
11 serait injuste de passer sous silence les nomsd'autrespoètcs
dont la renommée s'affirme chaque jour : Theophilo Dias, neveu
de Gonçalves Dias, mort en mars 1889, dont la « Lyre des jeunes
années » et les « Chants tropicaux » ont été remarqués ; Mucio
Teixeira, le plus fécond peut-être des poètes actuels, auteur des
« Ombres et Clartés », de « Cerveau et Cœur », et de tant d'autres
volumes de beaux vers ; L. Delfîno, connu par sa correction
parnassienne; Assis Brazil ; Santa Ilelena Magno, de Para ; Mar-
tins Junior ; Francisco de Castro, auteur des « Étoiles errantes » ;
Arthur de Azevedo, qui dans ses divers volumes (Le jours des
morts, La rue d'Ouvidor, etc.), sait marier l'ironie au sentiment ;
Mathias Carvalho ; Brazil Silvado, auteur des « Petits essais » et
Clovis Bevilaqua, auteur des « Veillées littéraires », l'un et l'autre
pleins de beautés; Ezequiel Freire, qui, dans ses « Fleurs des
champs », a donné à sa muse une forme vraiment champêtre ;
Carvalho Junior (Sonnets), Lucio de Mendonça, poète voluptueux
(Brouillard du matin, Aubades), Alberto de Oliveira (Chansons
romantiques), Fontura Xavier (le Saltimbanque royal), Olavo
Bilac, Raul Pompeia ont chacun, à des degrés divers, une note
bien personnelle.
Valentim Magalhaes, après avoir débuté par « Chants et
Luttes », s'est essayé avec succès dans le genre satirique popu-
laire (Colomb et Nenê, la Vie de M'sieu Jouca, parodie du Don
Juan, de Guerra Junqueiro) et continue a produire des vers
faciles.
Parmi les femmes poètes de nos jours, on cite Narcisa Amalia,
Clarinda da Costa Siqueira (1818-1807) et plusieurs autres.
Il faudrait encore mentionner ici divers poètes qui ont acquis
dernièrement une grande notoriété locale, comme Juvenal Galeno,
Céarâ ; mais alors il serait nécessaire de les citer tous. C'est
LITTÉRATURE. 599
là l'inconvénient des richesses trop considérables : on ne peut
plus compter son trésor.
Roman. — Le roman, que Lamartine appelait la poésie du
peuple, compte parmi nous quelques représentants, moins nom-
breux, cependant, que la poésie.
En première ligne, il faut placer Alencar et Macedo.
José de Alencar (1829-1877), né à Géarâ, est celui qui a laissé
une empreinte plus visible dans le champ du roman national.
Son « Guarany » a eu plusieurs éditions et a inspiré au maestro
Carlos Gomes un opéra qui a fait le tour du monde. On lui doit
aussi: « Luciola », « Diva », « Rêves d'or », « Les Mines d'ar-
gent », le « Tronc d'Ipé », « Iracema », « Ubijâra », « Le Gaucho »,
légendes américaines, « Tilde », « Senhora », qui est peut-être son
chef-d'œuvre, et, lorsque la mort est venue le surprendre en
pleine maturité, il mettait la dernière main à un poème, « Les
Enfants de Tupan », dont il avait achevé quatre chants.
Joaquim Manoel de Macedo (1820-1882), de Rio, est l'auteur
du roman « la Brunette » (Moreninha), le plus grand succès de
librairie qu'on ait enregistré au Brésil. Parmi ses nombreux
romans, les plus célèbres sont: « le Jeune homme blond », la
« Petite Yincente, « Victimes-Bourreaux, » etc.
Machado de Assis, cité précédemment, a composé, dans une
langue pure et imagée, un grand nombre de romans parmi
lesquels : « Contes de Minuit », « Hélène », « Résurrection »,
Yayâ Garcia », etc.
Bernardo Guimaraes (1827-1885) a laissé une série de romans
qui dépeignent sous des couleurs vraies les mœurs de sa province
natale, Minas-Geraes, et font revivre des scènes de l'intérieur du
Brésil : « Légendes et Narrations », « Jupira », « l'Esclave Isaure »
(dont le comte d'Ursel a donné une analyse), le « Chercheur de
diamants », le « Séminariste », etc.
Manoel de Almeida (1832-1861) a retracé avec amour dans ses
« Mémoires d'un sergent de milice » un coin de la vie coloniale.
Alfredo d'Escragnolle Taunay, de Rio-de-Janeiro, a écrit,
comme romancier: « La Jeunesse de Trajan », 2 vol., le « Manus-
crit d'une femme », « Histoires brésiliennes », « Narrations mili-
taires », « De l'or sur du bleu », 2 vol., et surtout « lnnocencia »,
idylle campagnarde encadrée dans un paysage d'une beauté
réelle. Ce dernier roman a été traduit en français.
Joâo Franklin da Silveira Tavora (1842-1888), de Céarâ, a
GOO LE BRÉSIL EN 1880.
réussi dans le roman de mœurs brésiliennes et clans le roman à
allures historiques ; on connaît de lui : « Les Indiens de Jagua-
ribe », dont l'action se passe en 1G03, lors des premières tenta-
tives de colonisation faites au Céarà par les Portugais ; le
« Rural », (0 Matuto) ; « Légendes et Traditions du Nord », le
« Sacrifice », « Un mariage au faubourg », « Cabelleira » et
« Laurent », peintures empruntées aux mœurs ou à la chronique
de Pernambuco.
Joaquim Norberto de Silva e Souza, né en 1820, historien,
poète et érudit, a composé des nouvelles intéressantes écrites
d'un style pur.
Marcos Herculano logiez de Souza a écrit un petit nombre de
romans et de nouvelles contenant des peintures très fidèles et
curieuses des mœurs amazoniennes et de la nature équatoriale.
Celso de Magalhâes s'est signalé, entre autres écrits de valeur,
que une « Étude de tempérament », roman bien pensé et bien écrit.
Luiz Guinarâes Junior, déjà cité, a fait quelques romans
estimés: « La famille Agulha », « Contes sans prétention », etc.
José do Patrocinio, le tribun abolitionniste, a publié un roman
à thèse : « Motta Coqueiro », contre la peine de mort; un autre
où il a décrit avec une vérité poignante des scènes de la séche-
resse de Céarâ (Os Retirantes), etc.
Salvador de Mendonça a composé « Marâba », où l'on trouve
des pages délicieuses.
Aluizio Azevedo et quelques autres s'essayent dans le genre
naturaliste : parmi les productions les plus discutées d' Aluizio
Azevedo, on cite « L'Homme » et « Pension de Famille ».
Le roman brésilien n'a pas encore conquis des lettres de natu-
ralisation dans son propre pays : les feuilletons des journaux
s'alimentent en grande partie de traductions françaises ; les
romans étrangers les plus médiocres sont reproduits en portu-
gais dans nos principales publications périodiques, et empê-
chent la production nationale de trouver grâce devant les éditeurs
Théâtre. — Depuis le jour ou les premiers missionnaires
jésuites, arrivés au Brésil, remarquant le goût des indigènes pour
les spectacles, faisaient représenter des mystères composés par
eux-mêmes, le théâtre a fait bien du chemin chez nous. Quoiqu'il
ne vive guère encore que de traductions et d'adaptations de
pièces étrangères, il compte, cependant, quelques représentants
parmi nous.
LITTÉRATURE. 601
D.-J. Gonçalves de Magalhâes, vicomte d'Araguaya, l'initia-
teur de la poésie romantique parmi nous, fut également un
initiateur dans l'art dramatique. Le 13 mars 1838, on jouait à
Rio-de-Janeiro sa tragédie « Le Poète et l'Inquisition », inter-
prétée par le grand acteur Joâo Gaetano dos Santos. Le 7 sep-
tembre de l'année suivante, le théâtre de Sâo-Pedra-d'Alcantara
de la même ville donnait son drame « Olgiato », et ces deux
pièces obtenaient une faveur marquée.
Gonçalves Dias, l'émule de Magalhâes en poésie, a donné
successivement: « Béatrix Lonce », « Pat Kull », « Béatrix
Genci », « Léonor de Menclonça », « Boabdil », drames corrects,
mais sans aucun caractère national et faisant partie de ce qu'on
a appelé spirituellement le théâtre impossible.
José de Alencar, déjà cité, n'était pas seulement un roman-
cier de haute valeur ; comme auteur dramatique il a composé :
« Le Démon de la Famille », comédie en quatre actes, « La Mère »,
drame en quatre actes, « Les Ailes d'un Ange », comédie en
quatre actes, le « Revers de la Médaille » (Verso e Beverso), etc.,
productions ayant pour la plupart un parfum brésilien prononcé.
Joaquim Manoel de Macedo, dont nous avons parlé précé-
demment, a donné au théâtre : « Luxe et Vanité», « Fantôme
Blanc », « Lusbella », « Un cousin de Californie », « Gincinnatus
Casse-Vaisselle », le « Nouvel Othello », comédies réussies, et
bien d'autres productions d'un mérite inégal.
Francisco Pinheiro Guimarâes (1832-1877), a obtenu un grand
succès avec son « Histoire d'une jeune femme riche » et « Puni-
tion. »
Achilles Varejâo, mort récemment, avait donné de grandes
espérances avec sa comédie a L'Epoque » ; malheureusement, il
en est resté aux espérances.
L.-G.-M. Penna a composé de jolies comédies et des farces
agréables ; il faut citer, entre autres, un proverbe intitulé :
« Qui cherche trouve » [Quem porfia mata caca).
Agrario de Souza Menezes, dans son drame en vers « Calabar »,
histoire d'un Mameluco qui fit la guerre aux Hollandais, au xvn°
siècle, s'est essayé dans le genre historique national.
Machado do Assis, déjà nommé, a réussi dans des comédies
de courte haleine. Parmi ses meilleures compositions on
remarque « Presque Ministre. »
França Junior a composé des comédies pleines de sel, qui
présentent certains travers nationaux avec un grossissement
602 LE BRÉSIL EN 1S89.
voulu : o Le Défaut de famille, » « De travers » (Por linhas
tortas), « Coiiinii'iil on faisait un Député », etc.
Arthur de Azevedo, de Maranhâo, compose encore, presque
tous les ans, des revues de fin d'année et des comédies joyeuses
qui fonl les délices du public de Rio.
Moreira Sampaio se signale dans le même genre, et plusieurs
autres écrivains se font une spécialité de la traduction des pièces
à succès des auteurs dramatiques français.
Auguste de Castro a fait des parodies et des adaptations fort
réussies du répertoire d'Offenbach.
Vasques, excellent comédien, est aussi l'auteur de quelques
comédies et de plusieurs drames justement estimés : son drame
« Larmes de Marie » a fait verser plus d'une larme aux cœurs
sensibles.
Comme le roman, le théâtre national se trouve écrasé par
l'importation étrangère, et son essor est arrêté par la production
venue du dehors. C'est ainsi qu'il n'a guère fait de progn- depuis
le siècle dernier, alors que le Brésil donnait à la littérature
dramatique portugaise le premier de ses auteurs comiques,
Antonio José da Silva (1705-1739), le héros du drame de ftfaga-
lhâes : « Le Poète et l'Inquisition », car Antonio José fut brûlé
à Lisbonne comme juif.
Nous n'importons pas seulement des pièces de théâtre, nous
importons également des acteurs, et nous avons eu peu d'artistes
pour continuer les traditions de Joâo Caetano dos Santos (1808-
1803), de sa femme, Estella Sezefreda dos Santos (1810-1874), et
de son élève, Joaquim Augusto Ribeiro (1825-1873), qui annon-
çaient une école de comédiens et de tragédiens de valeur.
Éloquence. — Tous les étrangers de distinction qui ont visité
le Brésil ont été frappés de la facilité d'élocution des hommes
publics de ce pays. Agassiz a rendu témoignage de ce fait, qui
Ta surpris agréablement, et d'autres voyageurs se sont fait les
interprètes de la même impression. Nous nous bornerons à citer
quelques noms :
Dans l'éloquence sacrée : le chanoine Januario da Cunha
Barboza (1780-1846), prédicateur, journaliste, historien, l'un des
fondateurs du Conservatoire dramatique et de l'Institut historique
et géographique, qu'il créa avec ses amis, le général Cunha
Mattos et le vicomte de San-Leopoldo ; le Père Francisco de
LITTÉRATURE. 603
Monte-Alverne (1784-1854), qu'on a surnommé bien à tort ].e
Bossuet brésilien, et qui serait tout au plus un Massillon sans
théologie ; Dom Romualdo Antonio de Seixas, marquis de Santa-
Cruz (1787-1860), dont les œuvres oratoires demeurent comme
un monument d'esprit pondéré, servi par une langue claire et
simple; Monseigneur de Macedo, comte de Belem, évêque de
Para, Lequel, après avoir prêché en portugais dans son pays, a
prêché en français à Paris, et en italien à Rome, avec le même
succès.
Parmi les orateurs parlementaires, — sans parler des anciens,
tels que Antonio Carlos Ribeiro de Andrada Machado e Silva
(1773-lSïo), orateur vibrant et pompeux; le vicomte de Souza
Franco (1805-1875), excellent orateur d'affaires, et le vicomte
d'Inhomirim (mort à Paris en 1873), dont la parole servit avec
une ardeur admirable la cause de l'émancipation des noirs — on
peut citer : J. M. da Silva Paranhos, vicomte de Rio-Branco
(1819-1880), auteur de la loi du 28 septembre abolissant graduel-
lement l'esclavage, orateur habile et plein de ressources ; Antonio
Ferreira Yianna, orateur tantôt grandiose, tantôt mystique, tou-
jours étonnant ; Saldanha Marinho, tribun éloquent et érudit ;
Martinho de Campos, mort il y a peu d'années, incisif et passé
maître dans l'ironie ;Joâo Alfredo Correia de Oliveira, parlemen-
taire à la mode anglaise, ne visant pas à l'effet; José Bonifacio,
vigoureux et brillant ; Affonso Celso (vicomte d'Ouro-Preto),
éloquence admirable et science profonde; Silveira Martins, vrai
tribun, imagé, familier, puissant ; Ruy Barboza, correct et
disert; José do Patrocinio, dont la parole émue a tant contribué
au triomphe de l'abolition ; Joaquim Nabuco, orateur érudit,
maître de sa parole; Lopes Trovâo, tribun enflammé, Gomes de
Castro et tant d'autres.
Le barreau compte aussi des avocats remarquables : Candido
d'Oliveira, le Baron de Loreto (dont les Questions Juridiques renfer-
ment de beaux plaidoyers), Ignacio Martins, etc.
Histoire. — L'histoire du Brésil avant la conquête portugaise
et même pendant les premiers temps de la découverte est éparse
dans les rares monuments qu'ont laissés les Indiens, dans
les chroniques des missionnaires, dans les Routiers des naviga-
teurs et dans les relations des voyageurs. « Au Brésil, a dit avec
raison un des écrivains qui s'est acquis le plus d'autorité dans
604 LE BRÉSIL EN 1889.
notre journalisme économique *, les études du pays sur son propre
sol et la connaissance qu'y ont puisée les savants étrangers,
peuvenl se dn iser en l mis époques distinctes et bien délimitées.
La première commence à l'époque de la découverte occasionnelle
ou préméditée du Brésil en 1500 et va jusqu'à 1808 : c'est
l'époque des admirables explorations de la race envabissante, des
travaux topographiques considérables ordonnés par la métropole
et de la géographie imaginaire des traités étrangers. La deuxième
s'étend de 1808 à 1840, et commence avec l'installation de la cour
portugaise àUio-de-Janeiro, avec l'ouverture des ports aux étran-
gers, avec la fondation d'établissements scientifiques. Alors, tandis
que d'illustres voyageurs visitent et décrivent le pays, les études
géographiques prennent parmi nous un essor remarquable. La
troisième époque, depuis 1840 jusqu'à nos jours, l'ait entrer l'em-
pire dans le concert des grandes nations historiques qui ont laissé
un nom dans la conquête du globe, grâce à l'influence des insti-
tuts nationaux, grâce à la classification des documents acquis,
entreprise par les travaux colossaux de quelques savants, et
aussi, depuis 1870, grâce à l'exploration scientifique et métho-
dique du pays. »
Pendant la première époque, on connaissait bon nombre de
questions qui préoccupent aujourd'bui les américanistes; les
hommes de lettres du Brésil les discutaient et, dès le siècle der-
nier, l'Académie des « Renascidos », de Bahia, entendait lire un
Mémoire sur l'origine asiatique des Indiens du Brésil. C'est pen-
dant la deuxième période, de 1808 à 1810, qu'un grand nombre
de voyageurs parcoururent le Brésil en écrivant sur ce pays des
livres qui font autorité encore aujourd'bui: le prince de Wied-
Neuwied assista à la fondation des premières colonies suisses et
traversa le littoral depuis Nitherohy jusqu'à Bahia ;Spix et Martius,
deux Bavarois, étudièrent le pays sous toutes ses formes ;
Auguste de Saint-Hilaire, Eschwège, Schaeffcr, Herderson, Frey-
cinet, Ferdinand Denis y recueillirent des données qu'ils ont
publiées plus tard. En 1817, paraissait laChorograpbie Brésilienne
de l'abbé Manoel Ayres do Casai, que Balbi et Humboldt consi-
dèrent comme le véritable fondateur de la géographie physique
du Brésil. Un peu plus tard, Balbi avouait, lors de la publication
de son tableau statistique du Brésil, qu'il devait la plupart de
i. Reinaldo Carlos Montôro : Boletim du sociedade de Jeogruphiu do Rio-
de-Jant'iro, t. I, n° 1, 1885.
LITTÉRATURE. 60b
ses informations au général Joao-Paulo dos Santos Barreto, au
vicomte de Pedra-Branca, à Silvestre Pinheiro Ferreira, au
marquis de Rczende et au vicomte de San-Lourenço. Après 1840,
la « Revue de l'Institut historique et géographique » et les
« Annales de la Bibliothèque Nationale » ont fourni de vastes
contributions à l'histoire et à la géographie historique du pays.
Nous possédons déjà un certain nombre de monographies et
de notices remarquables, écrites par J. Francisco Lisbùa, José
Antonio Marinho (1803-1853), José Feliciano Fernandes Pinheiro,
vicomte de San-Leopoldo (1774-1847), auteur des « Annales de la
province de San-Pedro », Monteiro Baena, C. Augusto Marques,
Capistrano de Abreu, Valle-Cabral, etc., etc.
A coté de ces studieux, nous possédons quelques historiens
connus :
Yarnhagen, vicomte de Porto-Seguro, mort en 1878, a écrit
un grand nombre d'ouvrages sur l'histoire nationale, et son
« Histoire du Brésil » est devenue classique parmi nous. Son
« Histoire de la guerre Hollandaise » peut être complétée au-
jourd'hui, grâce aux travaux récents de M. Pereira Duarte.
Joâo Manoel Pereira da Silva, sénateur de Rio, a composé :
« Les Hommes illustres du Brésil », manuel de vulgarisation
rempli de recherches heureuses et d'aperçus nouveaux ; une
« Histoire de la Fondation de l'Empire du Brésil », suivie d'une
narration historique sur la minorité de Dom Pedro II, ouvrages
qui ont eu deux éditions.
Joaquim Manoel de Macedo (1825-1882), a aussi écrit un
manuel d'histoire, une année biographique et d'autres travaux
composés trop facilement.
José Maria da Silva Paranhos, baron de Rio Branco, dont on
a lu dans ce livre une étude magistrale, est entré à l'Institut du
Brésil avec une belle étude sur le baron de Serro-Largo, dans
laquelle il élucidait quelques points obscurs de l'histoire de la
guerre cisplatine. Il a aussi annoté avec une abondance d'érudi-
tion extraordinaire l'œuvre du conseiller Schneider sur «Laguerre
du Paraguay et la triple-alliance ». A l'heure qu'il est, nul ne
connaît mieux que lui l'histoire du pays.
Alfredo d'Escragnolle Taunay, sénateur de Santa-Catharina,
né à Rio en 1848, a publié en français la « Retraite de Laguna »,
ouvrage traduit en allemand et écrit d'un style sobre et d'une
correction merveilleuse; plusieurs mémoires sur l'histoire et la
géographie, parus dans la « Revue trimestrielle de l'Institut du
G06 I>E BRÉSIL EN 1880.
Brésil -, el Le journal de La Campagne des Cordillères, scènes
de voyage admirablement vécues.
Sylvio Roméro a publié récemment une histoire delà littéra-
ture nationale, précédée d'une Histoire de la Poésie populaire
au Brésil, travaux considérables, remplis d'érudition, mais qui
révèlent moins L'historien que le polémiste.
J. Caetano da Silva (1818-1873), a composé deux volumes
sur la question du territoire contesté de la Guyane, remplis de
recherches heureuses qui le placent au premier rang des his-
toriens de la géographie au Brésil. Ces deux volumes sont écrits
en français.
Homem de Mello, Alencar Araripe, Duarte Pereira et tant
d'autres continuent avec bonheur les recherches historiques et
géographiques qui, au dernier siècle, ont fait connaître le nom
de l'explorateur brésilien Lacerda (1798), précurseur des voya-
geurs actuels dans l'Afrique, où il est mort.
Journalisme. — Grâce au régime de liberté absolue dont
nous jouissons, grâce aussi aux mœurs parlementaires qui ont
pris racine de bonne heure dans notre pays, la presse brésilienne a
pris un développement dont le gros public ne se doute guère en
Europe. Non-seulement nous avons de grands journaux poli-
tiques, admirablement informés et outillés comme les meilleurs
journaux d'Angleterre, mais encore il y a au Brésil un certain
nombre de Revues spéciales qui réussissent à vivre. Eu égard à
la population, on peut affirmer que le Brésil est l'un des pays où
il y a le plus grand nombre de publications périodiques. Le jour-
nalisme tend à devenir une profession dans quelques grandes
villes et spécialement à Rio-de- Janeiro, et, parmi les écrivains
les plus connus de l'heure actuelle, on y cite MM. Gusmâo Lobo
et Souza Ferreira, du « Jornal do Commercio » ; Ferreira de
Araujo, de la « Ga/.eta de Noticias » ; Quintino Bocayuva, du
« Paiz » ; José do Patrocinio, de la « Cidade do Rio » ; puis
MM. Carlos de Laet, Araripe Junior, Urbano Duarte, Eunapio
Deirô, Ruy Barboza, Arthur de Azevedo, José Avelino, Yalen-
tim Magalhaes, Joaquim Nabuco, Paula Ney, Carlos Montôro
(Portugais de naissance, si nous ne nous trompons, mais qui
s'est fait une place distinguée dans la presse brésilienne), Rodol-
pho Dantas, Leao Yclloso et tant d'autres.
Enseignement, droit, philosophie, etc. — Notre enseigne-
LITTERATURE. G07
ment ne se suffit pas encore à lui-même, et, dans les écoles supé-
rieures surtout, élèves et maîtres ont recours trop souvent aux
auteurs étrangers. Toutefois, il y a peu de spécialités dans les-
quelles on ne puisse relever quelques auteurs de valeur.
Pour la géographie, nous avons eu Pompeo, de Cearâ, et
Candido Mondes d'Almeida, de Maranhâo, auteur d'un excellent
atlas des provinces du Brésil, et nous avons aujourd'hui Capis-
trano d'Abreu, Valle Cabrai, Joâo SeverianodaFonseca, le baron
de llio-Branco, Moreira Pinto, le général de Beaurepaire-Rohan,
C. Augusto Marques, etc.
La langue et la littérature nationales s'enorgueillissent avec
raison du nom de Antonio de Moraes e Silva (1756-1824), de
Rio-de-Janeiro, auteur du grand « Dictionnaire de la langue
portugaise », en deux volumes, qui garde encore toute son auto-
rité parmi les lexicographes, après un siècle. Plus récemment,
Trovâo, Coruja, Fernandes Pinheiro, Castro Lopes,SoterodosReis,
Menezes Yieira, le baron de Macahubas, Sylvio Roméro, d'autres
encore, se sont fait remarquer par leurs travaux pédagogiques
ou par leurs études sur la littérature nationale.
Parmiles ingénieurs: J. -M. da Silva Coutinho, Ferreira Penna,
Passos, Ewbank da Camara, Paulo de Frontin, André Rebouças,
Fernandes Pinheiro, etc.
Dans les mathématiques, Francisco Villela Barboza, premier
marquis de Paranaguâ (1769-1846), en même temps poète et
homme d'État, a laissé parmi nous un grand nom, de même que
Ottoni.
La jurisprudence compte : José da Silva Lisbôa, vic-omte de
Cayrû (4 754-1835), auteur d'un traité de droit mercantil et d'un
manuel d'économie politique, journaliste et homme d'État; J. J.
Carneiro da Cunha, marquis de Caravellas (1768-1836), l'un des
auteurs de la Constitution brésilienne ; Dom Manuel do Monte Ro-
drigues de Araujo, comte d'Irajâ, auteur d'un droit ecclésiastique,
en trois volumes ; Candido Mendes de Almeida, auteur d'un droit
civil-ecclésiastique en quatre volumes; José Thomaz Nabuco de
Araujo, auteur d'une collection de législation brésilienne ; le
vicomte d'Uruguay, auteur d'un droit administratif en quatre
volumes; José Antonio Pimenta Bueno, Antonio Pereira Pinto,
Pedro Autran da Motta Albuquerque, Antonio Joaquim Ribas,
Carvalho Moreira (Baron de Penedo), Lafayette Rodrigues Pereira,
A. G. de Macedo Soares, Coelho Rodrigues, Andrade Figueira,
Souza Dantas, Affonso Celso (vicomte d'Ouro-Preto), le vicomte
608 LE BRÉSIL EN 18 89.
de Cavalcanti, Le baron d'Ourem, Souza-Bandeira, el tant d'autres.
Dans les sciences naturelles, le Brésil a compté au commen-
cement de ce siècle quelques hommes d'une haute valeur : Arruda
Camara (1758-1810) ; le père José Mariano da Conceiçâo Yelloso
I 17 'ri-l SI I , de Minas-Geraes, auteur de la « Flora Fluminensis »,
delà « Quinographie », de 1' « Ornithologie »,etc. ; José Bonifacio
de Andrada e Silva (1763-1838), de Santos, quialaissé des travaux
minéralogiques importants ; son frère Martini Francisco Uibeir<> de
Andrada (1776-1844 , qui a composé un - Journal d'un voyage mi-
néralogique à travers la province de San-Paulo », et Rodrigues
Ferreira (1756-1815). De nos jours, on peut citer: Correia deMello
(1816-1876), Capanema, Ladislâu Netto, Saldanha da Gama, les
deux frères Antonio et André Rebouças, Ramiz Galvào, Nicolâu
Moreira, Barboza Rodrigues, Martins Teixeira, sans parler de
plusieurs étrangers devenus Brésiliens, comme M. Glaziou, ou
qui ont accompli leurs travaux au Brésil, au service et pour le
compte de ce pays, tels que MM. II. Gorceix et Orville Derby.
D'autres savants mériteraient une mention spéciale plus
détaillée, tels que le vicomte de Porto-Seguro, Domingos Guedes
Cabrai, Lacerda, Peixoto, Cruls et tant d'autres.
La linguistique et la philologie revendiquent Baptista Caetano
de Almeida Nogueira, Couto de Magalhàes, A. J. de Macedo
Soares, Castro Lopes, Pacheco Junior, etc.
Enfin, Mariano José Pereira da Fonseca, marquis de Marica
(1773-1848), de ltio, homme d'Etat distingué, publia, de 1813 à
1848, des « Maximes », qui ne valent pas celles de La Roche-
foucauld, mais qui sont frappées au coin d'un bon sens clair et
sage.
Le lecteur européen ne nous pardonnerait pas d'oublier ici le
nom d'un savant qui s'est acquis une renommée universelle, et
auquel l'Institut de France a ouvert ses portes en le nommant
membre associé étranger de son Académie des sciences. Nous
voulons parler de Dom Pedro d'Alcantara, empereur du Brésil.
Sociétés littéraires et scientifiques. — Pendant le xvin'
siècle, à l'époque duBrésil colonial, on essaya d'établir parmi nous
quelques sociétés littéraires taillées sur le patron de celles qui
florissaient en Italie et en Portugal. A Bahia, on fonda, en 1724,
« l'Académie brésilienne des oubliés », que le vice-roi Vasco de
Menezes daigna protéger. On la réorganisa, en 1757, sous le nom
de « Société brésilienne des Académiciens réunis ». A Rio-de-
LITTÉRATURE. 609
Janeiro, on eut, en L736, L'<< Académie des Heureux », et, un peu
plus tard, celle des Choisis ou Selectos, et F « Académie des
sciences naturelles et de médecine » (1772). Enfin Y « Arcadie
d'Outre-Mer a (1792), et Y « Arcadie de San-Joâo d'El rei »
n'eurent qu'une vie éphémère.
Aujourd'hui, le Brésil compte un certain nombre d'institu-
tions de ce genre, qui rendent les services les plus signalés aux
lettres et aux sciences du pays.
A leur tète, il faut placer Y Institut Historique et Géographique
du Brésil^ fondé le 21 octobre 1838, et dont le cinquantième anni-
versaire a été célébré Tannée dernière avec un grand éclat. 11 a
compté et il compte encore dans ses rangs la plupart des hom-
mes de valeur de notre pays, et l'empereur Dom Pedro, qui, dès
1819, assiste à toutes les séances de la célèbre Compagnie, n'a
jamais cessé de s'intéresser à son développement. L'Institut
publie, depuis mai 1839, une Revue trimestrielle, devenue un
recueil précieux pour toutes les études relatives aux choses du
Brésil. Dans sa collection, qui embrasse une période d'un demi-
siècle, on trouve des travaux importants de ses membres : des
Mémoires signés par Candido Mondes d'Almeida ; des Notices sur
les questions américanistes de Joaquim Caetano ; la Chorographie
de Goyaz par Gunha Mattos, et les Annales de Goyaz par Alen-
castre ; l'Histoire du Brésil du vicomte de Porto-Seguro; TOyapoc
et l'Amazone de Joaquim Caetano da Silva ; des Mémoires signés
par Gonçalves Dias, Machado de Oliveira, le vicomte d'Araguaya,
Ottoni, Filgueiras, Fernandes Pinheiro, J.-M. de Macedo, le baron
de Santo-Angelo, le baron de Melgaço, etc. C'est un de ses
membres, M. J.-H. Duarte Pereira, qui, il y a quelques années, a
rapporté des Pays-Bas le voyage de Kenivet et le journal de
Mathieu Van den Broech, qu'il traduisit du hollandais.
La Société Vellosiana (du nom de Velloso, l'auteur de la Flore
de Rio-de-Janeiro), fondée en 1850, et réorganisée en 1869, se
consacre aux sciences naturelles et a déjà fait paraître plusieurs
volumes de sa Revue.
VInstitut pharmaceutique de Rio-de- Janeiro, la Société phar-
maceutique brésilienne et Y Athénée Académique pharmaceutique ont
donné un heureux développement aux questions qui se rappor-
tent à la pharmacie.
h' Institut polytechnique est devenu, grâce à Mgr le comte
d'Eu et à Mgr le prince de Saxe-Cobourg (Dom Pedro Augusto),
deux de ses membres les plus assidus, une réunion d'ingénieurs
39
G10 LE BRÉSIL EN 18 80.
et de savants qui contribuent puissamment à élucider les ques-
tions de mathématiques appliquées pouvant intéresser immédiate-
ment le pays.
Ulnstitut de VOrdre des avocats, fondé en 1843, s'occupe de
questions de jurisprudence et public une Revue fort bien faite.
V Académie impériale de médecine a été fondée en 1830, et
réorganisée en L835etenl885. Elle publie un bulletin bi-mensuel
et un fascicule trimestriel de ses Annales. Elle estdivisée en trois
sections: la première, La section médicale, compte présentement
56 membres correspondants étrangers; la seconde, la section
chirurgicale, en compte 39, et la troisième, la section pharmaceu-
tique, n'en compte aucun en ce moment.
V Association des tiens de lettres du Brésil a été fondée en
1881), mais elle a peu l'ait parler d'elle, car il est difficile d'établir
un lien professionnel durable entre des écrivains dans un pays
où la propriété littéraire n'est pas reconnue dans toute son
étendue.
Parmi les autres sociétés littéraires et scientifiques ayant leur
siège à Bio-de-Janeiro, citons : le Centre littéraire Fagundes Va-
rella,le Centre technique des électriciens brésiliens, l'Athénée po-
lytechnique qui publie une Revue mensuelle, le Congrès brésilien
de médecine et de chirurgie, le Congrès littéraire Gonçalves Dias,
le Cercle des lettres et des arts, le Cercle littéraire José Bonifacio,
le Cercle littéraire portugais, fondé en 1839, la succursale de la
Société de géographie de Lisbonne au Brésil, fondée en 1878, la
Société médicale de Rio, etc., etc.
La Société de géographie de Rio-de-Janeiro, fondée il y a quel-
ques années à peine, sous la présidence du marquis deParanaguâ,
est devenue en peu de temps la Société la plus prospère du Brésil,
et elle ne cesse de rendre des services éminents, grâce à l'activité
de sou illustre président et au dévouementdescollaborateursqu'il
a su choisir : MM. le Baron de Loreto, Kreitas, José Paranaguà,
Catramby, etc. Elle ne se contente pas de faire paraître régulière-
ment son Bulletin el d'organiser des conférences très suivies ; elle
encourage et provoque des explorations, accueille les voyageurs
étrangers et vulgarise leurs écrits, et c'est à elle qu'on doit l'expé-
dition qui, sous l'intelligente direction de M. José Carlos de Car-
valho, a ramené de l'intérieur de Bahia le fameux météorite de
Bendegô, et, tout récemment, une exposition de géographie sud-
américaine.
LITTÉRATURE. Gll
Dans les provinces on trouve également plusieurs institutions
de ce genre.
Dans la province d'Alagôas, l'Institut Archéologique et
Géographique d'Alagôas, fondé en 1809, rend de grands services
à la Bcience locale. Il a créé un musée de produits naturels de la
province, un cabinet numismatique et publie une revue. —
A Bahia, nous avons l'Institut historique, le Centre littéraire, le
Cabinet portugais de lecture, etc. — ■ A Céarâ, on trouve le
Reform Club, fondé en 1876 et possédant une bibliothèque avec
plus de i.OOÛ volumes. — A Para, outre le musée fondée en 1871»
on trouve plusieurs sociétés littéraires et le Cercle littéraire
portugais, admirablement installé et possédant une riche biblio-
thèque. — A Paranâ, il y a un Musée national. — A Pernam-
buco, l'Institut archéologique et géographique a rendu des ser-
vices importants, et c'est lui qui a chargé naguère M. Duarte
Pereira d'aller aux Pays-Bas pour y recueillir des documents sur
l'époque de l'occupation hollandaise au Brésil. L'association des
artistes des arts mécaniques et libéraux y a établi diffé-
rents cours, et la Société propagatrice de l'instruction publique
y a fondé une école normale pour les jeunes filles, ce qui est
encore une manière de servir les lettres. — Dans la province de
Santa-Catharina, on cite le Club de Joinville, et une succursale
de la Société de géographie commerciale de Berlin. — A San-
Paulo, il faut signaler l'École des sciences appliquées, installée
dans un édifice aux formes monumentales, qu'on est en train
de bâtir sur la colline de l'Ypiranga, pour commémorer l'in-
dépendance du Brésil.
Bibliothèques. — Nous devons considérer comme l'un des
symptômes les plus heureux du progrès du Brésil le nombre des
bibliothèques qu'on y trouve. Si, en général, le peuple et même
les classes libérales lisent peu ; si le livre n'est pas encore devenu
le compagnon de la femme dans son foyer, on doit attribuer ce
fait à la cherté des livres qui sont vendus au Brésil trois fois plus
cher qu'en Europe. En revanche, même les petites villes ont une
bibliothèque provinciale ou privée, appartenant à quelque société
littéraire ou scientifique, et à Rio-de-Janeiro, de même que dans
les grands centres, à San-Paulo, à Pernambuco, à Bahia, à Para
et ailleurs, on trouve de riches bibliothèques, dont quelques-
unes possèdent des collections admirables.
A Rio-de-Janeiro, on trouve une vingtaine de bibliothèques
612 LE BRÉSIL EN 1880.
importantes, La bibliothèque nationale ne compte pas moins de
150.000 imprimés, 7.000 manuscrits et plus de 20.000 estampes.
hllle est fréquentée tous les mois par une moyenne de 9.000
lecteurs. Celle du Cercle littéraire Portugais mérite aussi une
mention spéciale, et se trouve établie dans un édifice somptueux.
Nous ne saurions nous attarder davantage dans cette étude,
destinée uniquement à donner une idée sommaire du Brésillitté-
raire de nos jours.
CHAPITRE XXI
SCIENCES. LE MUSÉUM NATIONAL
Par M. LE CONSEILLER LADISLAU NETTO
Le Muséum National de Rio-de-Janeiro, devenu aujourd'hui
un centre scientifique connu, fat fondé par le roi Jean VI, de
Portugal, vers la fin de son séjour au Brésil. Ce n'était, au com-
mencement, qu'une collection minéralogique très-riche, d'ailleurs,
composée en grande partie des collections achetées aux héritiers
du célèbre professeur Werner. On y trouvait aussi plusieurs
animaux empaillés ayant appartenu à un ancien cabinet fondé à
Rio-de-Janeiro, aux temps coloniaux, et bien connu, lors de l'arri-
vée de la famille royale au Brésil, sous le nom de Casa dos Passaros
(Maison des Oiseaux). A côté de ces objets d'histoire naturelle
proprement dite, il y avait un très grand nombre de curiosités,
beaucoup d'antiquités de toute espèce et en tout genre, des
tableaux de marqueterie et en mosaïque, des peintures sur ivoire
et sur métal, des bas-reliefs allégoriques, des modèles de machines,
de bâtimeuts, d'anciens vaisseaux et d'ateliers représentant tous
les métiers connus en Europe au siècle dernier. Le roi, d'ailleurs,
montrait un grand intérêt pour le nouveau musée qu'il venait de
créer : ce furent ses propres objets d'art et la plupart des curio-
sités qu'il avait dans ses appartements mêmes qui formèrent le
1. M.Ladislau de Souza Mello e Netto, directeur du Muséum national de
Rio-de-Janeiro, membre du conseil de Sa Majesté l'empereur du Brésil, membre
de l'Institut historique et géographique du Brésil et de l'Académie Royale
des sciences de Lisbonne, etc.
61 1 LE BRÉSIL EN 1889.
fond de cette collection. La minéralogie et la botanique étaient
alors à peu près les seules sciences naturelles cultivées au Brésil.
La botanique ne se trouvant pas représentée dans celle esquisse
de Musée donl la base principale était la minéralogie, on dut
appeler un minéralogiste pour en prendre la direction. Ce miné-
ralogiste fui le père José da Costa Azevedo, professeur de cette
même spécialité à l'Académie militaire de la capitale, établisse-
ment qui, aprèsavoir subi plusieurs réformes, esl devenu l'Ecole
polytechnique actuelle. Costa Azevedo, soit qu'il n'eut pas les
moyens suffisants pour a -candi]- et développer l'établissement
confié à sa direction, soit que son caractère quelque peu monas-
tique l'éloignât de l'activité et des démarches indispensables au
progrès du nouveau Musée, ne prit aucune part au mouvement
que Ton remarquait dans l'empire qui venait d'éelore sous le ciel
américain. Isole et presque solitaire an milieu de ses minéraux
dont il s'occupait seul en les disposant en ordre dans des \ Urines,
il ne sortail que pour faire son cours à l'Académie. Il demeurail
même -étranger au vif intérêt qu'éveillaient, à cette époque, les
nombreuses explorations faites au Brésil dont les magnifiques
résultais faisaient l'admiration de toute l'Europe, et dont nous
pouvons de nos jours constater les nombres acquisitions par les
richesses accumulées dans ses musées. Le nom, du reste, sous
lequel les voyageurs connaissaient alors et ont mentionné le
Musée brésilien était celui de Cabinet de Minéralogie. Comme il
n'y avait réellement que des minéraux étrangers, sauf quelques
échantillons de minéraux ou d'animaux du Brésil, ils ne se
donnaient pas la peine d'aller le visiter.
Après la mort de Costa Azevedo, le gouvernement le remplaça
par Custodio Alves Serrào, professeur aussi de minéralogie à
l'Académie militaire, et religieux également. On était alors sous
la régence du second empire et le nouveau directeur du Musée,
plus capable, plus instruit et plus énergique que son prédécesseur,
était à même de rendre de grands services aux industries métal-
lurgiques dont tout le pays, à cette époque, cherchait à s'occuper.
Il connaissait bien, en effet, sa spécialité, et il a même découvert
quelques métaux bien avant qu'ils lussent décrits en Europe.
Mais la raideur de son caractère, son amour-propre froissé à
chaque instant, ne pouvaient pas le rendre bien maître d'une
position difficile, telle que la direction de ce Musée, pour les
progrès et les crédits duquel il fallait tout faire par soi-même,
tout espérer du public, tout demander et solliciter avec acharne-
SCIENCES. LE MUSÉUM NATIONAL. 615
ment du gouvernement. Malgré tous les tracas qu'il se créait à
lui-mémo, le directeur .Vives Serrâo ne s'est pas croisé les bras :
le règlement dont il a doté le Muséum en 18-42 montre claire-
ment combien il en avait étudié les nécessités et la vraie nature.
Par ce règlement, le Muséum National et Impérial de Rio-de-
Janeiro (c'était son nouveau titre) se divisait en quatre sections,
avec des laboratoires, des naturalistes vo}rageurs. Il s'y trouvait
bien d'autres mesures excellentes, mais qui n'ont jamais été
appliquées, faute de moyens indispensables à leur exécution.
Quelques années après la publication de son règlement, Alves
Serrâo donna sa démission, et celui qui n'avait pas voulu prendre
complètement l'habit de moine, adopta bientôt la vie d'anacho-
rète, en fuyant la ville pour s'abriter dans une pittoresque et
charmante chaumière à deux lieues de Botafogo, entre les dunes
battues des vagues de l'Océan et les âpres et sauvages rochers de
la Gavia. C'est là que je suis allé le voir en 1872. Il était alors
âgé de 73 ans environ; il avait encore une certaine vigueur phy-
sique, mais il était atteint de cécité complète. Alves Serrâo est mort
cinq ou six ans après ma visite, dans son abri rustique. L'austère
minéralogiste avait été remplacé par le conseiller Burlamaqui,
ancien officier du génie, minéralogiste aussi et, comme ses deux
prédécesseurs au Muséum, également professeur de la même
matière à l'ancienne Académie, transformée de son temps en
École militaire. Ce fut, du reste, l'un des derniers professeurs
militaires de cette Académie. Le même défaut de ressources bud-
gétaires qui avait arrêté l'essor du Muséum a paralysé la bonne
volonté de Burlamaqui. Cependant les expositions internationales
avaient paru ; le directeur du Muséum, par son instruction non
moins que par son activité, se trouvait à la tête des expositions
préparatoires organisées à Rio-de-Janeiro vers cette époque, et
il n'a pas laissé de contribuer très puissamment à l'augmentation
des collections du Musée en leur adjoignant le surplus de ces
expositions. C'était peu, mais c'était quelque chose si l'on songe
à la pauvreté du Muséum. Jusque-là, cet établissement avait vu,
deux fois seulement, entrer dans ses galeries des collections du
plus haut intérêt et capables d'attirer par leur valeur l'attention
des plus riches musées européens. Je veux parler des collections
égyptiennes que l'empereur Pedro Ier avait fait acheter à l'Italien
Fiengo, qui se trouvait à Rio, les rapportant de la Plata où elles
avaient été demandées par un gouvernement dont les successeurs
ne voulurent point les payer. La seconde acquisition consistait
G1G LE BRÉSIL EN 1889.
dans le riche cadeau fait par le roi Ferdinand de Napleg à
l'empereur Dom Pedro II, sou gendre, cadeau compost- <lc
nombreux vases étrusques et en bronze de Pompéi, que Sa
Majesté a donnés au Muséum.
A Burlamaqui, mort en iSGO, succéda réminent botaniste
Freire-Allemâo. Mais son âge avancé et son état de santé, — (il a
été, trois ans après, atteint d'une hémiplégie), — ne lui permirent
même pas de quitter son habitation de Mendanha, à sept lieues
de Rio, pour prendre possession de son poste. Je me trouvais
alors de retour d'Europe, et j'avais à ma charge la direction de
la section de botanique du Muséum. Mais j'étais aussi découragé
que peut l'être quelqu'un qui sent le désir de se maintenir au
courant du mouvement scientifique européen et qui se voit dans
l'impossibilité de faire un pas pour satisfaire son ambition. J'étu-
diais, cependant, ma nouvelle situation et je tachais de m'en
rendre bien compte. Cela m'était d'autant plus difficile que je
n'avais pas même un confrère au Muséum dont l'avis put me
guider. Un beau jour, mon parti fut pris : je résolus d'écrire un
livre où toute l'histoire de cet établissement, qui avait déjà
une existence de plus d'un demi-siècle, serait exposée aux yeux
du pays, et où je montrerais en même temps au gouvernement
ce qu'en peu de temps et sans grands frais on pourrait en
obtenir. Ce livre a paru en 1870. Il avait pour titre : Investiga-
çôes Hlstoricas e Seientificas sobre o Museu National do Rlo-de-
Janeiro. C'était un exposé en même temps qu'un ouvrage de
propagande. Malheureusement, faute de temps et de loisirs, de
graves incorrections s'y sont glissées, incorrections que la nature
même du livre n'a pas permis de rectifier plus tard.
D'ailleurs, mon but fut atteint. L'attention publique se fixa
bientôt sur le vieil édifice quelque peu oublié au coin de cette
immense place de l'Acclamation, non moins abandonnée alors
que lui, mais que le talent de M. Glaziou a rendue le plus beau
square connu.
Quelques objets curieux d'histoire naturelle commencèrent
à être envoyés au Muséum et les dons devinrent de plus en plus
fréquents. Pour ma part, voulant en attirer davantage, je rédi-
geais de petits aperçus que j'envoyais à la presse de la capitale,
en y donnant une notice sur l'objet reçu et tachantd'appeler l'at-
tention publique sur l'intérêt qu'il y avait à faire de nouvelles
acquisitions de même nature. Le gouvernement lui-même voulut
enfin prendre connaissance de l'état du Muséum et de ses besoins
SCIENCES. LE MUSÉUM NATIONAL. G17
les plus pressants. Afin de pouvoir m'occuper d'une manière
plus directe et surtout plus officielle de la direction de cet éta-
blissement, je fus nommé sous -directeur et chargé par intérim
de la direction générale, car le directeur effectif vivait encore.
Ce fut à cette époque que je crus nécessaire d'étendre mes
études archéologiques au nord du Brésil et particulièrement à la
vallée de l'Amazone, études sur lesquelles j'avais lu à la Société
« Vellosiana », vers le milieu de Tannée 1870, deux mémoires
que les journaux de Rio avaient reproduits et qui, transcrits par
la presse de province, m'avaient valu l'adhésion de plusieurs
personnes intéressées aux mêmes sujets, ainsi que de nombreuses
donations de quelques provinces.
Le budget que les Chambres accordaient au Muséum et qui,
jusqu'à mon arrivée, s'était toujours maintenu, depuis plus d'un
demi -siècle, au chiffre plus que modeste de 8 conlos de réls par
an, se trouvait élevé déjà, en 1872, à la somme de 25 contos.
Encouragé par cette preuve évidente de la protection du gouver-
vement, je songeai immédiatement à faire faire des meubles, à
agrandir l'édifice, et surtout à développer le champ de nos acqui-
sitions à l'aide de naturalistes-voyageurs dont le Muséum ne
s'était servi qu'incomplètement et sans aucun résultat, faute de
ressources raisonnables. Des quatre premiers naturalistes-voya-
geurs que j'ai du engager, un seul est mort : c'est Domingos
S. Ferreira Penna, l'homme qui a le mieux connu le bas-
Amazone au point de vue géographique et ethnographique. Les
trois autres sont le zoologiste Fritz Millier et MM. Schreiner et
Schwacke. C'est avec le plus juste orgueil que le Muséum de Rio-
de-Janeiro doit rappeler au monde savant le grand service qu'il
a rendu à la science, en accueillant parmi ses employés Fritz
Miiller au temps où, attaché au Brésil par ses enfants et par son
amour pour la nature merveilleusement riche de ce pays, il
n'avait pas les ressources indispensables à son existence. Con-
traint de songer à y pourvoir, il ne lui restait pas assez de temps
pour vaquer aux recherches scientiques. En l'encourageant de
son bienveillant appui, le Muséum a vu avec joie le nombre des
travaux du zélé naturaliste s'accroître chaque jour au grand
profit de la science. C'est, en effet, grâce auxloisirs que lui laissa
notre Muséum que le savant observateur a pu se consacrer à
l'étude des animaux par rapport à leur intervention dans la fé-
condation des fleurs, et à l'étude de la fécondation chez les fleurs
618 LE BRÉSIL EN 1889.
elles-mêmes, faisant Les plus curieuses remarques que l'on con-
naisse jusqu'à uos jours sur cet intéressant sujet.
Vers 1874, telle étail déjà L'accumulation des objets qui s'ajou-
taient chaque jour aux collections existantes, que, malgré Les
nombreuses vitrines acquises, la place leur manquait absolu-
ment, (ne partie des bâtiments i'ul destinée à l'agrandissement
du Muséum.
Le vénérable Freire-Àllemâo étant mort au commencement
de 187 i, je fus appelé à le remplacer comme directeur du
Muséum. Ses manuscrits, très nombreux mais inachevés, oui été
en grande partie remis par sa famille à la Bibliothèque Natio-
nale. Il me les avait montrés deux ans auparavant dans l'inten-
tion d'y mettre la dernière main. L'état de la santé de cet excel-
lent vieillard ne lui a pas permis de réaliser ce projet.
On était au mois de juin 187 ï, lorsqu'arrivèrent quelques pro-
fesseurs français que le Gouvernement Impérial avait fait venir
pour l'Ecole polytechnique dont on projetait la réforme, ré-
forme qui ne put être exécutée que l'année suivante. Parmi les
nouveaux professeurs, se trouvait M. Gorceix, destiné soit au
cours de mines à l'Ecole polytechnique, soit à la direction d'une
École des mines dans la province de Minas-Geraes. Or ce profes-
seur était arrivé avant qu'on eût pris à son sujet une décision
quelconque, et le ministre, M. Joào Alfredo,se trouvait assez em-
barrassé pour donnera M. Gorceix une mission provisoire. J'étais
sur le point de partir pour la province de Rio-Grande-du-Sud,
afin d'inspecter les travaux de la Compagnie des mines de Caça-
pava, dont j'étais le président. C'est une région très remarquable
au point de vue minéralogtque que celle où se trouvent les gi-
sements d'or, de cuivre et de galène argentifère dont cette Com-
pagnie voulait faire et a même commencé l'exploitation. Le mi-
nistre me proposa M. Gorceix comme compagnon de voyage-
J'acceptai avec plaisir. Quelques jours après, nous partions
pour le centre de la province de Rio-Grande-du-Sud, où ce pro-
fesseur séjourna environ six mois. La Compagnie minière lui pro-
cura toutes les commodités possibles pour ses travaux. 11 reçut
L'hospitalité la plus cordiale de la famille Silva Tavares, dont
l'influence et l'amabilité sont proverbiales dans cette région. Je
ne rappelle pas ce fait par un sentiment de vanité personnelle,
mais pour donner une idée des services rendus par le Muséum
de Rio-de-Janeiro à plusieurs naturalistes et voyageurs, accueillis
dans son sein et aidés de tout son appui, à une époque où cetéta-
SCIENCES. LE MUSÉUM NATIONAL. 619
bassement commençait à sortir de son existence embryonnaire.
Du reste, je ne me suis pas borné à cette seule marque de po-
litcss^ envers M. Gorceix, dont nous reconnaissons tous la com
pétence. A son retour à Rio-de-Janeiro, j'ai tenu à le faire con-
naître du public, en lui facilitant les moyens de donner, au
Muséum, une conférence à laquelle assista l'élite de la société
brésilienne.
J'ai agi de même à l'égard du professeur Charles llarlt, Amé-
ricain du Nord, avec lequel je venais de faire une excursion
dans la province de Minas-Geraes. C'est à ce savant qu'est du le
projet d'une commission géologique créée quelque temps après
parle gouvernement.
Dans mes communications à la presse delà capitale, je tâchai
de faire participer le public brésilien à l'accueil que fit à ces
deux savants le Muséum, auquel les rattacha le titre de corres-
pondants et dont ils inaugurèrent la salle de conférences.
C'est à cette époque que le zoologiste allemand, le Docteur von
Thering, professeur à l'Université d'Iéna et fils d'un célèbre
jurisconsulte, résigna sa chaire à l'Université pour aller au
Brésil. Il s'y présenta recommandé par le mérite de ses pro-
pres recherches et sous les auspices de l'illustre Virchow. C'était
un excellent collaborateur que le Muséum devait s'adjoindre
pour le plus grand profit de ses collections et pour la gloire de
la tâche qu'il s'était imposée. Après bien des démarches, je pus
faire attacher au Muséum le docteur von Thering, qui joint à un
grand savoir le caractère le plus loyal. C'est de tout cœur que
je lui rends publiquement ce témoignage d'estime.
Le ministre de l'agriculture, dans les attributions duquel se
trouvait l'administration du Muséum, était, au mois de juillet,
M. Thomaz José Coelho d'Almeida. Je lui offris de soumettre à
son examen un nouveau règlement pour le Muséum, plus en rap-
port avec les progrès de cet établissement et' avec les besoins de
la science. Le règlement rédigé sous la responsabilité et l'ins-
piration de l'honorable Ministre, diffère beaucoup de celui que
j'avais proposé. Il fut approuvé par décret du 6 février 1876. Mon
projet, je le reconnais, était beaucoup plus complexe et embras-
sait quelques genres de travaux dont il n'est aucunement ques-
tion dans le règlement accepté; mais il s'agissait de dépenses
plus considérables, d'un personnel plus nombreux, questions
économiques que le gouvernement ne s'est pas trouvé à même
de résoudre pour le moment.
620 LE BRÉSIL EN 1880.
Le Muséum, d'après ce règlement, était divisé en trois sec-
tions : L° anthroprologie, zoologie générale et appliquée, ana-
tomie comparée et paléontologie animale ; 2° botanique générale
et appliquée, et paléontologie végétale ; 3° sciences physiques,
minéralogie, géologie et paléontologie générale.
Le même règlement a créé une quatrième section annexée
provisoirement aux trois autres el Jdevant embrasser L'archéo-
logie, l'ethnographie et la numismatique. Cette section spéciale
était alors, comme aujourd'hui, destinée à servir de base à un
musée d'archéologie et d'ethnographie américaines. Ce >'>nt des
sciences qui, ayant pour but l'étude de l'art chez, les peuples sau-
vages primitifs ou modernes, doivent prendre sans retard le
plus grand développement au Brésil : bientôt, en effet, les der-
niers vestiges qui nous restent de nos tribus indigènes ne seront
plus visibles. Déjà un grand nombre de ces anciennes et nobles
nations, dont les caractères ethniques, les chroniques et les lé-
gendes presque millénaires qous pourraient guider clans l'étude
de leurs ancêtres, sont tout-à-fait disparues. Les fièvres, la va-
riole et surtout les affections siphilitiques, ainsi que le manque
de nourriture et d'autres causes de destruction, ont réduit au
centième des peuplades encore prospères au siècle dernier.
D'autres ont été complètement anéanties, et les ruines de leurs
habitations disparaissent sous des forets déjà gigantesques. Dans
la préface d'une brochure que j'ai publiée au Brésil en 1883, j'ai
écrit, à ce sujet, les paroles suivantes :
« Aujourd'hui, quelques centaines de milliers de descendants
de ces anciens maîtres de l'Amérique du Sud nous restent encore
pour nous donner une idée, hélas! trop faible, de leurs ancêtres,
mais il en meurt un nombre considérable chaque année et la
race va bientôt disparaître tout-à-fait ou se fondre dans le mé-
tissage extraordinaire dont le sol américain est l'incommensu-
rable creuset ; déjà, de nombreuses tribus ont cessé d'être et,
avec elles, leurs langues, leurs cérémonies barbares, leurs tra-
ditions et plusieurs autres documents qui seraient aujourd'hui
pour nous autant de précieuses bases d'études ethnographiques.
H faut donc que nous nous hâtions de sauver le peu qui nous
en reste, pour n'être pas condamnés par nos successeurs, de
même que nous reprochons maintenant à nos prédécesseurs
leur négligence dans le passé. »
On voit avec quel dévouement je me suis toujours occupé
des sujets affectés à la quatrième section du Muséum et quel
SCIENCES. LE MUSÉUM NATIONAL. 621
intérêt s'attache réellement à des études ayant pour objet ces
questions.
Mais je reviens à l'aperçu que j'avais commencé à donner du
règlement de L876. Chacune des trois sections devait avoir un
directeur et un sous-directeur, outre un préparateur et deux aides
techniques; cette dernière fonction a été supprimée dernière-
ment. Aux directeurs et sous-directeurs incombaient non seulement
la rédaction d'une revue intitulée : Archivo do Museu National, et
destinée à la publication de recherches scientifiques sur les ma-
tières comprises dans les trois sections du Muséum, mais aussi
le travail de renseignement par des cours publics du soir. Chacun
devait s'occuper du sujet principal de sa section. Les cours furent
commencés presque aussitôt après la publication du règlement
qui les instituait, c'est-à-dire vers le mois d'avril. L'empresse-
ment du public fut assez grand au début et diminua considéra-
blement par la suite, parce qu'il n'était causé que par un senti-
ment de simple curiosité. Il faut ajouter que le professeur Charles
Hartt, que j'avais proposé pour la place de directeur de la troi-
sième section, fut obligé de s'absenter constamment et de se con-
sacrer spécialement à la commission géologique dont il était le
chef et dont les multiples travaux ne lui permettaient pas de se
livrer à d'autres occupations ; il se vit même contraint de rési-
gner sa place qui n'a pas eu de titulaire pendant longtemps.
Du reste, pour tout dire, je dois reconnaître avec mes collè-
gues que notre auditoire variait à chaque séance. L'Empereur,
dont on connaît partout le vif intérêt pour la science et qui fut
toujours le premier soutien du Muséum dans le mouvement pro-
gressif dont je trace ici très rapidement l'histoire, l'Empereur
poussa la bienveillance jusqu'au point d'assister très régulière-
ment à presque toutes nos conférences. Mais faut-il l'écrire ?
L'apparition de la voiture de la cour à la porte du Muséum dénon-
çant la présence du souverain dans le salon des conférences,
était l'unique cause qui put attirer la majeure partie de ces audi-
teurs improvisés. On s'est découragé, à la fin, de préparer ces
pénibles leçons, accompagnées de nombreuses planches murales,
de démonstrations des produits naturels dont on devait parler,
d'ailleurs sans aucun résultat. Le Muséum avait été l'initiateur
de ces cours de caractère scientifique supérieur, professés devant
quelques gens du monde, en présence de l'illustre souverain, qui
est lui-môme un savant renommé ; le Muséum doit donc se con-
tenter de cet honneur et du service qu'il s'est efforcé de rendre.
G22 LE BRÉSII i:\ 1889.
[/es cours de cet établissement n'ont cessé toutefois que pendant
ces dernières années el pour des causes de force majeure, parm i
Lesquelles il suffit de citer les réparations qu'a subies, en 18S7 et
isss. toul If viril édifice «lu Muséum, ainsi-que le remplacement
de l'ancien mobilier dont le changement a exigéun remaniement
général des collections. Le gouvernement, d'ailleurs, vient de
confirmer cette réforme : car au lieu d'imposer an public des
cours que celui-ci n'a pas suivis, comme je viens de \<> dire, cha-
que professeur fera des conférences sur les sujets les plus
remarquables de sa section, toutes les fois que l'occasion s'e*
présentera.
Mais c'est la Revue du Muséum qui a le plus attiré mon atten-
tion et mes soins. Dès le premier fascicule, ce recueil a montré
la nature de son but à la fois utile et élevé, ainsi que la variété
des recherches dont il se destinait à faire la publication. On y
voit, bout d'abord, un rapport de M. Charles Wiener sur les
Sambaquis de la côte de Santa-Catharina. Ce voyageur se trou-
vant de passage à Rio-de-Janeiro vers la fin de 1875, je l'ai chargé
d'aller faire une étude détaillée de ces amas de coquilles, véri-
tables Kjôkkenmôddings brésiliens, dont les plus remarquables
se trouvent sur les côtes de cette province et sur celles de Paranâ.
Ayant étudié moi-même quelques sambaquis de la côte de la
province de Rio-Grande-du-Sud, j'avais cru y reconnaître l'origine
de ces dépôts coquillifères et même les saisons où nos anciens
indigènes les ontformés. Dans les instructions que j'ai adressées
à M. Wiener, je m'y suis reporté dans ces termes: « D'après mes
récentes observations sur une certaine zone de la côte du Rio-
Grande-du-Sud, ayant pour objet les vestiges laissés par nos
aborigènes, les Sambaquis que l'on y trouve sont plus modernes
que ceux de Santa-Catharina et de Parana. Ces coquillages y
furent accumulés, à mon avis, pendant l'hiver de chaque année,
par des tribus descendues des plateaux de l'intérieur. Ces peu-
plades nomades, eu évitant ainsi le vent froid du sud-ouest qui,
sous le nom de Mirmano, sévit sur ces plateaux, cherchaient l'abri
hospitalier de La côte, où, pendant un séjour d'environ quatre
mois, elles se vouaient à la pêche des mollusques bivalves dont
l'abondance, tout en leur fournissant la nourriture pendant la
pêche, leur assurait des vivres pour le retour. Cette supposition
me parait d'autant plus vraisemblable que les arêtes que j'y ai
rencontrées en plus grand nombre appartiennent à des poissons
plus communs l'hiver sur cette côte. En appelant votre attention
SCIENCES. LE MUSÉUM NATIONAL. G23
sur ces remarques, je vous recommande comme preuves bien
évidentes de L'origine que j'attribue aux sambaquls les vestiges
d'ignition dans les différentes couches de ces collines artificielles
au liaiil desquelles il faut croire que les indigènes allumaient
leurs feux nocturnes, comme le font encore de nos jours les
indiens du Paranâ et de la province d'Espirito-Santo, sur les
points déserts de la cote qu'ils choisissent pour leurs pêches, en
tout semblables à celles de leurs ancêtres. »
De retour de sa mission, vers le commencement de 1870,
M. Wiener devait présenter son rapport et se trouvait en même
temps très pressé de continuer son voyage pour le Pérou ; je lui
proposai de rester chez moi pour rédiger ce rapport qui, grâce à
cette circonstance, fut fait en très peu de temps. Je ne dirai pas
qu'il n'y ait quelques points à retoucher et à reprendre dans les
observations et les conclusions de Fauteur, mais je ferai remarquer
que le sujet dont il s'est occupé est on ne peut plus scabreux,
sans parler du manque de temps qui l'a empêché de faire des
fouilles plus complètes et plus nombreuses. Dans ce même fasci-
cule de nos Archives, il y a une note de Charles Hartt sur les
Tangas [folia vitis) en argile, dont se couvraient par pudeur les
anciennes femmes de Marajô ; et le commencement de mon
Mémoire sur l'évolution morphologique des tissus des Lianes
travail dont l'introduction fut terminée dans le 4e fascicule de la
même année, mais qui est resté jusqu'à présent incomplet; car
c'est à partir de cette même année que je fus obligé de multiplier
les moyens d'augmenter les collections archéologiques du
Muséum et que je fus forcé bien souvent d'aller moi-même à la
recherche de ces antiquités, et d'écrire à des centaines de per-
sonnes pour en avoir des renseignements le plus souvent difficiles
à obtenir et parfois défectueux. Toute mon activité ne suffisait
donc pas à cet énorme labeur. Il m'eût été évidemment bien
difficile de m'occuper à la fois de botanique et d'ethnographie.
Aussi les recherches botaniques cédèrent-elles le pas à celles de
l'archéologie et de l'ethnologie. J'éprouvais un grand serrement
de cœur, mais je devais sacrifier mes goûts et mes intérêts per-
sonnels aux devoirs de ma situation au Muséum pour lequel
l'étude de nos indiens, prêts à disparaître complètement, est le
besoin le plus pressant et la plus haute mission actuelle. C'est,
du reste, l'aveu que j'ai fait dans la lettre-préface adressée à
H. Bâillon, en 1883, pour une publication ayant rapport à la
botanique. J'en transcris les passages suivants qui montrent bien
624 LE BRÉSIL EN 188 9.
la nature des Luttes dans lesquelles je me trouvais alors avec
moi-même : « Vous dirai-je, mon savant ami, que c'est avec un
mélange *lti plaisir el de regret que mon esprit se reporte, en
passa h (, sur le champ, toujours si cher pour moi, de la Botanique ?
Pourquoi doue, me demanderez-vous, ai-je délaissé ce domaine,
où j'ai reçu tant etde si grandi encouragements de vous, monsieur,
et de vos savants confrères d'Europe? Hélas! demandez plutôl
au soldai appelé au champ de bataille, pourquoi il change sa
confortable caserne de la capitale [tour le bivouac dressé la nuit
sous les intempéries du désert ; ou au matelot sur 1*3 point de
partir vers des rivages inconnus, comment il a le courage de
quitter son foyer, sa famille et sa patrie pour aller mourir, peut-
être abandonné, dans un pays ignoré, aux confins de la terre.
Tel est, eu vérité, le cas où me placent mes devoirs de Directeur
Général du Muséum National de Rio-de- Janeiro, le seul établisse-
ment scientifique du Brésil en état de recueillir et d'étudier les
dépouilles des derniers représentants de plusieurs millions d'indi-
vidus qui peuplèrent, pendant des dizaines de siècles, les côtes
et les plaines de l'intérieur du Brésil. »
Dans les fascicules suivants de la Revue du Muséum, on trouve
des travaux d'un grand mérite et, en premier lieu, ceux de Fritz
Miiller sur les rapports qui existent entre les fleurs aux couleurs
variées et les insectes pronubes chargés de leur fécondation,
ainsi que sur les organes odorifères de certains insectes qui s'en
servent pour attirer leurs femelles à des distances considérables.
On peut se faire une idée de l'importance de semblables observa-
tions faites sur la riche nature du Brésil par un naturaliste tel
que Fritz Mùller. Dans les fascicules du premier volume,
MM. Lacerda et Peixoto ont publié leurs premières contributions
à l'étude anthropologique des races indigènes du Brésil. Les deux
savants anthropologistes de notre Muséum arrivent à des conclu-
sions dont la justesse se trouve déjà continuée par des observa-
tions sérieuses. Ces conclusions sont les suivantes : 1° la race
primitive du Brésil était dolicocéphale ; 2° les races indigènes
actuelles représentent le mélange de deux types différents ;
3° chez les races étudiées par les deux auteurs celle qui se rappro-
che le plus de la race primitive est la race des Botocudos ; 4° il a
existé au Brésil, à une époque très reculée, une race caractérisée
par une forte dépression frontale ; 5° l'usage des déformations
artificielles du crâne n'existait pas chez la plupart des peuples
indigènes du Brésil. Les grands massifs de l'Amérique, y compris
SCIENCES. LE MUSÉUM NATIONAL. 6^5
ceux du territoire brésilien ainsi que ses plateaux intérieurs,
devant être du même âge que les plus anciens points du globe, il s'en
suit que là, comme ici, se sont trouvés les premiers représentants
do L'humanité. Donc, si l'Amérique, toute vierge pour les êtres
primitifs de la famille humaine, a donné l'hospitalité à des hom-
mes arrivés d'autres continents, ce fait aurait pu avoir lieu à une
époque tellement reculée que leurs dépouilles, à demi ou tout à
fait fossilisées, sont devenues en tout semblables à celles des
hommes les plus anciens des cavernes d'Europe. De là, la diffi-
culté, et, je dirai même, l'impossibilité pour l'anthropologiste de
distinguer les ossements de la race autochtone de ceux de la race
qui ne l'est pas.
Une calotte cranéenne trouvée dans une caverne de la pro-
vince de Céarâ, mais malheureusement assez incomplète, a été
décrite et figurée par MM. Lacerda et Peixoto dans leur mémoire.
Cette minime dépouille fossile de l'un des premiers hommes qui
ont peut-être foulé le sol du Brésil, et qui est, à mon avis, bien
plus ancienne que celle de l'homme de Lagôa-Santa, montre une
remarquable dépression de l'os frontal et, en même temps, une
forte saillie des arcades sourcilières, dans les mêmes proportions
exagérées que le crâne d'Eguisheim. Ne serait-ce pas là un ancê-
tre des Aymaràs dont M. Hamy trouve à présent des traces crà-
néologiques même en Californie ? Je l'ai écrit plus d'une fois et
je le répète : toute déformation cranéenne que s'imposaient les
races sauvages avait pour but l'imitation de leurs ascendants.
C'est à n'en plus douter une manifestation de leur culte ances-
tral. Nos Cambebas1 dont le nom, un peu altéré parles Portugais,
signifie Têtes-aplaties, déformaient leurs crânes afin d'imiter
évidemment un type dont nous avons, dans la calotte cranéenne
de Céarâ, un échantillon curieux.
Dans le deuxième volume de la Revue du Muséum outre les
savantes observations de Fritz Millier auxquelles je me suis déjà
reporté, ont paru des travaux fort intéressants de M. Lacerda sur
le venin du Bothrops-Jararaca, de M. Derby sur la géologie de la
vallée du Bas-Amazone, et de Ferreira Penna sur les dépôts céra-
miques de Para. M. Lacerda y présente des recherches très minu-
tieuses sur l'action du venin du Bolhrops-Jararaca en contact avec
le sang de ses victimes, recherches dont voici les conclusions :
le venin du Bothrops-Jararaca agit sur le sang, en y détruisant
1. Des mots tupys : Acang, tête, etPeba, plate ou aplatie.
40
LE BRÉSIL EN 1 889.
la globuline. Ce venin y a une action en tout semblable à celle
d'un Ici ni Mil soluble. La mort qu'il produit a lieu par un procédé
analogue à celui d'une grande hémorrhagie. C'est par des obser-
vations bien suivies et par des expériences aussi patientes que
répétées dans ce champ d'essais physiologiques, que M. Lacerda
est arrive a la découverte de l'action du permanganate de potasse
comme antidote chimique du venin des serpents. Les succès qui
ont couronne ce* expériences au Brésil et dans une grande partie
de l'Amérique du Sud, ainsi que dans les colonies anglaises et
hollandaises d'( Prient, ont besoin d'être mieux constatés qu'ils ne
l'ont été jusqu'ici en Europe.
Les recherches géologiques de M. Derby embrassent une assez
vaste partie de la vallée de l'Amazone et peuvent être regardées
comme une des plus précieuses découvertes publiées jusqu'à
présent sur cette remarquable région dont la géologie, de même
que la faune et la dore, est encore bien loin d'être tout à lait
connue.
Ferreira Penna, le regretté naturaliste voyageur du Muséum,
qui était à Para le surveillant aussi zélé que compétent des
intérêts des sciences naturelles et particulièrement de l'ethno-
logie de l'Amazone, jette dans son travail un coup d'oeil très
précis et 1res perspicace sur les nécropoles de nos indiens primi-
tifs de la vallée inférieure du grand fleuve, dont il fut l'un des
premiers à étudier les urnes funéraires.
lime reste à parler du dernier travail publié dans le premier
volume de nos Archives. C'est un aperçu (pie j'ai rédigé sur les
ornements de la lèvre, dont la plupart des peuples sauvages de
l'Amérique se sont servis de tout temps et même jusqu'à nos
jours. Est-ce encore une manière d'exagérer le développement de
la lèvre inférieure et même du menton, afin d'imiter autant que
possible le prognatisme des ancêtres ? — Je le suppose. Néan-
moins il y a bien des tribus en Amérique qui n'en ont pas et qui
n'en avaient pas l'habitude. Mais des études comparées sur cette
question sont d'autant plus difficiles et hasardées que nous trou-
vons l'usage de cet ornement à la fois chez des peuples placés au
plus bas point dans l'échelle anthropologique, et chez d'autres
nations citées parmi les plus civilisées, comme les Mexicains,
dont les grands rois eux-inèmes ne dédaignaient pas de porter ce
singulier ornement. Quoi qu'il en soit, le caractère religieux
chez les peuples américains moins barbares jouait un certain
rôle dans cet usage, et cela me fait croire davantage à l'imitation
SCIENCES. LE MUSÉUM NATIONAL. 627
du prognatisme dos aïeux dont j'ai parle tout à l'heure. La
barbote des Antilles, dont le vrai nom chez les Guarano-Tupys est
Tembetâ [mol composé de Tombé, lèvre, et Itâ, pierre), est, d'ail-
leurs, parmi les peuples chez lesquels elle se fait en pierre des
plus dures, un objet précieux, un talisman dont la haute valeur
peut .être facilement calculée d'après les substances qu'on emploie
dans sa fabrication. C'est la néphrite, le béryl, le quartz hyalin,
l'orlhose verte, c'est-à-dire des roches d'une couleur plus ou
moins vcrdàtre et dont la dureté doit exiger des efforts inouïs
de la part de l'ouvrier, qui n'a pour outils que le sable et l'eau
et quelques feuilles siliceuses de nos forêts, et dont le mécanisme
est le frottement du sable mouillé ou de ces mêmes feuilles,
employé pendant plusieurs années contre l'objet dont il veut faire
le précieux bijou.
Mais je ne saurais donner ici, même en le résumant de mon
mieux, un aperçu général des nombreux travaux insérés dans
les volumes 111 et IV de nos Archives. Ce sont : des observations
bien curieuses de Fritz Muller sur les habitations des larves de
trichoptères de Santa-Catharina, sur les métamorphoses d'un
diptère de la même province, ainsi que d'autres remarques non
moins intéressantes sur Y Elpidium Bromeliarum ; des recherches
de M. Lacerda sur le venin du Crotalus korridus et de nouvelles
observations crànéologiques du même auteur; des aperçus de
M. Derby sur la géologie de la région diamantifère de la province
de Paranâ, sur le bassin crétacé de la baie de la ville de Bahia et
sur la géologie de la ville de San-Francisco, sans compter d'autres
travaux également d'un grand intérêt pour le Brésil.
Avant de poursuivre le compte-rendu de nos travaux et plus
particulièrement de nos Archives, qu'on me permette de jeter un
coup d'œil sur le personnel quelque peu modifié du Muséum,
depuis le commencement de 1876, époque de sa réforme, jus-
qu'à 1879.
Charles Hartt, mort en mars 1878, quelques mois après la
suppression de la Commission géologique dont il fut le chef, avait
été remplacé une année auparavant par Charles Saules, sous-
direcleur de cette section. Mais Saules étant décédé vers la fin de
cette même année, j'ai dû le remplacer peu de temps après par
M. Derby, l'un des anciens collaborateurs de la commission de
Hartt. En le proposant pour cette place au Muséum à M. de
Sinimbû, ministre de l'Agriculture, j'ai eu pour but de mettre à
profit sa compétence et, en même temps, sa qualité d'ancien em-
G23 LE BRÉSIL EN 1 889.
ployé de la Commission géologique dont il connaissait aussi Lien
le matériel, déposé déjà au Muséum par ordre du gouvernement,
que les travaux qu'elle avait commencés. En 1877, j'avais obtenu
du ministre de l'Agriculture, M. Thomaz Coelho, l'autorisation
d'envoyer en mission, pour le compte du Muséum et dans l'Ama-
zone, le docteur Jobert, professeur de la Faculté de Dijon, que
le gouvernement avait engagé comme professeur de biologie in-
dustrielle à l'Ecole polytechnique de Rio-de- Janeiro. M. Jobert
ayant rompu son engagement, j'ai voulu utiliser en faveur de
notre; établissement les aptitudes de ce savant, au quel je donnais,
en même temps, un témoignage de considération qu'il méritait
bien de la part du Muséum. Il s'agissait particulièrement de
l'ichthyologie de l'Amazone, dont Agassis s'était procuré, treize
ans auparavant, une riche moisson, qui se trouva plus lard en-
dommagée et perdue pour la science, en grande partie. M. Jobert
avait le plus vif désir de recueillir des richesses capables de
réparer celle perte, en parcourant les lieux où le célèbre natu-
raliste avait ramassé ses magnifiques collections. II partit, accom-
pagné du naturaliste voyageur M. Schwacke, chargé de l'aire des
collections botaniques de la vallée de l'Amazone, tout en prêtant
au zoologiste français les services dont tout voyageur a besoin
de la part d'un aide intelligent et éclairé dans un pays dont il
connaît peu les ressources. M. Jobert, de retour à Rio-de-Janeiro
vers le milieu de 1878, rapporta de son voyage, qu'il avait poussé
jusqu'au Piauhy, plus de mille exemplaires de poissons, qui
lurent portés au Musée du Jardin des Plantes, afin d'y être déter-
minés, car il n'y avait point de spécialiste de ce genre au Muséum
National. En envoyant ainsi ces richesses, j'envisageais le double
service <pie j'allais rendre aux deux établissements et à la science
en général. La classification de ces poissons est malheureuse-
ment assez loin d'être terminée, et j'en suis d'autant plus con-
trarié que je reconnais aujourd'hui combien il me serait facile
d'obtenir Taché vement de ce travail, s'il eut été confié au profes-
seur Steindachner qui s'est chargé de la classification des pois-
sons amazoniens d'Agassis. Mais c'est M. Vaillant, professeur
d'ichthyologie au Jardin des Plantes, qui en a été chargé, et sa
compétence, ainsi que son zèle pour les collections qui lui ont
été confiées, l'ait espérer que nous aurons tout motif de lui en
savoir gré.
M. Jobert fut remplacé plus d'un an après son départ de l'Ecole
polytechnique et même quelques mois après avoirjjuitlé le Bré-
SCIENCES. LE MUSÉUM NATIONAL. 629
sil. M. Couty lui succéda dans la chaire de biologie industrielle de
cette Ecole. Le nouveau professeur, aussi jeune qu'ardent et
habile physiologiste, n'y trouva pas au premier abord tout ce
qu'il désirait pour commencer ses expériences et même pour ins-
taller ses appareils et ses instruments de travail. L'Ecole poly-
technique, il lui faut rendre justice, luttait de son côté contre
toutes sortes de difficultés administratives, difficultés qu'éprou-
vent nos établissements brésiliens tout aussi bien que ceux
d'Europe. Il lui manquait surtout des laboratoires, des moyens
d'action pour agir et pour entreprendre des travaux tout autres
cpie ceux des cours théoriques dont on surcharge l'esprit des
jeunes gens. Ce genre de cours est d'autant plus nuisible qu'ils
ont suivi d'ordinaire au Brésil une fausse voie, comme il arrive
à tout enseignement dépourvu de coté pratique. En Allemagne,
bien mieux qu'en France, on a parfaitement compris ce que doit
être cet enseignement, et l'Ecole polytechnique de Charlotten-
bourg, à deux pas de la capitale, n'est autre chose que la plus
éclatante démonstration de ce qu'on en peut obtenir. Heureuse-
ment, notre Ecole polytechnique brésilienne a pris, dans ces
dernières années, la voie qui lui était indiquée par le dévelop-
pement des sciences et par les besoins du pays. Des laboratoires
y ont été montés suivant les ressources dont on dispose ;
MM. Alvaro d'Oliveira, Pitanga, Michler, Carneiro da Gunha,
Tisserandeau et d'autres professeurs y exercent régulièrement
leurs fonctions de directeurs ou guides théoriques et pratiques
de l'enseignement dont ils ont la charge. Cet enseignement, cela
va sans dire, est bien loin encore au niveau qu'il lui faut
atteindre, mais tout est relatif chez nous, et ce n'est qu'à force
de luttes qu'on arrive à obtenir ce que, en Europe, on obtient
sans grande difficulté.
Le docteur Couty eut, je le disais, quelque déception en arri-
vant à l'Ecole polytechnique. Il y était à peine depuis deux ou
trois mois qu'il demanda à M. Lacerda de le présenter au Muséum.
Dans cette première visite il m'exposa ses plaintes contre le
service de l'Ecole, disant combien il était découragé à cet égard et
quel vif désir il avait d'entrer en relations avec moi. M. Lacerda
travaillait alors très activement à ses expériences sur le venin
des serpents et sur d'autres substances toxiques. J'oilris à notre
nouvel hôte tous les moyens que le Muséum avait mis à la dispo-
sition de M. Lacerda, ce dont il parut fort reconnaissant. De mon
coté, grâce aux travaux de M. de Lacerda, j'étudiais un projet
C30 LE BRÉSIL EN 1880.
do grand laboratoire de physiologie expérimentale, où cas
travaux auraient un plus vaste champ d'application. J'en parlai,
quelques semaines plus tard, au docteur Couty, à qui je demandai
mi aperçu de ce qu'il fallait aelieter en Europe et faire construire
au rez-de-chaussée du Muséum où ce laboratoire «levait, être
installé. Apres avoir préparé le plan et rédigé la liste du matériel
dont nous avions besoin, je me suis adressé au gouvernement
qui, après des hésitations, du reste bien naturelles <ui pareil cas,
a résolu de me donner l'autorisation nécessaire. Quelques mois
après, le laboratoire du Muséum était prêt, grâce à l'intervention
d'un ami. Dans l'intervalle, le docteur Couty était allé faire une
excursion au sud de la Plata. Il eut une agréable surprise à son
retour : les appareils, les instruments et les réactifs commandés
en Europe étaient arrivés. Les travaux furent commenc ïs aussitôt,
et nous avons eu ainsi, au Muséum National, le premier laboratoire
de physiologie monté convenablement, ce qui nous permit
d'expérimenter avec des instruments encore tout nouveaux même
en Europe.
Le docteur Couty, mort il y a quelques années, nous a lai
des publications qui décèlent bien son goût pour les recherches
économiques ; mais peut-être n'avait-il pas assez de calme, ne
mûrissait-il pas suffisamment dans son esprit les observations
qu'il faisait.
J'ai parlé, tout à l'heure, des derniers volumes de nos Archives,
parus vers 1878, et ces volumes étaient le .3e et le ic de cette
Revue. Or, depuis longtemps, le monde savant et, en particulier,
les botanistes demandaient la publication de la célèbre Flora
Fluminensis, imprimée à Rio-de-Janeiro en 1825 et qui était
devenue fort rare en Europe. Bien peu de personnes savaient où
était la partie inédite de cet ouvrage ; elle se trouvait à la biblio-
thèque nationale de Rio-de-Janeiro ; elle fut communiquée, sur
ma demande, par le savant qui en était le directeur ;ï cette époque,
M. le baron de Ramiz. Réunissant la partie publiée en 18:25 à la
moitié inédite, j'ai cru rendre un bon service à la science en
publiant la totalité du texte dans le cinquième volume des Archives.
Je dirai, en peu de mots, ci1 que fut le Père Velloso et de quelle
manière son grand ouvrage, vaste preuve d'une profonde con-
naissance de nos richesses forestières, est resté si longtemps
dans l'état d'où je l'ai retiré, sans compter les planches dont le
sort ne futpasplus heureux. L'infatigable botaniste brésilien avail
préparé sa Flore pour l'impression en 1TK); mais des difficultés
SCIENCES. LE MUSÉUM NATIONAL. 03 1
insurmontables survinrent et il mourut sans avoir eu le bonheur
de voir paraître le résultat de plusieurs années de labeur assidu.
Ce n'est pas tout. Tandis que ses magnifiques planches, dont
j'ai vu quelques dessins originaux d'une rare perfection, étaient
reproduites d'une manière plus que grossière et inexacte par des
artistes peu compétents de Paris, son texte ne fut imprimé que
X] ans après sa rédaction. Qu'on se figure combien de corrections
y aurait ajoutées l'auteur, combien d'éliminations et d'additions !
« il nous suffît, dis-je dans la préface de cet écrit, de rappeler
que le système linéen, admis par Velloso, et généralement suivi
par tous les botanistes, à l'époque où il écrivit sa Flora Flumi-
nensis, était déjà bien abandonné vers l'époque où son manus-
crit fut imprimé. Il y a pis : le plus grand malheur pour l'œuvre
du regretté botaniste brésilien, c'est que les 35 longues années
pendant lesquelles on a laissé son précieux manuscrit dans la pous-
sière de l'oubli, correspondentjustement au temps où le plus grand
nombre de naturalistes européens ont entrepris et réalisé des
voyages dans tout le Brésil et particulièrement dans la province
de Rio-de-Janeiro et dans celles qui avoisinent la capitale. Saint-
Hilaire, Martius, Sellow, Pohl, Mikan, Schott, Raddi, Langsdorff,
Gaudichaud et bien d'autres botanistes, ainsi que plusieurs collec-
tionneurs, y ramassèrent alors des milliers d'espèces végétales
dont un assez grand nombre avait été déterminé par Velloso. Ses
genres insuffisamment définis par des diagnoses incomplètes
comme il les avait ébauchées en 1710; ses espèces mal décrites
et figurées d'une manière encore pire ; tout cet ensemble d'in-
convénients se retrouva malheureusement dans la Flora Flumi-
nensis, trop tardivement parue. » Quant aux planches fort nom-
breuses et réunies en onze volumes in-folio, leur histoire n'est
pas moins triste. Vu le grand espace dont il fallait disposer pour
les garder, elles furent distribuées aux différents établissements
dépendant du ministère de l'Empire et y disparurent plus tard
en grande partie. Bien heureux celui qui en possède aujourd'hui
un exemplaire complet ! Du reste, ce n'est pas une publication
qui doive figurer dans une bibliothèque particulière, mais bien
un ouvrage destiné aux bibliothèques des établissements publics,
où l'on a besoin de le comparer, à chaque instant, avec la Flora
Braslliensis de Martius, dont les monographies renvoient cons-
tamment à ce vieux recueil.
Depuis quelques années, j'étudiais le projet d'une exposition
anthropologique au Muséum national, en y comprenant l'éthno-
G32 LE BRÉSIL EN 18 80.
logie, l'archéologie et L'anthropologie. Ce projel étail on ne peu!
plus séduisant, mais il me manquait les moyens de le réaliser. Je
n'avais, d'ailleurs, ni les matériaux nécessaires ni des correspon-
dants assez zélés dans les provinces pour m'aider activement. Il
fallait tout me procurer par moi-même et je ne savais comment
ni à qui m'adresser. Il se trouva heureusement que le ministre de
l'Agriculture, Pedro Luiz, était l'un de nos plus aimables littéra-
teurs, très accessible à toute'idée scientifique. Je lui exposai la
situation. Notre savant empereur qui, au premier abord, avait
parfaitement saisi mon plan, lui en parla probablement, comme
il le fait souvent, prêtant ainsi l'appui de sa haute intelligence,
mettant autant de promptitude à favoriser les idées utiles aux
progrès nationaux que d'empressement à s'effacer avec modestie
à l'heure du succès final. Quoi qu'il en soit, le ministre prit mon
idée en considération, car des circulaires signées de sa main
furent adressées aux présidents des provinces et aux chefs des
commissions ministérielles, leur ordonnant d'envoyer au Muséum
national tous les objets d'origine indigène dont la liste était
jointe à la circulaire. Après sa sortie du ministère, ce fut
M. Saraiva, président du conseil des ministres, qui prit par
intérim le portefeuille laissé par l'éminent homme de lettres dont
nous regrettons la mort prématurée. Le président du conseil eut
la bonté de me montrer les premières réponses adressées aux
circulaires de son prédécesseur. C'étaient les communications de
quelques présidents des provinces du nord, plus décourageantes
les unes que les autres. Or, c'était précisément sur ces provinces
que je comptais le plus, car c'est là que les plus riches trésors
ethnographiques s'offrent encore de nos jours pour les études sur
nos indiens. M. Saraiva ne put s'empêcher de me détourner de
mon projet, dont l'échec semblait plus que probable après ces
premiers avis officiels. J'en étais réellement stupéfait.
Après quelques moments de réflexion, je lui demandai la
permission de le revoir le lendemain. Je me rendis au Ministère
à l'heure fixée et je lui demandai mu* somme minime à titre de
trais de voyage, le passage jusqu'à Para pour deux employés
et pour moi, ainsi que des lettres de recommandation offi-
cielle pour le présidenl de celle province. Tout me fut immé-
diatement accordé. Ma resolution prise, je ne voulus écouter les
réflexions de qui que ce fut, el je partis avec MM. Motte et
Srhwacke le 10 janvier 1SS-2. Sur ma route, le paquebot s'arrê-
tant presque à chaque chef-lieu de province, je descendais pour
SCIENCES. LE MUSÉUM NATIONAL. 633
y laisser des renseignements sur l'Exposition projetée, m'adres-
sant de préférence aux présidents et aux personnes les plus
éclairées. A Para, d'où le gouvernement avait reçu les plus dé-
courageantes communications sur le projet qui m'y conduisait,
je me procurai le concours des personnages les plus influents et
particulièrement celui de Ferreira Penna, qui y était l'homme le
plus estimé et le plus digne de l'être. La Compagnie de navi-
gation de l'Amazone m'aida beaucoup de son coté ; à peine eût-
elle mis à ma disposition un petit bateau à vapeur, que je me
rendis au lac Arary, dans l'île de Marajô. J'y ai fait de nom-
breuses fouilles, malgré la chaleur, l'absence de confort et
d'autres fléaux que je crois inutile d'énumérer. Lors de mon
retour à Para, l'on y fut très surpris du merveilleux résultat de
nos travaux. Mais je ne m'en sentais pas complètement satis-
fait : il me fallait aller surprendre, dans leurs huttes sauvages,
quelques tribus lointaines du sud de la province, vers le haut de
la rivière du Capim, où des indiens Turyuâras et Amanagés se
sont fixés non loin des indiens Tembés, dont ils ne diffèrent que
par des nuances de dialectes qui se rattachent tous à la langue
guarano-tupy. Après avoir remis en bonnes mains nos antiquités
de Marajô, nous nous dirigeâmes vers le Rio Capim. C'est une
grande rivière plus large et plus longue que la Seine, et dont le
nom est néanmoins à peine connu à Para, tant est immense la
vallée du grand fleuve. Pendant la première journée de voyage,
les maisons de campagne, des hameaux et même de pauvres
petites chapelles se montraient et disparaissaient à nos yeux sur
les rives, dont la végétation merveilleusement éclatante étalait sa
féerique richesse. Notre bateau à vapeur, dans sa course rapide,
nous laissait à peine le temps de jeter les yeux sur les objets qui
passaient devant nous comme s'ils fussent emportés par un coup
de vent. Le lendemain, nous étions en pleine région d'indiens.
Nous y avons vu, en effet, quelques huttes perchées sur les
rives et nous y avons commencé à rechercher des ornements,
des armes de chasse et dépêche. Les peuplades, assez éprouvées
par des fièvres intermittentes, ne sont pas très éloignées les unes
des autres. Je voulus étudier les mœurs d'une tribu dont le ca-
ractère fût plus exempt de ce mélange, qui leur apporte ordi-
nairement moins de civilisation que de corruption. Il y avait, à
quelques lieues de là, un groupe nombreux de familles Tembés
dans les conditions désirées ; mais, pour s'y rendre, il me fallait
allerpresqueseul, car notre petitbateaune pouvait pas passeret la
034 LE BRÉSIL EN 18 89.
plupart <lc mes gens étaient aux prises avec les fièvres chroni-
ques. Je devais suivre, à peine accompagné et sur des pirogues,
le cours d'une rivière Inconnue, dont Le courant était traversé
parfois d'une rive à l'autre par (rénormes troncs de 40 mètres
de long qui uous barraient complètement le passage et que nous
('Lions obligés d'enfourcher, portant à bras nos pirogues au-
dessus de ces ponts primitifs. Le voyage dura deux longues jour-
nées, et nous présenta bien d'autres obstacles à vaincre Arrivé
au hameau de Potyretâ1, j'y ai fait des études fort intéressantes,
crayonnant en même temps de nombreux portraits d'hommes,
de femmes et d'enfants ; ils étaient tout heureux et très surpris
de se reconnaître sur le papier; je les faisais danser et chanter,
grâce à l'eau-de-vie que je leur donnais et dont ils sont très
friands, aussi bien les vieillards, assez rares chez eux, que les
enfants de 3 et 4 ans. .Mais de tout mon butin si paisiblement
acquis dans ces régions, ce qui m'a plu pardessus tout ce sont
les squelettes et les crânes que j'en ai rapportés en employanl
des ruses que je n'appellerai pas pieuses, mais qui me semblent
précieuses pour la science. En effet, personne, avant moi, n'avait
pu obtenir de ces indiens, même l'indication des sépultures de
leurs morts. Ferreira Penna, devenu pourtant le cicérone de la
province de Para où ses nombreuses relations lui procuraient
les renseignements les plus utiles et des acquisitions quelquefois
d'une certaine valeur, n'en avait pu rien obtenir pendant les
neuf années qu'il avait été au service du Muséum. En rentrant à
Para, notre petit bateau, chargé de nombreuses trouvailles et
remorquant quelques pirogues de bois et d'écorce, avait bien
rempli sa tâche en nous rendant les plus grands services, ce
dont je resterai toujours reconnaissant à la Compagnie de
navigation de l'Amazone. Ayant pris congé des nombreuses per-
sonnes de cette capitale auxquelles j'étais redevable d'une bonne
partie de mes acquisitions et de maintes amabilités, je rentrai à
Rio-de-Janoiro au mois de mars, après une absence de deux mois
et quelques jours. Je rapportais £5 gros colis, non compris les
pirogues. Dès lors, mon projet se trouvaitjustifié. L'Exposition
anthropologique n'était plus une chimère, un simple rêve. -Elle
venait d'entrer dans le domaine de la réalité, car je venais de
conquérir et j'avais là, dans les mains et sous les yeux, le noyau
1. Nom composédes mots tupys: Poty, fleur, et Etd, beaucoup, liés parla
lettre euphonique H.
SCIENCES. LE MUSÉUM NATIONAL. 635
du matériel dont je devais enrichir plus tard cette fête de la
science qui fut unique dans son genre, aussi bien au Brésil que
dans le monde entier. Qu'on veuille bien m'excuser pour les
détails que je viens de donner : ils ont en leur faveur l'intérêt
des circonstances fort curieuses dans lesquelles je me suis trouvé
presque à mon insu et dont ils n'offrent qu'une faible idée.
L'Exposition anthropologique a marqué réellement une date qui
restera à jamais enregistrée dans nos annales scientifiques
comme le jalon le plus important que le Muséum national ait
planlo dans la voie des études américanistes. Désormais toute
réussite lui est assurée, si rien ne vient l'arrêter dans sa marche,
si aucun grand obstacle imprévu ne s'y oppose. Quelques pu
blications sur l'Exposition anthropologique ont paru pendant
sa durée, mais celle où la valeur scientifique de ses richesses est
le mieux démontrée est assurément le volume VI de nos Ar-
chives, vaste recueil de recherches contenant 555 pages de texte
et comprenant les trois branches principales de l'Exposition,
recherches insérées dans l'ordre suivant : « Contributions à l'eth-
nologie de la vallée de l'Amazone », par Charles Hartt; F « Homme
des Sambaquis », par J.-B. de Lacerda; « Nouvelles études crà-
néologiques sur les Botocudos », par Rodrigues Peixoto ; « Inves-
tigations sur l'Archéologie Brésilienne », par Ladislâu Netto.
Le mémoire de Charles Hartt a été refondu et annoté en grande
partie par M. Derby, et, dans certains passages, parla commission
de rédaction de ce volume. Une certaine quantité des matériaux
que je venais de rapporter de mes fouilles de Marajô, quatre ans
après la mort du regretté naturaliste, y est même mentionnée, ce
qui s'explique par le besoin où nous nous sommes trouvés de
mettre au service de ce mémoire les notes de l'auteur, pleines
d'intérêt, mais souvent à peine ébauchées et maintes fois sans
liaison aucune les unes avec les autres. C'est pourquoi les plan-
ches de la fin du volume servent également à éclaircir le texte de
son travail, ainsi qu'à expliquer certaines de mes Investigations
archéologiques, qui remplissent plus de la moitié du volume. Les
travaux de MM. Lacerda et Peixoto embrassent un vaste champ
d'études anthropologiques dont les spécialistes européens ont pu
apprécier parfaitement la valeur et les détails scrupuleusement
exposés.
M. Lacerda compare les anciens Botocudos des Sambaquis du
sud avec ceux du Rio Dôce et obtient des déductions qui rendent
très curieuses les affinités des deux types, déjà très rapprochés,
C36 LE BRÉSIL EN 1889.
'■i avec l'homme dit de la Lagôa-Santa. M. Peixoto arrive à des
conclusions plus étendues, don ton peut inférer qu'aucun type parmi
ceux qui onl été constatés jusqu'à présent au Brésil, ne présente les
caractères essentiels (Tune race complètement pure. Il semble
qu'un grand métissage se soit depuis longtemps établi au sein des
populations américaines du sud, les formes plastiques des races
primordiales, facteurs de ce mélange, ayanl disparu depuis long-
temps dans une fusion générale. C'est ainsi que se complique de
plus en plus le problême dont le luit est La caraclérisation des
peuples qui ont occupé cette partie du .Nouveau monde.
Quant à moi, je me suis efforcé de donner à mon travail de
l'Exposition anthropologique tout le caractère d'une réunion
d'observations consciencieusement suivies, sans aucune idée
préconçue et sans prétendre en tirer des conclusion- hasardées et
inadmissibles. Si, au cours de cette étude, on trouve parfois quel-
ques hypothèses ou des rapprochements entre nos antiquil
celles d'autres peuples, je ne présente ces idées qu'à titre de
simples observations comparées, sans m'y arrêter nullement.
Dans une conférence que j'ai faite devant Leurs Majestés Impé-
riales, au Muséum, en 1881, afin d'exposer le contenu du sixième
volume des Archives, je me suis exprimé sur ces idées dans les
termes suivants : « Le doute de la pensée troublée par le to be or
not to be, cette angoisse d'un cerveau en lutte avec lui-même
dans les abîmes de l'inconnu, voilà ce qui exprime le mieux l'état
d'esprit de ceux qui s'appliquent à l'étude des anciens peuples de
notre continent. » Un peu plus loin, me faisant allusion aux res-
semblances des produits céramiques que j'avais exhumés des col-
lines de Pacoval et de Santa [sabel, dans File de Marajô, avec ceux
du Missouri etde l'Amérique centrale, je dis: « Dans presque toutes
les antiquités des Mounds de Marajô, j'ai rencontré d'innombra-
bles caractères communs avec les produits céramiques des peu-
ples les plus avancés de L'Amérique. Il y a donc, dans ce parallé-
lisme de développements intellectuels, des entités qui se rappro-
chent plus étroitement entre elles, de même que deux genres,
deux espèces et même deux frères peuvent se ressembler plus
particulièrement au milieu d'une nombreuse famille. Or, parmi
toutes ces nations du même âge ou plutôt qu'une grande simi-
larité rapproche Le pins de nos mound-builders de l'Amazone, ce
sont les mound-builders du Missouri qui, à leur tour, présentent
les analogies les plus frappantes avec les plus anciens Caraïbes
et les Toltèques. Selon toute probabilité, les mound-builders de
SCIENCES. LE MUSÉUM NATIONAL. 637
l'Amazone provenaient des contrées éloignées dont ils avaient
gardé quelques réminiscences, malgré les siècles écoulés et les
vicissitudes sans nombre qu'ils durent subir avant d'atteindre le
terme de leur exode. » Je ne saurais donner un aperçu, quelque
résumé qu'il soit, des nombreuses questions américanistes dont
je me suis occupé dans ce mémoire. Il y a là bien des détails dont
j'aurais du me dispenser, si j'avais eu Texpérieuce' que j'ai acquise
plus tard et surtout pendant mon présent voyage en Europe. Les
caractères symboliques comparés n'ont, entre autres, aucune
raison d'être au point de vue d'une origine commune qu'on pour-
rait leur attribuer, car, si je voulais en augmenter le nombre, il
me faudrait y ajouter des milliers d'autres et de tous les peuples
du globe. Il est évident, d'après mes propres idées bien souvent
exprimées et assez clairement exposées dans la préface de la
Revue de V Exposition anthropologique, que la similarité des pro_
duits industriels ou artistiques des peuples sauvages les plus
éloignés entre eux, n'est point du tout une preuve de leur com-
mune existence. Car, quelle que soit l'origine, unique ou multiple,,
de l'humanité, les aptitudes de l'homme, comme de tous les
animaux, devaient se trouver, au commencement de son existence,
moins attachées à la transmissibilité des idées de ses ancêtres
sur telle ou telle manière d'agir, qu'à son organisme, à ses facul-
tés et à ses besoins. D'ailleurs, cet aulo-fonctionnisme, — qu'on
me passe le mot, — est parfaitement remarqué et toujours cons-
taté chez les animaux de la même famille, africains ou asiatiques,
américains ou océaniens, lesquels, n'ayant jamais eu de rapports
entre eux, construisent pareillement leurs nids ou leurs habita-
tions souterraines, et présentent un grand nombre d'analogies
dans leurs mœurs et besoins physiologiques. Somme toute, la
plus grande discrétion doit être observée dans ces questions aussi
délicates que pleines de dangereux attraits. Les Américains ne
sont peut-être pas tous de l'Amérique à l'origine, mais qui oserait
émettre une affirmation à ce sujet? Il est encore trop tôt pour
chercher à éclaircir ces problèmes difficiles. Continuons à ramas-
ser de nouveaux matériaux ; demandons encore au vieux sol de
ce continent improprement appelé Nouveau, les vestiges des
anciennes races qui l'ont foulé longtemps avant de loi confier
leurs os fatigués, et bien plus tard seulement la vérité se fera
jour peut-être pour nous.
Je discutais en moi-même toutes ces idées, en m'occupant
d'une expédition envoyée dernièrement sur mon initiative par
G3S LE BRÉSIL EN 18 89.
la Société de géographie de Rio-de-Janeiro aux sources du
Tapajôs, lorsqu'une invitation de 11. Reiss, le savant président
de la septième session du Congrès des Américaoistes à Berlin,
\ini m'appeler à Rio-de-Janeiro pour prendre part aux travaux
.le ce Congrès. Je venais de faire paraître leseptième volume de
nos Archives, entièrement consacré aux invertébrés fossiles brési-
liens de la Commission Hartt, dont j'avais confié les matériaui
au professeur White, des États-Unis, cl je réunissais de nouveaux
travaux pour le huitième volume, dont la première moitié esl
déjà imprimée. J'avais également fort à l'aire pour la partie admi-
uistrave du Muséum; mais je ne pouvais pas perdre une occasion
aussi précieuse que celle de la réunion du Congrès à Berlin. J'y
muais non seulement à exposer nos travaux, mais aussi à con-
naître ceux de tous les autres savants conviés à cette fête de
l'esprit, et surtout à admirer les belles collections du Musée
ethnographique de Berlin, le plus riche de tous ceux que l'on
connaisse. L'occasion était, donc, on ne peut plus favorable;
cependant le Muséum n'était pas à même de pourvoir aux besoins
de mou voyage à Berlin. J'y songeais, sans savoir comment me
tirer d'une telle difficulté, lorsque ridée me vint de m'adresser à
M. le marquis de Paranaguâ, le digne président de la Société de
Géographie de Rio-de-Janeiro. Grâce à son influence, à laquelle
on doit l'état de prospérité de cette Société, ainsi que plusieurs
explorations scientifiques, parmi lesquelles celle du Tapajôs que
j'ai mentionnée tout à l'heure, j'ai pu m'emharquer le 4 septem-
bre de l'an dernier pour Hambourg, où je suis arrivéjuste à temps
pour prendre part à l'ouverture du Congrès de Berlin. Cette
Assemblée scientifique, remarquable par son vaste et beau pro-
gramme ainsi que par le grand nombre de membres qui vinrent
de tous pays y prendre part, m'ayant nommé l'un des vice-prési-
dents du Conseil général de la session et président de la seconde
séance de nos trauaux, j'ai cru devoir répondre à cette bienveil-
lante distinction en m'inscrivant pour l'exposition de deux com-
munications sur l'archéologie et l'ethnographie du Brésil : la
première a trait aux antiquités de l'embouchure do l'Amazone ;
la seconde à l'origine de la néphrite et de lajadéite, substances
congénères dont les indigènes américains et particulièrement
ceux de la vallée de l'Amazone ont fabriqué de tout temps leurs
amulettes et leurs ornements personnels. Voici à peu près ce que
j'en ai dit :
Les antiquités de l'île de Marajo sont pour la plupart des urnes
SCIENCES. LE MUSÉUM NATIONAL. G39
funéraires qu'un peuple céramiste, très avancé par rapport aux
sauvages (les régions environnantes, y a enterrées avec les os de
ses morts. Ces urnes se trouvent, le plus souvent, dans des col-
lines artificielles, en tout semblables aux mounds de l'Amérique
du Nord. On les rencontre rarement enterrées dans le sol naturel
de l'île. La colline artificielle de Pacoval, où j'ai fait plus particu-
lièremenl mes fouilles, se trouvant dans l'intérieur de cette île,
au bord du lac Arary, dont la surface est d'environ 12 kilomètres
de long sur i de large, est tantôt une île de ce lac, tantôt une
péninsule rattachée au sol de File, selon que le niveau des eaux
de l'Amazone est plus ou moins élevé. Le mound de Pacoval, qui
mesure près de 100 mètres de long sur 45de large, et dont la haut
teur atteint au centre de 5 à 6 mètres, n'est à présent que le tiers
et peut être encore moins de ce qu'il fut jadis. 11 est même bien
probable qu'il eut au commencement la forme d'un chélonien
(le jabot y ou plutôt : Jaùty) très vénéré dans toutes les fables
indigènes, car, encore de nos jours, ce petit ilôt artificiel est
composé de deux élévations dont Tune (le corps du jaboty) est dix
fois plus grande que l'autre ; de sorte que si Ton avait voulu
le construire sur la figure de cet animal en le représentant la tête
hors de la carapace, comme il se tient en marchant, on ne s'y
serait pas mieux pris.
Pour vérifier cette supposition, j'ai pratiqué plusieurs fouilles
dans la dépression qui sépare les deux élévations, et je n'y ai rien
trouvé. Du reste tout me porte à croire que les constructeurs de
cette nécropole chéloniforme n'enterraient leurs urnes funéraires
que dans la plus grande des deux élévations; l'autre, où Ton n'a
rien trouvé, figurant la tête de la bête et n'ayant qu'une dizaine
de mètres à peine de longueur. D'après moi, le mound de Pacoval
était à la fois la nécropole de la nation et la résidence de son chef,
car, le sol de l'île étant très plat de ce côté, le regard devait
embrasser, de cette hauteur artificielle, une grande étendue soit
vers la terre, soit vers le lac. Chez ce peuple essentiellement
potier, la céramique, son unique industrie, était toujours exercée
par des femmes, ce qui me fait croire qu'elles y régnaient en
maîtresses. Le mort était enseveli dans la terre ou plutôt mis
en macération dans l'eau, à l'abri des caïmans qui y sont fort
nombreux. Une fois les os complètement dépouillés de chair et
préparés convenablement, on les déposait dans l'urne qui leur
était destinée. Quant à celle-ci, tout me fait supposer qu'on la
fabriquait et la décorait suivant les qualités du défunt, pendant
640 LE BRÉSIL EN 18 80.
que ses chairs se décomposaient dans le dépôl provisoire ; car
toutes les urnes déterrées jusqu'à présent de ce mound décèlent
le rang du mort, son importance, son sexe et peut-être même
son âge et son nom, à en juger par des figures très curieuses qui
les couvrent. A ce sujet, un fait est bien digne de mention, c'esl
que toute urne gardant la dépouille d'une femme en représente
l'image plus ou moins complète, depuis la tête jusqu'aux pieds, ei
contient, avec des plats et des petits vases4, le plus souvent cassés,
un objet très remarquable, sous la forme d'une plaque triangu-
laire, concave d'un côté, convexe de l'autre, et avec un trou à
chaque extrémité, où des fils assez fins pouvaient passer, afin
d'attacher cette espèce de folium vitis au corps de sa propriétaire.
Ces plaques sont très soigneusement laites en argile cuite, peinte
en blanc, avec des dessins décoratifs, tantôt en noir et en rouge,
tantôt d'une seule de ces couleurs, toujours avec une fin
admirable et un cachet vraiment artistique.
Mais ce qui Trappe le plus l'attention dans ces objets, c'est
l'exacte juxtaposition (prou cherchait à leur donner sur l'organe
qu'ils devaient couvrir, en les faisant sur mesure, peut-être.
Chaque pièce (Hait évidemment destinée à sa propriétaire, à juger
non seulement d'après cette particularité, mais aussi d'après les
dessins qui en retraçaient les qualités : car, parmi plus de 00 de
ces plaques dont j'ai fait une étude très minutieuse, il n'y en avait
pas deux qui fussent pareilles. Du reste, comme pour les urnes,
ces ornements, symboles de pudeur, instruments préservatifs ou
de toute autre nature, décelaient deux classes distinctes de
femmes chez ce peuple : l'une puissante, représentant l'aristo-
cratie ; l'autre pauvre, obscure, représentant la plèbe. A la pre-
mière appartenaient les élégantes folla vitis dont je viens de
faire la description ; pour la seconde, ces objets étaient fabriqués
en argile mal cuite, sans mesure sans peinture et avec foute la
négligence de l'à-peu-près. Or, jusqu'ici, aucune autre nation
barbare, soit de l'Amérique, soit d'ailleurs, n'ajamais présenté,
que je sache, cet ornement de femme en terre cuite peinte, parti-
1. Cette habitude, d'ailleurs très répandue chez presque tous les peuples
primitifs du globe, a pris de d'Iles racines dans L'Amazonie que, parmi les
Qombreuses sépultures que j'ai fouillées dans la vallée de la rivière du Capim,
sépultures d'Indiens Tembés déjà baptisés, pas nue ne se trouva dépourvue
de plats de faïence importés d'Europe et enterrés avec le mort. Pour les
sépultures des hommes ou y ajoutait leurs couteaux, de fabrique également
européenne. Les croyances sauvages subsistent doue encore malgré le
christianisme.
SCIENCES. LE MUSÉUM NATIONAL. 641
cularité qui donne à ce peuple un caractère propre et pourrait
jusqu'à un certain point prouver son long séjour à Marajô. Quant
aux urnes où les plus riches de ces ornements ont été trouvés, il
faut en signaler un caractère qui n'est pas moins remarquable et
qui, tout en donnant à ces sarcophages en argile un cachet d'un
très haut intérêt, ne peut qu'éveiller l'attention des Américanistes.
Je veux parler des peintures décoratives dont ces vases, en forme
de femmes, sont entièrements couverts, circonstance d'autant
plus curieuse que ces gravures ont exactement la forme capri-
cieuse des tatouages des chefs Munducurùs de l'Amazone, ou des
Maoris de la Nouvelle-Zélande. Sans vouloir dépasser les bornes
du champ de l'observation, ni attacher aux objets dont je viens
de parler plus d'importance qu'ils n'en ont en réalité, je ne peux
m'empêcher d'appeler l'attention des Américanistes sur l'influence
qu'une certaine classe de femmes semble avoir eue dans l'île de
Marajô, influence révélée par ces urnes aussi soigneusement
faites que richement parées d'un véritable tatouage, car tel est
bien le nom qui convient le mieux à cette ornementation. D'un
autre coté, ces tabliers de pudeur, d'une fabrication presque aussi
délicate que celle de la vielle porcelaine, méritent bien qu'on y
arrête un moment l'attention. Nous y avons, selon moi, des carac-
tères ethnologiques dignes d'un grand intérêt, d'autant plus qu'il
s'agit d'une région où la tradition la plus répandue et la plus
hautement placée dans l'esprit de toutes les tribus de la vallée
de l'Amazone, indiquait l'existence d'une classe de femmes extra-
ordinaires dont le grand fleuve lui-même a pris le nom. Si cette
tradition d'une véritable Gynéocratie a jamais eu quelque raison
d'être, c'est bien vraisemblablement chez cette nation de femmes
céramistes, probablement fort nombreuses et même puissantes,
et dont les chefs devaient jouir des honneurs les plus grands et
les plus élevés dans la localité. C'est un sujet qui devait mériter
d'attirer Tattention du Congrès, auquel je l'ai proposé comme
une des questions d'études dont la huitième session, que nous
avons résolu de célébrer à Paris, doit rédiger le programme.
Pour la néphrite et la jadéite, dont les indigènes américains
ont fait leurs amulettes, il faut qu'on sache tout d'abord que les
objets en jadéite rencontrés jusqu'à présent en Amérique sont
très rares, tandis que ceux en néphrite y sont bien communs
partout, depuis la presqu'île d'Alaska jusqu'au delà de la vallée
de la Plata . Du reste , l'analyse spectrale appliquée au
microscope commence à dissiper la confusion qui régnait dans
41
042 LE BRÉSIL EN 1889.
Les distinctions de ces silicates alumineux, très rapprochés l'un
de L'autre sous tous les rapports, et il en résultera probablement
quelque restriction à ces distinctions. Quoi qu'il en soit, ce sont
des su l>s tances appartenant aussi bien a L'Amérique qu'à l'ancien
continent. Les objets qu'onjen a laits de tout temps chez la plupart
des peuples américains n'ont donc rien à voir avec des immigra-
tions quelconques qui auraient eu lieu dans le .Nouveau monde.
Si, jusqu'à présent, on n'y a pas trouvé les gisements de ces
substances, cela est dû simplement à ce que ces silicates se trou-
vent dans des filons de roches serpentines, et que ces filons, à
peine mis à découvert par une cause quelconque, sont aussitôt
décomposés ou désagrégés au contact des pluies et des intempé-
ries. Une fois ces filons décomposés, Les fragments de néphrite
dont ils sont la gangue, ont le sort, (\^^ cailloux roulés. Détachés
de leur gisement, ils sont bientôt entraînés par les eaux pluviales
et les courants jusqu'au fond des rivières où, comme en Chine et
partout ailleurs où ces substances existent, on les trouve plus
tard complètement roulés.
Après la clôture du Congrès, je. me suis occupé tout particu-
lièrement d'établir des relations entre le Muséum national et les
établissements congénères des différentes nations d'Europe. J'en
ai visité déjà quelques-uns, j'en visiterai bien d'autres, et j'espère
que mon voyage pourra aider au progrès d'un établissement
scientifique où se sont écoulées les vingt dernières années de ma
vie.
Un des meilleurs services que je crois avoir rendu à la science,
c'est l'acquisition du fameux météorite, connu aujourd'hui sons
le nom de Bendegô, nom dû à la dénomination africaine que des
nègres marrons ont donnée, il y a plus de deux siècles, à l'en-
droit où fut rencontré ce sidérolithe. Il y avait longtemps que
Monnay et, après lui, le botaniste Ton Marlius avaient fait
connaître au monde savant ce météorite, dont quelques échantil-
lons avaient été envoyés à des musées européens. Mais, au Brésil
on en parlait à peine et à Bahia on ne connaissait même plus
exactement la localité où il se trouvait. En 1876, j'écrivais à
M. Hocha Dias, directeur du chemin de fer Bahia-San-Francisco,
le priant de prendre des renseignements à ce sujet, car le bureau
de ses travaux se trouvait à une vingtaine de lieues de Bendegô.
11 envoya deux de ses adjoints à celte localité, et, deux mois
après je recevais, avec des échantillons du météorite, des infor-
mations précisessurla topographie des terrains environnants, sur
SCIENCES. LE MUSÉUM NATIONAL. 643
les frais de transport, etc. Je m'adressai alors à M. le baron de
G lia h y, député de Bahia, qui me promit de s'intéresser à la ques-
tion du transport de ce précieux sidérolithc. Diverses circons-
tances retardèrent la réalisation de ce projet. Plus tard, la Société
de géographie de Rio-de-Janeiro prit en main cette cause. Grâce
à la générosité de M. le baron de Guahy, elle put effectuer le
transport du météorite de Bendegô, dont elle chargea M. José
Carlos de Carvalho, lequel s'en acquitta avec plein succès. Ce
météorite, qui se trouve aujourd'hui au Muséum, pèse plus de
5.000 kilogrammes, et on peut en voir une reproduction dans la
section du Brésil, au Ghamp-de-Mars.
CHAPITRE XXII
PROPRIÉTÉS INDUSTRIELLE ET LITTÉRAIRE
Par M. F.-J. DE SANTA-ANNA NÉRY
La propriété industrielle est réglée actuellement au Brésil par
la loi numéro 3.129 du 14 octobre 1882 sur les brevets d'inven-
tion, par le décret numéro 3.345 du 14 octobre 1887 et le règle-
ment approuvé par le décret numéro 9.828 du 31 décembre de la
même année sur les marques de fabrique et de commerce, et par
le décret numéro 9.801 du 5 novembre 1887 expliquant quel-
ques dispositions de la loi relative aux brevets d'invention. La
propriété littéraire n'est réglée que par un article du Code cri-
minel absolument insuffisant pour protéger les droits intellec-
tuels.
Propriété industrielle. — Voici les dispositions de la loi du
14 octobre 1882 sur les brevets d'invention.
Article Premier. — La loi garantit, par la concession d'un brevet, à tout
auteur d'invention ou découverte industrielle la propriété et l'usage exclusif
de sa découverte ou invention.
§ Ier. Est considérée invention ou découverte pour les effets assurés par
cette loi :
1° L'invention de nouveaux produits industriels ;
2° L'invention de nouveaux moyens ou l'application nouvelle de moyens
déjà connus pour obtenir un produit ou un résultat industriel ;
3° Le perfectionnement d'une invention déjà breveté, si, par ce perfec-
tionnement, la fabrication du produit ou l'usage de l'invention brevetée sont
rendus plus faciles ou si l'utilité en est augmentée.
646 LE BRÉSIL EN 1389.
On entend par nouveaux, les produits, les moyens, applications et per-
fectionnements industriels qui, jusqu'à la demande du brevet, n'auronl pas
été employés ou dont il n'aura pas été fait usage dans l'intérieur ou hors
<le l'Empire, <>u qui n'auront pas été décrits ou publiés de manière à pouvoir
être employés ou mis en pratique.
§ 11. Ne peuvent faire l'objel d'un brevet, les inventions:
i° Contraires aux lois ou à la morale:
2° Attentatoires à la sécurité publique ;
3° Préjudiciables à la saut.'- publique ;
4° Celles qui n'offriront, pas un résultat pratique industriel,
S III. Le brevet sera concédé par le pouvoir exécutif, après l'accomplis-
sement des formalités exigées par la présente loi et les règlements s'y
référant.
§ IV. Le privilège exclusif de l'invention principale ne sera en vigueur
<pie pour iy ans et celui du perfectionnement de l'invention, concédé à l'au-
teur de la dite invention, se terminera en même temps que celui-là.
Si pendant la durée du privilège la nécessité ou l'utilité publique exigeail
la vulgarisation de l'invention ou son usage exclusif par l'État, le brevel
pourrait être exproprié suivant les formalités légales.
§ V. Le brevet est transmissible par tout moyen de cession ou transfert
admis en droit.
Art. ± — Les inventeurs brevetés dans d'autres pays pourrout
obtenir la confirmation de leurs droits dans l'Empire pourvu qu'ils remplis-
sent les formalités et conditions de cette loi et qu'ils observent les autres
dispositions en vigueur applicables au cas.
La confirmation donnera les mêmes droits que le brevet concédé dans
l'Empire.
§ Ier. La propriété du droit de propriété de l'inventeur qui, ayant
demandé un brevet en pays étranger, fera la même demande au gouverne-
ment Impérial dans le délai de sept mois, ne sera pas invalidée pour des faits
survenus pendant celte période, tels qu'une autre demande pour le même
objet, la publication de l'invention, ou son usage ou son emploi.
§ 11. Il sera remis à l'inventeur qui, avant l'obtention du brevet, voudra
faire en public l'expérience de ses inventions ou les exhiber dans une expo-
tition officielle ou reconnue officiellement, un titre lui garantissant provi-
soirement sa propriété pour un délai et avec les formalités exigées.
§ III. Pendant la première année du privilège l'inventeur seul ou ses
légitimes successeurs pourront obtenir le privilège de perfectionnement de
leur invention. Il sera cependant permis à des tiers de présenter leurs
demandes pendant le dit délai afin d'assurer leurs droits.
L'inventeur du perfectionnement ne pourra faire usage de l'industrie
perfectionnée tant que durera le privilège de l'invention principale, sans
l'autorisation de l'auteur de l'invention, lequel, à son tour, ne pourra
employer le perfectionnement qu'avec L'autorisation de celui qui en est
l'auteur.
§ IV. — Si deux ou plusieurs personnes demandent en même temps un
privilège pour une invention identique, le gouvernement, en dehors de
l'hypothèse du § («du présenl article, leur ordonnera qu'elles règlent la ques-
tion de priorité d'un commun accord ou devant le tribunal compétent.
PROPRIÉTÉS INDUSTRIELLE ET LITÉRAIRE. 647
Art. 3. — L'inventeur qui désirera obtenir un brevet déposera en dupli
esta, dans le bureau de l'administration que le gouvernement désignera, sous
enveloppe fermée et cachetée, un mémoire, en langue nationale, décrivant,
avec précision et clarté, l'invention, son luit, son mode d'emploi, en y joi-
gnant les plans, dessins, modèles et échantillons qui puissent donner une
connaissance exacte de l'invention et servir à l'intelligence du mémoire, de
façon que toute personne compétente en la matière puisse obtenir ou appli-
quer le résultat, procédé ou produit de l'invention dont il est question. Le
mémoire déterminera avec clarté et précision les caractères constitutifs du
privilège. L'extension du droit de brevet sera déterminée par les dits carac-
tères (revendications), et il en sera fait mention dans le brevet.
§ 1er. Avec le certificat du dépôt sera présentée la demande qui devra se
limiter à une seule invention, spécifiant la nature de l'invention et son but
ou application d'accord avec le mémoire et les pièces déposées.
§11. S'il semble que la matière de l'invention contienne une infraction
au $ II de l'art. 1er ou si elle a pour objet des produits alimentaires, chimi-
ques ou pharmaceutiques, le gouvernement ordonnera un examen préa-
lable et secret d'un des exemplaires, conformément aux règlements ulté-
rieurs; suivant le résultat de cet examen le gouvernement concédera ou
refusera le brevet.
Il y aura recours par devant le Conseil d'État d'une décision dans le
sens négatif.
§ III. Sauf dans les cas mentionnés au paragraphe précédent, le brevet
sera délivré sans examen préalable.
Le brevet désignera toujours d'une façon sommaire l'objet du privilège,
avec réserve des droits des tiers et sans la garantie du gouvernement, quant
à la nouveauté ou à l'utilité de l'invention.
Sur le brevet de l'inventeur privilégié hors de l'Empire, on déclarera
qu'il sera valable tant que le brevet étranger sera lui-même en vigueur, sans
toutefois jamais dépasser le délai indiqué au § VI de l'art. 1er.
§ IV. En outre des dépenses et des émoluments qui seront dus, les con-
cessionnaires de brevets paieront un droit de 20 $ 000 (50 francs) pour la pre-
mière année ; de 30 $ 000 (75 francs) pour la seconde : de 40 $ 000 (100 francs)
pour la troisième, en augmentant ainsi de 10 $ 000 (25 francs) chaque année
la taxe annuelle payée l'année précédente et ainsi de suite pendant toute la
durée du privilège.
En aucun cas les taxes annuelles ne seront restituées.
§ V. A l'inventeur breveté, qui aura perfectionné son invention, on
donnera un certificat de perfectionnement qui sera inscrit sur le brevet pri-
mitif.
Pour ce certificat, l'inventeur paiera en une seule fois la somme corres-
pondante à l'annuité à échoir.
§ VI. Le transfert ou la cession des brevets ou certificats n'aura d'effet
qu'autant qu'il sera enregistré au ministère de l'agriculture, du commerce
et des travaux publics.
Art. 4. — Dans le délai de 30 jours après la concession du brevet, on
procédera, avec les formalités exigées par les règlements, à l'ouverture des
enveloppes déposées.
C48 LE BRÉSIL EN 1889.
Le mémoire sera immédiatement publié dans le Diario Officiai > et l'un des
exemplaires des dessins, plans, modèles ou échantillons sera mis à la dispo-
sition du public et à l'étude des intéressés; il sera permis d'en prendre copie.
§ unique. — Dans le cas où l'examen préalable, dont il est question au
§ Il de l'article 3, n'aurait pas eu lieu, le gouvernement, après la publicatiou
du mémoire, ordonnera la vérification, au moyen d'expériences, des condi-
tions et qualités exigées par la loi pour la validité du privilège ; on pro-
cédera suivant le mode établi pour cet examen.
A ht. o. — Le brevet restera sans effet par nullité ou déchéance.
§ l«. Le brevet sera nul dans les cas suivants :
1° Si, dans sa concession, ou a enfreint quelqu'une des prescriptions des
§§ [et et 11 de L'art. 1";
2° Si le concessionnaire n'avait pas la priorité:
3° Si le concessionnaire a manqué à la vérité ou a caché quelque élément
essentiel dans le mémoire descriptif de l'invention quant à son objet ou au
mode de s'en servir ;
4° Si la dénomination de l'invention a été, dans un but frauduleux, diffé-
rente de son objet réel ;
5" Si le perfectionnement n'a pas un rapport direct avec l'industrie
principale et peut constituer une industrie séparée, ou s'il y a eu omission
de la préférence établie par le g II de l'art. 3.
g IL La déchéance du brevet aura lieu dans les cas suivants :
1 Si le concessionnaire ne fait pas usage effectif de son invention dans
le délai de trois ans à partir du jour de la date du brevet ;
2° Si le concessionnaire interrompt l'usage effectif de son invention pen-
danl plus d'un an, sauf motif de force majeure, admis par le gouvernement
après avoir entendu l'avis de la section respective du Couseil d'État.
On entend par usage, dans ces deux cas, l'exercice effectif de l'industrie
privilégiée et la fourniture des produits dans la proportion de leur emploi
ou de leur consommation.
S'il est prouvé que la fourniture des produits est évidemment insuf-
fisante pour satisfaire aux exigences de leur emploi ou de leur consom-
mation, le privilège pourra être restreint à une zone déterminée par un
décret du gouvernement, avec approbation du Pouvoir Législatif.
3° Si le concessionnaire ne paie pas les annuités dans les délais légaux ;
4° Si le concessionnaire résidant hors de l'Empire, ne constitue pas un
mandataire chargé de le représenter près le gouvernement ou en justice:
5° S'il y a renonciation expresse du brevet;
6° S'il y a cessation pour une cause quelconque du brevet ou du titre
étranger concernant une invention également brevetée dans l'Empire :
7° A l'expiration de la durée du privilège.
$ III. La nullité du brevet ou du certificat de perfectionnement sera dé-
1. Par un décrel eu date du 16 décembre 1884 :
1° Les concessionnaires de brevets sont obligés de faire publier, à leurs
frais, dans le Diario Officia^ les mémoires descriptifs de leurs inventions;
2° Les brevets ne produiront pas leurs effets légaux, tant que n'auront
pas été publiés les concessions et les mémoires descriptifs qui ont servi pour
ces concessions.
PROPRIÉTÉS INDUSTRIELLE ET LITTÉRAIRE. 649
livrée par sentence du juge commercial de la capitale de l'Empire moyen-
nant procédure sommaire suivant le décret numéro 737 dn 25 novembre 1850.
Sont compétents pour intenter l'action en nullité :
Les représentants du fisc (procurador dos feitos du fazenda) et ses adju-
dants auxquels seront remis les documents ou pièces prouvant l'infraction.
L'action en nullité étant commencée dans les cas de l'art. 1er, \ II,
numéros 1, 2 et 3, les effets du brevet, et l'usage ou l'emploi de l'invention,
seront suspendus jusqu'à ce que décision finale soit intervenue.
Si le brevet n'est pas annulé, la pleine jouissance en sera rendue au
concessionnaire, pour le temps intégral de son privilège.
§ IV. La déchéance des brevets sera prononcée par le ministre Secrétaire
d'État au département de l'agriculture, du commerce et des travaux publics
avec recours au Conseil d'État.
Art. 6. — Seront considérés comme infracteurs du privilège :
1° Ceux qui, sans autorisation du concessionnaire, fabriqueront les
produits, emploieront les procédés ou feront les applications qui sont l'objet du
brevet;
2° Ceux qui importeront, vendront ou exposeront en vente, cacheront
ou recevront pour être vendus, des objets qu'ils sauront être une contre"
açon d'une industrie brevetée.
§ Ier. Les personnes coupables d'infraction au privilège seront punies au
profit du Trésor public, d'une amende de 500 $000 à 5.000 $000 (1.250 à
12.500 fr.), et en faveur du concessionnaire du brevet de 10 à 50 0/0 du
dommage causé ou qui pourrait être causé.
§ II. On considérera comme circonstances aggravantes :
1° Que le contrevenant soit ou ait été employé ou ouvrier dans les éta-
blissements du concessionnaire du brevet ;
2° Que le contrevenant se soit associé avec l'employé ou l'ouvrier du
concessionnaire afin d'avoir connaissance du procédé pratique pour obtenir
ou employer l'invention.
§ III. La connaissance des infractions aux privilèges appartient aux
juges le droit des districts où elles auront été commises; ils expédieront sur
la requête du concessionnaire, ou de son légitime représentant, les mandats
de perquisition, de saisie et de dépôt, et ils ordonneront les recherches pré-
paratoires ou d'instruction du procès.
Le jugement sera réglementé par la loi numéro 562 du 2 juillet 1850 et
numéro 707 du 9 octobre de la même année en ce qu'elles présenteront d'ap-
plicable.
Les produits dont il est question dans les numéros 1 et 2 du présent
article et les instruments et appareils seront adjugés au concessionnaire du
brevet par le même jugement qui condamnera les auteurs des infractions.
g IV. La poursuite n'empêchera pas le concessionnaire d'intenter une
action dans le but d'obtenir l'indemnité du dommage causé ou qui pourrait
être causé.
I V. La juridiction commerciale a la compétence pour toutes les causes
se référant aux privilèges industriels, conformément à la présente loi.
I VI. Seront punis d'une amende de 100$ à 500 $000 (250 à 1250 (fr.), en
faveur du Trésor public :
1° Ceux qui se diront possesseurs de brevets en faisant usage d'emblèmes,
650 LE BRÉSIL EN 1889.
marques, enseignes on étiquettes sur des produits on objets préparés pour
le commerce, ou exposés en vente, comme s'ils étaienl brevetés:
- : Les inventeurs qui continueront h exercer leur industrie comme privi-
légiée, le brevet étanl Buspendu, annulé ou déchu ;
3° Les in vi'iif fiu-s brevetés <|ui, au moyeu de prospecta?, annonces,
enseignes ou toul autre mode de publicité, Feront mention des breveta sans
désigner L'objet spécial pour lesquels ces brevets auronl été obtenus;
i Les examinateurs ou experts qui, dans l'hypothèse désignée au g 11 de
l'art. III. seraient cause de la vulgarisation du secret de l'invention, sans
préjudice, dans ce cas, des actions au criminel et au civil que les lois permet-
tent.
g VII. Les infractions dont il s'agit au paragraphe précédent seront pour-
suivies et jugées comme crimes de simple police conformément à la législa-
tion en vigueur.
Art. 1. — Lorsque le brevet aura été concédé à deux ou plusieurs co-
inventeurs, ou s'il devient commun par voie de donation ou de succession,
chacun des co-propriétaires pourra en faire librement usage.
Art. S. — Si le brevet est donné ou légué en usufruit, l'usufruitier sera
obligé, quand son droit cessera par suite de l'extinction tic l'usufruit on de
l'expiration dudélai du privilège, à donner au nu-propriétaire la valeur d'après
estimation, calculée en relation au temps qu'aura duré l'usufruit.
Art. 9. — Les brevets d'invention déjà concédés continuent à être régis
par la loi du 28 août 1830 ; les dispositions de l'art, y, § II, numéros 1 et 2
et de l'art. G de la présente loi leur sont applicables, sauf pour les instances
i f les actions actuellement pendantes.
Art. 10. — Les dispositions contraires à la présente loi sont révoquées.
Un décret duo novembre 1887 déclare : 1° que la nouveauté
de l'invention, quaad il s'agit de la confirmation d'un brevet
concédé en pays étranger, prévaut seulement pendant sept mois,
comptés de la date de la concession à L'étranger, si, pendant ce
délai, l'inventeur la sollicite du gouvernement impérial ; 2" que
Le paragraphe de l'article \ de la loi ci-dessus se l'apporte seule-
menl aux concessions de brevet qui dépendront d'un examen au
préalable qui n'aura pas été effectué; 3° que la vérification de
l'invention après concession du brevet n'étant pas obligatoire, on
considère comme légitimes, pour s'assurer si l'inventeur a satis-
fait à toutes les conditions Légales, tous les moyens dont peut
disposer dans ce but L'administration, et, en particulier, l'examen
• lu dossier de L'affaire aux bureaux du Ministère.
Pendant L'année 1887, on a concédé au Brésil \ll brevets
d'invention, on en a rétabli 6, et od a accordé l'\ garanties pro-
visoires.
PROPRIÉTÉS INDUSTRIELLE ET LITTÉRAIRE. 651
Sous le nouveau régime libéral auxquels sont soumises les
marques de fabrique et de e ommerce, depuis le 14 octobre 1887,
on a enregistré dans les « Juntas » commerciales de l'empire,
jusqu'en mai 1888 : 109 marques de fabrique et 80 marques de
commerce.
Propriété littéraire. — La propriété littéraire n'a pas les
mêmes garanties au Brésil.
L'article c26l de la loi du 16 décembre 1330 (Gode Criminel)
dit : « Quiconque imprimera, gravera, lithographicra ou intro-
duira des écrits ou des estampes qui auront été faits composés
ou traduits par des citoyens brésiliens, tant que ceux-ci vivront
et dix ans après leur décès, s'ils laissent des héritiers, souffrira
les peines suivantes : perte de tous les exemplaires infligée à
Fauteur ou au traducteur ou à ses héritiers, et, s'il n'y en a plus,
perte du double de la valeur des exemplaires, et amende égale à
trois fois la valeur des exemplaires. Si les écrits ou estampes
appartiennent à des corporations, la prohibition d'imprimer, de
graver, de lithographier ou d'introduire ne durera que pendant
dix ans. »
Ces dispositions ne protègent, on le voit, que les auteurs
nationaux. On a tenté plus d'une fois d'établir parmi nous une
législation moins rudimentaire.
Dans la séance du 21 août 1857, M. Bernardo Gaviâo, député
de San-Paulo, a présenté une proposition de loi qui garantissait
aux auteurs étrangers les droits de propriété sur la traduction
de leurs œuvres.
Le 11 août de l'année précédente, M. Aprigio Guimarâes avait
soumis à la Chambre une proposition dans le môme sens.
Dans la séance du 7 juillet 1875, l'illustre littérateur José de
Alencar présenta à son tour une proposition analogue.
Aucun d'eux ne réussit à faire discuter la question. Elle a
été reprise avec une nouvelle ardeur il y a deux ans et demi.
Dans la séance du Sénat du 6 octobre 1886, M. le Vicomte de
Cavalcanti a pris la parole pour présenter une proposition de
loi, calquée sur la loi belge, et contenant une série de dispositions
fort complètes sur la propriété littéraire des nationaux, des étran-
gers domiciliés au Brésil et des étrangers en général. Cette pro-
position de loi a été renvoyée à une commission, qui a tout l'air
de vouloir l'enterrer. Mais ceux qui connaissent la ténacité de
G52 LE BRÉSIL EN 18 89.
sun auteur el son amour pour les lettres et les arts peuvent
espérer qu'il saura bien La faire aboutir, car, comme je le disais
dès 1S79, alors que j'avais l'honneur d'être vice-président de
V Association littéraire internationale, il serait souverainement
injuste que la loi protège la moutarde Bornibus et laisse piller
Notre-Dame-de-Paris, de Victor Hugo.
CHAPITRE XXIII
PROTECTION DE L'EKFANCE
D'après le BARON D'iTAJQBA1
Dans un pays aussi vaste que le Brésil, où l'assistance publi-
que, comme l'instruction, se trouve décentralisée et confiée aux
provinces et aux municipalités, il est difficile de réunir en peu
de temps un grand nombre de données positives. Cependant,
tout incomplètes qu'elles soient, les informations consignées ici
permettent d'apprécier une partie de ce que Ton a déjà fait au
Brésil pour la protection de l'enfance. Un illustre homme d'État
autrichien, M. le Comte de Hûbner, écrivait en 1882, à son retour
de l'Amérique du Sud, que « le Brésil est, avant tout, un pays
charitable ». Il faut espérer que la lecture de ces pages confir-
mera la vérité de cette parole.
I. Compagnies d'apprentis de Marine. — A l'occa-
sion de la promulgation du décret numéro 411 A, du 5 juillet
1845, le gouvernement impérial institua dans la capitale de
l'Empire une compagnie d'apprentis de marine. Son but était de
donner à l'enfance abandonnée et aux orphelins indigents, l'assis-
tance et la protection auxquelles ils ont droit, tout en cherchant
à concilier les efforts et les dépenses qu'il allait faire avec les
i. Membre du conseil de Sa Majesté l'Empereur, envoyé extraordinaire
et ministre plénipotentiaire du Brésil près le gouvernement de Sa Majesté le
roi d'Italie. Cet article revu et mis à jour est emprunté à un travail officiel de
ce diplomate.
051 LE BRÉSIL EN 18 89.
nécessités el L'intérêt «lu service national. Cette compagnie lui
i aux conditions suivantes : L° admission de candidats âgés
de plus de dix ans el de moins de dix-sept ans; 2° constitution
robuste el adaptée à la vie de marin ; 3° présentation volontaire
et spontanée des candidats. Toutefois, les tuteurs, les curateurs
el les autorités locales avaient le droit de présenter les orphelins
et les indigents remplissant les conditions ci-dessus énoncées.
La compagnie d'apprentis de Rio-de-Janeiro fut ainsi constituée.
Elle se compose de deux cents apprentis. Le Parlement brésilien
ne lanla pas à apprécier l'utilité d'une pareille institution. 11
décréta bientôt (185;)) la fondation d'une compagnie analogue à
Para. Pour régir cet établissement, le gouvernement promulga,
plus tard, le règlement annexé au décret numéro 1.517 du 4
juin 1ST7. Ce règlement impose aux mineurs assistés l'enseigne-
ment primaire et l'instruction professionnelle. L'instruction
primaire qu'on y donne comprend : la lecture, l'écriture, les
notions d'arithmétique élémentaire, La connaissance et La confec-
tion des cartes géographiques et L'enseignement religieux. L'ins-
truction professionnelle se rapporte à L'instruction militaire et à
l'instruction navale. L'instruction militaire embrasse les exer-
cices militaires, l'école du soldat, la manoeuvre des armes Man-
ches, les manœuvres d'artillerie. L'instruction navale s'applique
à, toutes les connaissances élémentaires de l'art nautique. L'admis-
sion des candidats est restée soumise aux conditions du décret
du 5 juillet 1845.
Les heureux résultats obtenus dans ces deux premiers essais
— à Rio-de-Janeiro et à Para — déterminèrent successivement
de nouvelles fondations dans toutes les provinces du littoral.
Aujourd'hui, on compte au Brésil dix-huit compagnies, ayant
un personnel de 1.500 apprentis.
Chaque année le gouvernement dépense en moyenne, les
sommes suivantes pour l'entretien des compagnies :
Personnel Fr. 393.850
Rations 752.812
Habillement 187.500
Soit un total de Fr. 1.334.162
Ce simple exposé montre avec quelle sollicitude et avec quelle
persévérance infatigable le gouvernement impérial a cherché,
PROTECTION DE L ENFANCE. C55
pendant trente-quatre années consécutives, à donner un dévelop-
pement sérieux à cette institution.
Le but du gouvernement est de former des hommes aptes à
remplir les vacances qui se produisent constamment dans le
corps des marins de l'État. Mais sa principale préoccupation est
d'assurer une protection efficace aux enfants indigents et aux
orphelins. S'il n'avait pas été guidé par cette pensée généreuse
et moralisatrice de la protection de l'enfance, il Lui eut été facile
de pourvoir au recrutement de sa marine en s'imposant de moins
lourds sacrifices. Il lui eût suffi de recourir aux enrôlements de
volontaires, d'engagés inconditionnels ou d'engagés avec primes.
Mais comme il se proposait une double mission, il a dû supporter
des dépenses plus considérables. En effet, chaque apprenti coûte
au gouvernement les sommes suivantes, par an :
Solde 90 fr. »
Rations 502 »
Habillement 152 50
Soit 744 fr. 50
Dans ces chiffres ne sont pas compris les frais qu'entraînent
le personnel administratif des compagnies, le traitement médical
dans les infirmeries et dans les hôpitaux, le supplément de
munitions navales, l'armement, le combustible, etc.. Toutes ces
dépenses sont inscrites dans différents chapitres du budget.
La sollicitude du gouvernement à l'égard des mineurs ne se
borne pas à ces actes de protection : pour faciliter le recrutement
des apprentis de marine, le décret numéro 1.591 du 13 avril 1857
a établi des dispositions particulières. En vertu de l'article 19, les
volontaires mineurs destinés aux compagnies d'apprentis de
marine reçoivent une prime de 250 francs qui est versée aux
parents, tuteurs ou ayant droits. En outre, le décret n° 5.950 du
23 juin 1875 statue « que les apprentis de marine devront
concourir tous les mois à la formation d'une masse, au moyen
d'une retenue égale au tiers de leur solde. Cette somme sera
déposée dans les caisses d'épargne, ou, à défaut, dans les tréso-
reries des finances. On emploiera au même objet les primes
cédées par les parents ou par les tuteurs des apprentis, en
faveur de ces derniers. » (Art. 1er.)
L'article 4 du même décret dit : « Les sommes déposées et les
656 LE BRÉSIL EN 1889.
intérêts échus seront portés sur un livret qui sera remis au titu-
laire, lors de sa sortie, pour quelque motif que ce soit, du corps
des marins de l'Etat. Ce livret reviendra aux parents, aux tuteurs
ou au juge des orphelins, si, pendant leur minorité, les apprentis
sont détachés des compagnies pour incapacité physique. Dans
les cas de désertion ou de décès, le montant de la contribution
sera appliqué à V Asile des Invalides, sauf s'il est réclamé léga-
lement. »
Tels sont les procédés et moyens employés par le gouverne-
ment impérial pour secourir l'enfance malheureuse et recruter
le plus grand nombre possible de mineurs aux compagnies éta-
blies dans toutes les provinces du littoral brésilien.
II. Compagnies d'artisans apprentis. — Les compa-
gnies d'artisans datent de l'année 1840 (26 octobre). Elles sonl
donc antérieures de cinq ans aux: compagnies d'apprentis de
marine. Le gouvernement crut opportun d'assurer un recrute-
ment régulier à l'arsenal de marine de Hio-de-Janeiro et de pro-
curer à ses travailleurs une instruction satisfaisante. C'est dans
ce but qu'il créa deux compagnies d'artisans pour le service
intérieur et extérieur de l'Arsenal. Ces compagnies furent orga-
nisées militairement. Afin de les fortifier, on fit en 1860 (21 juillet)
un règlement pour l'admission d'une nouvelle classe d'apprentis.
On donna à ces nouveaux venus le nom d'apprentis artisans. On
détermina que des mineurs en feraient partie pourvu qu'ils
soient de nationalité brésilienne, qu'ils ne soient pas âgés de
moins de sept ans ni de plus de douze ans; qu'ils aient une cons-
titution robuste et qu'ils produisent un certificat de vaccine. Le
nombre des apprentis artisans fut en outre complété : 1° par
l'admission d'orphelins ou d'indigents, présentés par les autorités
respectives et remplissant les conditions ci-dessus mentionnées;
2° par des enfants dont les parents seraient trop pauvres pour
pouvoir se charger de leur entretien et de leur éducation. Les
apprentis admis dans ces conditions devaient recevoir un ensei-
gnement spécial comprenant : la lecture, l'écriture et les quatre
opérations; la géométrie appliquée et le dessin linéaire pour
ceux qui s'y montreraient aptes ; la musique, la morale chré-
tienne, la natation, les exercices militaires. De plus, on devait
leur apprendre le métier qu'ils choisiraient.
On pouvait espérer que tous ces efforts et tous ces éléments
de succès contribueraient puissamment à former pour l'arsenal
PROTECTION DE L ENFANCE. 657
de marine des ouvriers nationaux intelligents et capables.
L'espoir du gouvernement fut déçu. Une expérience de vingt ans
a démontré l'inanité relative de ces tentatives. Il serait assez
difficile de préciser les causes de cet échec. Ce qui est certain,
c'est que, pendant cette longue période, les résultats n'ont
pas répondu à la grandeur des sacrifices. Le gouvernement
impérial a dépensé presque en pure perte des sommes très
élevées pour l'entretien de ces compagnies, qui n'ont pas tenu ce
qu'on était en droit d'attendre d'elles.
Chaque année, l'État dépense pour chacun des apprentis
artisans les sommes suivantes :
Solde 273 fr. 75
Habillement 147 50
Rations 501 75
Total 923 fr. »
Or, la moyenne des ouvriers qui, en sortant des compagnies
d'apprentis artisans, sont allés régulièrement travailler dans les
ateliers de l'arsenal de Rio-de-Janeiro, a été de 12 ouvriers sur
185 apprentis inscrits. En présence de résultats aussi négatifs, le
gouvernement s'est décidé à supprimer peu à peu les compagnies
d'apprentis artisans. C'est ce qu'il a fait par la loi numéro 2.940
du 30 octobre 1879. Déjà ou ne reçoit plus de nouvelles inscrip-
tions. Cette institution aura donc bientôt cessé d'exister, soit
par le départ des apprentis réclamés par les parents, tuteurs et
autorités judiciaires, soit par le décès ou le renvoi de ceux, en
petit nombre, qui en font encore partie.
III. Compagnies d'apprentis mineurs des arsenaux
de guerre. — De toutes les institutions de bienfaisance ressor-
tissant du ministère de la guerre, la plus ancienne est celle des
Apprentis mineurs des arsenaux de guerre. Elle date de l'époque
où le régent du royaume de Portugal don Jean VI vint s'établir
au Brésil, après l'envahissement du royaume par les armées de
Napoléon en 1808. Le 15 novembre 1831, une loi organisa cette
institution, et, le 21 février 1832, un règlement fut ajouté
pour l'application de cette loi. Ce règlement permettait de rece-
voir dans l'arsenal, pour y être élevés en qualité d'apprentis, les
enfants trouvés, les orphelins indigents et les enfants de parents
indigents. Ces enfants, recueillis dans l'arsenal, y recevaient
42
LE BRÉSIL EN 1889.
l'instruction primaire, à Laquelle était joint L'enseignement du
dessin. Ils y apprenaient en outre un métier à Leur choix et selon
Leurs aptitudes. Ils étaienl nourris. Logés et habillés par l'éta-
blissement, l'n décrel du L9 octobre L872, portanl le numéro
:>lis. réorganisa Les Compagnies de mineurs des arsenaux de
guerre. D'après ce décret, la capitale de l'Empire compte quatre
Compagnies d'apprentis ; en outre, toute province qui renferme
irsenaux possède une Compagnie de cinquante apprentis.
On exige des candidats qu'ils soient Brésiliens, âgés de sept ans
au moins et de douze ans au plus, doués d'une constitution
robuste et vaccinés. Le nombre des apprentis est complété:
■ Les orphelins ou indigents qui sonl abandonnés et qui
remplissent les conditions ci-dessus énumérées. Les autorités
Locales se chargent de Leur présentation; 2° par les enfants nés
de parents pauvres et hors d'état de les entretenir et de les
élever; 3° par les enfants des ouvriers de l'arsenal comptant
plus de dix ans de service effectif et par ceux des soldats et sous-
officiers des armées de terre et de mer; 4° à défaut de mineurs
appartenant aux catégories ci-dessus, par tous les enfants qui
; présentés par Leurs parents, tuteurs et autres personnes
qui les représentent légalement, pourvu que ces personnes prou-
vent Leur état d'indigence. Les apprentis sont nourris, logés,
habillés, soignés et élevés aux frais de l'État. Dans les classes,
on Leur enseigne les éléments de la grammaire, la géométrie
appliquée, le dessin linéaire et la musique. Dans les ateliers, ils
apprennent les différents métiers le plus en usage, et pour les-
quels ils manifestent le plus de goût.
xcellente fondation a donné les meilleurs résultats,
grâce a son mode de fonctionnement. Tout d'abord, lorsque
L'apprentia atteintl'âge réglementaire de sortie, qui est seize ans,
il passe aux compagnies d'ouvriers. 11 y sert pendant dix ans.
Après cela, le jeune ouvrier, à peine âgé de vingt-six ans, se
trouve Libéré de tout service militaire. 11 peut alors continuera
travailler à l'arsenal comme ouvrier libre ou s'engager ailleurs.
Dans tous les cas, il est devenu un homme laborieux et utile.
Quelques-uns, parmi eux, ayant préféré suivre la carrière mili-
taire, sont parvenus aux plus hauts grades de l'armée. Le dépôt
des apprentis artilleurs a été constitué par le décret numéro
3.555, du (.) décembre 1865. Il a été établi à Rio-de- Janeiro. Des
instructions ministérielles en date du ii janvier 1866 et du
c2l mars 1867, le réglementent. Le but de cette création est de
PROTECTION DE L'ENFANCE. 659
former pour l'armée d'artillerie des soldats capables et exercés.
Le dépôt peut recevoir 1° les soldats du corps et des compa-
gnies d'artisans qui, à l'époque de la fondation du dépôt, ne
pouvaient pas être transférés dans les compagnies d'ouvriers.
Ces soldats doivent prouver qu'ils ont une conduite irréprocha-
ble tant au civil qu'au militaire ; 2° les jeunes artisans de l'ar-
senal de guerre de Rio-de-Janeiro, qui n'auraient montré aucune
disposition pour les arts spéciaux professés à l'arsenal ; 3° les
engagés volontaires ou ceux qui se destinent au service de l'ar-
tillerie ; 4° les enfants des sous-officiers et soldats morts à la
guerre ou sous les drapeaux, si ces enfants sont abandonnés et
sans famille. D'autres pourront, en outre, être présentés sponta-
nément par leurs parents ou leurs tuteurs ; 5° les fils d'indigents ;
6° ceux qui, se trouvant dans l'un des cas énoncés ci-dessus,
seront envoyés par les présidents des provinces ou par les autorités
respectives ; 7° les enfants présentés par leurs propres parents
ou par leurs tuteurs ; 8° les recrues âgées de moins de dix-
huit ans.
Pour être admis au dépôt des apprentis artilleurs, il faut être
âgé de douze ans au moins et de dix-huit ans au plus. Seuls, les
enfants des sous-officiers, dont il a été parlé au paragraphe 4,
peuvent être reçus avant d'avoir atteint l'âge de douze ans. Ces
derniers sont placés dans les compagnies de mineurs des arse-
naux, jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge réglementaire ; après
quoi, ils passent au dépôt. On exige également des candidats une
constitution saine et robuste ainsi qu'un certificat de vaccine.
L'instruction donnée aux apprentis artilleurs est théorique et
pratique.
La théorie comprend l'enseignement primaire, la géométrie
pratique, le dessin linéaire, la comptabilité militaire et l'étude
de la religion confiée à un aumônier.
La pratique embrasse toutes les connaissances indispensables
à un bon artilleur : des notions techniques, l'école de peloton, les
armes, la gymnastique, la natation, etc.
Le dépôt est organisé de manière à fournir six compagnies de
cent apprentis chacune. (Instruction ministér. du 21 mars 1867.)
Chaque année, trois apprentis artilleurs sont choisis parmi
les plus distingués du cours théorique et inscrits à l'école mili-
taire pour y suivre les cours préparatoires.
Les jeunes gens qui ont terminé leurs études au dépôt et qui
ont atteint leur dix-huitième année, sont enrégimentés dans le
GGO LE BRÉSIL EN 188 0.
corps d'artillerie où ils sont proposés au choix pour l'avancement
au grade de sous-officicr.
Quanta ceux qui, par incapacité ou négligence, n'ont pas
terminé leurs éludes, ils sont incorporés, sans prérogative d'au-
cune sorte, dans les batteries d'artillerie pour y accomplir leur
temps de service.
Les apprentis d'artillerie touchent la même solde que les
artilleurs. S'ils sont engagés volontaires, ils perçoivent en outre
la prime que la loi alloue aux hommes de cette catégorie.
Ils sont nourris, habillés, blanchis et soignés, en cas de
maladie, dans une infirmerie spéciale, aux irais de l'État.
La solde des apprentis artilleurs ne leur est pas remise en
entier. Une retenue des deux tiers est placée à la caisse d'épar-
gne. Un livret est délivré à l'apprenti. A sa sortie du dépôt,
celui-ci touche le montant des sommes versées en son nom avec
les intérêts accumulés.
La loi numéro 2.91)1, du 21 septembre 1880, en fixant le con-
tingent des forces militaires de L'Empire, a réduit le nombre des
apprentis d'artillerie à quatre cents.
Cette institution a été féconde en heureux résultats. Plusieurs
des anciens apprentis, élevés au dépôt aux frais de l'État, ont
conquis des grades élevés dans les rangs de l'armée ; d'autres ont
fait d'excellents sous-officiers d'artillerie ; ceux-là même qui ont
montré le moins de dispositions pour les études, servent dans
les régiments d'une manière utile pour le pays.
En ce moment, en présence des progrès accomplis, le gouver-
nement étudie les moyens d'étendre et de propager cette insti-
tution.
Une loi du 9 septembre 1874, portant le numéro 2,530, a déjà
autorisé la création d'une compagnie d'apprentis militaires dans
chacune des provinces de l'empire où il n'existe pas d'arsenal de
guerre.
Le but de cette loi est de former un corps de soldats instruits
et de sous-officiers capables pour l'infanterie.
En exécution de ladite loi, des compagnies d'apprentis mili-
taires ont été fondées dans les provinces de Minas-Geraes et de
Goyaz (décret numéro 6.205 du 3 juin 1870). Un règlement spécial
a été donné à ces fondations par un autre décret du 3 juin 1876,
sous le numéro 6.304.
Les compagnies nouvellement créées devaient compter cent
PROTECTION DE L'ENFANCE. G61
apprenti». Un arrêté ministériel, en date du 18 septembre 1879,
en a réduit le nombre à quarante.
Ces compagnies ne reçoivent que des candidats de nationalité
brésilienne, âgés de plus de sept ans et de moins de douze ans,
pourvus d'une bonne constitution et vaccinés.
Sont admis :
Les orphelins ou abandonnés, sur la présentation des autorités
compétentes ;
Les enfants des sous-officiers et soldats de l'armée et de la
marine ;
Les fils de personnes pauvres, dépourvues de tout moyen
d'existence et d'éducation ;
Les enfants nés libres de parents esclaves, en vertu de la loi
d'émancipation graduelle du 28 septembre 1871 ; enfin, les enfants
présentés par leurs parents ou leurs tuteurs, pourvu que ceux-ci
prouvent qu'ils sont réellement dans l'indigence.
Les apprentis militaires, comme les apprentis artilleurs, sont
logés, nourris, habillés et soignés aux frais de l'État. Ils perçoivent
une solde égale à celle des soldats d'infanterie. On leur distribue
un enseignement théorique général et une instruction technique
spéciale, qui se résument dans l'enseignement primaire, les
exercices de l'école du soldat. La musique instrumentale est
enseignée à ceux qui y montrent quelque aptitude.
A l'âge de quatorze ans, le jeune apprenti est dirigé sur le
corps où il doit servir, qu'il ait ou non terminé sa période d'ins-
truction.
L'apprenti qui sort avec le numéro un au concours de fin
d'étude, peut-être autorisé à suivre les cours de l'école mili-
taire.
La loi numéro 2,556, du 26 septembre 1874 a autorisé l'éta-
blissement de compagnies d'apprentis ou d'ouvriers militaires
dans les provinces.
On doit y recevoir de préférence les orphelins, les enfants
abandonnés et les enfants nés libres de parents esclaves (ingenuos)
dont parle la loi du 28 septembre 1871.
Cette loi destinée à donner un placement utile aux enfants
nés libres de parents esclaves peut avoir des conséquences très
bienfaisantes et très profitables à l'avenir du pays.
Les ressources militaires dont le ministère de la guerre dispose
pour les dépenses de ces différentes œuvres, atteignent la somme
de 918.200 francs.
CG2 LE BRÉSIL EN 1889.
IV. La protection de l'enfance abandonnée dans
lc\s provinces. — Il n'y aguèrede province, au Brésil, qui ne
de un ou plusieurs établissements privés ou publics destinés
à protéger l'enfance. Mais, comme il a été dit en commençant,
il est difficile de réunir des informations précises sur ces diffé-
rents établissements. Il faut tenir compte, en effet, des longues
distances qui rendent les communications moins fréquentes, et
de la décentralisation des services administratifs qui complique
les recherches. Yoici, cependant, quelques informations concer-
nant la protection de l'enfance abandonnée, dans la plupart des
provinces de l'empire.
Province de l'Amazone. — A Manaos, chef-lieu de cette
lointaine province, située à l'extrême nord du Brésil, il existe un
établissement appelé : Etablissement des élèves-artisans [estabele-
cimento de educandos artifices) ; il est subventionné par le budget
provincial et reçoit principalement des enfants des familles indi-
gènes de Y Amazonie.
L'instruction primaire et l'enseignement professionnel y sont
distribués gratuitement aux pensionnaires.
Province de Para. — Les établissements consacrés à la pro-
tection de l'enfance sont assez nombreux dans cette province. Il
faut citer en première ligne VInstituto Paraense, établi par la loi
provinciale numéro 660, du 30 octobre 1870, et entretenu aux
frais de la province. Il a pour but l'enseignement professionnel
des orphelins indigents et d'autres enfants pauvres. On y donne
également une instruction générale qui comprend la géométrie,
la mécanique appliquée aux arts et à la construction navale, la
technologie professionnelle, le dessin des machines, la topogra-
phie, la musique vocale et instrumentale, le dessin d'ornement et
d'architecture, la langue française et la gymnastique. L'instruc-
tion professionnelle proprement dite, se compose d'un cours
théorique et d'un cours pratique. Le cours théorique dure deux
années et embrasse la géométrie, la mécanique, la technologie et
le dessin. Le cours pratique se tient dans des ateliers où l'on
enseigne les métiers de tailleur, ferblantier, cordonnier, forgeron
et menuisier.
Pour être admis, les candidats doivent être pauvres et aban-
donnés, âgés de plus de septans et de moins de quatorze ans. A
leur sortie de l'institut, après L'achèvement de leurs études, les
PROTECTION DE L'ENFANCE. G63
élèves reçoivent un pécule provenant des retenues de salaires, des
donations, etc. Les enfants élevés à VInstituto Paraense sont au
nombre de 90. Pendant l'année 1880, les dépenses de l'établisse-
ment sesontélevées à 158.000 francs. Le gouvernement provincial
a contribue à cette dépense pour une somme de 120.000 francs.
Le surplus a été couvert par le rendement des ateliers et par
certaines allocations déposées par ceux qui engagent et emploient
l'orchestre hors de l'établissement.
Pour les enfants du sexe féminin, la province a fondé et entre-
tient le Collegio de Nossa Senhora do Amparo. Les orphelines, les
pauvres, les abandonnées et les filles exposées au tour sont
recueillies dans ce collège. L'enseignement comprend le pro-
gramme des Écoles primaires, l'instruction religieuse, la couture et
quelques arts d'agrément. Les élèves sont admises de sept à douze
ans. Elles peuvent quitter l'établissement dès l'âge de dix-huit ans,
dans les cas suivants : pour rentrer dans leurs familles, pour se
marier, pour se placer dans des familles honorobles, pour servir
dans les écoles publiques. Les jeunes filles qui sortent pour se
marier, reçoivent un trousseau d'une valeur de 1.250 francs et
une dot s'élevant à 2.500 francs. Mais on ne peut doter chaque
année plus de six élèves. Toutes les autres, à leur sortie du pen-
sionnat, ont droit à un pécule résultant de legs, de donations,
d'offrandes et de ventes d'ouvrages exécutés par elles. Ces
travaux sont exposés dans une salle du pensionnat. Le nombre
des jeunes personnes élevées dans cette maison, est actuellement
de 224.
Pendant Tannée financière 1879-80, la recette du Collège a été
de 169.342 francs, la dépense ne s'est montée qu'à 161.775 francs.
Cet établissement possède un patrimoine évalué à 84.575 francs,
plusieurs immeubles et quelques terrains.
Pour l'exercice 1880-81, l'Assemblée provinciale lui a voté
une subvention de 167.250 francs; l'État lui accorde en outre
une allocation annuelle de 5.000 francs.
L'administration se compose d'un proviseur, d'un secrétaire,
d'un trésorier, d'un aumônier et d'une régente pour la direction
de l'intérieur.
Le personnel enseignant compte six maîtresses, un professeur
de piano, six surveillantes, un concierge et trois servantes.
Province de Maranhâo. — Nous possédons des renseigne-
ments sur trois établissements de cette province. L'un est affecté
GG4 LH BRÉSIL EN 1889.
aux jeunes garçons indigents; L'autre, aux jeunes filles, et le
troisième est mixte, Le premier se nomme : Casa de Educandos
artifices. Il a été créé par la loi provinciale numéro L05, du
"l'A août 1841. L'inauguration en a eu lieu le 25 novembre 1 «s:>(> ;
12(> élèves orphelins ou indigents y reçoivent en ce moment ren-
seignement primaire et religieux, des notions de géométrie appli-
quée aux arts, les principes de musique vocale et instrumentale,
les connaissances professionnelles pour les métiers de tailleur,
cordonnier, serrurier, menuisier et charpentier. La limite d'âge
pour l'admission commence à sept et finit à quatorze ans. La
province dépense pour l'entretien de cette œuvre 122.500 francs
par an.
La deuxième institution est: le Recolhemento de Nossa Senhora
da Anunciaçâo e dos Remedios. Cet asile est placé sous la haute
surveillance de Pévêque diocésain. 11 recueille 30 jeunes filles
abandonnées, qui y reçoivent l'instruction élémentaire et y
apprennent un métier. La province fait une pension annuelle de
500 francs pour chaque élève ; et l'établissement possède en outre
un petit patrimoine de 46.500 francs dont il touche les revenus.
Enfin, la troisième institution est : la Casa de expostos, le
tour, la maison des enfants exposés. On y reçoit les enfants
exposés des deux sexes. La Santa Casa de Misericordla se charge
des frais d'entretien. Pendantl'année 1880, l'asile a reçu 15 enfants,
dont 2 du sexe masculin et 13 du sexe féminin.
Province de Ceara. — Cette province renferme une colonie
qui mérite une mention spéciale. C'est la colonie Christina. Elle
a ele fondée par la loi provinciale numéro 1870 du 11 novembre
1870. Elle recueille des enfants abandonnés des deux sexes et les
enlants nés libres de parents esclaves (ingenuos), dont parle la
loi du 28 septembre 1871. La colonie est établie dans une Fazenda
appelée Canafislula. cl donnée à la province par M. le comman-
deur Luiz-Rîbeira da Cunha. Cette propriété a été estimée 75.000
francs. La ferme est située dans le municipe d'Acarape ; elle est
traversée par le chemin de fer de Baturité, et possède des terres
de première qualité, des bois riches en essences forestières
et quelques dépendances, tels qu'immeubles, enclos et planta-
tions. Les mineurs reçoivent à la ferme l'instruction primaire et
s'y exercent à des travaux agricoles. L'établissement est admi-
nistré par uni} commission de six membres sous le nom de Meza
protectora (bureau protecteur-.
PROTECTION DE L ENFANCE. 665
Le budget de la province a inscrit à l'exercice 1879-80 une
somme de 67.362 francs pour l'entretien de la colonie. L'État, de
son côté, lui alloue chaque année une subvention de 18.000 francs.
La colonie Christina compte présentement 216 colons, dont
51 du sexe masculin et 195 du sexe féminin. Une grande partie
des fertiles terres de la colonie est déjà livrée à l'exploitation
(399.000 mètres carrés). On y cultive le manioc, le maïs, les hari-
cots, la canne à sucre, le blé-riz, etc. Des ateliers sont installés
dans les bâtiments, et servent à former des charpentiers, des
tourneurs, des forgerons, des cordonniers, des maçons et des
boulangers. Les orphelines se livrent aux travaux à l'aiguille, à
la fabrication des fleurs artificielles, au filage et au tissage des
draps. La colonie Christina possède des étables contenant 106
têtes de bétail, 11 chevaux, 2 mules et 1 âne.
Province de Pernambuco. — Le plus important des établis-
sements de charité pour l'enfance dans la province de Pernam-
buco est la Colonie agricole et industrielle d'orphelins. Elle est
installée dans une vaste ferme de l'État à Pimenteiras, à la place
du Collège d'orphelins qui y existait auparavant. (Loi provinciale
numéro 1053, du 6 juin 1872).
Le but de la colonie est de venir en aide aux enfants aban-
donnés et d'en faire des hommes honnêtes et utiles à leur pays.
Pour y parvenir, on leur donne un enseignement spécial en
rapport avec les conditions du pays ; on les initie aux améliora-
tions de la grande et de la petite culture ; on leur fait connaître
en théorie et en pratique les instruments agricoles, les procédés
de plantation et de récolte, les modes et emplois des diverses
matières premières empruntées à l'agriculture, les amendements
de terre, les engrais, etc.
Les colons reçoivent l'instruction religieuse et morale, l'ins-
truction littéraire, scientifique, artistique, économique, indus-
trielle et agricole.
Des ateliers de menuisier, de charpentier, de cordonnier, de
tailleur, de forgeron et de maçon sont établis dans la colonie.
Pendant les récréations, les colons se livrent à des exercices
de gymnastique, de natation, d'équitation et à des exercices mili-
taires.
La ferme reçoit des pensionnaires payants et des non
payants. Les pensionnaires payants versent une somme annuelle
de 300 francs pour leur pension. Parmi les colons reçus à titre
666 LE BRÉSIL EN 188 9.
gratuit on compte: des orphelins qui u'onl personne pour se
charger «I»1 leur éducation ; des enfants de fonctionnaires do l'État
ou d'employés provinciaux morts pauvres ou chargés de famille,
et, enfin, «les enfants appartenant à des parents négligents ou
indignes et qui se trouvent privés de toute éducation. Les postn-
iants doivent avoir plus do sept ans et moins de douze ans. Les
enfants admis gratuitement s'engagenl à rester dans la colonie
jusqu'à Vàge de vingt-et-un ans. Le colon qui a accompli régu-
lièrement sa période d'instruction, reçoit un brevet à sa sortie
pour constater le degré de ses connaissances professionnelles et
témoigner de sa conduite pendant son séjour dans la maison.
Des récompenses spéciales et des encouragements particuliers
sont accordés à ceux qui se distinguent par leur bonne tenue,
par leur application et par leurs progrès. On les fait avancer en
grade, nu leur décerne des distinctions honorifiques et des prix
d'honneur. On peut même les nommer surveillants ou cbefs
d'ateliers. Par contre, tout un système de punitions est organisé
contre ceux qui ne remplissent pas leur devoir ou dont la con-
duite est irrégulière. Ces punitions sont graduées selon la faute
commise. Elles comprennent les peines suivantes: 1° admonesta-
tion privée ; 2° admonestation publique, en classe, dans l'atelier
ou au réfectoire ; 3° travail pendant le temps de la récréation ;
4° retenue simple; 5° retenue et réduction de la ration ordinaire;
G0 en cas de récidive, retenue et dégradation ; 7° admonestation
formelle et prison ; 8° expulsion. Pour le moment, la colonie
agricole de Pimenteiras n'est entretenue qu'à l'aide de subven-
tions accordées par l'État et la province. Son patrimoine est
presque nul et ne se compose guère que du fonds ayant appar-
tenu autrefois au Collège des orphelins.
Il est probable que ces maigres ressources augmenteront,
grâce aux donations et aux legs qui ne manqueront pas d'affluer.
Le dernier budget provincial a accordé une somme de 100.000
francs pour l'entretien et les travaux de cel établissement. L'État,
de son côté, fournit une somme assez élevée. La colonie compte
actuellement 132 enfants, ^n seul d'entre eux est pensionnaire
payant.
Les enfants du sexe féminin sont recueillis dans le pensionnat
des Orphelines (Collegio dus Orphâs). Il a été fondé par une loi
provinciale en date du 11 novembre 1831, dans le but de pourvoir
à l'entretien et à l'éducation des orphelines pauvres. Celles-ci
doivent avoir, pour y être admises, plus de six ans et moin- de
PROTECTION DE L'ENFANCE. 667
seize ans. Les jeunes élèves y reçoivent l'instruction élémentaire,
y apprennent la couture, la broderie et la plupart des travaux
de femmes. On leur enseigne aussi la musique. Aucune élève ne
peut rester an pensionnat passé l'âge de vingt et un ans. Celles
qui, étant parvenues à cet âge, nese marient pas, sont placées en
service dans des familles d'une honorabilité reconnue. L'orphe-
line qui quitte la maison pour se marier reçoit un trousseau et
une dot en argent de la valeur de 750 francs. L'orphelinat
compte aujourd'hui 200 élèves. En 1879, le patrimoine de l'éta-
blissement a produit un revenu de 80.000 francs ; les dépenses
ont atteint seulement le chiffre de 74.758 francs. Ce pensionnat
est administré par la Santa Casa de Misericordia.
Il existe en outre, à Récite, capitale de la province de Pernam-
buco: un refuge pour les enfants exposés par leurs parents [Casa
de Fxpostos). Comme le pensionnat dont nous venons de parler,
cet asile relève de la Santa Casa de Misericordia. On y abrite les
enfants abandonnés par leurs parents, et, dès que ces entants
ont atteint l'âge de raison, ils reçoivent l'instruction que com-
portent leur âge et leurs aptitudes. Cet établissement coûte
chaque année environ 100.000 francs à la pieuse institution de
bienfaisance dont il vient d'être question. Présentement, 234
enfants reçoivent des soins et l'instruction dans l'asile, et 126
ont été confiés à des nourrices du dehors.
Province d'Alagôas. — Dans cette province, il existe un
asile pour les orphelines indigentes. Il a été établi, en 1877, par
la charité privée, dans la ville de Maceiô, chef-lieu de la province.
Il porte le nom à' Asile de Notre-Dame-du-Bon-Conseil. Quoique de
date récente, cette fondation se trouve déjà en possession d'un
capital de 54.353 francs environ. Les jeunes filles qui y reçoivent
une éducation modeste et soignée sont au nombre de 11 seule-
ment. Pendant l'année 1881, les recettes ont produit une somme
de 11.695 francs, et les dépenses ont été réglées à 8.567 francs
environ.
Province de Bahia. — Cette province est l'une de celles où
les établissements de charité destinés à la protection de l'enfance,
sont le plus nombreux. Comme dans la plupart des grandes villes
du Brésil, il existe à Bahia, chef-lieu de la province de ce nom,
une maison pour les enfants abandonnés et exposés [Asylo de
Fxpostos). Cet asile compte actuellement 272 enfants, dont 213
668 LE BRÉSIL EN IN 89.
du sexe féminin et 60 seulemenl du sexe masculin. Los enfants
recueillis reçoivent L'instruction primaire et apprennent un
métier suivant leur sexe et leurs préférences. Pendant l'année
issi, la vente des objets confectionnes dans rétablissement a
produil la somme de 8.080 francs. Les autres recettes ne se sont
élevées qu'à La somme de 3.675 francs, tandis que les dépenses
ont atteint le chiffre de 132.400 francs.
Le Pensionnat des orphelines du Sacré-Cœur de Jésus entre-
tient et élève 120 orphelines. Sa rente ordinaire, en y com-
prenant la subvention que lui accorde le Trésor provincial, n'est
<pie de 37.500 francs. Les dépenses atteignent tous les ans
Î2.5DD francs environ. Pendant l'année 1880, les travaux des
orphelines ont produit une somme de plus de 15.000 francs.
Trois autres maisons de bienfaisance sont ouvertes aux orphe-
lines indigentes dans cette province. Deux de ces maisons sont au
chef- lieu même; la troisième est établie dans la ville de Feira de
Santa-Anna. Cette dernière a été instituée le 25 mars 1870, sous le
nom d'Asile de la Vierge de Lourdes. Elle est entretenue par la
charité publique. En 1880, l'asile ne comptait encore que
11 orphelines, toutes âgées de moins de dix ans.
Les dépenses de cette même année ont été de 51.285 francs,
et les recettes d î 55. 108 francs.
La Casa du Providencia est également affectée à l'éducation
des jeunes filles pauvres et orphelines. Elle a été établie dans la
ville de Bahia par une association de dames charitables. La
maison entretient 179 jeunes filles indigentes, qui y reçoivent
une excellente et solide éducation; 70 orphelines sont nourries,
habillées et élevées aux frais de l'établissement. Les recettes
pour l'année 1879 ont été de 127.870 francs, et les dépenses de
128. 430 francs. Le déficit a donc été de 560 francs.
Une autre maison de secours, destinée aux jeunes filles pau-
vres, a une organisation quelque peu différente. C'est le Pen-
sionnat d(3 Notre-Dame de la Sulfite A côté d'un certain nombre
déjeunes filles indigentes, 34 actuellement, d'autres paient une
pension mensuelle minime. Ces dernières sont au nombre de 30.
Une école a été fondée pour des externes pauvres, du sexe fémi-
nin, dont quelques-unes sont nourries et habillées par rétablis-
sement, au moyen de ressources fournies par les libéralités
privées.
L'administration provinciale accorde une subvention annuelle
de 2.500 francs à ce pensionnat.
PROTECTION DE L ENFANCE. 660
Pour Jes orphelins, la province dispose du Collège des orphe-
lins de S. Joachin. Cent orphelins y sont instruits et y appren-
nent divers métiers. Cette institution dispose d'une subvention
annuelle concédée par le gouvernement provincial ; elle possède,
en outre, un patrimoine de près de 933.000 francs, représenté
par des immeubles, des valeurs, etc. Les revenus de ce capital
s'élèvent à 63.785 francs par an. Durant la période écoulée du
1er septembre 1878 au 31 août 1879, les recettes ont été de
103.890 francs, et les dépenses de 107.704 francs. Déficit: 3.814
francs.
Outre ces institutions, la Santa Casa de Misericordla de
Valence, celle d'Oliveira-dos-Campinhas, le Recolhimento de
Saint-Raymond et celle de Nossa Senhora dos Humildes, à Santo-
Amaro, dans la même province, secourent environ 100 orphelins
de l'un et de l'autre sexe.
Province de Santa-Catharina. — Dans la ville de Desterro,
chef-lieu de cette province, il existe deux établissements destinés
à l'enfance et tous deux entretenus par l'hospice de charité. Le
premier de ces établissements est le Tour (Casa de Exposlos)
organisé comme toutes les institutions du même genre. L'année
dernière, les recettes s'y sont élevées à 4.963 francs et les
dépenses n'ont pas dépassé 2.254 francs. Le second établisse-
ment est l'Asile des orphelines. Vingt jeunes filles y sont entre-
tenues présentement. Le Trésor provincial assure à cette insti-
tution une subvention annuelle de 12.500 francs. Pendant Tannée
qui vient de s'écouler, les recettes de l'asile ont été de 15.610
francs et les dépenses ont balancé les recettes.
Province de Rio-Grande-du-Sud. — Dans les trois princi-
pales villes de cette province, à Porto-Alegre, à Rio-Grande et à
Pelotas, la Santa Casa da Misericordla entretient des tours et des
asiles pour les enfants délaissés. Dans la Casa de Expostos de
Porto-Alegre, le nombre des enfants secourus est actuellement de
114; dans celle de Rio-Grande, il est de 27, et de 30 dans celle de
Pelotas. La charité privée soutient, en outre, dans cette même
province, un pensionnat pour les orphelines (Collegio de Orphâs
de Santa Thereza.) Environ 48 orphelines sont élevées dans cette
maison.
Province de Rio-de-Janeiro. — L'asile de Sainte-Léopol-
670 LE IUIÉSIL EN 18 89.
dine, dans la ville de Nitherohy, chef-lieu de la province de Rio-
de-Janeiro, est entretenu par la Confrérie de Saint-Vincent-de-
Paul.
Cet asile ne reçoit que les jeunes Qlles orphelines. L'instruc-
tion élémentaire et l'apprentissage d'un métier sont donnés
gratuitement aux pensionnaires de l'orphelinat.
Pendant l'année 1878, 1 10 orphelines ont reçu l'hospitalité
dans cette maison. Les jeunes filles qui se marient àleur sortie de
l'asile touchent nue dot de 1.000 francs. L'établissement possède
une caisse de dots dont le capital dépasse 50.000 francs. Le patri-
moine de l'asile, représenté par des valeurs de différente nature,
s'élève à la somme respectable de l.-'JiO.OOO francs. En 1878, les
recettes ont atteint 83.007 francs et les dépenses se sont montées
à 94.718 francs. Le déficit a donc été de 11.111 francs.
Province de San-Paulo. — Le principal établissement ouvert
à l'enfance abandonnée dans la province de San-Paulo est l'Ins-
titut des élèves artisans [Instituto dus educandos artifices). Il a été
fondé, il y a une dizaine d'années, dans le chef-lieu delà province,
par le gouvernement provincial, afin de donner une éducation
morale et une instruction industrielle aux enfants abandonnés
âgés de plus de dix ans et de moins de quatorze ans. Cet éta-
blissement est régi par une organisation toute militaire.
Les enfants portent l'uniforme et sont pourvus de grades
comme dans l'armée. Ils se livrent à des exercices militaires
pendant les récréations ; ils apprennent la gymnastique, la nata-
tion et l'escrime. On y a installé une école primaire et un ensei-
gnement spécial, comprenant la géométrie et la mécanique appli-
quées aux arts, des notions générales d'arithmétique et d'algèbre,
la sculpture, le dessin industriel, la musique vocale et instru-
mentale. Pour l'instruction professionnelle, il existe des ateliers
de cordonnerie, de menuiserie, de serrurerie, de corroirie et de
confection. Les élevés quittent l'institut à l'âge de 20 ans. Leur
nombre est actuellement de 94. Pendant le dernier exercice,
Je budget provincial a consacré à cette fondation une somme de
39.150 francs. L'établissement est sur le point de subir une trans-
formation complet:'.
Une loi provinciale, en date du 25 avril 1880, sous le numéro
108, permet de lui donner l'organisation d'une colonie agricole
de mineurs abandonnés. En vertu de cette loi, l'administration
provinciale a été autorisée a acheter deux lots de terres d'une
PROTECTION DE L ENFANCE. 671
contenance de 1.000.000 de mètres carrés au moins (500.000
brasses), afin d'y établir des centres agricoles composés d'enfants
nationaux, ou étrangers, âgés de plus de 12 ans.
Une dame charitable a fondé également une maison pour les
orphelins et les entants abandonnés. C'est VInstituto de Dona
Arma Rosa. Il est établi au chef-lieu de la province; environ 140
enfants y reçoivent l'instruction primaire et y apprennent un
métier manuel. Un tour est entretenu aux frais de l'hospice de la
Miséricorde de Saint-Paul, et reçoit tous les ans environ 100
enfants abandonnés. A Campinas, ville importante de cette même
province, il existe aussi un asile pour les orphelins, sous l'admi-
nistration de l'hospice de la Miséricorde.
V. I/asile des enfants assistés de Rio-de- Janeiro.
— L'asile des Enfants assistés de la capitale de l'Empire a été
institué en vertu d'un décret du 24 janvier 1874, portant le
numéro 5.532. Un second décret, du 9 janvier 1875, numéro 5.349,
détermine et réglemente les conditions d'après lesquelles l'éta-
blissement doit être administré.
Il résulte de l'article 12 de ce décret, que le gouvernement se
proposait dès cette époque de créer et d'organiser d'autres asiles
similaires dans le municipe de la capitale. Cet asile fonctionne
de la manière la plus satisfaisante possible. Il vient de subir une
réorganisation partielle d'après un décret du 17 mars 1883, sous
le numéro 3.910. Le régime de la maison est l'internat; 200
enfants abandonnés, âgés de 8 ans au moins et de 12 ans au plus,
y sont pensionnaires. Sont considérés comme enfants aban-
donnés : tous ceux qui n"ont personne qui doive ou qui puisse
pourvoir à leur entretien et leur assurer une éducation conve-
nable. L'asile reçoit: les orphelins de père et de mère, les orphe-
lins de père seulement, et les enfants dont les parents sont
privés de tout moyen d'existence.
A vingt et un ans révolus, les élèves sont détachés de l'asile,
après communication faite au ministère de l'intérieur. Ceux
d'entre eux qui ont fait preuve d'une conduite exemplaire, et qui
montrent quelque aptitude pour les lettres, sont recommandés au
ministre de l'intérieur, qui, selon qu'il le juge convenable, leur
accorde des bourses d'étude pourFinternatdu Collège impérial de
Dom Pedro II ou pour tout autre établissement d'instruction
secondaire. Les enfants âgés de plus de dix-huit ans, et dont le
travail devient productif pour l'asile, ont droit à la moitié du
672 LK BRÉSIL EN 188 9.
bénéfice net de leur travail. Les sommes qui leur reviennent de
ce chef, sont versées, tous les mois, à la Caisse d'épargne pour
leur êl re remboursées à leur sortie de la maison. Les enfants sont
habilles ei nourris aux frais de rétablissement. L'instruction qui
leur est donnée comprend: renseignement primaire du premier
et du second degré, l'histoire et La géographie du Brésil, la musi-
que vocale et instrumentale, le dessin, la sculpture et la gymnas-
tique. Les métiers enseignés sont ceux de tailleur, cordonnier,
charpentier, menuisier, ferblantier, relieur. Un enseignement
agricole est donné dans une ferme-école dépendant de l'asile. Le
personnel de rétablissement se compose : d'un directeur et d'un
sous-directeur, de trois professeurs, de différents maîtres chargés
d'apprendre les divers métiers aux élèves, d'un professeur d'agri-
culture, de quelques surveillants, d'un médecin, d'un aumônier,
d'un comptable, d'un caissier, d'un concierge et de plusieurs
employés subalternes.
Les élèves qui encourent la peine d'expulsion, — peine pro-
noncée par le directeur avec l'assentiment du ministre de l'inté-
rieur, — sont envoyés dans les compagnies d'apprentis dépendant
du ministère de la marine ou de la guerre, ou bien incorporés
dans la marine impériale. L'État affecte tous les ans 237.000 francs
aux dépenses de l'asile, dont une somme de 100.600 francs est
employée aux frais du personnel.
VI. Les colonies d'orphelins. — D'après une ordonnance
du royaume de Portugal qui a conservé force de loi au Brésil, du
moins quant à ses effets civils, les juges d'orphelins (juizes de
orphâos) ont le devoir strict de veiller sur la personne et sur les
biens des orphelins. Ils sont tenus de faire élever dans les collèges,
lycées et facultés ceux d'entre eux qui possèdent quelque fortune.
Quant aux pauvres, ils doivent apprendre un métier ou être
placés sous les drapeaux. Un certain nombre de nos magistrats
ont compris la responsabilité qui leur incombe dans cette seconde
partie de leur mission : l'éducation des orphelins pauvres confiés
à leurs soins. Le 7 septembre 1876, un jeune magistrat, M. Gon-
çalo Faro, fonda à cet effet une colonie à Estrella, dans la pro-
vince de Rio-de-Janeiro. Il prit pour modèle les colonies de
Sonenberg, prèsLucernc, et de Sérix, dans le canton de Vaud. Il
se proposait pour but de recueillir les enfants indigents et aban-
donnés. Les enfants qui ont été admis dans cet asile sont nourris
et habillés; ils reçoivent l'instruction élémentaire et l'enseigne-
PROTECTION DE L ENFANCE. 073
ment professionnel. Les châtiments corporels sont absolument
interdits, el la peine d'expulsion n'existe pas pour les colons
indisciplinés.
L'idée généreuse de M. Gonçalo Faro a trouvé des imitateurs,
et d'autres juges d'orphelins se sont empressés de créer des
colonies analogues sur le territoire de leur juridiction. C'est
ainsi qu'il existe aujourd'hui trois autres colonies établies sur
le modèle de la colonie d'Estrella, Tune à Angrados-Reis, dans
la province de Rio-de-Janeiro, fondée par M. Joaquim Mariano :
l'autre àAmparo, dans la province de San-Paulo, due à l'initiative
de M. Rodrigo Sete ; et la troisième à Santa-Luzia, dans la pro-
vince de Goyaz, créée par M. Braz-Loureiro.
43
CHAPITRE XXIV
ORGANISATION JUDICIAIRE
Par M. le Conseiller S.-W. MAC-DOWELL
Je ne peux donner ici qu'une notice très résumée de l'évo-
lution historique de l'organisationjudiciaire au Brésil, en y ajou-
tant quelques informations sur les réformes présentées dernière-
ment aux Chambres de l'empire.
Eu 1822, à l'époque où le Brésil conquit son indépendance,
il possédait une organisation judiciaire établie par la métropole,
c'est-à-dire par le Portugal. Cette organisation se composait des
tribunaux d'appel (Tribunaes de Relaçâo) de Maragnon, Pernam-
buco, Bahia et Rio-de-Janeiro. Ce dernier avait la catégorie de
chambre des Requêtes (Casa da supplicaçâo) et étendait sajuridic-
tion sur toutes les anciennes capitaineries, conformément à
l'arrêté du 10 mai 1808. Ces tribunaux d'appel se composaient
de conseillers (Dezembargadores), dont l'un en était le chance-
lier, l'autre Youvidor général, l'autre juge des faits, un quatrième
était « proviseur » des décédés et absents, et le cinquième, enfin,
procureur ou avocat de la Couronne. Eu première instance, fonc-
tionnaient les juges ou ovidores de comarque, les juges de fora,
ceux des orphelins et les juges ordinaires. A Bahia, il y avait un
tribunal d'appel métropolitain, ayant juridiction sur les affaires
spirituelles ou sur les affaires temporelles qui auraient des rap-
1. Député de la province de Para à l'Assemblée générale législative,
membre du Conseil de Sa Majesté l'Empereur du Brésil, ancien ministre
d'État.
LE BRÉS1 L EN 1 889.
ports avec les affaires spirituelles ; elle se réglail d'après les dis-
positions du Concile de Trente, adopté intégralement. Des com-
missions judiciaires (Juntas de Justiça) jugeaient les crimes de
désertion et de désobéissance militaire, de sédition, de rébellion,
de résistance et d'autres semblables. Enfin, il y avait la Corner-
vatoria ou Tribunal privilégié des Anglais, établi par d'anciens
traités, sans réciprocité effective, d'ailleurs, en notre Faveur.
Les lois en vigueur étaienl les ordonnances philippines el
arrêtés royaux, les articles de guerre organisés parle comte de
Lippe et le règlement provisionnel pour la marine. Il m'est
pénible d'avouer que toute cette législation est encore appliquée,
malgré les promesses formelles de la Constitution de l'empire.
En efTet, à l'exception du Code pénal et du Code de procédure,
promulgués en 1830 et en LS.'i:2, de la réforme judiciaire de 1841,
et du (Iode de Commerce de 1850, à peine quelques dérogations
ont-elles été apportées à l'ancien droit par le pouvoir législatif,
au moyen de lois éparses, qui n'ont pas encore été compilées el
codifiées. Parmi ces dérogations, il faut citer la plus récente, re-
montant au 5 octobre 1885, qui modifie la procédure des exécu-
tions judiciaires, abolit l'adjudication forcée et règle la question
d'hypothèque et le Crédit foncier.
Le titre 6e de la Constitution de l'empire a posé les bases
d'une nouvelle organisation judiciaire. D'après ce titre, le pou-
voir judiciaire devait être composé de juges et de jurés, au civil
comme au criminel, dans les cas et de la manière déterminés par
les (Iodes respectifs. Des « juges de droits », perpétuels et ina-
movibles, seraient créés. Il y aurait des cours d'appel Etelaçôes),
en aussi grand nombre qu'il serait nécessaire, pour le jugement
des causes en seconde instance. Il serait établi un Suprême Tri-
bunal de justice pour accorder ou refuser la révision des causes,
et pour trancher les conflits de juridiction entre les cours d'appel,
de même que pour juger les crimes commis par ses propres
membres, par ceux des cours d'appel, par les fonctionnaires
appartenant au corps diplomatique et par les présidents des
provinces. Il y aurait des juges de paix électifs pour tenter la
réconciliation préalable entre les parties dans les causes qui
devaieni être portées au contentieux judiciaire. Enfin, on admet-
tait des arbitres ou prud'hommes pour les parties qui préfére-
raient ce moyen de résoudre leurs différends.
La Constitution allait plus loin. A côté de l'indépendance des
magistrats, elle établissait leur responsabilité pour les abus.
ORGANISATION JUDICIAIRE. 677
excès de pouvoir ou prévarications. En même temps elle rendait
obligatoire la publicité de la procédure criminelle. Au nombre
des garanties d'inviolabilité des droits civils et politiques des
citoyens, mentionnées par l'article 171) de la Constitution, se
trouvaient citées : l'extinction de lajuridiction privilégiée, excepté
pour les causes qui par leur nature appartiendraient à des juges
particuliers; l'abolition des peines cruelles de toute espèce et
celle de la confiscation et de la transmissibilité de l'infamie aux
parents du coupable. La Constitution posait également les prin-
cipes les plus larges pour garantir la liberté des citoyens, en fait
de prison et de caution criminelle. Toutes ces bases étaient
accompagnées de la promesse solennelle qu'il serait organisé, au
plus tôt, un Code civil et un Code pénal, appuyés sur les prin-
cipes solides de justice et d'équité.
La Constitution date de 1825. Deux ans après, on commen-
çait à tenir quelques-unes de ses promesses.
La loi du 15 octobre 1827 établissait, en effet, clans chacune
des paroisses et des chapelles ayant un curé, un juge de paix et
un suppléant, élus en même temps et de la même manière que
les conseillers municipaux (Vereadores); elle délimitait ses attri-
butions civiles, criminelles et policiaires — alors bien plus éten-
dues qu'à présent — excepté en ce qui touche à lajuridiction
pour le jugement des petites causes.
La loi du 18 septembre 1828, complétée par celle du
20 décembre 1830, organisait le Suprême Tribunal de justice,
composé de 17 juges, pris parmi les conseillers de Cour d'appel
les plus anciens, portant le titre de membres du conseil de
Sa Majesté l'empereur. Leurs attributions et la manière dont ils
devaient les exercer étaient définies en même temps. Le président
de cette Haute Cour de justice, dont la situation correspond à
celle de l'ancien Rcgedor de la Casa de Sapplicacào, est choisi,
tous les trois ans, par l'empereur parmi ses membres. D'autres
lois postérieures ont élargi les attributions du Suprême Tribunal
de justice. En 1830, on lui a attribué le jugement des crimes
commis par les évêques. En 1882, on lui a donné le jugement
des recours électoraux en cas de nullité de l'inscription des
électeurs.
La loi du 22 septembre 1828 supprima les tribunaux appelés
« Mezas do Dezembargo do Paço » e « xWezas da consciencia e
ordens », dont les Cours d'appel du Brésil exerçaient les fonc-
tions par exception, en vertu d'une faveur royale. La même loi
LE BRÉSIL i:\ 1889.
réglait la décision des affaires qui leur incombaient ; celles-ci
furent partagées, selon leur nature, entre les juges de première
Instance, au civil et criminel, le juge des orphelins, les Cours
d'appel, If Suprême Tribunal de justice et le Gouvernement.
La loi du 29 novembre 1832 promulgua le Code de Procédure
criminelle. Un Litre spécial était consacré aux dispositions pro-
visoires au sujet do l'administration de la justice civile. Ce code
a établi la nouvelle organisation judiciaire d'après un plan géné-
ral. Il détermina que, dans chaque district administratif, il y
aurait un juge de paix électif avec son greffier, des inspecteurs de
quartier et des officiers de justice; outre les attributions consti-
tutionnelles, il accorda au juge de paix une plus large juridiction
policière et criminelle, à, exercer soit seul soit dans \es junlasou
conseils de paix, réunions des juges de paixpour prendre connais-
sance des recours criminels et juger certains procès de la même
espèce. Il créa des « juges municipaux », magistrats temporaires,
nommes parle gouvernement parmi les citoyens ayant un diplôme
de Droit ou parmi les avocats faisant partie d'une liste présentée
par la Chambre municipale du municipe. Outre la juridiction
policière cusultative, il appartenait à ces magistrats : dans le
criminel, de remplacer le « juge de droit » et d'exécuter les
sentences et les mandats du juge de droit ou des tribunaux; dans
le civil, de préparer et d'instruire les causes, sans rendre la sen-
tence finale, et de les faire exécuter. Il créa également, dans chaque
comarque, des « juges de droit », nommés par l'empereur et
choisis parmi les licenciés en droit (bachareis formados) ; il leur
incombait, entre autres attributions, de présider le jury crimi-
nel et d'appliquer la loi au fait. Il créa finalemet les officiers de
justice et les « promotores », chargés du ministère public, et
nommés comme les juges municipaux.
Le Code de Procédure criminelle prescrivit les formules et
recours du procès commun et de responsabilité, caution, haheas-
corpus, tirage au sort des jurés, constitution du jury, etc. Il
supprima les « ouvidorias » des comarques, les juges de l'ancien
régime, La juridiction criminelle de toute autre autorité, excepté
celle du Sénat, du Suprême Tribunal de Justice, des Cours
d'appel, des juges militaires, qui continuèrent à connaître des
crimes purement militaires, et des juges ecclésiastiques en
matière purement spirituelle. Il créa un juge au civil dans les
grands centres, et un « juge des orphelins, » temporaire comme
le juge municipal. Il supprima la juridiction ordinaire des « cor-
ORGANISATION JUDICIAIRE. 679
regedores » et « ouvidores » des Cours d'appel, effaça l'ancienne
distinction entre conseillers de Cour d'appel de différentes caté-
gories, supprima les chanceliers dans toutes les Cours d'appel,
déclara que ces Cours d'appel seraient présidées par l'un des
conseillers les plus anciens nommé tous les trois ans par le gou-
vernement, et abolit d'autres dispositions vieillies, afin d'adapter
l'organisation judiciaire au nouveau régime.
Ce régime fut en vigueur jusqu'au 3 décembre 1841, époque à
laquelle fut promulguée la réforme judiciaire.
Le Code de Procédure criminelle était une loi éminemment
libérale, car il confiait les attributions policières et criminelles
à des juges électifs et renfermait des dispositions homogènes et
synthétiques qui, en grande partie, sont encore en vigueur,
même de nos jours. Mais il n'était plus en harmonie avec les
besoins du moment. En effet, la nation venait de traverser une
crise politique. L'Empereur Dom Pedro Ier avait abdiqué le 7 avril
1831 ; son fils, l'Empereur actuel, Dom Pedro II, était encore
mineur, et les régences, qui gouvernaient en son nom, avaient
perdu tout prestige. Tout le monde comprenait qu'il fallait
reforcer l'autorité, car, de 1831 à 1841, en dix ans, la constitu-
tion du pays avait subi deux graves échecs; l'un, de bas en haut,
lors de l'abdication de Dom Pedro Ier, le 7 avril 1831 ; l'autre, de
haut en bas, lors de la proclamation de la majorité de Dom
Pedro II,le23 juillet 1840, avantladate marquée parla Contitution.
Le second empereur fut couronné le 18 juillet 1841. Moins de
cinq mois après, était promulguée la nouvelle réforme judiciaire.
L'opinion publique l'accueillit fort mal. Sur plus d'un point, son
exécution rencontra des difficultés, et à Santa-Luzia, dans la
province de Minas-Geraes, il y eut même résistance armée. Plus
tard, les adversaires de la loi eux-mêmes lui rendirent justice^
quand les passions se trouvèrent un peu calmées. Si on l'exa-
mine avec quelque impartialité, on s'aperçoit qu'elle constitue
tout un système parfaitement combiné et encore mieux développé
dans le règlement qui fut promulgué pour son exécution. Ce
règlement du 31 janvier 1842, portant le numéro 120, fut l'œuvre
de l'un de nos meilleurs hommes d'État, M. Paulino J. Soares de
Souza, vicomte d'Uruguay, alors ministre de la justice.
11 est certain que toute cette loi a été inspirée par un grand
principe autoritaire. Le titre Ier s'occupe de l'organisation de la
police, composée : de chefs de police, choisis parmi les conseil-
lers de Cour d'appel et les juges de droit et commissionnés à cet
LE BRÉSIL EN 18 89.
effet, avec juridiction sur La province entière ou sur toul le Muni-
cipe neutre dans La capitale de L'empire : de délégués et de sous-
délégués. Toutes ces autorités jouissent de Larges attributions
policières, y compris le droit d'arrestation préventive, dont quel-
ques-uns ont abusé parfois sous prétexte d'enquêtes de police,
et celui de juger les procès criminels, quoique avec la garantie
de l'approbation ou de La révocation par L'autorité judiciaire et
avec celle du recours ou de l'appel à cette même autorité, d'ac-
cord avec la hiérarchie du juge à quo. Cette loi règle le stage des
magistrats, en établissant que les juges municipaux resteront
quatre ans en exercice, ayant droit à l'avancement ou au renvoi
-'Ion le cas, et définit leurs attributions au civil et au criminel,
de même que celles des juges de Droit, tout en abolissant les
anciens juges au civil. Elle modifie la procédure criminelle et ses
recours ; prescrit que l'indemnité du dommage ex delictu ne
pourra être réclamée que par une action civile; détermine les
corrections périodiques dans les comarques, et renferme d'au*
très disposition^, aussi importantes que nombreuses, au sujet de
l'administration policière et de la juridiction civile et criminelle.
Ces dispositions ont été développées et détaillées dans le règle-
ment numéro 120 du 15 mars 1812, pour l'exécution de la partie
civile, et une série d'actes analogues du gouvernement les a com-
plétées successivement.
Je n'ai ni le temps ni l'espace nécessaires pour analyser ici
avec plus de détails cette loi fameuse, œuvre de sagesse législative
et monument de jurisprudence nationale. Pendant de longues
années elle fit partie intégrante du programme du parti conser-
vateur brésilien, tantôt calomniée par les adversaires, tantôt vio-
lée dans la pratique par ceux-là même qui en avaient fait leur
titre de gloire. Sans doute, elle se ressentait du défaut d'autres
Lois contemporaines, telles que celles sur le recrutement forcé,
sur la garde nationale militarisée, sur le régime électoral arbi-
traire et sans fixité, lois qui ont contribue à exciter dans les
masses une certaine animosité contre les autorités. Mais dans son
ensemble, elte répondait aux exigences de l'époque.
Pendant trente ans, aussi bien le parti conservateur que
le parti libéral durent la maintenir, malgré le cri de protestation
des libéraux poussé parmi ministre de la justice le 2 janvier 1865.
C'est en 1871 seulement que l'on réussit à promulguer la nou-
velle réforme judiciaire, aujourd'hui en vigueur.
Cette loi de 1871 a retiré aux autorités policières le droit de
ORGANISATION JUDICIAIRE. 681
juger, a établi la caution provisoire et a élargi l'habeas corpus.
Bien plus : par une réaction naturelle contre la loi du 3 décem-
bre iSil, elle a poussé le respect pour la liberté individuelle au
point de rendre l'exercice de la justice assez difficile dans un
pays nouveau et fort vaste comme le Brésil: les autorités ne
peuvent procéder à aucune arrestation sinon dans le cas de ila-
grant délit, comme toutautrc citoyen ; La prison préventive n'a lieu
que sur réquisition et sur mandat de l'autorité judiciaire, et cela
seulement pourles crimes qui n'admettent pas caution, et lorsque
le délinquant avoue son crime, ou bien lorsque deux témoins
concordants déposent sur sa culpabilité ou lorsque cette culpabi-
lité résulte avec évidence de documents irréfragables.
Cette réforme a enlevé son caractère obligatoire à la fonction
de chef de police, en permettant qu'elle soit exercée par tout
bachelier en droit ayant quatre années de pratique de barreau ou
d'administration. Elle a conféré aux juges de paix le jugement
des infractions aux ordonnances municipales, avec droit d'appel
aux juges de droit ; elle a conféré aux juges municipaux le juge-
ment des infractions pour rupture de ban et autres analogues,
tout en leur retirant la faculté de prononcer dans les crimes de
droit commun et dans ceux de la juridiction policière. Ces crimes
sont de la compétence des juges de droit, mais cette compétence
même est différente, selon qu'il s'agit du juge de droit d'une
comarque générale ou d'une comarque spéciale, nouveaux types
établis par cette loi. Elle a aboli la procédure cx-officio, excepté
pour quelques cas spéciaux, et a promulgué d'autres prescriptions
sur la compétence, la procédure et les recours criminels.
Dans le civil, elle a élevé la compétence des juges de paix
jusqu'à 100.000 ré is ou à peu près 280 francs ; celles des juges
municipaux, jusqu'à 1.400 francs ou 500.000 réis, avec appel,
dans les deux cas, au juge de droit, à qui incombe également en
première instance le jugement des procès pour une somme supé-
rieure, avec recours à la Cour d'appel respective. Elle a aussi
établi des règles pour la procédure civile et des dispositions au
sujet des appointements, des aptitudes et des retraites des magis-
trats. Sur ce dernier point, elles semblent plus constitutionnelles
et plus raisonnables que la dernière loi, d'après laquelle les
magistrats sont obligés de prendre leur retraite à 73 ans.
il est impossible de passer sous silence les dispositions
pénales, qui font partie de cette loi organique, au sujet des
homicides, blessures, ou offenses physiques commis par mala-
682 LE BRÉSIL EN 1889.
dresse, imprudence ou infraction aux règlements. Ces disposi-
tions ont comblé une des lacunes de notre Législation. [1 faul
encore rappeler les dispositions permettant au juge d'instruc-
tion de décider au sujet des excuses criminelles, qui étaient
autrefois de la compétence du jury, comme le sont encore,
aujourd'hui, les excuses justificatif
Cette loi de 1871 eut la bonne fortune de coïncider avec le
mouvement de réaction législative qui s'opéra en 1873-74. Ce
fut l'époque où Ton abolit le service obligatoire de La garde
nationale et le recrutement forcé pour l'armée et la marine. Ces
circonstances lui valurent les sympathies populaires, de même
que ces anciennes lois de compression avaient excité une antipa-
thie outrée contre la précédente réforme du 3 décembre 18 H.
Une loi, en date du 6 août 1873, a créé sept nouvelles Cours
d'appel au Brésil, ayant leur siège à llcIem-de-Parâ, Fortaleza
dans le Céarâ, San-Paulo dans la province du même nom, Porto-
Alegre dans Rio-Grande-du-Sud, Ouro-Preto dans Minas-Geraes,
Guyabâ dans Matto-Grosso et Goyaz dans la province du même
nom. Nous en avions déjà quatre, établies à Rio-de-Janeiro»
Bahia, Pernambuco etSan-Luiz-de-Maranhâo. Nous en avons donc
onze en tout. Cette loi fixait le nombre de sept conseillers ou
Dezembargatores pour chaque Cour d'appel au Relaçâo, en déter-
minant, cependant, que celle de Rio-de-Janeiro en aurait dix-
sept, celles de Bahia et de Pernambuco onze chacune, et celles
de Goyaz et Matto-Grosso à peine cinq chacune. Elle a aussi
déclaré incompatibles, dans le district où ils exercent leur juri-
diction, les conseillers de Cour d'appel pour toute charge élective.
La loi de réforme électorale, promulguée en 1881, a étendu cette
incompatibilité aux autres magistrats
Elle a supprimé la juridiction contenticuse des Tribunaux de
Commerce, créés par le Code en 1850, et a rendu aux Cours
d'appel cette compétence spéciale, et a déterminé que des règle-
ments ultérieurs, rendus par le gouvernement, définiraient les
fonctions administratives qui, aujourd'hui, se trouvent partagées,
en vertu de décrets, entre les juntas commerciales, créées dans
quelques chefs-lieu de provinces, et les juges de droit de com-
merce.
Récapitulons, autant que le permet le caractère de cette
notice, notre organisation judiciaire actuelle, telle qu'elle ressort
de la réforme de 1871, encore en vigueur:
ORGANISATION JUDICIAIRE. 683
Elle n'a pas modifié les dispositions anciennes au sujet des
tribunaux ecclésiastiques et militaires. Dans le ressort ecclésias-
tique, c'est toujours le vicaire général qui a la juridiction de
première instance, avec droit d'appel à la Cour d'appel ou Rela-
çfto métropolitaine de Bahia; il lui appartient de juger, entre
autres, les causes de divorce et de nullité de mariage, très impor-
tantes à cause des effets civils qui en résultent. Dans le ressort
militaire, nous avons toujours les conseils d'investigation et de
guerre, avec un président et des assesseurs nommés ad hoc, et
un auditeur, juge en toge ; ces conseils jugent les crimes mili-
taires avec recours direct uniquement au Suprême Conseil mili-
taire, composé d'officiers de haut grade, appartenant à l'armée
et à la marine, et déjuges en toge. Cette haute-cour militaire
sert aussi d'organe consultatif du gouvernement.
Cette organisation subsiste.
La loi de 1871 a, en revanche, altéré sur d'autres points l'édi-
fice de notre organisation judiciaire. Présentement, au haut de
l'échelle, nous avons le Suprême Tribunal de justice, simple
tribunal de révision, ayant des attributions analogues à celles de
la Chambre des requêtes de la Cour de cassation en France,
et siégeant à Rio-de-Janeiro. Un peu plus bas, nous avons les
onze Cours d'appel ou Relaçôes, qui jugent en seconde et der-
nière instance toutes les causes civiles, commerciales, orphano-
logiques, fiscales et criminelles. Au-dessous, les juges de Droit
de comarque, les Juges de Droit spéciaux pour le commerce,
pour les orphelins et pour les affaires du fisc, là où il y en a.
Ils jugent toutes les causes de leur ressort en première instance,
excepté quelques-unes qui sont de la compétence des Juges muni-
cipaux, placés au-dessous d'eux. Enfin, au dernier échelon, nous
avons les Juges de paix électifs, par devant lesquels les parties
sont appelées en conciliation avant le procès et qui jugent aussi
certains procès de peu l'importance, et les Juges arbitres, dont
les décisions dépendent toujours de l'engagement volontaire des
parties, après qu'on a aboli le jugement arbitral nécessaire, que
la législation précédente admettait en certains cas.
Telle est, dans ses grandes lignes, l'organisation judiciaire
actuelle au Brésil.
Depuis lors, plusieurs réformes ont été tentées sur l'initiative
de divers hommes d'État, jurisconsultes et magistrats, tels que
684 LE BRÉSIL EN Ifi
feu Nabuco d'Àraujo, Olegario, Lafayette et d'autres. Aucune
d'elles n'a abouti.
En L883, M. Prisco-Paraiso, ministre de La Justice d'un cabinel
libéral, présenta un projel de loi contenant quelques dispositions
nouvelles. Il supprimait les Juges .Municipaux, et établissait un
Juge de Droit dans chaque district judiciaire donnant cent jurés.
Il faisait reposer L'indépendance de la magistrature sur la base
de L'ancienneté absolue. La commission extraparlementaire,
appelée à donner son avis sur ce projel de loi, proposa que les
magistrats fussent choisis au concours. Le ministre, en refusant
cet amendement, Taisait, dépendre la première investiture du
simple arbitre du gouvernement. D'ailleurs, d proposait un stage
défectueux, consistant dans L'exercice du ministère public ou
dans la curatelle générale des orphelins et dans l'exercice de La
profession d'avocat pendant un certain temps. D'autres disposi-
tions, qu'il est inutile d'analyser, étaient plus heureuses.
Ce projet de loi fut vole par la Chambre des députés, malgré
la résistance de la nombreuse opposition conservatrice d'alors.
Mais il dépend encore de L'approbation du Sénat.
lui L888, le ministre de la justice du cabinet conservateur
du 10 mars, M. le conseiller Perreira-Vianna, soumit un projet
substitutif à la Commission de législation du Sénat, chargée de
L'examen du projet. La Commission l'a adopté, en l'amendant sur
quelques points. Ce projet met en avant le même principe de
L'ancienneté absolue, mais il le corrige par certaines mesures
nouvelles. Il organise le ministère public et exige l'exercice de
La justice de paix comme noviciat des futurs magistrats. Il crée
aussi des tribunaux correctionnels, et propose d'autres réformes
qu'il serait trop long d'analyser.
lui 1887, le ministre delà justice d'alors1 présenta aux Cham-
bres un projet de loi pour la répression du vagabondage (capoei-
ragem) dans des colonies pénitentiaires. Son successeur,
M. Ferreira-Vianna, a adopté une autre méthode, qui a reçu le
coup de grâce de la part d'un autre ancien ministre de la justice,
M. le conseiller Duarte d'Azevedo.
il faut encore citer les lois du 7 juillet 1883 et du 15 octobre
1886 punissant les crimes de vols d'objets places sous la garantie
de la loi publique, comme, par exemple, les cueillettes sur pieds,
la coup:' des baie-, la salaison des poissons, des viandes, des
1. Ce ministre était M. le conseiller Mac-Dowell lui-même.
ORGANISATION JUDICIAIRE. 685
cuirs, etc., et la destruction, endommagement ou incendie. Ces
lois complètent les dispositions du Code Pénal. Et, enfin, la loi
du \ août 1875 sur les crimes commis à l'étranger contre le
Brésil el les Brésiliens, dont il est inutile de faire ressortir l'im-
portance aupoint de vue du droit international.
CHAPITRE XXV
ARSENAUX DE MARINE
Par M. M.-J. ALVES BARBOZA
La force navale active du Brésil se compose présentement de :
10 cuirassés de différentes catégories, 5 croiseurs, 3 navires pour
l'instruction pratique des matelots, 1 navire pour l'artillerie et
les torpilles, 2 transports de guerre, 15 canonnières pour la navi-
gation fluviale, 8 torpilleurs de première et de deuxième classe,
et de différentes embarcations moins importantes.
L'organisation actuelle de l'escadre brésilienne comprend :
une division de croiseurs et d'autres bâtiments à vapeur ; une
division de cuirassés ; des flottilles pour le service spécial des
fleuves et des frontières de l'Amazone, du haut Uruguay et de
Matto-Grosso.
Outre cette force, dont l'armement effectif est complet, l'arsenal
de marine de Rio-de-Janeiro est entrain de construire un croiseur
de première classe, en acier, trois canonnières en acier pour la
navigation fluviale, et plusieurs autres embarcations, telles que
chaloupes, remorqueurs, etc.
Le gouvernement a l'intention d'augmenter les forces navales
du pays et de les réorganiser selon les exigences de la tactique
moderne. Le parlement a même voté dernièremnt des crédits
supplémentaires dans ce but. Mais, dès aujourd'hui, le gouver-
1. Capitaine de corvette de la marine impériale du Brésil, en mission du
gouvernement en Europe.
LE BRÉSIL EN 1 8 S 9.
nemenl dispose de cinq arsenaux, situés dans les provinces de
Para, Pernambuco, Bahia, Rio-de-Janeiro et Matto-Grosso. Le
plus importanl de ces établissements, esl sans contredit, relui de
Rio-de-Janeiro, qui s'est beaucoup développé depuis la guerre
que le Brésil eul à soutenir contre le Paraguay.
A l'époque de cette guerre, l'arsenal de Rio construisit, avec
une rapidité étonnante si l'on Lient, compte des ressources donl
il disposait alors, plusieurs monitors et divers petits cuirassés
pour neuves, qui furent autant d'auxiliaires précieux pour l'orga-
nisation de l'escadre d'opérations.
Le service technique de l'arsenal de Rio se trouve réparti
entre quatre directions, professionnellement distinctes, mais
subordonnées administrativement à l'inspection générale de
l'établissement. Ces quatres directions sont les suivantes : cons-
truction navale, machines, artillerie et torpilles, On y a annexé
une section supplémentaire pour les travaux civils, militaires et
hydrauliques du ministère de la marine.
La direction des constructions navales embrasse la totalité des
travaux nécessaires à la fabrication de la coque des navires et de-
leurs accessoires, et elle a sous ses ordres des ateliers de char-
pentiers, de menuisiers, de calfats, de chaudronniers, tourneurs,
forgerons, serruriers, etc.
L'arsenal possède, pour la construction des navires de haut
tonnage, 3 grands chantiers et d'autres moins importants pour
la construction des embarcations plus petites. Pour les répara-
tions, il possède divers chantiers de radoub et deux grands docks
à sec, ou peuvent être reçus des navires du plus fort tonnage.
Pendant longtemps on n'y construisait que des navires en
bois. Mais, tout récemment, on s'y est mis en état de construire
des navires en fer et en acier, et cette transformation rapide fait
le plus grand honneur à l'intelligence et aux aptitudes profession-
nelles du personnel de l'arsenal. En moins de deux ans, on y créa
de nouveaux ateliers pour les constructions métalliques, ses
ouvriers s'adaptèrent avec une facilité merveilleuse à cette évolu-
tion, et plusieurs navires en fer et en acier purent, dès lors, cire
mis sur chantier avec succès. En ce moment, l'arsenal construit
un croiseur de première classe, en acier, YAlmirante Tamandaré,
qui aura 4.500 tonnes de déplacement.
La construction des navires en bois n'en a pas moins continué,
soit à Rio, soit dan-- les arsenaux de province. Ces navires peu-
vent soutenir la comparaison avec les meilleurs fabriqués en
ARSENAUX DE MARINE. 689
Europe, au point de vue de la solidité et de l'élégance. On sait,
d'ailleurs, que nul pays au monde ne possède une variété plus
grande de bois pour la construction navale.
Comme spécimens de navires en bois construits récemment
par l'arsenal de Rio, on peut citer le croiseur de deuxième classe
Almirante Barroso, de 2.000 tonnes de déplacement et d'une force
collective de 2.400 chevaux. Ce croiseur effectue en ce moment
un voyage de circumnavigation et il faut espérer qu'il fera escale
dans quelque port français pendant l'Exposition universelle.
La direction des constructions navales a encore sous ses
ordres les travaux des digues, chantiers de radoud, la livraison
des bois, etc.
La direction des machines est chargée des réparations et des
améliorations de toutes les machines et engins des établissements
maritimes et de l'escadre, de même que de la construction des
moteurs pour les navires moyens et petits. Ses ateliers ne sont
pas encore assez bien outillés pour la préparation des grandes
machines modernes. Néanmoins elle possède déjà des fonderies,
des forges à vapeur et divers corps d'ouvriers spéciaux.
Parmi ses travaux les plus remarquables on peut citer : le
moteur de la force de 2.400 chevaux, construit pour le croiseur
Almirante Barroso ; la machine de 600 chevaux faite pour la
canonnière en acier Marajô ; et d'autres machines construites
pour des remorqueurs, des chaloupes, etc.
Il faut regretter que le Brésil, possédant des richesses miné-
ralogiques exceptionnelles et, en particulier, des mines de fer
connues et faciles à exploiter, soit encore tributaire de l'étranger
sous ce rapport. En effet, son industrie navale et mécanique
achète presque toute sa matière première au dehors, et c'est là
certainement une des raisons qui contribue le plus pour retarder
chez nous les progrès de la construction navale métallique. Un
autre inconvénient, le défaut de bons ouvriers travaillant à des
prix raisonnables, est en train de disparaître : le grand courant
d'émigration européenne qui se dirige vers le Brésil depuis deux
ans, permettra sans doute d'avoir une main-d'œuvre plus habile
et moins chère.
Le gouvernement paraît décidé à donner un grand essor à
la production du fer. Il possède à Ypanema, dans la province de
San-Paulo,une fabrique de fer qu'il suffira de doter d'un outillage
perfectionné et de ressources matérielles indispensables, pour
qu'elle soit en état d'approvisionner tous nos arsenaux, en deve-
44
LE BRÉSIL EH 1869.
iianl (Mi même temps une source de recettes fructueuses pour le
Trésor public. Dès aujourd'hui, Le fer sorti de L'usine d'Ypanema
peut être comparé, comme qualité, au meilleur fer de prove-
nance étrangère. Cependant l'usine n'en produit qu'en petite
quantité, pas même assez pour les besoins de l'arsenal de Rio, et
le prix du transport est tel que ee fer revient à un prix supérieur
an fer similaire de provenance étrangère. D'ailleurs, le travail de
M. Henri Gorceix., publié an commencement de ce livre, donne
des détails précieux sur les mines de fer an Brésil, et nous ren-
voyons le lecteur à celte belle étude technique.
La direction d'artillerie de l'arsenal de Rio a à sa charge
différents ateliers pour la construction et la réparation des armes
portatives et pour la préparation des produits pyrotechniques el
antres destines à l'escadre. Nous n'avons pas encore de fonderie
pour les canons de gros calibre ni pour la fabrication des méca-
nismes modernes destinés à leur manœuvre. Cependant, le gou-
vernement se préoccupe de cet état de choses, el il semble dis-
posé à introduire chez nous ces améliorations, réclamées par
L'augmentation progressive de la force navale de l'empire.
Désireux: de suivre les progrès de l'armement des escadres
modernes, le gouvernement a créé récemment une direction
spéciale de torpilles, dont les ateliers sont convenablement
montés, et qui a à sa charge la fabrication, l'entretien, la répa-
ration et les expériences de torpilles et de mines sous-marines.
Outre ces travaux se rapportant à la construction et à l'arme-
ment des navires, l'arsenal de Rio se livre à d'autres travaux
accessoires, pour lesquels il dispose du personnel et du matériel
indispensables. Il entretient également des cours pour l'ensei-
gnement professionnel des ouvriers qu'il emploie, et pour l'ins-
truction technique des mécaniciens destinés a la marine natio-
nale.
Les arsenaux de marine des autres provinces sont moins bien
montés que celui de Rio, dont ils ne sont guère que les auxi-
liaires. Cependant, ils tendent à s*1 développer, et les arsenaux
de Paré et de Matto-Grosso, surtout, paraissent appelés à prendre
une grande importance, à cause de leur situation géographique,
qui les oblige à pourvoir aux besoins des llotilles spéciales em-
ployées à faire Le service de leurs frontières. Le développement
de ces arsenaux de province aura pour résultat, en décentra-
lisant le service, de permettre à l'arsenal de Rio-de-Janeiro de
consacrer toute son activité aux grandes constructions navales.
ARSENAUX DE MARINE. 691
Ces arsenaux de province, et, en particulier, celui de Bahia,
ont déjà exécuté quelques travaux remarquables, au nombre
desquels on peut citer quelques petits navires pour la naviga-
tion fluviale et pour l'instruction des matelots. Cependant, aucun
d'eux n'est encore outillé pour les constructions métalliques de
quelque importance.
Pendant l'année 1887-88, l'arsenal de marine de Rio-de-Ja-
neiro a eu un personnel de 3.500 à 4.000 employés de toute
catégorie, et ses quatre directions ont exécuté des travaux d'une
valeur de 1.800. 400.000 réis, ou environ 4.500.000 francs, répartis
comme il suit :
Direction des constructions navales. 1.272. 700. 000 Réis.
des machines 372.500.000
— de l'artillerie 120.300.000
— des torpillles, 83 . 000 . 000
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS CE VOLUME
Commissariat général de l'Empire du Brésil a I'Exposition universelle
de 1889 v
Commission de Purlicité vi
Au Lecteur vu
Introduction. — Le Brésil actuel, par M. F.-J.de Santa-Anna Nery. . ix
CHAPITRE PREMIER
Aotions générales. — Situation, limites, superficie, cotes, caps et
baies, Iles et groupes d'Iles, Aspect physique, montagnes et pla-
teaux, Structure géologique et minéraux, par M. F.-J. de Santa-
Anna Nery, d'après MM. J. Capistrano d'Abreu, A. do Valle-Cabral
et Orville A. Derby
CHAPITRE II
Hydrographie. — Fleuves et rivières, Lacs, Ports recevant des navires
de plus de six mètres de tirant d'eau, Table de la différence de
niveau à l'époque des syzigies dans les principaux ports de la côte
du Brésil, par M. le contre-amiral baron de Teffé 23
CHAPITRE III
Climatologie. — Zone tropicale, zone sous-tropicale, zone tempérée
douce, Bibliographie sur ce sujet, Hauteur de la pluie annuelle,
Distribution de la pluie au Brésil et températures moyennes, par
M. Henri Morize 36
45
694 TABLE DES MATIÈRES.
CHAPITRE IV
minéralogie. — Mines d'or. Mines de diamants, Mines defer, Manga-
nèse, Mines de cuivre, Mines de plomb, Bismuth et antimoine, Gise-
ments de combustibles, Substances diverses, Marbres, pierres
ollaires, amiante, ocre, Quartz, Agates, Mica, Pierres précieuses
colorées, Salpêtres, Graphite, Lois et règlements sur les mines,
Ecole des mines d'Ouro-Preto, par M. Henri Gorceix 61
CHAPITRE V
Esquisse de l'Histoire du Brésil. — Découverte, Premières explora-
tions, Commencement de la colonisation, les Français à Rio-de-
Janeiro, Fondation de Rio, Commencement de la domination espa-
gnole, Hostilités des Français, Anglais et Hollandais, les Français
à Maranhào, Occupation de l'Amazone, Division du Brésil en deux
gouvernements, Invasions néerlandaises, Guerre de trente ans au
Brésil, la Conquête de l'intérieur au xvic et au xvuc siècles, Guerres
des Paulistas, Découvertes des mines d'or, la Conquête de l'inté-
rieur au xvn- et au xvnr siècles, le Commerce du Brésil du xvr au
XVlir siècles, Guerres avec les Espagnols et invasions françaises aux
xvn- et au xvnr siècles, Développement et progrès du Brésil depuis
la découverte des mines jusqu'au commencement du xix- siècle,
Hostilités des Français et guerre de 1801 entre l'Espagne et le
Portugal, L'arrivée de la famille de Bragance, le Boyaumc du
Brésil, l'Indépendance et le règne de l'empereur Dom Pedro I,r,
Régne de l'empereur Dom Pedro 11, par M. le baron de Rio-Branco . 101
CHAPITRE VI
Population, Territoire, Élcctorat. — Population, tableau statistique
de la population en 1872 et en 1888. Territoire, territoire comparé.
Population spécifique. Élcctorat, Tableau de la représentation
nationale comparée avec le territoire, la population et le revenu
général des provinces, par M. J.-P. Favilla-Nunes 189
CHAPITRE VII
Travail servile et travail libre. — L'abolition de l'esclavage, Subs-
titution du bras libre au bras esclave, Immigrants, Immigration
italienne. Immigrants belges, la Production du café, Progrès réalisés
à San-Paulo, Cearé et Amaz , Minima et Maxima du change en
1887 et en 1888. par M. /•'.-/. de Santa-Anna Xery 201
TABLE DES MATIÈRES. G9!
CHAPITRE Vin
Les zones agricoles. — La Zone amazonienne, la Zone du Parnahyba,
la Zone de Cearâ, la Zone de Parahyba-du-Nord, la Zone du San-
Francisco, la Zone du Parahyba-du-Sud, la Zone de Paranâ, la Zone
de l'Uruguay, la Zone Auro-Fcrrifère, la Zone centrale, Voies de
communication, Nouveaux ports de commerce, Immigration, par
M. l 'ingénieur André Rebouças 211
CHAPITRE IX
Institutions agricoles. — Institut agricole de Rio-de -Janeiro, Asile
Agricole, Ferme normale, Jardin botanique, Institut agricole de
Bahia, École agricole de San-Bento-de-Lages, Institut agricole de
Scrgipe, Établissement Rural de San-Pedro-d'Alcantara, Orphelinat
Isabel, École agricole de Piracicaba, Colonie Blaziana, Asile agricole
de Sainte-Isabelle, Orphelinat Christina, Iustitut de la Providence,
Station agronomique de Campinas, École vétérinaire et agricole de
Pelotas, par M. le député J.-M. Leitào da Cunha 298
CHAPITRE X
Poids, système monétaire. — Poids et mesures anciens, Valeur des
monnaies des différents pays de l'Europe comparée aux monnaies
du Brésil 311
CHAPITRE XI
Finances. — Les recettes de l'État, Biens du domaine de l'État, Biens
immeubles, Biens meubles, Services industriels de l'État, Impôts
(Impôts sur la richesse foncière et sur la production, sur la circula-
tion, sur la consommation), Crédit public (Obligations amortissa-
bles, Dette extérieure, Dette consolidée, Dette flottante, Papier-
monnaie, Dépôts), les Dépenses de l'État, la Situation financière
actuelle, par M. A. Cavalcanti 317
CHAPITRE XII
Banques et institutions de Crédit. — Banco do Brazil, Banco rural e
hypothecario, Banco commercial do Rio-de-Janeiro, Banco do
Commercio, Banco industrial e Mercantil do Rio-de-Jaueiro, Banco
TABLE DES MATIÈRES.
Predial, Banco internacional do Brazil, Banco Uniïo do Credito,
Banco de Credito Real do Brazil, Banco de! Credere, Banco Auxiliar,
Caixa de Credito commercial, Banco popular, Banques étrangères,
Banco de Credito R.eal de San-Paulo, Banco Mercantil de Santos,
Succursale du « Banco do Brazil » à San-Paulo, Banco da Lavoura
de San-Paulo, Banco Commercial de San-Paulo, Casa Ban caria
Nielseu eCu, Banco Popular de San-Paulo, Banco territorial e Mer-
cantil de .Minas. Banques à Maragnon, Para, Bahia, Pernambnco,
Bio-Grande-du-Sud, Tableaux sur les Banques et leurs bilans, par
M . Lui: Rodrigues d'Oliveira :; n
CHAPITRE XIII
Chemins «le fer. — Aperçu général, Renseignements et statistique,
Régime légal, Régime de la loi du 26 juin 1852, Principaux chemins
de fer dans une situation prospère (Chemins de fer Dom Pedro 11,
Santos- Jundiahy, Paulista, Mogyana, San-Garlos-do-Pinhal, San-
Paulo-Rio, Leopoldina, Rccife à Palmarès, Macahé-Campos, Prin-
cipe do-Gram-Parâ, Ouest de Minas), Chemins de fer importants
qui n'ont pas encore traversé leur phrase de faible rapport (Batu-
rité, Camocim-Sobral, Prolongements des chemins de fer de Per-
nambuco et de Bahia, Porto-Alegre-Uruguayana, Ceulral-Bahia,
Bahia-Minas, Minas-Rio, Sorocabana, Paranâ, Bio-Grande-Bagé)
Conclusion et tableaux statistiques, par M. l'ingénieur Fernandes-
Pinheiro :J83
CHAPITRE XIV
Commerce et Navigation. — Les revenus de l'État de 1831 à 1889,
Commerce extérieur et intcr-provincial, Commerce maritime de Rio,
Recettes des douanes de Santos, Pernambuco, Bahia, Para, Porto-
Alcgre, Rio-Grande ; Échanges de 17 provinces du Brésil avec l'é-
tranger et entre elles, Commerce des différentes provinces, Com-
merce des quatre régions du Brésil, Recettes et dépenses des pro-
vinces, afférentes à l'État et afférentes à leurs services locaux,
Dettes des différentes Provinces, Dette intérieure du Brésil, Dette
extérieure consolidée. Dividendes de quelques Banques et Com-
pagnies, le Café, le Caoutchouc, le Sucre de canne, le Coton,
les Cuirs, le Tabac. Commerce international de la place de Rio,
Mouvement du port de Rio, les États de L'Europe et le Brésil, la
France et le Brésil, par .)/. F.-.l. de Santa-Anna -Ver//. 441
CHAPITRE XV
Postes, Télégraphes et Téléphones. — Recettes et dépenses de
l'Administration des Postes, Mandats postaux. Correspondance,
Lignes télégraphiques de l'État, Service téléphonique, par M. F.-J.
de Santa-Anna Nery 1G7
TAULE DES MATIÈRES. 697
CHAPITRE XVI
Immigration. — Le peuplement du Brésil, Colonisation au xvnr siècle,
Politique do Jean VI au sujet du peuplement, Les Suisses au Bré-
sil, Nova-Friburgo et Siïo-Leopoldo, Colonies allemandes au Brésil,
Intervention des grands propriétaires, Le sénateur Verguciro et
Ybicaba, Influence de l'immigration, Suppression de l'esclavage, les
Contrats de services, Plaintes à ce sujet, Nouvelle phase de la ques-
tion de l'immigration, Statistique de l'immigration, L'immigration
à Sau-Paulo, la Propagande, San-Paulo et Rio, L'immigration dans
le Nord du Brésil, Ce que les immigrants trouvent au Brésil, par
M. E. du Silva-Prado 473
CHAPITRE XVII
Presse. — La presse neutre dans la capitale et dans les provinces, le
Jovnal do Commercio, la Gazeta de Noticias, les Insertions sur
demande, la Loi sur la Presse, le Testa de ferro, Principaux jour-
naux, leur bon marché, par M. Ferreira de Araujo 509
CHAPITRE XVIII
L'Art. — VArte Plumaria. Les constructions dans le Brésil colonial,
L'art européen fait son apparition au Brésil, L'art au xvir et au
xviii- siècles, Artistes nés au Brésil, Leurs travaux, Influence de la
Cour portugaise au commencement du siècle, Artistes contempo-
rains, l'Architecture, L'intérieur des maisons, la Dentelle et les Bro-
deries.. Ornementations diverses, les Calebasses ornées, la Céra-
mique, la Musique, Musique des indiens, Musique populaire, la
Musique d'église, Musiciens brésiliens, Conditions de l'art et situa-
tion des artistes au Brésil, par M. E. da Silva-Prado 519
CHAPITRE XIX
Instruction publique. — Enseignement primaire, Gratuité de cet ensei-
gnement, Statistique, Enseignement secondaire, Statistique, Ensei-
gnement supérieur, Facultés de droit, Facultés de médecine, École
Polytechnique, Observatoire Impérial de Rio, Bureau Hydrogra-
phique, Bureau Central météorologique et Administration des
Phares, Enseignement spécial, Établissements de l'État, Établisse-
ment provinciaux, Établissements privés, Tableau des dépenses,
par MM. de Sanla-Anna Nery, le baron de Saboia, L. Cruls, et te
contre-amiral baron de Teffé 563
698 TABLE DES MATIERES
CHAPITRE XX
Littérature. — Au xvr siècle, les Écrivains du xvir Biècle, ceux du
xviii-. la Littérature brésilienne contemporaine, les Hommes de
lettres, Poésie, Roman, Théâtre, Éloquence, Histoire, Journalisme,
Enseignement, Droit, Philosophie, etc., Sociétés littéraires el s< ien-
tifiques, Bibliothèques, par M. /•'.-./. de Santa-Anna Nery [)9l
CHAPITRE XXI
Sciences. — Le Muséum National. Son origine, Ses premiers direc-
teurs, le .Muséum transformé, Services qu'il a rendus aux savants
étrangers, Organisation, les Archives du Muséum, Travaux publiés
par cette Revue, Publication de la Flora Fluminensis, Projet d'ex-
position antropologique, Excursion dans l'Amazone, Résultats
obtenus. Le sixième volume des Archives, le Muséum au Congrès
de Berlin, Les antiquités de l'Ile de Marajé, Météorite de Bendegô,
par .1/. le conseiller Ladisldu Xetto G 1 : J
CHAPITRE XXII
Propriétés Industrielle et Littéraire. — Loi du 11 octobre 1882 sur
les brevets d'invention. Concessions de brevets, Marques de fabrique,
Propriété littéraire, Projets de loi à ce sujet, par M. /'.-/. de Santa-
Anna Nery 64o
CHAPITRE XXIII
Protection <l<» l'Enfance. — Compagnies d'apprentis de marine, Com-
pagnies d'artisans apprentis, Compagnies d'apprentis des arsenaux
de guerre, La protection de l'enfance abandonnée dans les pro-
vinces, L'Asile des enfants assistés à Kio-dc-Janciro, les Colonies
d'orphelins, par M. le baron d"Itajubd G53
CHAPITRE XXIV
Organisation judiciaire. — Organisation judiciaire à l'époque colo-
niale, Promesses faites par la Constitution de l'empire, Commenl
elles ont été tenues. Nouvelle organisation judiciaire, par M. le
conseiller S.-W. Mac-Dowell G7I
TABLE DES MATIERES. 099
CHAPITRE XXV
Arsenaux de Marine. — Force navale active, L'arsenal de Rio, Arse-
naux de province, par M. le capitaine de corvette M.-J. Alves-Dar-
boza 687
Compiègne. — Imprimerie Henry Lefebvre, rue Solierino, 31.
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Format de poche. In volume in-8° écu, avec carte, toile souple, fers spéciaux,
tranches rouges 3 fr.
IMP. NOIZK". IK. 8. RUE CAMPAGNE-PRBMIBBB, PARU.
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